Journée de la francophonie
Texte : Antoine Vallet

« Le destin » de l'Egyptien Youssef Chahine

« Si plus personne ne peut me lire, à quoi bon continuer à écrire ? » C'est sur cette interrogation que débute le film de Youssef Chahine, Le destin, film qui lui valut lors du Festival de Cannes 1997, le Prix du 50e anniversaire et dans lequel, par le truchement d'une histoire dans l'Andalousie arabe, il dénonce tous les intégrismes qui menacent la société contemporaine.

En 1994, cette question tracasse fortement le cinéaste égyptien, qui connaît les menaces et la censure des fondamentalistes musulmans soulevées par son film L'émigré. Privé de ce qu'il recherche avant tout, c'est-à-dire la diffusion de son travail et le contact avec son public, sa flamme créatrice semble s'éteindre jusqu'à ce qu'il retrouve l'inspiration dans cet empêchement.

Ainsi l'adversité lui réussit, et contre toute attente, il ne dépose pas les armes. Refusant de laisser le destin de son œuvre aux mains de ses antagonistes, il met en scène cinématographiquement sa blessure, et, en fin stratège, sait en tirer profit. Plus question cette fois de censurer son film sous prétexte qu'il est interdit de transposer à l'écran l'image ou la vie du prophète. Il raconte avec finesse et sensualité, à la manière d'un conte, comment le jeune Joseph, suite à la mort de son père sur un bûcher de l'Inquisition, décide de rejoindre Cordoue où vivent les disciples d'Averroès, philosophe arabe qui interpréta la métaphysique d'Aristote à la lumière du Coran.

Dans ce Paradis terrestre du XIIe siècle, où sont prônés aussi bien sagesse et connaissance que théologie dépourvue de fanatisme, survient un mal inattendu. Parmi les élèves de la confrérie se trouvent les deux fils et le frère du calife El Mansour. Ce dernier, dont le conseiller n'est autre que Averroès oscille entre autoritarisme et libéralisme. Les milieux conservateurs religieux n'admettent pas la liberté de comportement et l'excentricité du philosophe et s'attaquent à ses amis, notamment au barde Marwan agressé et sauvé de justesse. C'est par l'illustration de ce que pourrait être une cité philosophique, plus que par un discours sur la philosophie, que Chahine nous émerveille.

Marwan, musicien devenu aphone, est comme victime de la même censure qu'a connue Chahine lors de son précédent film. Mais plutôt que de susciter misérabilisme, Chahine bouleverse la situation : Le barde retrouve sa voix dans l'euphorie, comme pour témoigner de l'indifférence aux coups portés par le milieu intégriste. Là est tout le talent du réalisateur qui plutôt que de pratiquer la loi du talion démontre qu'il peut apprivoiser sa blessure et l'utiliser à sa convenance.

Le film se poursuit avec l'embrigadement du fils cadet d'El Mansour par les intégristes. Dès lors une véritable aventure débute dans le rythme effréné propre au cinéma égyptien. Dans une apothéose d'aventures délirantes, de femmes sublimes, de danses et de musiques, au travers de laquelle transparaît un hymne à la jeunesse, Marwan et Averroès déploient toutes leurs ruses pour sauver Abdallâh des griffes de la secte fanatique. Mais pour nos héros l'histoire se complique.

Dans un engrenage de violence, Marwan est assassiné, puis sous les pressions des intégristes, le calife est contraint de lancer une « fatwa » contre Averroès, ses œuvres sont brûlées et il est exilé. Suite à ce bouleversement, les disciples du philosophe rusent pour préserver les écrits de leur maître jusqu'à ce qu'Averroès soit, contre toute attente, porté en triomphe sur la place publique.
Malgré la complexité du scénario, c'est avec aisance et intérêt que l'on suit l'aventure ou plutôt le destin de ces huit personnages.

Chahine considère les films trop cérébraux ennuyeux, cependant il affirme : que « le cinéma doit être au moins éducatif et moral. » Demandez-lui si son film est un film d'aventures, il vous répondra : « J'ai fait cet effort : devenir conteur… Apprendre la dramaturgie et ses règles, raconter une histoire mais la raconter de manière suffisamment intéressante pour qu'il y ait ce qu'on appelle « expectation » ou suspense... Autant que possible, on doit faire en sorte de ne pas ennuyer son public. » Le film se termine dans une lutte contre la désinformation, la censure, l'ignorance mais aussi et surtout, l'intégrisme. Comme dans une fable, le ton est donné, certes dans une fin un peu machiavélique, sagesse et extrémisme se livrent un combat sans merci.

國際法語區同樂日

埃及導演約瑟夫.夏恩的《命運》


〝若再沒有人閱讀我的作品,那為何還要繼續寫作?〞約瑟夫.夏恩的影片《命運》就是以這問題作開場白。這部電影在一九九七年的康城電影節中為他贏得了五十週年紀念大獎。在片中,他透過一段發生在西班牙安達盧西亞阿拉伯區的故事作為媒介,向所有對當代社會構成危險的原教旨主義提出控訴。

一九九四年,這位埃及電影人深受這問題困擾,因為他的電影《流亡者》 (L'émigré)引起了回教原教旨主義者們的不滿,並向他發出恐嚇和禁止影片上映。當他被剝奪了一心所追求的東西,即發行他的作品以及與他的觀眾接觸,那激發起他創作的火炎似乎也熄滅了,直到他從這障礙中重新獲得靈感。

就是這樣,他出人意表地不需任何武器便戰勝了逆境。他拒絕讓自己的作品之命運落入敵人的手中,於是利用電影手法將自己的傷痛搬上銀幕 ,而這位精明的謀略家更懂得從中獲取利潤。這一次,再沒有人可以利用一些莫須有的借口,說不能把先知的生平或形像改編到銀幕上來禁映他的電影。他以細膩感人的手法,用故事形式講述年輕的祖瑟夫的父親在審問期間被施以火刑而活活被燒死,之後他決定前往科爾多瓦投靠阿拉伯哲學家阿威羅伊的門徒,阿威羅伊曾根據可蘭經的理論來詮釋阿里斯多德的哲學。

在十二世紀這鼓吹智慧與知識,有宗教信仰卻沒有盲目崇拜的人間天堂中突然出現了令人意相不到的禍害。在信徒團契中的學生包括兩兄弟和國家領袖艾.萬蘇爾的弟弟。這國家領導人對管治方針一直打不定主意,游移於獨裁主義與自由主義之間,而他的參謀並非別人,正是阿威羅伊。一群保守的宗教人士不能容忍這位哲學家自由怪誕的行為,因而攻擊他的朋友,特別是吟遊詩人馬雲,他被襲擊但幸好及時被救。導演夏恩令我們讚嘆之處在於他在片中表現了一座哲學之都應有的樣式而不是向我們大談哲學之道。

失了音的吟游詩人馬雲就好比夏恩在上一部電影的遭遇,大家都是同一種非難下的犧牲者。但夏恩並沒有因此挑起悲慘主義的情緒,反而將情況反轉過來:馬雲心滿意足地重新得回聲音,似乎導演是要證明他並不在乎原教旨主義人士對他所作的打擊。這裡便說了這位導演的過人之處:與其採用以牙還牙的報復方法,倒不如顯示他有能力控制傷痛並且能加以利用。

劇情繼續發展下去,艾.萬蘇爾的幼子被原教旨主義人士吸納為門徒。由這時起,在埃及電影中特有的狂熱節奏襯托下,真正的奇遇才正式展開。一連串瘋狂的情節接踵而來,絕色美女、舞蹈和音樂,導演透過這些情節流露出一種歌頌年青人的情懷,馬雲和阿威羅伊出盡法寶,為要將阿都拿從狂熱教派的魔掌中拯救出來。但對我們這兩位故事主人翁來說,事情並沒有那麼簡單。
馬雲在接二連三發生的暴力事件中被謀殺了,而艾.萬蘇爾受原教旨主義者施加的壓力下被迫向阿威羅伊發出〝格殺令〞,他的作品被燒毀,並且流亡國外。在這番動盪過後,這位哲學家的門生想盡辦法保存老師的著作,直至出人意表地,阿威羅伊在廣場上被群眾勝利地喝采高舉。

情節雖然複雜,但故事卻一點不難於領會,而且還令人看得津津有味。
夏恩認為太需要用腦的電影沒有趣味,然而,他也同意〝電影最低限度要有教育和道德意義。〞若問他其電影是否是一部奇情片,他會這樣回答:〝我盡力做一個講故事的人⋯⋯ 學習劇作藝術和它的規則,講述一個故事,但要講得動人就要加入一些所謂使人〝期待〞或懸疑的元素⋯⋯越多越好,盡可能做到不會令觀眾感到沉悶。 〞本片在一遍對抗操縱信息,對抗無理的審查,對抗無知,但最重要的還是對抗原教旨主義的鬥爭聲音中結束。