Danse contemporaine

Temps-Espace-Corps-Media : danse de Berlin

Texte : Louis Jamelin

Samedi 4 novembre, à City Hall, Jo Fabien inaugurait avec « LightHouse » le programme de danse du « Festival in vision - Berlin in Hong Kong ». Le public est entré dans une salle remplie d’une fumée blanche épaisse et aveuglante, découvrant sur scène derrière un rideau de gaze, quatre silhouettes de femmes immobiles en long manteau, même silhouette, même chevelure blanche. Musique, danse, lumières, le décor est minimal : un grand carré au sol qui devient tour à tour rouge ou bleu, un autre grand carré vertical en décor de fond, divisé en quatre carrés écrans, plages pour les vidéos, les couleurs ou les jeux d’ombre car les danseurs peuvent circuler derrière. Beauté sobre et géométrique comme un tableau de Mondrian. La danse est au début très statique, presque imperceptible. « Lighthouse » est un bel exemple d’une danse au langage stylisé avec ses propres concepts surréels de temps et d’espace, un jeu d’ombre, de couleur et de lumière transportant le spectateur entre rêve et réalité. Les mots parlés ou projetés sur l’écran font partie de ce spectacle avant tout très visuel, fusion entre danse et théâtre, créé par ce chorégraphe dont on parle beaucoup et qui vient de Berlin Est.

Neuf groupes de danseurs/chorégraphes résidant à Berlin, mais de formation et d’origines diverses, présentent tout au long du mois de novembre dans le cadre du « Festival in vision - Berlin in Hong Kong » un panorama des dernières tendances de la danse berlinoise et par extension, européenne, puisqu’il existe un grand brassage de talents à travers toute l’Europe, danseurs et chorégraphes travaillant souvent ensemble sans souci des frontières nationales.

Le corps en tant qu’objet de réflexion, d’étude, d’analyse occupe une grande place dans ce programme. Il est exploré de l’intérieur et de l’extérieur, dans sa relation aux autres et à l’espace. Dans « L’autre et moi », présenté par la compagnie française Eolipile, la suisse Anna Huber et le taiwanais Lin Yuan Shang (ancien du Théâtre du Soleil) imaginent, pensent et créent une relation dans une danse très intime où les corps d’abord étrangers s’explorent et se reconnaissent. Le français Xavier Leroy formé à la danse à Berlin, ancien microbiologiste, combine les expériences de sa vie en laboratoire avec celles sur scène où, avec Stephan Pente, dans un atelier de danse « E.X.T.E.N.S.I.O.N.S. », il utilise ce que le corps « normal » peut faire à un niveau minimum d’énergie comme mouvement de base pour développer une chorégraphie, déstructurant ensuite le corps pour développer un travail original et neuf.

« Deux êtres, deux mondes, comme des planètes de différentes densités et rotations, Jutta Hell et Dieter Bauman, tournent autour de la scène de l’univers, chacun sur sa propre orbite » : « This is not a lovesong » est un « voyage vers la simplicité sans simplification », la recherche d’une confiance « primitive » entre l’homme et la femme au-delà de la bataille stéréotypée des sexes. Dansé sur un arrangement par Wolfang Bley-Borkowski de la grande fugue en B-Minor de Beethoven, c’est une tapisserie de sons, compelxes, fracturés qui forment une arche musicale sous laquelle évoluent les danseurs.

Les autres programmes sont également intéressants : Urs Dietrich présente « On The edge of the day » avec sur scène une simple chaise et une table. Il se transforme avec beaucoup d’humour en un humble homme d’affaires victime d’une crise de nerfs et désirant un changement dans sa vie. Thomas Lehmen explore dans « Distanzlos » à la fois sa situation personnelle et sa situation en tant que danseur, s’interrogeant et trouvant les réponses à travers le mouvement. Laurie Young emmène son public à travers différents styles, mettant un pied dans la danse populaire et créant son propre mélange « Ballet-Disco-Hip-Hop-Yoga-Kung Fu ». C’est donc un ensemble de spectacles et aussi, ne l’oublions pas, de nombreux ateliers tout au long du mois de novembre.