Littérature

Texte : Jacques Laruelle

Tigre en papier

Au début des années 80, dans un quartier populaire de Buenos Aires en Argentine, la découverte d’empreintes de tigre avait semé parmi les habitants, pour certains la panique, pour d’autres l’hilarité. Comme le poète et romancier argentin Jorge Luis Borgès – ce fasciné de félins et de mystifications – y avait justement prononcé peu de temps auparavant une conférence, toutes les rumeurs allaient bon train…

En repérage dans la capitale argentine pour ce qui deviendra bien plus tard son recueil Paysages originels, l’écrivain français Olivier Rolin, laissant son imagination prendre le large, s’était dit que Borgès était peut-être bien à l’origine de cette farce.

Fouiller ainsi dans les anciens textes, articles et romans d’Olivier Rolin nous entraîne dans de surprenantes spirales pour peu que l’on croie à ces histoires qui ont « autant de sources que le Nil » comme il se plaît lui-même à le dire.
Puisant son inspiration dans la nouvelle fantastique de Borgès, l’Ecriture du Dieu, où un prêtre aztèque, en captivité aux côtés d’un félin, se rappelle la tradition selon laquelle « une formule divine, clé de l’ensemble de l’univers, est inscrite depuis les origines sur la peau des tigres », Olivier Rolin fait émerger d’autres tigres, en même temps que ses souvenirs.

Le « tigre de papier » était en effet l’expression par laquelle Mao stigmatisait l’impérialisme occidental. Tigre en papier est le titre du dernier roman d’Olivier Rolin et une allusion au précédent. L’auteur, ancien de mai 68 et de la Gauche prolétarienne, mouvement maoïste pour lequel Jean-Paul Sartre lui-même prit parti, fait revivre dans cet ouvrage sa soif d’absolu et ses espoirs de l’époque.

Les « Mille et une nuits » du périphérique parisien
Avec pour tout décor le périphérique parisien, ses nœuds de rocade et ses pancartes publicitaires de ce début du 21e siècle, notre héros Martin/Olivier Rolin tourne inlassablement au volant d’une vieille DS Citroën, autre emblème de l’époque, le temps de raconter sa jeunesse de révolutionnaire à la fille d’un défunt compagnon d’armes. De cercle en cercle, la course de la vieille DS permet au narrateur de revenir sur les souvenirs marquants de sa vie, ses actions de militant d’extrême gauche – trop sincères pour réellement aboutir – et la mort de son père dans le bourbier indochinois. Sans oublier sa déception du printemps 68 qui le fera passer aux armes pour un bref moment illusoire.

Ce dernier roman de Rolin, Tigre en papier, n’est ni un plaidoyer, ni un réquisitoire. De cet ouvrage se dégage surtout la grande tendresse de l’auteur pour ses anciens compagnons d’armes, pieds nickelés du terrorisme, qui ont eu le tort une fois dans leur vie, de croire à l’éternité.
Le livre a frôlé le Goncourt, mais le prix est allé à Quignard à la guigne de Rolin. « Je les “emmerde” », conclut l’écrivain dans un clavardage amusé (l’équivalent québécois du « chat » français) donné à l’occasion du Salon du livre de Montréal.

Mais qui est donc Rolin, cet étonnant voyageur ?
Olivier Rolin est né en 1947 à Boulogne-Billancourt. Son enfance se déroule au Sénégal. Normalien, journaliste, sa carrière le porte aux quatre coins du monde (Afghanistan, Liban, Pologne, Argentine…) pour Libération et le Nouvel Observateur. Ensuite c’est l’aventure littéraire avec un premier livre en 1983, Phénomène futur. Une dizaine suivront, dont les plus marquants restent Port-Soudan (Prix Femina 1994), Méroé et surtout l’ambitieux L’invention du monde. Dans ce beau roman fou se trouve une parabole de l’œuvre entière, qui, toujours, cherche à réinventer le monde. Comment faire le tour du monde en 48 heures ? En collectant le 21 mars 1989, jour d’équinoxe du printemps, plus de 500 quotidiens de la planète entière. Au fur et à mesure que le jour se lève sur la planète, Rolin nous fait découvrir à partir de ces journaux, une myriade d’histoires et de faits divers qui recréent ce monde dans tous ses soubresauts. Puis Port-Soudan, sorte d’esquisse de Méroé. Toujours ces êtres perdus sous les Tropiques qui ressassent leurs souvenirs, faisant leur la phrase d’Umberto Eco « L’important ce n’est pas tellement d’avoir des souvenirs, c’est toujours de régler ses comptes avec eux ». Le narrateur de Port-Soudan n’attend plus rien des siens alors que celui de Méroé fera tout pour les faire revivre mais sans vraiment y croire. Il parle aux autres mais ne les entend plus, ils n’existent qu’en tant qu’oreilles compatissantes à ses plaintes. Il s’essaye à renouveler des amours passées, tout en caressant le lourd rêve d’être ce beau Rimbaud d’Abyssinie. Il terminera sur la grande roue foraine de Khartoum à absoudre le temps en parfait écho à l’éternel retour du destin. C’est que Rolin est amoureusement obsédé par ces héros finis, perdus dans l’immense vide des déserts d’Afrique « ces lieux où le malheur du monde éclate le plus ». Pourtant, rien de pessimiste là-dedans. Au contraire. Juste le penchant des vies qui se cherchent ailleurs.

L’après Tigre en papier se profile, Rolin dit écrire sur des lieux anonymes, notamment les chambres d’hôtel. Le fil conducteur reste un mystère. Un peu comme quand on se laisse aller sur une grande roue et qu’à la descente on ne sait plus trop si le forain va enclencher un second tour pour notre seul plaisir. Les chemins de Rolin restent énigmatiques.

文學

 

《紙老虎》

八十年代初,在阿根廷布宜諾斯艾利斯的一個平民區內發現老虎的足跡,這引起了當地居民不同的反應,有些大感恐慌,但亦有感到可笑的。而剛好詩人兼作家波赫士(Jorge Luis Borgès) ——這位對貓科動物特別著迷又愛故弄玄虛的人——在不久前曾在那兒主持一個研討會,因此各種傳言便不脛而走……

法國作家奧利維耶.羅林(Olivier Rolin)那時正在阿根廷首都為他那部很久之後才完成的文集《原始風景》(Paysages originels) 作資料搜集,這消息令他的想象力有如脫韁野馬,他還認為這一切很可能是波赫士開的玩笑。

因此,當我們深入研究奧利維耶.羅林從前所作的文章、報導及小說時,只要稍為相信那些故事,便會被捲進一重又一重令人意想不到的漩渦中,這些故事曲折蜿蜒,分支如羅林本人常戲言〝多如尼羅河的源頭〞。
奧利維耶.羅林從波赫士的一篇短篇荒誕故事《上帝的文字》(Ecriture du Dieu)(當中講述一名阿茲特克裔神甫被困在一隻老虎身邊時想起一則傳說,內容是〝一種能破解整個宇宙奧秘的神奇公式早在盤古初開的時候已紀錄在老虎的皮毛上〞)中掏取創作靈感,之後創作了其他的老虎,同時也創造了他的回憶。

〝紙老虎〞一詞事實上是毛澤東用來譴責西方帝國主義。《紙老虎》(Tigre en papier) 是羅林的最新小說作品之書名,也是對前者的影射。作者本人曾參與一九六八年的法國五月革命,與作家沙特同屬左翼無產階級份子,是毛澤東主義的信徒,小說中顯示出他對那個年代的極度渴望和期望。

巴黎環迴大道的〝一千零一夜〞
作品的唯一佈景是巴黎的環迴大道,環形公路上的多個交匯處林立著介紹本世紀新流行產品之廣告牌,書中的主角馬田/奧利維耶.羅林駕駛著一部殘舊的雪鐵龍DS(當年的另一標記)不停地在環迴大道上打轉,一邊向已故戰友的女兒講述自己年輕時革命的光輝歲月。老爺車在路上奔馳,一圈又一圈的,讓敘事者重新回味著昔日生命中留下之深刻記憶:曾以極左派戰士的身份參與戰鬥活動——可惜因太過真誠而未能真的成功——以及其父在印支半島的泥濘中身亡,還有一九六八年春天那場令人失望的革命,在夢一般短暫的時間內他曾是一名真正的戰鬥士。

羅蘭的新作《紙老虎》既不是對當年往事作辯護,亦不是提出指控。但作品卻散發著作者對當年舊戰友的關懷,這班人犯了生命中一個重要的錯誤,就是相信永恆。
這作品差一點點就奪得龔固爾獎,羅林的運氣較差,獎項最後被吉尼亞奪得。〝我才不放在眼裡〞,他出席蒙特利爾舉辦的書展時在一個聊天節目中曾這樣說道。

但究竟羅林,這位奇異的旅客是何許人也?
奧利維耶.羅林一九四七年在法國布諾涅-比朗古出生。在塞內加爾渡過其童年。在高等師範學院接受教育,職業是記者,曾替《解放日報》(Libération)及《新觀察者》 (Nouvel Observateur) 到世界不同的角落(阿富汗、黎巴嫩、波蘭、阿根廷……)作採訪工作。之後開始其文學旅程,於一九八三年出版了他的第一部著作《未來現象》(Phénomène futur)。隨後又創作了十多部作品,其中最突出的仍然是曾奪得一九九四年婦女文學獎(Prix Fémina)的《蘇丹港》(Port-Soudan) 、《梅羅艾》(Méroé)以及滿有抱負的《世界的創造》(L’invention du monde)。在這部精采的巨著中可以發現一個有關羅蘭全部作品的寓意,他的作品一直都在探索如何重新創造世界。究竟如何能在四十八小時內環遊世界呢?很簡單,就是透過搜集地球上五百份一九八九年三月廿一日春分那天出版的日報。當太陽逐步在地球上升起,羅蘭藉這些日報讓我們發現數不清的故事和社會新聞,而這個世界就是在這些故事和新聞的顛簸掙扎中重新誕生。繼而是源於《梅羅艾》的草稿之《蘇丹港》。內容都是講述一些迷失在熱帶地區的人,他們反複懷緬著過往的回憶,借作家安伯托.艾可(Umberto Eco)的一句話送給他們:〝重要的並不是有沒有回憶,而是要不停地處理那些回憶。〞《蘇丹港》的敘事者對自己的回憶已沒有任何期望,相反,《梅羅艾》的敘事者卻盡一切可能令自己的回憶不滅,雖然是沒有多大的信心。他喜與別人談話,但別人的話他卻一點也聽不進去,這些人對他來說只不過是一雙聆聽他抱怨,有同情心的耳朵而已。他嘗試重燃昔日的戀情,可惜滿腦子仍懷緬著自己還是當年那俊俏的Rimbaud d’Abyssinie的笨想法。他最後死在蘇丹首都喀士穆的一座遊樂場的摩天輪上,臨終前終於接受光陰的流逝,這正好完美地反映出命運的輪迴。可是,羅林對那些迷失在非洲茫茫大漠中,已到了生命盡頭的過氣英雄有說不出的鍾愛和著迷。然而,這並不是悲觀的表達,相反,只是對一些傾向在他鄉互相尋覓的生命之寫照。

當《紙老虎》出現之後,羅林說那是寫有關一些不知名的地方,譬如酒店的房間。故事的導向主題仍然是一個謎。就像我們坐在摩天輪上任由摩天輪轉動,直到停下來也不知遊樂場會否只為我而再一次啟動機器。羅林的方向仍然是謎一般不可捉摸。