Exposition

Par Gérard Henry

Jean Dubuffet

« Même ce seul mot d’art, je ne l’aime pas du tout et je préférerais qu’il n’existe pas et que la chose n’ait pas de nom. Quand les choses qu’on fait commencent à porter un nom, et qu’on est conscient de ce nom, et qu’on y pense en les faisant, le maniérisme arrive aussitôt et on cesse de les faire avec naturel, et les choses cessent donc aussitôt d’exister, du moins dans leur pureté. » Jean Dubuffet.

Toute sa vie, Jean Dubuffet tentera de se défaire de la connaissance acquise des choses, d’oublier notamment l’art occidental qu’il trouve engoncé dans un fouillis de références et d’académisme, et de porter sur les choses et les êtres un regard neuf.

Il fait partie de ces grands solitaires qui, dans l’histoire de l’art, se tiennent en marge, avant de faire soudainement irruption dans le magasin de curios et de tout chambouler au milieu de force cris, protestations et scandale. Ceci dit, tous ne se font pas remarquer avec la même véhémence, certains solitaires creusent en silence un sillon tout aussi profond, que l’on ne remarque qu’après coup. Henri Michaux lui aussi s’est par exemple aventuré sur des chemins inconnus et a, de la même façon, par les mots, le crayon et la ligne, tenté de parcourir de nouveaux espaces, peut-être plus intérieurs. Comparativement l’œuvre de Dubuffet est sans doute plus visible : une tentative d’appréhender le vivant sous toutes ses formes et dans son mouvement.

Le parcours de Dubuffet est atypique. Né au havre dans une famille de négociants en vins, il s’inscrit à l’école des Beaux Arts de cette ville en 1916, puis vient à Paris en 1918 où il fréquente pendant quelques mois l’Académie Julien avant de décider de travailler seul. Mais très vite, déçu par l’avant-garde, rapporte-t-on, il abandonne la peinture et se consacre dans la tradition familiale au commerce des vins à Bercy et ceci jusqu’en 1942, où il s’adonne à nouveau exclusivement à la peinture. Il a cependant recommencé à peindre dès 1933, et deux ans plus tard, cherchant de nouveaux moyens d’expression, sculpte des marionnettes et modèle des masques d’après des empreintes de visage. Dubuffet a en effet d’autres champs d’intérêt tels que la littérature, l’étude des langues anciennes et modernes, la musique qui, à divers moments prendront une part importante dans son œuvre. Ses premiers travaux de la fin des années quarante et du début des années cinquante feront des remous. Dubuffet veut tout oublier et repartir d’un geste ordinaire, naturel et spontané : « L’art doit naître du matériau (...), se nourrir des inscriptions, des tracés instinctifs. Peindre n’est pas teindre (...) Le geste essentiel du peintre est d’enduire (...) de la boue seulement suffit, rien qu’une seule boue monochrome, s’il s’agit seulement de peindre. » écrit-il dans ses Notes pour fins lettrés en 1946.

Dubuffet s’est beaucoup intéressé aux formes qui lui semblaient le plus près de cette spontanéité comme le graffiti anonyme sur les vieux murs, les griffonnages faits à la hâte dans les toilettes publiques et bien sûr le dessin d’enfant, car celui-ci est réalisé en toute gratuité sans conscience de faire de l’art ou de la représentation. C’est ce qui motive également son intérêt pour l’art brut dont il a collectionné les œuvres (aujourd’hui au Musée de Lausanne en Suisse), car il leur trouvait « un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l’art coutumier ou de poncifs culturels, et ayant pour auteur des personnes obscures, étrangères aux milieux artistiques professionnels ».

Dans cette recherche constante d’une œuvre vierge de toute référence culturelle, Dubuffet voyait une incompatibilité entre culture et création d’art : « celle-ci, écrivait-il dans une lettre à Asper Jorn, ne pouvant exister que dans la subversion contre la culture. (...) La culture est, en toutes nations, régentée par une caste dirigeante, qui par les moyens de la presse et de l’action d’état, l’oriente à son gré ». Dubuffet vise particulièrement les « biennales, attributions de prix, palmarès etc., et les corps constitués de critiques d’art, animateurs de musées et d’exposition » qui « tentent à confisquer de plus en plus à leur profit tous les moyens qui s’offrent à un artiste de communiquer avec le public ». Critique ambiguë car il en a également profité, mais relativement pertinente, car dans de nombreuses biennales ou expositions les commissaires ou autres professionnels de la culture sont souvent mis plus en avant que les artistes eux-mêmes. A l’heure du tourisme culturel, l’art s’officialise et devient pour les pays un outil de propagande.

Les premiers tableaux de Dubuffet sont dans une gamme brune, terreuse. Car Dubuffet a senti très vite qu’il lui fallait une matière tout aussi brute, et à portée de main, pour réaliser ses œuvres. Une matière proche du sol, qu’elle soit naturelle ou rebut de la civilisation : terres, cambouis, graviers, mais également mâchefer, débris d’éponge, vieux journaux parce qu’ils portent en eux des empreintes, empreintes et textures (linéaments de rocs, poussières de feuilles, vieux murs, rouilles) qui le fascinent car elles sont les marques d’une histoire minérale et humaine ancestrale. Les personnages de Dubuffet façonnés dans ces matières ont une présence forte, dense et inquiétante, car dans ces masses presque informes, il reste suffisamment d’humanité pour les identifier.

A partir de 1962, Dubuffet entreprendra avec le cycle de l’Hourloupe une œuvre plus rationnelle, où de grands puzzles bariolés, imbriqués les uns dans les autres, contiennent une riche imagerie, montrant par exemple le spectacle de la rue comme un chaos plein d’énergie et de couleurs (Paris circus).

Il transcrit le rythme de la vie dans des principes graphiques : utilisation des hachures, du rouge ou du bleu sur fond blanc qui caractérisent l’Hourloupe où le vivant, le langage et la pensée se rejoignent.

L’espace du tableau cependant ne peut suffire à Dubuffet qui va conquérir une autre dimension, celle du monumental et de l’architectural, où ses productions sont conçues, à l’aide du polyester expansé et de la résine, à l’échelle de la ville dans ce qu’il appelle la « peinture momentanée », des sculptures habitacles qui reproduisent les tracés et les couleurs de l’Hourloupe, telles la Tour aux figures (24 x 12 m - 1968), les Groupe des quatre arbres à New York (1972) ou le Monument à la tête debout à Chicago - 1984).

C’était dans son travail l’irruption d’énergies adverses et insoupçonnées qui l’exaltaient. Michel Theroz, conservateur de la collection de l’art brut à Lausanne, se souvient de l’avoir vu à plusieurs reprises dans son atelier, tomber en arrêt, médusé devant ses propres tableaux et cite à ce propos ces termes de Dubuffet : « C’est le propre de l’art de transporter toutes choses sur un plan insolite et de hautes surprises (...). Un artiste n’est content que si, regardant son œuvre terminée, il a le sentiment qu’elle n’est pas faite par lui. »

展覽

敖樹克 撰文

尚.杜貝菲

〝就是‘藝術’這一辭我也不喜歡,我寧願它並不存在,寧願這東西是沒有名字的。當我們所做的東西開始有一個名稱,而我們對這名稱又非常在意,每次做時候都記掛著它,便很容易產生虛榮心,這麼一來,我們所作的不再自然隨意,亦因為此,這東西便會馬上消失,或至低限到並不是以它最純正的形態出現。〞——尚.杜貝菲

終其一生,杜貝菲都致力擺脫對一切事物之既定知識,尤其是要忘掉被他認為受一大堆論據及形式主義拘束著的西洋藝術,並以全新的目光看事物和人。

杜貝菲是屬於藝術史上那一群性格孤僻的偉大藝術家之一,在他們突然在藝壇冒現,弄得天翻地覆,引起抗議和反對聲無數之前,他們都是活在邊緣以外,過著遺世的生活。但話說回來,並非所有藝術家的作為都是這般激烈,亦有些是獨自默默耕耘,後來在藝壇上留下的烙印同樣深刻。這令我想起Henri Michaux,他同樣亦是朝著未知的方向探索,以同樣的方法,企圖利用文字、鉛筆和線條來經歷各種新的、較內在的領域。比較之下,杜貝菲的作品無異是較顯明可見:是嘗試捕捉生命的每一種形態和動作。

杜貝菲的一生並不尋常。他出生於勒阿弗爾的一個餐酒批發商之家,一九一六年進入市內的美術學院攻讀,後於一九一八年抵達巴黎,曾有幾個月的時間經常出入茱利安學院,最後還是決定獨自工作,但據說沒多久便因為對前衛藝術感到失望而放棄繪畫,全心全意打理家族生意。直至一九四二年,他又再次專心繪畫。事實上,他一九三三年已再開始繪畫,不過在兩年後,為尋找新的表達方法,曾嘗試雕刻木偶和利用面部印模來雕刻面具的模型。杜貝菲其實也有其他方面的興趣,如文學、研究古代及現代語文,還有音樂,後者曾在不同的時候對他的作品起重要的影響。他四十年代及五十年代初期的作品曾引起極大的反應。杜貝菲希望忘掉一切,由一個自然、自發的動作重新開始:〝藝術必須產生自材料本身(……),從一些由本能引發的文字和筆劃中吸取養份。繪畫並不是染色(……) 畫家最主要的動作是往自己身上塗抹。(……)若只是繪畫的話,只需泥漿便足夠了,只需一團單色的泥漿。〞在他一九四六年所作的《 致睿智文人的備忘錄》(Notes pour fins lettres)中有這樣的一段話。

最能令杜貝菲感興趣的是一些近乎自發而生的形狀,如無名氏在破舊牆上的塗鴉,在公廁牆上匆忙的亂寫亂塗,當然還有兒童所畫的圖案,原因是這些東西並非為藝術或表演而作,而且都是沒有報酬的。亦是這些東西引起他對實驗藝術產生興趣,他還收藏了不少這類作品(現收藏於瑞士洛桑藝術博物館內),因他認為這些作品〝有自發性的特質和極具創意,而且甚少受一貫的藝術或老套文化的負累,加上,作者多是一些默默無聞的人物,不為藝術界專業人士所認識〞。

他不停地在尋找一種從未被任何文化引述的作品,而在尋找的過程中杜貝菲發現了文化與藝術創作之間一處不相容的地方。在他寫給Asper Jorn的一封信中有這樣的一番話:〝這不相容之處只會出現在推翻文化的時候。(……)每一個國家的文化都是由領導階層透過傳播媒介及政府活動來任意支配和引導〞。杜貝菲尤其針對那些〝雙年展、頒獎禮、獲獎名單之類等活動,以及那些由藝評家、藝術館及展覽會策劃人組成的團體〞,更認為他們〝愈來愈有意圖將所有為藝術家提供用來與公眾接觸的途徑據為己有〞。這批評有點不確切,因為他自己也有利用這類機會,但亦可說是中肯的,原因是在雙年展或展覽會這類活中,策劃人或其他文化界的專業人士的位置往往較藝術家們更為重要。在標榜以文化為推廣旅遊業的時代下,藝術的身份被官式化,成為了國家用來宣傳的工具。

杜貝菲早期的畫作都是採用同一系列的土褐色。理由是杜貝菲很早便感覺到他需要一種同樣是天然的,隨手可得的物料來創作他的作品。他需要的是一種接近大地的物料,無論它是天然的或是因文明開發而產生的廢料:泥土、污油、砂礫,但也有煤渣、海綿碎、舊報紙等。因為它們都帶有某些令他感到好奇的印記、痕跡和結構(岩石的輪廓線、葉子的殘渣、舊牆、鐵鏽斑),是自然界無機物和古代人類歷史遺留下的記號。杜貝菲以這些物料製成的人物均予人強烈不安的印象,原因是在一大堆笨重醜陋的形狀中仍隱若可辨認出人的樣式來。

自一九六二年起,杜貝菲著手創作一組以《時間放大鏡》 (Hourloupe) 為名,較為理性的作品,在一塊塊五彩繽紛、互相緊扣交疊的大型拼圖塊上有著大量的圖片,展現出一些充滿活力和色彩的混亂氣氛。他以繪圖方法將生活節奏記錄下來:採用輪廓線方法;在白紙上塗上紅色或藍色,這些顏色代表《時間放大鏡》或有生命的,是語言和思想的匯合。

然而,畫上的空間並不能滿足於杜貝菲的需要,他快將征服另一個領域,就是紀念碑式的和建築物的,他借助膨漲的聚酯膠及樹膠,按城市比例來製作一些被他稱為〝瞬息間的畫作〞的居所雕塑,如《Tour aux figures》 (24 x 12米 1968年)、紐約的《Groupe des quatre arbres》 (1972年)或是芝加哥的《Monument a la tete debout》 (1984年),在這些作品中他再次重覆採用《時間放大鏡》的輪廓線和顏色。

讓杜貝菲感到興奮的就是他作品中湧現出來那股敵對和意上不到的活力。洛桑實驗藝術館館長Michel Theroz憶記起曾有數次在杜貝菲的工作室內看到他跌座地上,看著自己的作品發呆,他還引述杜貝菲在這些時候所說的話:〝藝術的特性就是將所有東西轉移到一個異乎尋常和極度意想不到的層面上(……) 一名藝術工作者唯一能感到滿足的時候就是當他觀看自己完成的作品時感覺這作品並不是自己所作的。〞