« Je suis né le 16 novembre 1956 à Foshan dans la Province de Canton. Foshan est lun des quatre anciens marchés célèbres de la dynastie Song. Ses sorcières, sa fonderie de bronze et ses ateliers de céramique ont fait sa renommée.
« Jai grandi sous légide de mon grand-père qui, au cours de son adolescence, avait bénéficié du mode déducation de la dynastie Qing. Il respectait les rites et les formes du savoir-vivre. Ma famille résidait dans le domaine dun grand propriétaire terrien appelé le voleur de poules Li, qui fut plus tard confisqué par le parti communiste chinois. Je garde encore la nostalgie de ce lieu, de son atmosphère de temple ou de palais, proche de la nature comme un chalet de montagne. Cest avec tristesse que jévoque les immeubles modernes construits aujourdhui à cet endroit.
« De 1956 à 1978, jai vécu dans la vieille ville de Foshan. Les écoles que jy fréquentais occupaient danciens temples taoïstes, confucianistes ou bouddhiques. Lenvironnement conservait lesprit et les usages du passé, avec leur mystère et leur religiosité, mais tout ce qui métait enseigné, ce que mes livres de classe mapprenaient était complètement et nettement coloré en rouge.
« En 1966, Mao proclame la grande Révolution culturelle. Je garde en mémoire une très forte impression de lévénement. Dans lancienne ville, tout soudain devint rouge, partout rouge : étoiles rouges, drapeaux rouges, murs et parois rouges ; rouge la bible de Mao, rouges les pensées, rouges les brigades...
« Cest en 1970 que je devins garde rouge. Les gardes rouges saisissaient les gros propriétaires terriens, les riches, les éléments contre-révolutionnaires, les méchants, les opposants, les démons à tête de buf, les génies à corps de serpent ; combattaient lélitisme, sopposaient aux notables, manifestaient le pinceau à la main par la peinture et lécriture leurs critiques au capitalisme et au révisionnisme en propageant les seules idées de Mao Tsé Tung.
« Voilà la raison pour laquelle je décidais alors dentreprendre des études dart. A la fin de ma dernière année du cycle secondaire, en 1973, je me suis inscrit à lInstitut dArt populaire de Foshan. Mes matières principales concernaient la peinture traditionnelle chinoise et la technique des collages sur papier. Les méthodes denseignement demeuraient traditionnelles : ainsi de génération en génération se transmettaient les secrets du métier.
« En 1978, à la fin de la Révolution culturelle, comme les universités accueillaient de nouveaux étudiants, je fus admis à lAcadémie des Arts de Canton dans la classe de peinture traditionnelle chinoise. Et ce qui ma le plus surpris au cours de mes quatre années de cours, cest que même dans cette discipline de peinture traditionnelle chinoise sappliquaient les méthodes et les principes réalistes de lAcadémie soviétique des Beaux-Arts.
« En 1982, après quelques mois détudes à Pékin, je suis nommé professeur à lAcadémie des Arts de Canton. Cest la même année que je fis la rencontre du vénérable prêtre taoïste Huangtao du temple Chong Xu des monts Luofu. Je le suivis en vue de recevoir une initiation au Tao. Simultanément je suivis lenseignement dispensé au temple bouddhique Guangxiao de Canton.
« Dès ce moment, je pénétrais dans un monde gris et noir. »
Yang Jie-chang |