Littérature
Texte : Jacques Laurelle

« La vie est trop pauvre pour ne pas être, aussi, immortelle » (Borges)

En plein cœur du mois de juillet 2003, l’écrivain chilien Roberto Bolano, hospitalisé à l’hôpital de Barcelone, a quitté ce monde à l’âge de 50 ans, faute d’avoir pu trouver de donneur pour une greffe du foie. Sa disparition, largement commentée dans la presse, a aussi rappelé que l’un de ses inspirateurs n’était autre que Marcel Schwob, écrivain français de la fin du 19e siècle, dont on ne parle plus guère aujourd’hui, mais qui pourtant, par ses audaces, une langue très vive et une imagination innovatrice révolutionna la littérature, et dont l’œuvre exerça une influence considérable et méconnue sur les surréalistes, Antonin Artaud, André Gide (qu’il accusa même de plagiat) et une partie de la littérature sud-américaine.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’œuvre de Marcel Schwob, cet auteur français peu connu, est une véritable poupée gigogne trônant sur la cheminée de la littérature sud-américaine. De Alonso Reyes, à Borges en passant par Roberto Bolano, tous ont puisé l’inspiration dans l’œuvre de Schwob qui fait figure de grand précurseur. C’est en effet Schwob qui lança un procédé de style ou une nouvelle forme littéraire d’écriture : « les vies imaginaires ». Borges, qui quelques jours avant sa mort en 1986, se fit lire l’essai que De Gourmont écrivit sur Les vies imaginaires, en fera sa marque de fabrique dans Fictions ou Le livre de sable, le Chilien Roberto Bolano, quant à lui, le désabusement en plus, y puisera son inspiration pour ses portraits de La littérature nazie en Amérique. Comme il serait dommage de limiter l’œuvre de Schwob, imposante et suffisante à elle-même, à l’influence majeure qu’elle exerça, revenons à nos pampas hexagonales et au milieu du 19ème avec la naissance le 23 août 1867 à Chaville de Marcel Schwob. Son père, propriétaire d’un journal républicain, gravitait déjà dans les cercles littéraires de l’époque qui accueillaient Théophile Gautier, Théodore de Banville ou encore Jules Verne. C’est sur ce dernier que l’enfant Marcel publiera à onze ans son premier article : le Capitaine de quinze ans. Ses années d’études se dérouleront à Paris à Louis Le Grand où il fera la connaissance de Paul Claudel et de Léon Daudet : « Il parlait couramment l’anglais et l’allemand en sa qualité de juif polyglotte, et lisait Emmanuel Kant dans le texte, déjà érudit mais dédaigneux du programme ». Il délaissera plus ou moins ses études et commencera dès cette époque à rédiger de nombreux poèmes et à entreprendre des recherches sur la Rome antique, en préparation à du roman qui deviendra plus tard Poupa, la vie quotidienne dans une Rome des bas-fonds…

« Un jour, Jules Renard et Marcel Schwob décident d’aller voir Verlaine, sorte de vagabond en phase terminale. Nul ne sait où il erre, sauf Schwob, qui le trouve immédiatement. Il fréquente les salons, il sait où vivent les clochards ». Cette anecdote tirée des derniers entretiens de Roberto Bolano montre bien une facette de l’écrivain : une attirance pour la vie des bas-fonds, cachée, sale et populaire. Il s’intéresse aux marginaux de l’histoire. La grande passion de sa vie restera celle pour le poète-bandit du Moyen-Age, François Villon.

En souvenir de son service militaire où il a pu côtoyer les appelés des classes populaires, il se lance dans la publication d’un dictionnaire de l’argot. Schwob est persuadé que cette langue parallèle n’a rien d’une langue spontanée, c’est avant toute chose une langue artificielle faite pour n’être comprise que par certains. Mais sa plus grande œuvre indirectement issue de cette attraction reste Le livre de Monelle (1894), inspiré par la mort d’une jeune femme tantôt ouvrière tantôt prostituée dont Schwob s’était amouraché. Un hymne à l’enfance éternelle, à ses rêves, dans une atmosphère broyée par le mensonge des adultes. Cet inclassable recueil de contes féeriques s’ouvre sur des aphorismes presque nietzschéens déclamés par une prostituée, Monelle. Le ton de l’œuvre entière est là « sois oublieux de toute chose », vivons l’instant et continuons à chercher.

Son deuxième « manifeste » sera les Vies imaginaires (1896), recueil de 22 courts portraits saisis à travers les siècles : des pirates illettrés, des écrivains, des peintres, des assassins ou encore de dieu supposé. Schwob leur invente une vie « L’art du biographe consiste justement dans le choix. Il n’a pas à se préoccuper d’être vrai ; il doit créer dans un chaos de traits humains (…) » Il a alors 30 ans. Ses quêtes ne vont pas sans retour de bâton. Sa santé est fragile et il abuse probablement de l’opium et de l’éther. On relève les premiers symptômes d’une maladie stomacale et intestinale. Le temps est alors compté pour le jeune écrivain, « traqué par un mal interne, un malaise du corps qui ronge ».

En octobre 1901, il s’embarque sur le navire de La ville de la Ciotat pour les mers australes avec l’idée de suivre les dernières traces de R-L Stevenson. Par une curiosité plus qu’acharnée, au bout du voyage, il manque de mourir de pneumonie sur la tombe de l’auteur de L’île au trésor. Cependant il réussira, agonisant, à revenir de son voyage. A Marseille, où à l’opposé d’un Rimbaud qui demanderait encore et toujours « Dites-moi à quelle heure je dois être transporté à bord. », il lâche ce terrible « Jamais plus je ne m’en irai ». Les lettres et croquis de ses pérégrinations qu’il a adressés à sa femme, l’actrice Margueritte Moreno ont été compilés dans Le voyage à Samoa.

De retour dans la capitale pendant les trois années qui lui restent à vivre, il côtoie les plus grandes figures littéraires de l’époque. Il remet en chantier son roman sur Villon et dispense – moribond - quelques cours à l’Ecole des Hautes Etudes.
Il meurt le 26 février 1905 âgé de 37 ans, le pathétique naissant le plus souvent des détails intimes pour reprendre Gibbon : on n’arrivera pas à lui fermer les yeux. Décidément, trop vivant.

文學專欄

 

〝人生太短促了,理應長生不死〞─ 博爾赫斯

二零零三年七月中,智利作家羅貝爾托.博拉諾(Roberto Bolano)於巴塞羅那醫院因無人捐贈肝臟,做不成移植手術,以五十歲盛年離開人世 。他的逝世在報界引起廣泛評論,並令人想起他諸多啟示者之一的十九世紀法國作家馬塞爾.施沃布(Marcel Schwob)。今天,人們幾乎不再提及這位法國作家。然而,他卻以其膽色、生動活潑的語言以及匪夷所思的想象對文學作了一次革命。其作品對超現實主義者、安托南.阿爾托、安德烈.紀德(他甚至指出紀德剽竊)及一部份南美洲文學起了重大的、卻被人忽略的影響。

真是令人驚訝,馬塞爾.施沃布這位默默無聞的法國作家,竟是坐鎮南美文學壁爐上的真正的俄羅斯玩偶。上自阿隆索.雷耶(Alonso Reyes)下至博爾赫斯,當中還有羅貝爾托.博拉諾,無一不從其作品汲取靈感,他可謂南美文學的先驅。施沃布確實創造了一種風格,或者說一種新的文學形式,如其作品:《奇幻人生》(Les vies imaginaires)。一九八六年,博爾赫斯在他臨終前幾天,叫人給他唸德.古爾蒙(De Gourmont)關於《奇幻人生》的評論。他的《虛幻故事》或《沙書》(le Livre de sable)均打上了施沃布的烙印。至於智利作家羅貝爾托.博拉諾,則幡然醒悟,在施沃布作品裡汲取靈感,創作了他《美洲納粹文學》(La littétarure nazie en Amérique)一書裡的許多形象。

施沃布的著作自是豐富、壯觀,影響極大。但僅談這一點似乎可惜。還是讓我們回到那六邊形的潘帕斯草原吧(指法國)。十九世紀中葉,即一八六七年八月二十三日,馬塞爾.施沃布誕生於沙維爾(Chaville)。父親是一份共和報紙的老板,在當時的文學界打轉,其中有泰奧菲爾.戈蒂埃,泰奧多爾.邦維耶及儒勒.凡爾納。童年時期的馬塞爾,在十一歲那年,即已發表了一篇有關凡爾納的《十五歲的船長》(Capitaine de quinze ans)的評論文章,這是他的處女作。他的學校生活是在巴黎的路易十四學校渡過的。在這裡,他認識了保羅.克洛岱爾及列翁.都德。〝作為一個猶太裔,他熟諳多種語言,講一口流利的英語和德語。讀康德的原著,年紀輕輕已然博學多才,但對學校的課程卻有點不屑。〞他多少荒廢了學業,自那時起已寫下了為數眾多的詩歌,並開始對古羅馬進行研究,為他的一本小說作準備。後來該書以《布巴》(Poupa)為書名印行問世,內容述及古羅馬底層民眾的日常生活。

〝一天,儒勒.凡爾納和馬塞爾.施沃布決定去探望魏爾蘭,此時魏爾蘭已成了窮苦潦倒的流浪漢。沒人知道他在哪裡遊蕩,除了施沃布,他即刻便把魏爾蘭找了出來。施沃布常出沒各處沙龍,對流浪漢的行蹤頗暸解。〞這個摘自羅貝爾托.博拉諾近期談話的趣聞,展示了作家施沃布的一個側面:他對隱蔽、 齷齪、貧困的底層生活有種興趣。對歷史上的邊緣人物情有獨鐘。例如,在他的一生中,對中世紀盜賊詩人維庸就一直懷有強烈的愛。
他回憶服兵役期間的生活,和一些來自普羅階級的入伍者交往,促使他編纂出版一部隱語詞典。他深信這種非正規的語言並非自然生成,而是有意創造出來、僅讓部份人聽懂的切口。這種對底層生活的興趣,間接產生了他的一部最偉大的作品《莫奈兒書》(Le livre de Monelle, 1894年)。這本書是受一個他迷戀的、既是女工又是妓女的年輕女子的死的啟發而寫成的。這是對沉浸在被成年人的謊話所壓抑的氣氛中的永恆童年和美麗夢想的謳歌。這本無以歸類的神奇故事集以風塵女子莫奈兒朗誦的幾乎是尼采式的格言警句開篇。整部作品的主調是〝忘卻一切〞,讓我們及時行樂,繼續探索。

他的第二部〝宣言〞當推一八九六年問世的《奇幻人生》。書中描繪了各個時代的二十二個人物的短小的生平事蹟。其中有目不識丁的海盜、作家、詩人、殺人犯甚或虛構的神祇。 施沃布為他們創造了一個人生。他說〝傳記藝術主要在於選擇,而不必拘泥於真實性。必須在人間百態的混沌中進行創造。〞彼時他剛屆而立之年。他的辛苦探索終須付出代價。他身體羸弱,可能還吸食鴉片和乙醚。醫生發現了他腸胃病的初期症狀。這位年輕作家已時日無多,〝他為胃腸病所纏繞,為身體不適所折磨。〞

一九零一年十月,他登上〝西奧塔城號〞輪船,沿著史蒂芬森的足跡遠赴南極探險。強烈的好奇心令他在旅程的終點,差點因肺炎病死在《金銀島》作者的墳上。雖然他奄奄一息,卻終於平安歸來。在馬賽,他和蘭波持完全相反的態度,他斬釘截鐵地說:〝我永遠不再遠行。〞而蘭波卻不斷地詢問: 〝告訴我幾點鐘可以上船啊。〞他在長途跋涉中寄給其當演員的愛妻瑪格麗特.莫爾諾(Margueritte Moreno)的書信和速寫經已結集成《薩摩亞遊記》(Le voyage à Samoa)一書出版。

他回到首都巴黎,在生命的最後三年時間裡,與當時的文學巨擘交往,並著手寫作一部有關維庸的小說。雖然命在旦夕,卻仍在高等學校授課。
一九零五年二月二十六日,他以三十七歲英年撒手塵寰。借用吉邦(Gibbon)的話說:悲愴感人常因一些細微的事所生。人們將他仍然睜著的眼睛用手合上,他卻死不暝目。顯然,他生命力實在太強了。