Photographie contemporaine
Texte : Gérard Henry

D’étranges cieux

L’art chinois contemporain est en pleine explosion. Présent maintenant dans toutes les biennales étrangères et plus récemment chinoises, il suscite une grande curiosité à l’étranger. Après les Rencontres photographiques d’Arles, « Alors la Chine » au Centre Pompidou, le Pragois Petr Nedoma et le Hongkongais Johnson Chang Tsong-zung ont organisé en septembre 2003 une grande exposition cette fois entièrement centrée sur la photographie chinoise contemporaine, (A Strange Heaven) avec des artistes de Chine, de Hong Kong et de Taiwan à la Galerie Rudolfino à Prague.

Regarder une exposition de photographie contemporaine chinoise n’est point de tout repos. Provocantes, choquantes, parfois exhibitionnistes, beaucoup de ces images sautent à la tête du spectateur. Ce sont des yeux qui vous regardent, des corps figés, torturés, vieillis qui s’exposent, des nus aux regards braqués sur l’œil de la caméra dans un exercice de contemplation narcissique. Il n’y a guère de plaisir dans ces images, mais un questionnement perpétuel de l’identité, du corps, de la lignée familiale, de l’histoire.

Le photographe pékinois Liu Zheng donne le ton : « Pour moi, la culture et l’histoire chinoises sont criblées de tragédies, de difficultés et d’amertume. Le poids de ce conditionnement culturel rend difficile à beaucoup de Chinois de trouver un peu de confort et de bonheur dans la vie. Beaucoup de Chinois n’échapperont jamais à cette psychologie de la culture chinoise. Culturellement on nous enseigne que ces épreuves, littéralement notre capacité à ‘’manger amer ‘’ (manger de la vache enragée) , est le fardeau que nous devrons supporter dans notre vie quotidienne. […] Quand, dans mes photos, je dépeins des moments de détente et de plaisir, j’ai pour but de montrer que les personnes dans ces scènes ne sont ni détendues, ni heureuses. Elles sont supposées éprouver quelque chose appelé ‘’amusement’’, mais elles ne l’éprouvent pas, en dépit des masques de soi-disant ‘bonheur’ sur leur visage. »*

Lui Zheng a réalisé deux séries, « Les Chinois » où il tente de saisir ce qui se déroule devant lui, et « Séries de l’Opéra chinois » où il reconstruit ce qu’il y a dans sa tête, ses phantasmes et ce qui se cache « derrière l’esprit et le cœur des Chinois, avec le bagage et l’héritage culturel qu’ils apportent à la séance de pose ».

Cang Xin de la province du Heliongjiang, questionne aussi ce problème d’identité, se référant aux nombreux contrôles de police essayant de débusquer les travailleurs migrants illégaux, cette population « flottante » instable de la Chine, victime d’une pression psychologique et sociale due à une constante surveillance policière. « En raison de cette pression, dit-il, j’envie les gens dans différentes professions et je veux essayer d’être un leader dans diverses professions. ». Dans « Mon identité en tant que touriste », il rencontre des représentants de différentes professions de cette Chine en changement, les déshabille, revêt leurs vêtements ou uniformes, et pose à côté de ceux-ci en sous-vêtements, tentant en s’affublant des marques extérieures de leur identité de pressentir avec une dose d’humour les changements de la société.

« Fen-Maliuming » (Maliuming séparé), le corps nu, travesti (corps d’homme, tête de femme) de Ma Liuming, artiste voyageur de la province du Hubei, explore la transsexualité, alors que dans un registre beaucoup plus dur, Feng Mengbo et Chien Chieh-jen plonge dans la violence corporelle, au travers de simulations rendues possibles dans un domaine digital et virtuel, comme le précise lui-même Chien : « J’essaie d’explorer des thèmes tels que les relations entre le pouvoir et l’image, le regardant et le regardé, le corps et la punition, la politique et la violence, la rationalité et la folie, le soi et l’autre ». Chien y mêle à l’histoire parfois sanguinaire toute une cosmogonie bouddhiste et taoïste, notamment les tortures et mutilations qu’endurent les corps et les âmes dans leurs enfers. Mais surtout, il se met lui-même en scène et devient sur l’image le supplicié. « En se transformant en victime de la torture et de la folie, Chien reprend l’initiative du sujet photographique, et tourne l’oeuvre en une métaphore du subconscient » analyse Chang Tsong-zung, le commissaire de l’exposition. Et sans doute faut-il savoir cela si l’on veut comprendre quelque chose à ces images presque insoutenables.

Un autre sujet qui revient souvent est celui de la famille, des lignages généalogiques ou politiques. Le procédé artistique est celui de l’accumulation, accumulation de portraits d’individus chez Chen Suchu qui confronte et mélange des individus deux troncs familiaux différents : « L’énorme corps de photographies accumulées non seulement tisse des relations sociales et personnelles, dit l’artiste, mais crée aussi au travers de différentes époques et réalités de nombreux personnages symboliques. » Wang Jinsong quant à lui, dans sa « Standart Familly », photographie sur un fond rouge de Chine 200 familles à trois personnes, la famille idéale de l’enfant unique, qu’il regroupe sur un même tableau en une sorte de portrait social idéal de la Chine d’aujourd’hui, portrait qui cache derrière sa brillance toute une série de nouveaux problèmes à venir, notamment dans les changements relationnels et éthiques que cette situation engendrera.
D’autres comme Song Yongping (province du Shanxi) expose la dure réalité de la fin d’une vie ; la solitude, la vieillesse, la maladie, la mort. Son modèle : ses propres parents qu’il photographie avec leur consentement, exposant leur intérieur triste et clos, leurs corps nus dévastés par la maladie et la vieillesse.

Pour qui sait lire entre les images, on découvre un tableau d’une Chine engagée dans une transformation profonde, et surtout le désir d’indépendance et de liberté de l’individu, dont l’émancipation semble passer par un calvaire physiquement et spirituellement douloureux.

Il existe toutefois des artistes au propos plus léger, comme Hu Jieming qui propose sa version du radeau de la Méduse de Géricault où tout un échantillon hétéroclite de la société chinoise moderne dérive sur un radeau poubelle, fait des détritus de la société de consommation. Les naufragés tous hilares et insouciants nous font oublier le désastre à venir. Mais l’artiste dans le propos qui accompagne l’œuvre nous donne sa morale plutôt cynique de l’histoire : « L’engourdissement est la clé du bonheur ! » Par contraste, les deux photographes de Hong Kong dans l’exposition, Leung Chi-wo et Ching Chin-wai, ne sont point si tourmentés. Ils ont un passé différent et s’intéressent plus aux architectures de la cité, travaillant à l’aide d’un sténopé (pin-hole caméra). Leung Chi-wo photographie les espaces de cieux que découpent les gratte-ciel au-dessus de sa tête, clin d’oeil à la pauvre portion de ciel accordée aux Hongkongais. Ching Chin-wai transforme sa chambre en Camera obscura et réalise de gigantesques épreuves des immeubles voisins.

A côté de ces prises de position tranchées, il y a quelques artistes qui se distinguent par une approche plus douce et plus intériorisée de la photographie. Han Lei, influencé par la photographie ancienne construit des paysages de « mémoire » qu’il décrit comme « paysages âgés du passé ». Rong et Ini nous offrent en une série de photos leur splendide promenade amoureuse au pied du Mont Fuji. Leurs silhouettes lointaines et nues se découpent dans un paysage blanc et noir très dépouillé avec la masse bien connue du Fuji sur l’horizon. Nous sommes en plein romantisme, chose rare parmi ces jeunes artistes.
L’exposition à Prague est gigantesque, 40 photographes et des centaines de photos, mais nous terminerons par la touchante photographie de Wang Fen, qui est peut-être par son innocence, le point central de cette exposition : une petite fille, à cheval sur un mur, contemple au loin la ville, monde de son futur, point de passage entre l’enfance et le monde adulte. Regard vers l’inconnu ? Le spectateur rêve avec cette petite fille.. L’impression de fraîcheur qu’elle dégage un véritable espoir quant au futur.


當代攝影

幻影天堂


當代中國藝術正蓬勃發展。在外國藝術雙年展,尤其是近期舉行的中國藝術雙年展裡,中國當代藝術在海外引起了極大的迥響。繼阿爾勒(Arles) 於蓬皮度中心舉行的〝Alors la Chine〞攝影展之後,布拉格人Petr Nedoma和香港人張頌仁攜手,於二零零三年九月,在布拉格的魯道夫美術館舉辦了名為〝幻影天堂:中華當代攝影〞的大型展覽,展出了中、港、台兩岸三地藝術家各異其趣的作品。

參觀中國當代攝影展覽可謂目不暇給。挑逗的、令人不快的、有時甚至是裸露的許多影像兜頭蓋臉向你撲來。那些注視著你的眼睛,僵硬、扭曲、老邁的身軀,一絲不掛的裸體人像雙眼注視著攝影機的鏡頭,有如那喀索斯對著水中的倒影顧影自憐。作品中人物的臉上不見快樂的表情,有的只是對自己身份、身體、血緣、歷史的無休止的探詢。
北京的藝術家劉崢這樣說道:〝我認為中國文明充滿了艱辛、噩運和愁苦,這個沉重的文化包袱使一般的中國人不容易享受到舒適和愉快的生活。很多人一輩子逃不離這種文化心理。我們都被教育了要承擔苦難,要學會‘吃苦’⋯⋯ 老實說,我雖然似乎都在拍人們休閒的照片,其實我要表達的是這些人根本不懂休閒和樂趣。他們似乎在玩樂,但其實並不快樂,他們的心境並不符合臉上快樂的面具。〞

劉崢製作了兩組攝影系列。在《中國人》系列裡,他試圖捕捉鏡前的情境和瞬間的表情。而《京劇》系列則是重組他心中的幻影以及隱藏在〝中國人心中的影子,和他們帶到鏡前的文化傳承和包袱。〞
黑龍江出生的蒼鑫亦探索身份問題。他拍攝了為警察窮追不捨的外地民工,這個構成中國社會不安定因素的〝流動人口〞。他們是警察嚴密監視、追蹤不懈下造成的社會和心理壓力的犧牲品。他說:〝由於這種社會心理壓力,有時會對各種職業產生羨慕心理,於是便有嘗試成為某某職業的精英的衝動念頭。〞在他的作品《我的遊客身份》裡,他拍攝了處於劇變的中國各種職業的代表人物,剝下他們的衣服,給他們披上合乎其身份的制服或其他衣服,身旁安上一個只穿內衣褲的半裸人物,試圖以此方式帶點幽默地揭示中國社會的嬗變。

《芬.馬六明》是河北籍藝術家馬六明的作品,表現一個男身女面的變性裸體。而馮夢波和陳界仁則以一種更強烈的手法,極盡數碼與虛擬的可能,攝製了肉體受暴力摧殘的影像。陳界仁說:〝我嘗試以幾種創作方式探討權力與影像,觀者與被觀者,身體與懲罰,政治與暴力,理智與瘋狂,自我與他人的關係。〞陳氏在人類有時甚為血腥的歷史裡注入了佛道兩教的宇宙觀,尤其表現了靈肉在地獄裡遭受的摧殘和折磨。他將自己置於鏡頭中,扮成受刑者的形象。〝把自己扮演成瘋狂與折磨的受害者,陳界仁強調了攝影的主題,令其作品成為潛意識的隱喻。〞 策展人張頌仁這樣分析道。這個觀點,對理解這些幾乎叫人難於忍受的作品,至為重要。

另一個經常出現的主題是家庭、血緣和政治族譜。陳順築的藝術手法是人物形象的的累積。他將澎湖和台北兩地的家人的形象混在一起。他說:〝累積的、為數眾多的照片不僅表現了社會和個人的關係,並透過不同的歷史背景創造了許多象徵性的人物。〞王勁松的《標準家庭》,以紅色為背景,齊集了二百個只有一個獨生子女的理想三人家庭,這是今天中國社會理想家庭的形象,但在後面,卻隱藏著一系列的新問題,尤其是因此產生的人際和倫理上的問題。

此外如宋永平的作品,則表現了生命終了的嚴酷現實,孤獨,生、老、病、死。他的模特兒竟是自己的父母。在他們首肯下把他們拍攝下來 ,揭示出他們內心的孤獨和凄涼,被疾病和衰老摧殘的軀體。
對於能從影像中讀出畫外之音的人,他可能發覺正處於深刻劇變的中國的形象,那對個人獨立、自由的渴望,這似乎得透過精神與肉體的磨難方能達成。

然而,也有一些藝術家表現手法較為輕快,如胡介鳴,他再現了籍里柯的《美杜薩之筏》這幅名畫,但見那由消費社會的垃圾構成的木筏上,聚集著現代中國社會駁雜紛呈的人和事物。遇難者個個顯得風流快活,無憂無慮,令人忘掉了即將來臨的災難。然而,藝術家在照片上的題詞卻示人以玩世不恭的教誨:〝麻木才是幸福之源哪!〞對比之下,香港的兩位藝術家梁志和與程展緯,卻沒有顯得如此焦慮不安。他們有不同的過去,對城市的建築感興趣,利用針孔相機進行拍攝。梁志和拍下他頭頂上摩天大樓間呈現的一方藍天,這是香港人所能看到的天海一角。而程展緯則將其臥室改成暗房,並運用針孔相機的原則,拍下了建築物的身影。

在這些取向明顯的作品之外,尚有幾個藝術家卻以較平和、內向的攝影風格而引人注目。韓磊深受他所謂的〝古老照片〞的影響。榮榮和映里饗我們以一系列富士山腳下情侶攜手漫步的精彩照片。他們朦朧、裸露的身影在黑白素樸、襯著富士山剪影的背景下呈現在畫面上,浪漫溫馨,在這些年輕藝術家的作品裡實屬罕見。
翁奮感人的作品,以其天真無邪,似乎構成是次展覽的主題。一個小女孩,騎在牆上,凝視著遠方的城市,她那未來的世界。在童年和成人世界之間,沒有半點過渡。朝不可知的未來探望?觀眾和小女孩一起,墮入夢幻中…… 她散發出來的清新氣息,正是對未來的真切期望。