Exposition

Un peintre, un tableau — Gao Xingjian

Texte : Gérard Henry

Gao Xingjian l’écrivain est aussi peintre, et ce, dès le plus jeune âge. Il considéra même un instant de faire les Beaux-Arts de Pékin sur le conseil d’un ami de sa famille, professeur aux Beaux-Arts qui avait vu ses œuvres de jeunesse, mais raconte-t-il : « ma mère est intervenue : “ Je ne me suis jamais opposée à tes choix, mais pour une fois dans la vie, écoute-moi, tu ne dois pas être peintre.” Car elle avait connu une génération précédente de peintres de Shanghai qui, très pauvres, vivaient en chambre de bonne à Paris et masquaient les trous de leur chaussure avec de l’encre. Je l’ai écoutée...». Pas complètement puisqu’il reviendra à la peinture qu’il pratique en alternance avec l’écriture. Et si l’on connaît Gao Xingjian, si l’on a lu La Montagne de l’âme, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre l’œuvre littéraire et picturale, toutes les deux émanations du monde intérieur d’un même homme. Non qu’elles se répètent mais plutôt qu’elles se prolongent l’une et l’autre, comme si là où les mots sont impuissants, les images prennent le relais. Alors que le langage écrit est linéaire et toujours fracturé, la peinture peut appréhender d’un seul regard un espace dans sa totalité.

Gao Xingjian différencie clairement l’écriture de la peinture : « J’attache une grande importance au son dans l’écriture, elle doit venir du corps, pas de l’intellect. En peinture, c’est l’inverse, on doit chasser les mots, les sons ». Si dans son écriture il innove en matière de langage, en peinture rien de cela, il utilise simplement le pinceau, l’encre de Chine et le papier de riz qui lui procurent un plaisir sans fin, dit-il. « J’écoute toujours de la musique quand je peins, attendant qu’elle fasse vibrer une corde dans mon cœur avant de commencer. Une fois touchées, les images coulent de moi et, avec le mouvement du pinceau et de l’encre, la musique donne un certain rythme à ma peinture ».

Images de son monde intérieur, ses « paysages » semblent toujours flottants, des lointains inhospitaliers où l’on ne sait si la nature est en train de se faire ou de se défaire, ultime frontière accessible à l’homme. Des images presque polaires où la vie n’apparaît que rarement sous la forme d’un oiseau immobile, d’une vague silhouette ou d’une maisonnette solitaire. Entrer dans ses encres, c’est entrer dans sa solitude, un monde crépusculaire ou l’on ne voit aucune trace du passage du temps, comme si le monde était déterminé à une perpétuelle errance.