Art digital vidéo

Texte : Laurence Hazout-Dreyfus (Commaissaire de l’exposition)

Cinématiques : de nouveaux langages

L’exposition itinérante « Art digital vidéo » réunit en un double DVD une sélection de 32 séquences de cinématique numérique. Elle s’attache à montrer comment les artistes ont poussé les limites de ces nouveaux outils pour nous donner à voir un contenu totalement renouvelé, autrement abouti, avec des approches esthétiques, conceptuelles, abstraites et critiques qui nous font oublier la technique pour nous transposer, nous immerger dans les univers si riches en imaginaire, images, couleurs — jusque dans une nouvelle idée — de l’art digital. Ces images sont un héritage direct des expériences et inventions géniales, devenues des références historiques que sont Le voyage dans la Lune (1902) de Georges Mélies, Les téléviseurs préparés (1963-1965) de Nam June Paik, Sleeping on Glass (1999) de William Kentridge.

Novateurs et inclassables, ces inventeurs d’images empruntent des voies multiples et polymorphes : films d’animations, flash, net art, images de synthèses, images numérisées. Cette génération entre dans le 21ème siècle en occupant une place prépondérante dans la culture interactive et électronique (musique, graphisme). Plusieurs réels se confrontent et se confondent, et on observe une appropriation des figures narratives sous la forme de jeux ou de fictions interactives qui progressivement se détachent des vidéos traditionnelles.

Les images-relations
Les séquences montrées ici présentent des caractéristiques étonnantes et traduisent le médium d’où elles sont issues. L’esthétique de la communication et l’esthétique participative sont perceptibles dans cette présentation qui occulte pourtant toute possibilité d’interaction de la part du spectateur. Nous sommes en présence d’images-relations issues du multimédia, qui portent en elles les caractéristiques de l’interactivité, et qui permettent un dynamisme de cette jeune création. Outre les propos de chaque artiste, on peut s’interroger sur le pouvoir critique de ces œuvres, lorsque la création artistique épouse et s’approprie différentes stratégies du spectacle et du divertissement.
Grâce à la technique de l’animation, les images à découvrir sur l’écran contiennent des rythmes, des couleurs et des formes insoupçonnées. Elles donnent à voir une manipulation et s’offrent comme résultat ou accomplissement d’une interaction. Voilà le point central de cette exposition qui, même si la participation n’est pas permise, met en évidence la relation de ces images à un outil et à une possibilité d’interactivité — images qui, avant tout, présentent de nouvelles caractéristiques tant esthétiques que techniques. C’est en définitive une sorte de cartographie des interactions qui est contenue dans les images de cette exposition.
C’est tout naturellement qu’émerge, dans ce nouveau paradigme artistique, le jeu vidéo. Un lieu de tous les possibles qui met en place une esthétique du ludique et du divertissement tout en réfutant la distinction Brechtienne entre réel et scène. Le jeu vidéo, dans la continuité de l’idée post-moderne du flux et des réseaux, permet aux artistes de contester des utopies telle que le « glocal », ce néologisme élaboré dans la perspective de résistance des cultures locales face au phénomène de la mondialisation. Seule une œuvre multimédia permet d’appréhender cette notion de flux, d’échange, d’absorption, de récupération et de contamination, car c’est ainsi que fonctionne le rhizome* (Deleuze et Guattari, Mille Plateaux). Le jeu est une alternative à la soumission et à la passivité face au monde du spectacle et c’est aussi — et surtout — le lieu où se rencontre l’actuel et le virtuel. En s’appropriant l’univers du jeu vidéo, des artistes proposent donc une réflexion sur le monde.

Cinq axes de réflexions autour de l’animation comme processus
L’exposition aborde d’abord une réflexion sur le médium lui-même, avec l’animation 3D. Certains artistes mélangent le réel et le virtuel dans un va-et-vient incessant où le récit est altéré dans sa structure même pour nous donner à voir une circulation entre différentes histoires ou microrécits (Pierre Giner). De nouvelles formes d’écriture émergent, qui mettent en place de nouveaux systèmes de lecture pour le spectateur, images artificielles dont l’interprétation dépend malgré tout d’un vécu physique (Décosterd et Rahm)… Pour Matthieu Briand, les séquences animées seront basées sur l’opposition entre l’extérieur, inconnu, et l’intérieur, à la fois lieu de repli mais aussi de connexions et donc d’ouverture sur le monde… Par le mouvement suggéré dans l’animation émerge la notion de circulation et de flux propre aux réseaux. Ce premier axe met en lumière la diversité des propositions et le dynamisme de ce nouveau champ artistique, qui fait apparaître un phénomène de glissement de territoires entre l’art et l’industrie du jeu, la publicité ou encore l’animation.

Le numérique permet également aux artistes une recréation de soi et de son identité dans des univers fantastiques, mettant à l’épreuve la résistance du réel, et donnant naissance à un nouveau champ de tous les possibles. Art Digital Vidéo présente une sélection d’œuvres traitant de l’identité et surtout, proposant de nouveaux corps. Reconstruction de son corps et de l’identité : ce sont les thématiques de Zilla Leutenegger, où la convergence du réel et du virtuel affirme la non-opposition qui semblait pourtant exister entre les deux, ou encore celles du collectif Kolkoz, de Croubalian et Novarina ou de Feng Mengbo, qui utilisent les possibilités du « bot » pour se créer un avatar à leur image, nouveau type d’autoportrait dynamique et interactif permettant une totale reconstruction de soi et la proposition de nouveaux corps par des procédés tels que l’hybridation…
L’exposition met également en lumière le potentiel de création et de confrontation de différents modes de représentation de la réalité, en immergeant le spectateur dans un espace où tout — tant sa perception que les modalités de son appréhension — est modifié. Ces images-relations présentent souvent la caractéristique de la fiction interactive : les images contiennent en elles-mêmes la structure narrative du récit dans lequel elles s’inscrivent. Loin de l’indétermination, les récits sont structurés avec un surcroît de précision, tant dans leur contenu interne que dans leur possibilité d’interactivité externe. Des images qui sont donc dotées d’une forte autonomie malgré la complexité des relations possibles entre elles aussi bien qu’avec des auteurs/spectateurs ou plutôt des manipulateurs/spectateurs.
Sont aussi montrés des artistes qui mettent en place de nouvelles formes de narration grâce à ce médium qu’est la vidéo numérique : pour Martin Le Chevallier, il s’agira d’un jeu de dilatation ou d’accélération mêlant différentes temporalités, du temps de la narration au temps de l’action en passant par le temps de la mémoire.

La subversion n’est évidemment pas absente de ces propositions, qui l’utilisent à la fois pour porter un regard critique tant sur le monde que sur le médium qu’ils utilisent. Réflexion sur les stéréotypes de la violence urbaine à travers des parodies de jeu de combat (Laurent Hart et Julien Alma), « mise en crise » de la violence véhiculée par les jeux vidéo en neutralisant littéralement les possibilités de ce dernier (Palle Torsson), modélisation de la géographie des banlieues américaines aussi aseptisées que déshumanisées (Sven Palhsson)... les artistes réussissent très précisément à tenir un propos critique, en s’emparant de ce médium (qui permet de travailler par accumulation, répétition, inversion ou juxtaposition pour accentuer et inverser des phénomènes ou des défaillances du quotidien) comme d’un véritable kaléidoscope dont les miroirs déformants refléteraient la société et ses travers.
Le dernier aspect abordé par l’exposition est la capacité réflexive de cet outil, pris comme un moyen d’intégrer et de réfléchir sur-le-champ de l’art lui-même. Avec un travail sur la forme et l’informe à travers de nouvelles abstractions animées, les artistes proposent un va-et-vient entre notre perception du réel et la géométrie inhérente au médium. Une sorte de cubisme en mouvement où les déformations d’objets se présentent comme des démonstrations durant lesquelles les objets se déploient devant nous, se transforment, mutent pour donner à voir des formes non pas inédites mais bien au contraire ancrées dans une tradition de l’art pictural. Ce jeu de déformation et d’abstraction permet une mise en évidence du processus de fonctionnement par calcul et par équation mathématique complexe. Nous sommes dans des univers de calcul et de prédétermination où il est difficile de savoir ce qui est géré par la machine.

Les images du « tout est possible »
De par leur diversité, ces images mettent en place de nouvelles esthétiques liées à de nouvelles formes de narration, car la relation est avant tout une forme de récit. Les images utilisées ou créées pour les jeux posent le problème de la distinction entre l’actuel et le virtuel, car l’image numérique est soit la retranscription d’une saisie sur le réel (image numérisée), soit une image générée par l’ordinateur par le biais d’un moteur 3D (image de synthèse). Ces images surnaturelles présentent des particularités esthétiques étonnantes ; l’effet de pixellisation et de flottement, l’aspect intensément lumineux des couleurs ainsi que l’opposition entre l’effet de perspective sans fin et le rendu très plat des images numérisées sont autant d’indices sur la mise en défaut de notre perception. Ces images ne sont pas en opposition au réel mais tentent de recréer virtuellement certaine de ses caractéristiques.

* Selon Deleuze & Gattari, la structure d’Internet est simulaire de celle d’un rhizhome : une carte avec de multiples points d’entrées, une multiplicité de connections, sans aucune hierarchie entre elles.

藝術數碼錄像

 

電玩動畫:最新的語言



展覽旨在展示藝術家如何充份發揮這種新的創作手段,為觀眾呈現了全新的內容。藝術家用另類的方式創作影象,這些方式包括美感的、概念的、抽象的、批判的…… 不一而足,產生了直承喬治米尼、白南準、威廉康德列治等前輩作品風範的影象,令我們幾乎忘卻了創作人所要轉移的技術,而只顧浸淫在一個充滿想像力和創意、聲色並茂的數碼藝術國度。

是的,影象創作人用盡各種多元的方法,透過創作動畫、網頁動畫、網絡美術、電腦影象、數碼影象,為觀眾帶來了這些創意四溢,無法歸類的作品。迎接廿一世紀的降臨,這一代的創作人讓互動及電子文化(無論是音樂抑或圖象)扮演愈來愈關鍵的角色。現實跟各種虛擬真實相遇相融,藝術家通過互動電子遊戲或互動虛構文本這些形式,挪用既有敘事中的人物、角色,產生的作品已愈來愈有別於傳統錄像。

觀眾可循以下五條路線欣賞這批作品:藝術數碼錄像的實驗可能性、尋找身份及虛擬身體、向幻想世界提問、批判工具與顛覆美學、由〝影象-關係〞到抽象影象的抽象化。影象-關係展出的作品既充滿驚喜,又能充分表現所屬媒體的特性。作品體現的溝通美學和參與美學,反而可能令觀眾吝於互動。我們從以互動為特性的多媒體借用了〝影象-關係〞這個名詞。撇開每個藝術家的創作動機不論,當他們的藝術創作採用和挪用了戲劇或娛樂節目各種點子,我們大可質疑它們的批判力量。

也許得多謝動畫技術的發展,觀眾不會懷疑熒幕上影象的節奏、顏色和形狀。於是觀眾甚有可能自以為完成了互動,其實卻被操縱了。這正是展覽的中心課題──即使根本不可能互動,仍去強調這些影象的工具關係,以及互動的可能性。首要的畢竟是,這些影象同時具有美感和科技的特性。當愈來愈有需要從量上為作品作編目時,分類的困難立即顯現出來,且讓我們集中思考這些新式影象面對的藝術挑戰。

錄像遊戲自然而然成為這新藝術範式的常客。布萊希特要區分舞台和現實,但這具備一切可能,實現娛人美學的國度卻要混淆箇中界線。延續後現代流動和網絡系統概念的錄像遊戲,讓藝術家有機會去爭奪烏托邦,像〝全球/本土化〞── 鑒於本土文化對全球化趨勢的抗拒,因而造了這個新詞。只有多媒體作品,才可以把種種流動、交換、吸收、恢復及污染的命題共冶一爐,就像德勒茲和伽塔利在《千山台》中所說,形成一個地下莖狀糾結的功能系統。錄像遊戲以戲劇世界的面貌,為被動和屈從提供了另一個選擇,而最重要的是,錄像遊戲也是現實和虛擬相遇的地方。藝術家挪用錄像遊戲的世界,對現實世界作出了反思。

關於動畫作為一個過程的五線思考這展覽首先處理的是以立體動畫思考媒體本身。一些藝術家在那些不停又前又後的開關手掣中結合了現實和虛擬,令觀眾可以實際看見不同敘事的轉換。(皮亞金勒作品)一些作品則展示了新式書寫,既為觀眾實現了新的解讀系統,也製造了讓身體經驗決定詮釋內容的影象。(尚基利迪高斯坦及菲利普拉姆作品)…… 至於馬菲拜安,對他來說,動畫大抵是內、外與不可知因素的對立結果,同時是退出、聯繫和向世界開放的領域。……透過動畫內的動作,產生了專為網絡系統而設的循環和流動概念。作為第一線思考,這批作品突出了藝術跟電子遊戲工業、廣告以至動畫之間的交滲現象,令觀眾關注到這藝術新領域的多元動態。
數碼系統容許藝術家在幻想世界重新創造自我和身份,因而考驗了現實的抗拒能力,開啟了邁向無限可能的大門。〝藝術數碼錄像〞收錄了一批處理身份問題以及(更重要的)建立身體新觀念的作品。重建一己身份與身體正是施拉紐坦納加作品的主題。她的作品把現實與虛擬匯聚起來,肯定了彷彿總存在於兩者之間的非對抗性。同一主題也見於高爾高斯、洛娃蓮娜、克盧巴利安或馮夢波等人的作品。他們把甚至自己的形象搬入作品,儼然繪製了一幅幅動態和互動的新型自畫像,說明完全可能徹底重建自我,並且可以透過像雜混之類的過程,建造起新的身體。

透過用一切(包括感知和理解模式)都可修改的空間包圍觀眾,展覽也強調了以不同方法再現真實的可能性。這些〝影象-關係〞一般有互動虛構的特性:影象本身便藏有敘事結構,而且無論是內在的內容還是外在的互動可能,這些結構都有不少的精確度。因此,儘管影象之間、影象和創作人/觀眾抑或操控者/觀眾之間的關係頗為複雜,影象仍然是高度自主和自動的。
也有藝術家借助數碼錄像媒介,拋出新穎的敘事形式。像馬田李切華利亞的作品:一個放大或加速遊戲,最終攪合了不同時態,包括敘事時間、行動時間以至回憶的時間。
當然,顛覆這課題怎會少得了?顛覆可以立即讓藝術家對世界,也對他們所使用的媒介採取批判的觀點。只消想想那些模仿戰爭遊戲,搬玩城市暴力俗套的作品(朱利安艾瑪和羅倫赫特作品),又或者以中和暴力可能來製造危機和暴力的作品(柏利杜爾遜作品),又或者模造美國市郊地貌雙重貧乏(實際上和精神上)的作品(施文柏爾遜作品)…… 便不難發現,創作人的確非常成功,維持了他們批判的目的;數碼錄像落在他們手上,令他們可以透過累積、重複、倒轉、並置,不斷反芻日常生活的現象和缺失,出來的作品宛如一個真正的萬花筒,箇中扭曲的鏡象,把社會和它的缺點都反映出來了。

最後,我們來到這個展覽的內省向度,希望藉此整合和思考藝術領域本身。藝術家使用這些新式動畫影象,在有形和無形的基礎上創作,無疑為我們提供了用媒介中幾何空間交換現實感知的機會。置身其中,就像看一幅幅活動的立體主義繪畫,事物的變形就像是在我們跟前展示如何打開自己,改變自己,不是變成一些大家未見過的形象,而是一些可以在畫家藝術傳統中駐足的形象。觀眾很難知道甚麼是機器安排的,但變形和抽象遊戲已令他們注意到本來要經過運算和複雜數式才可表現的操作程序。〝一切都是可能〞的影象展覽會在兩個面對面相對的投映幕上,同步放映兩張數碼錄像光碟的影象。這種讓觀眾可以來來去去〝閱讀〞影象,一再進行互動的安排,可以避免令觀眾在動畫影象包圍下變得被動。

不同作品接著放映的設計,則帶出了這些新媒體固有的觀念和美學定見。這個展覽並非一次相關作品的編集;平行放映電玩動畫錄像,旨在揭示這種被一眾創作人使用的媒體,其複雜性和多樣性,同時突出這批新創作的活力和豐富。源於互動裝置的〝影象-關係〞,我們實現了向〝新電影〞的過渡。除了互動性,這種新電影製造了一種可以在媒體性質(看它究竟是網絡動畫抑或電子遊戲引擎)容許的範圍內,於平面和立體感知之間擺動的動畫影象。經過如此這般的編排放映,參展藝術家的作品展示了歐美和亞洲錄像遊戲和網絡文化的橫向性,因此也實在有必要透過巡迴展覽,與不同公眾一起比較這些影象。這些影象的多樣性,令它們得以相應新的敘事形式,表現了新的美學。電玩使用和為電玩創作的影象,令我們體會到要區分現實和虛擬的困難,因為數碼影象可以是介入現實的紀錄(一般數碼相片),也可以是電腦以立體引擎製造的影象(合成影象)。這些超自然的影象具有令人驚歎的美學殊性。像素化、圖象跳動、強烈閃光以至無限透視和數碼影象平面化的對比…… 林林種種的視覺效果,令人目為之眩,指示出我們感知的缺憾。這些影象不是要和真實的影象攪對立,反之,而是在虛擬的層面上,重新創造出真實影象的特性。