Poésie

Texte : Bernard Pokojski

Queneau, chêne et chien

« La poésie, c’est de savoir dire qu’il pleut quand il fait beau et il fait beau quand il pleut, c’est le contraire de ce que disait La Bruyère ; mais c’est un peu ça, quand même, la poésie, d’énoncer des propositions sur des phénomènes qui ne sont pas immédiatement perceptibles. » — (Entretiens avec Georges Charbonnier, 1962)
« Le rôle de la poésie pour moi, aujourd’hui, est plutôt de changer le langage que d’exprimer des sentiments, mais il ne peut être question d’une poésie inhumaine : la poésie est faite par les hommes pour les hommes. Les hommes ont créé le langage pour exprimer leurs souffrances »— (Entretiens avec Noël Arnaud, 1948)

Voilà donc pour commencer ces quelques lignes sur notre centenaire, ces deux citations de lui-même, dans l’ordre que vous voudrez d’ailleurs, et comme on n’est jamais si bien servi que par les autres, une autre de Jacques Réda : « Car il l’aime, lui, Queneau, la poésie. Et c’est pourquoi il peut se permettre de la traiter comme c’est pas permis, avec des gaudrioles de représentant de commerce, le savoir érotique d’un Chinois, le raffinement d’un troubadour, la truculence d’un paysan normand sur un tas de pommes. Evidemment, elle en sort quelque peu dépoétisée : les nattes en bataille, la culotte (elle en avait donc une) en travers des genoux, et dans les yeux un strabisme qui en dit long sur ce qu’elle vient de vivre. Mais c’est ce dont elle avait envie après tant de courtisans transis, de casanovas de revues d’avant-garde et de coupeurs de poil de libido. »
« En parlant d’animaux et de longévité, Queneau me dit qu’une baleine peut vivre mille ans et qu’on en a pêché une portant cloué dans sa chair un harpon de l’époque normande » (Jean Follain, Agendas, 1960)
Une question est posée et Queneau y répond : « Sur quel monument peut-on constater une “invraisemblance” du sculpteur? » Réponse : « Devant le Museum, la fontaine Cuvier présente une “invraisemblance” : on peut y voir en effet un crocodile qui tourne la tête ; or la conformation de cet animal lui interdit ce mouvement ». Le saviez-vous, lecteurs ? 1918, Queneau détruit lui-même environ quatre kilos de ses manuscrits (poésies, romans, mémoires, fantaisies...) — il n’a que quinze ans.
Décembre 1920 : « Je suis dans un train de banlieue et je lis. Mes parents ont déménagé et c’est un des premiers soirs que je rentre dans la nouvelle demeure familiale après une journée à lire à la Bibliothèque Sainte-Geneviève et à jouer au billard avec Ludo... »
Dans ces citations, tout Queneau, lecteur et écrivain infatigable, esprit encyclopédique épris de bizarre et de curiosités.

En 1972, il avouera que son rêve avait été d’être balayeur, sans doute pour ramasser et ensuite classer « Au régiment, ajoutera-t-il, j’étais toujours volontaire pour la corvée de balayage. J’ai beaucoup balayé ». Son appartement sera une véritable caverne et l’on y avancera entre des murailles de livres qui vous arriveront jusqu’à mi-corps, les murs, eux, étant tapissés d’auteurs grecs et latins, de philosophes. Il est abonné au New Yorker, à une revue scientifique américaine qui propose des jeux, tout en recevant les publications de la société mathématique de France dont il est membre depuis 1948. Il a une hantise : prendre froid, donc des doubles fenêtres et on ne fume pas devant lui. Le grand homme porte un béret basque, une épaisse gabardine, un cache-col en cachemire et sous le bras une légère sacoche. Il ne boit plus depuis 1965. Le matin, un exercice de mathématique, une douche, un poème ; l’après-midi aux Editions Gallimard. Ne conduit pas, a pris une leçon de boxe et a suivi des cours de judo. Il adore qu’on lui raconte des histoires mais fuit les entretiens avec les journalistes car « parler va toujours plus loin que le contenu apparent (...) et quand j’énonce une assertion, je m’aperçois tout de suite que l’assertion contraire est à peu près aussi intéressante, à un point que cela devient presque superstitieux chez moi. »
Il mourra le 25 octobre 1976, reins et poumons bloqués et eut sa première crise d’asthme en 1925. Il en a souffert pendant vingt ans mais en fut libéré comme par enchantement lorsqu’un audacieux médecin lui traversa le cou d’une longue aiguille (était-ce de part en part, la chronique ne la précise pas, mais rappelle que l’homme de la médecine était adepte d’acupuncture...).

En 1924, Queneau rencontrera les surréalistes et fréquentera la Centrale surréaliste « ce n’est pas du point de vue littéraire que le Surréalisme m’intéressait, mais comme mode de vie. C’était la révolte complète. A ce moment-là, je ne voulais pas devenir écrivain. Pour moi le Surréalisme représentait tout. » Malgré cela, il publiera des textes dans les numéros 3, 5 et 11 de La Révolution surréaliste mais finira par se disputer en 1929 avec André Breton (dont il épousera au passage la belle-sœur) non pour des raisons idéologiques mais strictement personnelles.

A cette date-là, Queneau commencera « à dépister “les fous littéraires” le long des kilomètres de rayonnage de la Bibliothèque nationale » en vue de son Encyclopédie des sciences inexactes dont des fragments atterriront dans les Enfants du limon (1938). Il vit cependant tant bien que mal essayant de vendre des nappes en papier dans les restaurants en possession déjà de son manuscrit du Chiendent qui paraîtra en 1933 chez Gallimard. Robbe-Grillet dira que Queneau avait là réalisé un Nouveau roman avec vingt ans d’avance. « Dans le premier chapitre, le personnage principal découvre en sortant de sa banque un chapeau mou avec un petit canard en matière plastique qui nage dedans. C’est un chapeau imperméable, il est renversé, plein d’eau, et un canard en matière plastique flotte à la surface ; c’est un objet magritto-hégélien, si j’ose dire. Comme dans la Nausée, il y a une série de rencontres surprenantes mais les objets de Queneau sont marqués d’un humour plus fort et ils sont surtout moins anodins. »
Roman étrange où un certain Saturnin se livre à des travaux littéraires. « Il suce un moment son crayon, barre ce qu’il vient d’écrire et au-dessous : "On se demande pourquoi dans les cafés, les joueurs appellent si souvent le garçon Descartes.” Il remplace si souvent par toujours et referme le carnet ». (Edition Folio p.96)
« - Hélas oui, M’sieur, dit Saturnin, je travaille de la plume... C’est comme qui dirait une traduction. Oui, je traduis le Discours de la Méthode en argot.
- Qu’est-ce-qu-c’est que ça, le Discours de la Méthode ?

- C’est un liv’ de Descartes où ya ce que c’est que la pensée et la manière de s’en servir. Seulement ça a été écrit il y a longtemps ; les gens qu’ont pas beaucoup d’éducation y peuvent plus comprendre ce langage. Alors je l’mets à la moderne d’façon que tout l’monde comprenne. J’y mets même un peu d’argot et des calembours pour qu’ça soye amusant. (...) Dans l’ensemb’ ça fait cinq à six pages qui commencent par : “Les gens sont pas si cons qu’ils en ont l’air.” et ça finit par "—". C’est pas q’soye d’accord avec ce philosophe mais c’est instructif. »

Ce passage sera cependant supprimé par Queneau, et les écrits de Saturnin prendront, si je puis dire, une coloration franchement platonicienne allant à la parodie du Parménide et du Sophiste (bon, allez-y voir vous-même si vous voulez être moins con que moi.) Queneau parlait aussi d’un roman phénoménologique... mais il a toujours été un phénomène lui-même... Lisez donc Queneau, ses romans sont pleins de surprises...

Et puis Queneau touchera à la poésie... On raconte qu’une nuit d’insomnie, Queneau se concentra sur l’étymologie de son nom : racine « quen » = chêne, « quenet » ou « quenot » = chien
« Chêne et chien voilà mes deux noms, étymologie délicate : comment garder l’anonymat
devant les dieux et les démons »
Et le recueil Chêne et chien, « roman en vers », publié en 1937, ouvrira le tome premier des œuvres poétiques de la Pléiade qui comprend 1 300 poèmes, plus quelques textes surréalistes, ainsi que ses chansons.

« Et puis mon père m’a battu :
J’avais craché sur sa personne.
Je courbe la tête vaincue :
Je serai plus tard un grand homme. »
(Chêne et chien)

Comme le dit Jacques Roubaud : « le vers pour Queneau est matière plastique » et « confiture exquise aux bons poètes » et celui-ci en trouve partout. Il suffit de courir les rues de battre la campagne, de fendre les flots (titres de ses recueils) car ils attendent d’être vus, saisis, capturés comme des snarks. Ils sont déjà assemblés et passent. Il y a des poèmes sur tous les pommiers...
Le laboratoire central de Queneau sera sa Petite cosmogonie portative mais l’alexandrin n’a plus rien à y voir avec celui de Boileau : il y a couru les rues, la campagne, les flots, remodelé par la mémoire de tous les siècles et son dénombrement est devenu lui aussi flexible (« Gouttes joueuses riantes plus que des ludions »). Alors, « vif vif vif vif vif vif, explique un peu si t’oses. » Déjà Mallarmé ne disait-il pas que la prose « vaut en tant que vers rompu », raboté, trituré, démantibulé, avalé, recraché etc.
Ceci sans doute à cause de la vision unitaire du monde et de son harmonie avec les langues qu’avait Queneau. Tout ceci allait évidemment le conduire à la création de l’OULIPO en 1960 avec François Le Lionnais... Mais c’est une autre histoire...
« Je n’aime pas rire, je suis un mélancolique. Je me morfonds. »
confesse Queneau en se marrant comme un cheval. Car il n’est pas interdit de ne pas en rire et d’en rire... Et pour finir cette petite histoire de François Caradec, tirée de la Compagnie des Zincs « Sur le trottoir, devant le bureau de tabac, en face de l’Ecole des Beaux-Arts, je rencontre R. Queneau, son béret vissé sur la tête, enfoncé jusqu’aux oreilles : il court les rues. Salutations. Invitations. Nous entrons. Il prend un demi-panaché, moi un Schweppes. On cause. Il me donne un léger coup de coude. Sur la banquette, devant le bar, un peu dans l’ombre, est assis un nain tout seul, comme un enfant sage dans la salle d’attente d’un dentiste.
La porte des toilettes s’ouvre.
Et il en sort un nain, qui grimpe sur le tabouret, à côté de nous, devant son verre entamé. Il reprend avec le patron une conversation technique (tiercé) sans même un coup d’œil au premier nain.
- Bizarre, dit Queneau.
Nous payons et nous nous dirigeons vers la porte. Juste à ce moment entre ? un nain. Sur le trottoir, nous nous séparons furtivement. »

L’œuvre de Queneau est disponible aux Editions de La Pléiade.
Certains romans existent en Folio et sa poésie en Poésie/Gallimard.

« L’Aumône admirait sincèrement la prestance de son interlocuteur, le jeté de la cape, le crayeux de la guêtre, le nœud de la lavallière, la longueur du cheveu, la largeur du feutre noir.
- Allons, allons, pas de fausse modestie. Vous avez bien pondu un sonnet dans votre vie ça n’existe pas les gens qui n’ont pas pondu un sonnet au moins dans leur vie même en ces temps de marasme poétique.

L’aumône finit par avouer son ode.
- Vous voyez ! S’écria des Cigales. Il faudra me la montrer.
L’Aumône l’avait incinérée.
- Dommage, fit des Cigales.
- Je sais bien qu’elle ne valait pas grand-chose, ce n’est pas comme celle que vous avez écrite sur le bois de Saint-Cucufa et la route de l’Empereur. C’était torché.
- Je suis heureux de vous l’entendre dire
- Et votre épicalame pour le mariage de mademoiselle Offroir (...)
- Je fais de mon mieux.
- Et l’églogue sur la guinguette au père Pou : désopilante.
- Je concède qu’elle est bien venue.
- Vous pouvez faire des poèmes sur tous les sujets.
- Même sur les chaussettes. Ça se chante aussi la chaussette.
- Je me demande comment ça vous vient l’inspiration ?
- En général en me retenant d’uriner.
- Il y a un rapport ?
- Un rapport certain. De contention. »
(Loin de Rueil, Folio, p.27-28)

 

詩詞

 

格諾——橡樹與狗



〝所謂詩歌,是善於將晴天說成雨天,將雨天說成晴天。這與拉布呂耶爾(La Bruyère)的主張相悖。然而,詩歌就是有點這個意思。當一些現象未能立即參透之前,詩歌便給予一些說法。〞 —— 《與喬治.沙博尼耶的談話,1962》
〝如今詩歌對我而言,其作用是鑄鍊改造詞語,遠勝於抒發情懷,但它仍富人性。詩由人所創造亦為人所用。人類創造語言旨在表達自身的痛苦。〞 —— 《與諾埃爾.阿諾的談話,1948》

今年是詩人格諾的百週年誕辰紀念,謹以上述幾行有關詩人的文字為拙文作個開場白。其實這也是詩人自己的話。此外,先讀哪段引語,悉聽讀者尊便。既然沒有比有人為你效勞更快意的事,那就讓我再引用一段雅克.列達(Jacques Réda)有關詩人的評述:〝他,格諾,酷愛詩歌,因此便敢冒犯禁條隨意處置詩歌。以推銷員的粗鄙語言,中國人的色情知識,行吟詩人的雅緻,站在蘋果堆上侃侃而談的諾曼底人的豪情處理詩歌。顯然,這樣寫出來的詩多少失去詩意:但見她(詩歌)辮髮凌亂,底褲斜掛在膝蓋上、兩眼發直的鬥雞眼暴露了她剛做過的風流勾當。但在經歷了這許多的諂媚奉承者、前衛雜誌的卡薩諾瓦及性慾的變態追求者之後,這正是她所需要的。〞
〝在談到動物及長壽時,格諾對我說一隻鯨魚可活一千歲。並說曾經捕捉到一隻鯨魚,體內竟嵌著一個諾曼時期的錨鉤。〞(尚.福蘭:《記事本》1960)有人向他提出這樣一個問題:〝在哪一個建築物上最能看到雕塑家創造的‘不真實’?〞他回答道:〝自然博物館前面的居維耶噴泉。我們看到一隻扭轉頭的鱷魚。而根據鱷魚骨骼的構形,牠是做不了這個動作的。〞讀者諸君可知道,一九一八年,格諾親手將大約四公斤重的手稿銷毀。其中有詩歌、小說、回憶、幻想等等。彼時,他年僅十五歲。
一九二零年十二月,他這樣寫道:〝我正坐在郊區的火車上並翻閱著一本書。父母已經搬家。在鎮日泡在聖.熱納維耶芙圖書館及和呂多(Ludo)打了一天台球之後,這是我第一晚回到了新家。〞

透過格諾的上述引文,我們看到了一個永不疲倦的讀者和作家,一個博聞強識、探幽攬勝、獵奇搜異的人。

一九七二年,他坦承自己曾夢想當個清道夫,大概是喜歡把東西先撿起來,然後再分類吧。〝在團隊裡,他說道,我總是自願參加打掃的苦差事。我打掃了很多地方。〞他的房間真像一個山洞 ,一走進去,便要在堆得齊腰高的書牆之間困難地行進。四面牆壁書架上堆滿希臘、羅馬古典作家、哲學家的作品。他訂閱(《紐約人》(New Yorker),一份介紹遊戲的美國科學雜誌,並閱讀法國數學家協會出版的刊物。他自一九四八年起便是該會會員。著涼的恐懼常常纏繞著他,因此家中裝了雙層玻璃窗,不准他人在他面前吸煙。這個高個兒戴著一頂巴斯克貝雷帽、穿著一件厚厚的華達呢上衣、圍著一條開司米頸巾,臂下夾著一個輕便小挎包。自一九六五年起便戒了酒。早上他作一道數學題,沖一個淋浴,讀一首詩;下午待在伽里瑪出版社。不駕車,學拳擊,上柔道課。他喜歡聽人講故事,但卻避開和記者交談。因為:〝談話總是離題太遠…… 而當我提出一個論點時,我即刻發現相反的論點也同樣頗有意思,這種心態幾乎成了一種迷信。〞

他因腎肺疾病於一九七六年十月二十五日逝世。他是於一九二五年第一次發哮喘的。這個病折磨了他整整二十個年頭。然而有朝一日,卻奇蹟般地得到了解脫。事緣一個膽大心細的醫生將一枚長長的金針穿過了他的頸部。究竟有否從這頭穿到那頭,傳聞並沒有說清。不過這醫生可是一名針灸高手。

一九二四年,格諾結識了超現實主義者們且交往頗密。他說:〝這不是因為超現實主義的文學觀點令我感興趣,而是它的生活方式,這是徹底的反叛。那時候,我還沒有想到要當一名作家。對我而言,超現實主義代表一切。〞儘管如此,他在《超現實主義革命》雜誌第三、五及十一期上發表了文章。直到一九二九年才和安德烈.布勒東決裂(期間他娶了布勒東的小姨為妻),原因純屬私人恩怨,與思想觀點無涉。

這個時期,格諾開始在〝國家圖書館的書架上下求索,尋覓‘文學狂人’的蹤跡,以及編纂他的《非嚴肅科學百科全書》。他的這番努力部份成果出現在他一九三八年發表的《檸檬孩子》(Enfant du Limon)一書裡。〞雖然他已完成了《痲煩事》一書的手稿(該書於一九三三年由伽里瑪出版社出版),但生活拮据,他試著在餐館裡販賣紙製檯布維持生計。羅伯.格里耶(Robbe-Grillet)說早在〝新小說〞出現前,格諾便已寫成了這本具新小說風格的書。〝在第一章裡,主人公走出銀行時,發現一頂軟帽,一隻塑料小鴨在帽子裡游水。這是一頂翻轉的防水帽,裡面注滿了水,一隻塑料小鴨漂浮在水面上。我敢說,這是馬格里特-黑格爾式的東西。誠如薩特的小說《惡心》裡也出現了一系列的令人吃驚的事物,不同的是格諾所描寫的更具幽默感,尤其是非一些無足輕重的東西。〞

一部奇特的小說,裡面描寫一位從事文學創作名叫薩蒂南(Saturnin)的人。〝他咬著筆杆一陣子,劃掉剛寫下的句子,在下面寫上:‘人們不解為甚麼咖啡館裡的賭徒們常將侍應生喚做笛卡兒。’他將‘常’字改成‘總是’,然後,將小本子合上。〞(Folio出版社,96頁)

〝 是的先生,薩蒂南回答道,我搖筆杆子…… 從事如人們所說的翻譯。是的,我將《方法論》用俚語譯出。
《方法論》,是甚麼玩意兒?

這是笛卡兒的一本書,裡面講述思想和思想方法。只是這本書寫成已久,沒有足夠學識的人讀不懂它。因此,我把它用現代語言改寫出來,好使大家都能明瞭。我在書中甚至用點俚諺俗語和雙關語,使它讀來更覺有趣……總之,一共五六頁紙,以這句話開頭:‘人們並不像從外表上看來那樣愚蠢。’結語是:‘——’。這並不表示我同意這位哲學家的看法。不過,這的確很有教益。〞

這段文字後來被格諾刪去。薩蒂南的文字帶有明顯的柏拉圖色彩,甚至是對帕爾梅尼德(Parménide)及詭辯派的滑稽模仿(如果你不想像我一樣無知,那麼,自己去讀他吧)。格諾還談到現象主義小說…… 其實,他自己一直就是一個怪異的現象…… 讀一讀格諾吧,他的小說充滿驚奇……

後來,格諾涉足詩歌…… 傳說一晚他通宵不眠,全神貫注,思索自己名字的詞源:詞根〝quen〞,義為〝橡樹〞(chêne),〝quenet 〞或〝quenot〞,都是〝狗〞(chien)的意思。

〝‘橡樹’和‘狗’,這便是我的名字,
微妙的詞源:
在眾神和魔鬼面前
如何能匿名。〞
(《橡樹與狗》)

誠如雅克.魯博(Jacques Roubaud)所言:〝詩句對格諾而言是塑料泥〞,是〝詩人的美味果醬〞。詩人到處都可得到它。只需穿街走巷,四處搜索,破浪前進(這些都是他詩集的書名)。詩句就像路易斯.卡羅爾(Lewis Caroll)筆下的怪物〝蛇鯊〞(snark)一樣在等著你去發現它,捕捉它,俘擄它。詩句已經聚集一起,並在你面前走過,詩歌就在所有的蘋果樹上……

格諾的《中央實驗室》是他的〝手提式小宇宙起源論〞(Petite cosmogonie portative)。但詩集裡他的亞歷山大體十四行詩卻和布瓦洛(Boileau)的毫不相關。馬拉美不是說散文〝即是斷裂的詩句〞,是被刨過、搗碎、拆散,被吞噬再吐出來的詩句嗎。

這大概是他的統一論世界觀及和語言的和諧關係所致。所有這一切顯然導致他於一九六零年與弗朗索瓦.勒利奧內(François Le Lionnais)合作創作了L'OULIPO…… 但這是另一回事……

〝我不喜歡笑,我是一個憂鬱的人,我悶悶不樂。〞格諾一邊說一邊哈哈大笑。沒有法令不准人嘲笑或不嘲笑啊…… 讓我引用弗朗索瓦.卡拉代克(François Caradec)的小故事來結束本文,故事摘自格諾的《小酒吧間公司》(La compagnie des Zincs)。

〝在美術學校對面,煙草專賣店前的人行道上,我遇見了雷蒙.格諾。他頭上牢牢地戴著一頂貝雷帽,直拉到耳朵,他在馬路上閒蕩。在相互問候、相互邀請之後,我們走進一家酒吧。他叫了一杯摻汽水的啤酒,我則叫了一杯Schweppes。我們聊著天。他用肘子輕輕地推了我一下,但見酒吧前半明不暗處的一條長凳上,坐著一個孤獨的侏儒,彷彿一個坐在牙醫候診室的聽話小孩。
廁所的門打開了。
一個侏儒走了出來,爬到我們旁邊的一張高腳圓凳上坐下,面前是一杯他剛才喝開的酒。他繼續和老板談馬經,一眼都不瞧一下頭一個侏儒。
‘真怪’。格諾說道。
我們付了帳,朝門口走去。就在這一刻,又走進來另一個侏儒。我們在人行道上悄悄地道別。〞