Cinéma

Texte : Jacques Laurelle

Chris Marker : « Mémoriser le passé pour ne pas revivre l’illusion du XXe siècle »

« L’objectivité n’est pas juste, ce qui compte c’est l’élan et la diversité », le prêche du convaincu : Christian Bouche-Villeneuve alias Chris Marker. Un des plus mystérieux écrivain, cinéaste, photographe et éditeur du siècle passé et du siècle qui s’ouvre. La réédition en format dvd de son film le plus célèbre La jetée accompagné de Sans soleil nous permet de revivre le parcours de ce jeune homme de 82 ans ! Homme sans biographie et sans visage, disparu à la manière d’un Thomas Pynchon qui ne refait surface que toutes les décennies pour nous remettre les choses au clair. Il ne nous reste donc plus qu’à deviner une vie ou un passé rêvé à la lueur de ses œuvres.

Selon certaines sources Chris Marker voit le jour le 21 juillet 1921 dans le quartier parisien de Belleville. Sa première vocation est l’écriture. Après la publication d’un essai sur Giraudoux suit le roman Le cœur net (1949). Entre du Malraux et du Saint-Exupéry, Le cœur net serait une épopée se déroulant dans le monde de l’aviation. Par la suite, il fondera une nouvelle collection au Seuil : Petite planète. Cette création lui permettra de vivre pleinement sa passion insatiable du voyage et du reportage photographique. Son premier film documentaire Les statues meurent aussi (1953) en collaboration avec Alain Resnais est un brûlot contre la colonisation française d’une partie de l’Afrique noire. Les voyages continuent : Russie, Chine, Sibérie, Cuba et leurs sauts historiques seront captés par l’œil de Marker. Un œil militant certes, mais pas dupe. Il ne tombera que rarement dans les apologies d’un système. Par exemple en 1958 dans le documentaire Lettre de Sibérie qui s’ouvre sur un remaniement d’une phrase de Michaux « Je vous écris du pays de l’obscurité », il propose quatre commentaires sur une même scène de construction ferroviaire : celui d’un pro communiste, d’un anticommuniste, un « purement informatif » et un quatrième laissé aux bons soins du spectateur.

Durant le tournage de Joli mai (1962) – pour se dégriser du « cinéma direct » – Marker photographie selon ses termes « en écriture automatique » une histoire à laquelle il ne comprend pas grand chose. Après le montage de ce puzzle en sort La jetée. Film ovni en photo noir et blanc et voix off qui depuis ne cesse de fasciner des générations de cinéphiles. Dans un monde ravagé par une apocalypse nucléaire, un homme se retrouve à voyager dans son passé. 29 minutes intenses pour résoudre l’énigme du début "Ceci est l'histoire d'un homme marqué par une image d'enfance. La scène qui le troubla par sa violence, et dont il ne devait comprendre que beaucoup plus tard la signification, eut lieu sur la grande jetée d'Orly, quelques années avant le début de la Troisième Guerre Mondiale". Kafka et un soupçon de K.Dick pour des images qui vous hantent, on comprend mieux ce qui a plu à l’ex Monty Python Terry William lorsqu’il en fera un remake plutôt bien réussi dans L’armée de douze singes (Twelve Monkeys). La mémoire, l’oubli, les instants décisifs où « modifier le passé n’est pas modifié un seul fait ; c’est annuler ses conséquences qui tendent à être infinies. En d’autres termes, c’est créer deux histoires universelles ».

L’auteur de Sans soleil reste presque « schizoïde » face à ces questions. Toutes les nouvelles armes technologiques comme le CD-Rom ou l’ordinateur lui offriront d’autres manières de prolonger ses recherches. Immemory (CD-Rom) et ses liens hypertextes empêchent à l’homme d’avoir une mémoire trop courte. Dans son dernier film Level 5 (1996) une jeune veuve bâtit son amour autour de l’ordinateur de son mari. « Dans la recherche de la vérité et de l’histoire », elle revient en même temps sur les événements tragiques de l’île d’Okinawa pendant la seconde guerre mondiale.

Dans une rare interview via internet pour le quotidien Libération le mois dernier, Marker parle de son intérêt pour l’actualité, les technologies. Ses dégoûts aussi. Aujourd’hui, sa joie serait plutôt du côté de la littérature.
La jetée est maintenant loin, plus de quarante années ont passé. L’œuvre de Chris Marker reste un témoignage oblique du siècle dernier. On en ressort rarement indifférent. L’ouverture d’esprit dont fait preuve Marker reste un modèle pour tout le monde : à la question « Les voyages à répétition vous ont-ils prévenu contre les dogmatismes ? » réponse de l’intéressé « Je crois que j’étais prévenu à ma naissance. J’avais dû beaucoup voyager avant ! »

電影

 

克里斯.馬克:〝記住過去,拋開二十世紀的幻想。〞

〝客觀性並不正確,激情及多樣性才是主要的〞,克里斯蒂安.布什-維爾納夫,又名克里斯.馬克深信不疑地這樣宣稱道。他是上世紀伊始最神秘莫測的作家,電影藝術家及出版者。他最負盛名的影片《防波堤》(La jetée)及《沒有太陽》(Sans soleil)已製成影視光碟再版問世,使我們可以重溫這位八十二歲老人年輕時的心路歷程。人們不知道他的生平,不認識他的面孔,他以托馬斯.平瓊的方式消失了。托馬斯.平瓊每隔十年便冒出來一次,為我們清理一些事情。現在,我們只有透過他的作品來窺視他的一生或者說如夢般的往事。

據一些資料所載,克里斯.馬克於一九二一年七月二十一日出生於巴黎的貝爾維爾區。他最初的職業是寫作。在發表了一篇有關吉羅杜的評論之後,小說《潔凈的心》(Le cœur net)便接著問世。風格介乎馬爾羅與聖.艾蘇伯里之間,《潔凈的心》可謂發生在飛行世界裡的一部史詩。後來,他在Seuil出版社創辦了《小行星》(Petite planète)叢書。這個舉措極大地滿足了他週遊世界及作圖片報導的永不枯渴的熱情。他與阿倫.雷里合作拍攝的第一部紀錄片《雕像也會死亡》(Les statues meurent aussi)是對法國在黑非洲的殖民統治的鞭撻。他繼續他的旅程:俄國、中國、西伯利亞、古巴。並以敏銳的眼光捕捉了這些國家波譎雲詭的政治。當然他的眼光是戰鬥的,但決不上當受騙。他很少為某一制度辯護。例如在他一九五八年拍攝的《西伯利亞來函》(Lettre de Sibérie) 這部紀錄片裡,對建造鐵路這同一場戲,他就提出了四種不同的解說詞:親共產主義的、反共產主義的、〝純信息〞的及讓觀眾自行裁奪。《西伯利亞來函》這部影片對米肖〝我從一個黑暗國度給你們寫信〞這句話作了改寫,重新詮釋。

一九六二年拍攝《漂亮的五月》(Joli mai)期間,為擺脫〝直接電影〞,他以他所謂的〝自動寫作〞的手法拍攝了他並不太瞭解的一個故事。經過如同拼圖遊戲的剪輯之後,《防波堤》這部影片誕生了。這部仿似不明飛行物體、只有畫外音的黑白片,從此迷倒了一代又一代的電影愛好者。影片描述在一場原子浩劫後的世界,一個人重新經歷了他的往昔歲月。在內容緊湊的二十九分鐘裡,試圖解開最初的謎底。〝這是一個帶著童年印記的人的故事。那個暴力令他局促不安,許久之後他才明白其含義的情景是發生在第三次世界大戰開始幾年的奧利大防波堤上〞。片中纏繞人的影像,有卡夫卡及一點K.迪克的影子。
泰利.威廉後來重拍了這部戲,改名為《十二猴子》,並獲得相當成功。他究竟喜歡《防波堤》中的甚麼。大家就更了然了。記憶、忘卻、決定性的時刻。在這些時刻裡〝改變過去並非只改變一個事實,而是取消那趨向永不休止的後果。換言之,即創造兩個不同的世界史。〞

面對這些問題,《沒有太陽》這部影片的製作者幾乎成了類精神分裂症患者。一切新科技如CD-Rom或電腦,都為他提供了延伸其研究的手段。《Immemory》(CD-Rom) 及超文本聯系使人們不至太善忘。在他的近作一九九六年拍攝的《Level 5》一片裡,一個年輕寡婦圍繞著丈夫的電腦編織愛情。〝在尋找真理和歷史〞同時,她回到了二次世界大戰期間沖繩島的悲慘事件中。

上個月,他罕有地透過互聯網接受了《解放報》(Libération)記者的採訪。他談到了對時局、對科技的關心,也談到了他的厭惡。今天,他的興趣可說轉向了文學。四十多年過去了,《防波堤》已離我們遠去。克里斯.馬克的作品是上個世紀的間接歷史見證。看他的作品很少不為之感動。

馬克所表現的開闊的精神境界是眾人的楷模。〝頻頻的旅行是否可令你避免教條主義?〞對這個問題,有心人的回答是:〝我想我與生俱來
便得到免疫。這大概是之前我已經遊歷了很多地方。〞