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Arts plastiques
Cubisme : La Section dor
1912 - 1920 - 1925
Cécile Debray*
Nu descendant un escalier (1912) Marcel Duchamp, huile sure toile, 146 x 89 cm. Philadelphia, Philadelphia Museum of Art, collection Arensberg.
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La Section dor, lexposition mythique de 1912, apparaît dans tous les récits et toutes les histoires de lart moderne.
Cest là que Marcel Duchamp présente son Nu descendant un escalier. Cest là que Kahnweiler découvre la peinture de Juan Gris. Cest à partir de la conférence quil y fait, « Le cubisme écartelé », quApollinaire reprend et achève son ouvrage Les Peintres cubistes. Cest là enfin que les artistes de lavant-garde des années 1910 se retrouvent, de leur propre initiative, au sein dune véritable exposition de groupe : Raymond Duchamp-Villon, Fernand Léger, Picabia, Albert Gleizes, Jean Metzinger, Marcoussis, Jacques Villon, et même Kupka, dont la participation na jamais été clairement confirmée.
Pourtant si la date est connue, lévénement lest beaucoup moins. La manifestation regroupait trente et un artistes, plus de deux cents uvres. Certes, lhétérogénéité du groupe, la profusion des styles, les débats esthétiques que lexposition a suscités, sa position de transition dans lhistoire du cubisme rendent son étude complexe.
La chasse (1911) Albert Gleizes, techniques mixtes (crayon, aquarelle, gouache, lavis dencre sur papier marouflé sur carton) 20.2 x 16.2 cm. Paris, Musée national dArt moderne.
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Picasso et Braque, « les peintres de la rue Vignon » comme on les appelle en 1912, nexposent pas auprès des artistes qui se sont regroupés momentanément autour dune volonté commune daffirmer librement un art moderne stigmatisé de « cubiste », terme que Gleizes et Metzinger reprennent commodément dans leur ouvrage Du Cubisme qui paraît au moment de lexposition.
Or, lhistoire du cubisme a été fortement déterminée par laction et les écrits du marchand Kahnweiler. Exerçant une politique dexclusivité sur ses artistes, Kahnweiler, esprit cultivé, a su également maintenir une émulation et un isolement altier autour de Braque et de Picasso pendant les années de production cubiste (1908-1913), en élaborant un discours critique et esthétique imprégné de philosophie kantienne et de théorie allemande de la Gestalt (psychologie de la forme) qui va fonder lhistoire idéaliste ou formaliste de la modernité.
Kahnweiler est soucieux dexercer une activité non seulement sur luvre de ses peintres quil nexpose quà létranger, mais aussi, de façon insensible, sur le discours théorique autour du cubisme. Il se montre ainsi très sévère dans ses nombreux témoignages postérieurs, vis-à-vis de la démarche de Gleizes et de Meitzinger, et des uvres des artistes « de Salons », ceux qui exposent au Salon dAutomne et au Salon des Indépendants hormis Léger quil présente dans sa galerie et Gris à qui il fait signer une de ses premières lettre-contrat dexclusivité, peu après louverture de la Section dor. La mise en place, brillante, dune orthodoxie cubiste à laune des toiles de Braque et de Picasso, ne donnait pas le moyen dappréhender à travers le prisme du cubisme, le foisonnement et la diversité des uvres de lavant-garde, tels quils apparaissent en 1912 à la Section dor.
Danseuse (1911) Alexandre Archipenko, ciment patiné à laide de pigments. Paris, Musée national dArt moderne.
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Cest ainsi que cet épisode fédérateur, collectif et porteur denthousiasme, a été, plusieurs années après, bien souvent minimisé, relu comme une sorte danomalie, par les acteurs eux-mêmes. Duchamp, alors fortement impliqué dans les débats sur les rapports entre mathématiques et peinture, ny voit quelques années plus tard, quune sorte de farce. Il rassemble et présente pourtant au public américain, dans les années 1929-1930, grâce à la Société anonyme quil fonde avec Catherine S. Dreier, les uvres de ses amis du groupe de Puteaux, Gleizes, Metzinger, Villon, Delaunay
Picabia, converti à Dada, renie ses premières amitiés jugées trop sentencieuses
Gleizes dans ses souvenirs, parle abondamment du coup de force au comité de placement du Salon des Indépendants de 1911, et ne dit pas un mot de la Section dor
Georges Braque, qui pourtant apparaît comme membre du comité directeur sur les statuts de la seconde Section dor, affirme à Dora Vallier, de nombreuses années après : « ni Picasso ni moi navons eu aucun rapport avec Gleizes, Metzinger et les autres (
) Eux ils ont fait du cubisme un système
ils ont fait de la spéculation qui na rien à voir avec la peinture. »
Le souvenir de 1912 est toutefois demeuré suffisamment vivace après-guerre pour quune seconde tentative de rassemblement soit lancée. La seconde Section dor fondée fin 1919 par Archipenko, Survage et Gleizes, se situe dans un contexte très différent. Il ne sagit plus de créer un lieu affranchi pour lavant-garde, en parallèle des salons officiels, mais davantage de construire une sorte dunion corporatiste, qui puisse offrir des opportunités dexpositions, notamment à létranger, à des artistes qui pour la plupart, ont formé lavant-garde des années 1910.
Les expositions itinérantes de cette nouvelle Section dor sont aujourdhui quasiment ignorées. Elle expriment pourtant la survivance dune esthétique mise en place en 1912, fondée sur une approche géométrique et réfléchie de la forme, qui génère tout un pan de création des années 1920-1930, du modernisme dun Léger au néo-plasticisme dun Mondrian en passant par les artistes du mouvement Abstraction-Création.
Larbre rouge (1912) Francis Picabia, huile sur toile, 92 x 73 cm. Pairs, Musée national dArt moderne.
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La dernière manifestation de la Section dor se situe en 1925 : organisée par une galerie, la galerie Vavin-Raspail, elle adopte un point de vue historique, en se référant à lexposition de 1912. La démarche est promotionnelle et la mise en uvre partielle. Pourtant lévénement qui reçoit un accueil relativement confidentiel dans la presse, offre un éclairage intéressant sur les deux pôles de notre chronologie : les artistes conviés sont invités à choisir deux uvres de 1912 et une uvre contemporaine des années 1920 ; de plus, seuls certains artistes, uniquement ceux de la première section dor, sont choisis auxquels on ajoute, pour obtenir un visage déjà plus orthodoxe ou plus unifié du cubisme, les uvres des grands manquants de 1912 qui, cette fois, acceptent dy participer : Braque, Picasso et Delaunay. Marcel Duchamp et Picabia ont disparu.
* Cécile Debray, commissaire de lexposition la Section dor est conservateur du Patrimoine, conservateur au Musée dArt moderne de la Ville de Paris. Le texte ci-dessus est un extrait du catalogue de lexposition publié en anglais et chinois par le Musée dart de Hong Kong.
Quest-ce que la Section dor?
La Section dor consiste en la division dun segment de droite en deux sements inégaux dans un rapport égal au nombre dor (nombre approximativement égal à 1,618). Elle prend pour base un carré, à partir duquel il est aisé de dessiner un rectangle dor.
Cest un mode de mesure des proportions et de composition relativement pratique pour les artistes puisquils peut se faire à laide dun compas ou dune équerre et dispense de faire des calculs.
Une uvre construite à partir de la Section dor offre à la vue des proportions qui nous semblent harmonieuses car elles sinscrivent dans une culture visuelle fondée sur une tradition ancestrale et occidentale, des Égyptiens aux symbolistes, en passant par Léonard de Vinci.
Réconcilier la tradition et le cubisme au sein de lavant-garde forme lenjeu essentiel de la Section dor de 1912. |
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