Bande Dessinée
Texte : Jacques Laruelle
Eloge de la lenteur
Le ferry rapide rattrape le lent juste à l'entrée du port, les passagers dégorgent et pour une fois, en milieu de semaine, l'île de Cheung Chau retrouve son agitation des week-ends. Peut-être à cause de sa lenteur, cette insularité plaît de plus en plus à Chi Hoi, lui qui a passé une partie de sa vie à Tai Po. Ce jeune auteur de bande dessinée y vit depuis quelques mois. Il s'y fond tellement qu'il nous surprend sans qu'on l'ait vu arriver, l'artiste est fluet, son regard légèrement fuyant ne cache pas l'intensité de ses yeux. On l'imagine en perpétuelle cogitation dans les foules qui l'entourent.
Quelques mois ont passé depuis la publication de sa nouvelle bande dessinée Still life, elle est devenue depuis, l'une des dix sélections de l'émission RTHK « Plus on lit, plus on est heureux ».
Quand on parle de ses débuts, il commence par se rappeler les dessins et les peintures de son père qu'il a juste pu entrevoir avant que sa mère ne les jette… exaspérée de voir la poussière s'accumuler et les cafards en profiter. C'est la découverte de Slow pig with something very hard de Lai Tat Wing qui le décide vraiment à se lancer. Cet ouvrage aujourd'hui introuvable a explosé les carcans classiques de la BD hongkongaise en jouant sur une multitude de cases et un tempo très lent. C'était en 1996, Chi Hoi est étudiant en nutrition, il a 19 ans. Il réunit en agrafant ses premières planches « politiques ou sans sens » et les distribue à la cantine universitaire. C'est ainsi qu'un étudiant lui proposa de collaborer sporadiquement dans un journal. Il lui arrivera aussi durant cette période d'illustrer des poésies ou des romans (Yuen Siu Cheong ou encore Yip Fai).
Durant le boom du net de la fin des années 90, un jeune site d'art très axé sur l'expérimentation l'embauche. Chi Hoi publia sur papier ce qu'il faisait sur écran : Piece of mine (2000). Œuvre en noir et blanc, aux traits fins qui rappellent les dessins de l'artiste David B. Il cherche à se démarquer de la BD populaire hongkongaise qui privilégie la vitesse, Piece of mine flirte avec la lenteur et Kafka. La jeune équipe du site est invitée au festival d'avant-garde suisse Fumetto. Il y rencontre des dessinateurs de tout horizon, notamment nordiques. Par le biais de ses dernières rencontres, il se rend en 2001 en Finlande pour le Helsinski comic festival, cette année-là consacrée à la BD reportage. David B (L'Ascension du Haut Mal), Joe Sacco (Palestine, une nation occupée), Marjane Satarpi (Persopolis) font partie du festival. Chi Hoi ne cache pas son admiration pour cette dernière, « j'aime son innocence pour raconter les terribles moments qu'elle a vécus pendant la post-révolution iranienne ».
Et son Hong Kong ? Il parle des tableaux du peintre américain Edward Hopper, un urbain figé qui distille un vide impalpable. Ses dessins d'immeubles populaires de Kowloon ou des nouveaux territoires sont en effet d'une force étrange et sèche. Chi Hoi regrette la compétition permanente de sa ville, qui préfigure les frustrations puis les drames. C'est le suicide d'une amie qui est à l'origine de Still life, cette BD s'ouvre sur une courte histoire : Whisper où un jeune homme suit sans relâche une fille aux yeux tristes, ils finissent par se susurrer dans les dernières cases un mélancolique « Pourquoi tu n'acceptes pas d'être mort, pourquoi me hantes-tu ? » « C'est toi qui me fais sans cesse revenir » Une obsession de la mort ? « non, je cherche juste à placer mes dessins dans des situations difficiles pour ensuite voir ce qu'il se passe » dit-il dans un français timide. La manière dont Chi Hoi cadre ses cases est presque cinématographique, par exemple il alterne plongées et contre-plongées sur un terrain de basket, puis un insert fixe des pieds qui s'éloignent et d'autres qui restent. On comprend le regard des timides et cette impossibilité de communiquer.
Sa dernière collaboration remonte à septembre, il dessine sur ordinateur le fond de scène du groupe électro-pop acidulée The Pancakes ; des paysages urbains vides aux couleurs criardes.
Son prochain projet s'inspirera d'un écrivain shanghaien peu connu des années trente : Mu Shi-ying.
Les ferry deviennent de plus en plus sporadiques, les rues du village se vident. On imagine aisément son exil. « Hong Kong ne s'appartient pas » disait Serge Daney. Tout de même certaines personnes essayent de nous en offrir quelques bribes, avec Chi Hoi, on a l'impression de toucher d'évanescents traits de cette ville et surtout quelques âmes tragiques. |
詩詞
緩慢頌
渡輪快船在碼頭進口處趕上了它的慢船兄弟, 乘客蜂擁而出,僅此一次,在一星期的當中日子,長洲再次出現了周末人頭湧湧的熱鬧景象。也許是島上生活的緩慢節奏,令智海越來越愛上這個小島。這位年輕的漫畫家在這裡已經住了幾個月了。過去,他曾在大埔生活過一段日子。他淹沒在人群中,不見蹤影,當他出現在我們面前時,真把我們嚇了一跳。藝術家身材瘦削,帶點羞澀的眼神掩不住智慧的光芒。在人潮湧湧之中,他似乎沒有停止過思考。
他的漫畫新作《默示錄》發表至今已經幾個月了,並成了香港電台電視節目〝越讀越快樂〞的十大首選節目之一。
當談及他初入道的情況時,他首先談起曾經有幸一睹父親的畫作。因為後來母親見一堆畫上積滿塵垢,蟑螂出沒其間,憤憤然把它們給扔了。是黎達達榮的漫畫集《慢慢豬.凸凸交》促使他走上了漫畫創作這條道路的。這個今天很難覓得的漫畫,以無數的格子來表達,節奏緩慢,打破了香港漫畫的清規戒律。一九九六年,智海是一位修讀營養學的學生,年僅十九歲。他將自己初試啼聲的漫畫《政治或毫無意義》裝訂成冊,並在大學的食堂派發。一個同學建議他不定期地為一報刊作畫。這一時期,他還為袁兆昌及葉輝的詩集或小說作插圖。
九十年代末網路大爆棚時期,一個非常具實驗性的年輕網站僱用了他。智海將熒幕上製作的漫畫印刷出版,這便是《Piece of mine》(2000年)。這是黑白漫畫,線條細緻,使人想起藝術家大衛.B (David B) 的作品。他試圖擺脫香港崇尚速度的流行漫畫,《Piece of mine》節奏緩慢,具卡夫卡風味。年輕的漫畫家應邀出席瑞士琉森前衛漫畫節。他在那兒認識了來自世界各地的漫畫家,尤其是北歐漫畫家。藉著這個新機遇,他於二零零一年前赴芬蘭參加了赫爾辛基漫畫節。這年漫畫節的主題是〝報導漫畫〞。Davide B、Joe Sacco、Marjane Satarpi 都參加了展出。智海毫不掩飾他對Marjane Satarpi漫畫的讚賞。他說:〝我喜歡她敘述伊朗革命後她所經歷的可怕時刻的坦然態度。〞
而他身處的香港呢?他談到美國畫家愛德華.賀普 (Edward Hopper)的畫,這個冷峻的都市人表現的是不可捉摸的孤寂落寞。智海描繪九龍或新界建築的漫畫亦有一種奇詭和簡約的力量。他為香港這一刻不停地競爭著的城市感到痛惜,她預示失落,也預示悲劇。是一名中學女同學的自殺促使他創作《默示錄》這部漫畫集的。漫畫以《呢喃》這個小故事開始。一個年輕人對一個眼神憂鬱的女孩窮追不捨,結局是在漫畫的最後幾格裡他們憂傷地呢喃細語:〝為甚麼你不承認你已經死了。為甚麼你老纏著我?〞〝是你召喚我來的。〞難道作者為死的念頭所纏?〝不,我只是將人物置於危險的處境來描繪,看究竟會發生甚麼。〞他用生怯的法語說道。智海處理漫畫的手法非常接近電影,例如在幾格以球場為背景的漫畫裡,俯攝與仰攝互相交替,並插入特寫鏡頭,漸漸遠去的足跡及留下來的足跡。
他近期的作品是與人合作用電腦為電子流行樂隊 The Pancakes 製作的佈景:顏色斑駁刺眼、空曠落寞的城市景觀。他正籌劃為三十年代上海作家穆時英的一些作品作插畫。
渡輪班次愈來愈稀疏,村鎮街上的行人也愈來愈少。我們彷彿依稀見到畫家來回奔波的身影。〝香港已身不由己〞Serge Daney 感歎道。不管怎樣,總有一些人饗我們以昔日城市的吉光片羽,讀智海的畫,我們彷彿和這城市的某些方面相交會,尤其是幾個悲慘的靈魂。
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