Journée de la francophonie
Texte : Eric Sacher
Henri Michaux : « Qui il fut »
Henri Michaux est né à Namur en Belgique en 1899. Mais il s'est toujours refusé à rester dans un seul endroit, préférant le mouvement avant tout. Dès ses années de lycée, les arts et le langage, la poésie et l'écriture chinoise le fascinent.
« L'écriture chinoise semble une langue d'entrepreneurs, un ensemble de signes d'ateliers. (…) Sans être habile, on ne peut pas être chinois, c'est impossible » (Un barbare en Asie)
Destiné à des études médicales, il s'enfuit. Etudier pour lui, était une forme d'acceptation voire de renonciation. Il ne voulait pas « accepter », prit la mer et commença une vie de voyages.
Henri Michaux a toujours été un homme du voyage, voyages lointains et voyages intérieurs. Ils étaient pour lui avant tout synonymes de découverte mais c'était surtout un moyen de se fuir lui-même, de se fuir à lui-même. Il ne faut pas chercher dans ses récits de voyages la surprise ou l'extase d'un Bougainville, mais l'œil critique, voire désabusé, d'un jeune homme « né troué ».
« J'ai sept ou huit sens. Un d'eux, celui du manque » (Ecuador).
De son propre aveu, aucune contrée ne lui plaît, et il semble errer à la recherche de quelque chose qu'il ne peut définir. Il en vient même à se créer ses pays imaginaires, les visitant au gré de ses envies, créant des univers comme il crée des mots (Ailleurs). Il est « Plume », ce personnage qui l'a fait connaître auprès du grand public et qu'il a si bien décrit : un être imaginaire qui regarde un monde surréaliste qu'il subit sans trop comprendre. « Plume » c'est lui, comme Flaubert fut Madame Bovary. Un être étrange mais qu'il crée à l'image de ses propres sentiments et surtout de ses propres paradoxes. Ce « Plume » (est-ce un hasard si le nom évoque aussi bien l'écrivain que le peintre, la légèreté aussi bien que le détachement ?) nous émeut car, tout comme les poèmes d'Henri Michaux, il nous ressemble.
« Aventures terribles, quels que soient vos trames et vos débuts, aventures douloureuses et guidées par un ennemi implacable ». (Plume)
En 1941, c'est André Gide qui fit connaître Henri Michaux en France par la publication d'une conférence qui fut interdite sous l'occupation : Découvrons Henri Michaux. En Amérique du Sud, c'est Jorge Luis Borges qui le « découvrit ». C'est que son langage est universel. Les mots sont toujours précis, taillés dans une pierre précieuse qu'il crée de toute pièce. Le sens de la formule fait parfois sourire, comme dans ces tranches de savoir (« Savon ne contemple pas la crasse », « Le phallus, en ce siècle devient doctrinaire », « Même si c'est vrai, c'est faux »), mais derrière la phrase plaisante, il s'agit souvent d'un regard ironique et cruel sur le monde et soi-même.
« Jugé indigne de barreaux d'honneur, je fus mis en prison ».
Sa relation particulière avec les mots et le langage, il a voulu la vivre dans son corps même. Son expérience des drogues, une expérience qu'il voulait avant tout créatrice, sinon de sens au moins d'art, l'a plongé dans l'univers des mots qui le prirent au piège :
« Parfois des mots se soudaient sur-le-champ. « Martyrissiblement » par exemple me venait et me revenait, m'en disant long, et je ne pouvais m'en dépêtrer. Un autre, infatigable, répétait « Krakatoa ! » « Krakatoa ! Krakatoa ! » ou un plus commun encore comme « cristal » revenait vingt fois de suite, me tenant à lui seul un discours, chargé d'un autre monde, et je ne serais pas arrivé à l'augmenter de si peu que ce soit, ou à le complémenter de quelque autre. Lui seul, comme un naufragé sur une île, m'était tout et le reste et l'océan agité dont il venait de sortir, et qu'il rappelait irrésistiblement au naufragé que j'étais comme lui, seul et résistant dans la débâcle. » (Misérable Miracle)
Les phrases, les lettres, les mots deviennent, derrière la vitre brumeuse de la mescaline, « des oiseaux en plein drame auxquels des ciseaux invisibles coupaient les ailes au vol ». La prose devient alors poésie et la poésie devient prose. Toutes les frontières s'écroulent. Au fur et à mesure, l'écrivain se libère de ses propres mots, il se crée son propre langage, son propre alphabet :
« Tandis que j'étais dans le froid des approches de la mort, je regardais comme pour la dernière fois les êtres, profondément…
Je les fouillais, voulant retenir d'eux quelque chose que même la mort ne pût desserrer… Ils s'amenuisèrent, et se trouvèrent enfin réduits à une sorte d'alphabet, mais à un alphabet qui eût pu servir dans l'autre monde, dans n'importe quel monde. »
Vingt ans exactement après sa mort, l'Alliance Française de Hong Kong se propose de redécouvrir cet artiste hors du commun grâce à une série d'expositions et de conférences au Fringe Club (le 20 mars), au Musée de l'Université de Hong Kong (le 18 mars) et à la Médiathèque de l'Alliance Française (le 19 mars).
Sensible, émouvante, chaleureuse, l'écriture de Michaux emporte le lecteur dans un autre univers, aux confins d'un surréalisme libéré de ses dogmes. Ses mots n'existent que comme invitation, éternelle invitation du lecteur que la mort ne peut effacer.
« Ne me laissez pas pour mort, parce que les journaux auront annoncé que je n'y suis plus. Je me ferai plus humble que je ne suis maintenant. Il le faudra bien. Je compte sur toi, lecteur, sur toi qui me vas lire, quelque jour, sur toi lectrice. Ne me laisse pas seul avec les morts comme un soldat sur le front qui ne reçoit pas de lettres. Choisis-moi parmi eux, pour ma grande anxiété et mon grand désir. Parle-moi alors, je t'en prie, j'y compte. » (Ecuador) |
國際法語區同樂日
亨利.米修:〝他是誰〞
亨利.米修於一八九九年誕生於比利時的納慕爾。但他總不願滯留一處,性喜四處雲遊。從中學時代起,他便沉迷於藝術、語言、詩歌及中國書法。
〝中國書法宛若建築者的語言,車間裡的產品……生性若不靈敏,休想做一個中國人。〞(《一個野蠻人在亞洲》)
他原欲學醫,卻絕塵而去。學習對他而言,是一種接受,甚至是一種放棄。他不想〝接受〞,於是便奔向大海,雲遊四海去了。
亨利.米修是一個不倦的旅人,他既浪跡天涯,亦神遊於內心世界。旅遊對他而言實為發現的同義詞,尤其是一種自我逃避,潛入自身反省自己的一種方式。不要希冀在他的遊記裡得到閱讀拉彼魯茲或布干維爾遊記時常有的那份驚喜或陶醉,但卻可獲得一個〝生來缺失〞的年輕人敏銳、通透的批評。
〝我有七八個感覺。其中之一便是缺失感。〞(《厄瓜多爾》)
他坦承,沒有一處地方能令他滿意,於是他便四處漂泊,彷彿在尋找一種他無法確定的東西。他甚至為自己創造了想象的國度,且隨興之所至造訪這些國度。他創造天地萬物,如同他創造語言(《他方》)。他是〝普呂姆〞(Plume),這個他創造得維妙維肖的人物令他遐邇聞名,無人不識。這是一個想像的人物,他似懂非懂地觀看著他身處的一個超現實的世界。〝普呂姆〞就是他自己,正如福樓拜即是包法利夫人。一個奇特的人物,但卻是他依據自己的感情,尤其是自己悖理的奇想創造的。這個〝普呂姆〞(這名字令人聯想起〝作家〞和〝畫家〞;〝輕盈〞和〝超脫〞,難道是一種偶然的巧合?) (註) 令我們感動,因為和亨利.米修的詩一樣,這人物極像我們。
〝可怕的奇遇,不管你有怎樣的遭遇,怎樣的開始,這是一個不共戴天的敵人操縱的痛苦的奇遇。〞(《普呂姆》)
一九四一年,安德烈.紀德發表了《佔領時期》被禁止的一篇題為《發現亨利.米修》的講演,法國公眾這才認識亨利.米修。在南美,卻是豪爾赫.路易斯.博爾赫斯(Jorge Luis Borges)〝發現〞了他。這是因為他的語言具普遍性。他遣詞造句總是那麼精確,是在一塊寶石上匠心獨運,精雕細鏤出來的。有些語句讀了令人發出會心微笑。例如在《知識片斷》(Ces tranches de savoir)裡,可讀到這些句子:〝肥皂不凝視污垢〞,〝陽物成了這個世紀的空論家〞,〝即便是對的,也是錯的〞。然而在調侃的語句背後,常常是對這世界、對自己的嚴厲的嘲諷和審視。
他和字詞語言的特殊關係,他想透過自己身軀去經驗體會。他欲借吸毒的經驗進行藝術創造,這經驗令他墮入詞語的陷阱。
〝有時候,字詞立刻連結起來。例如‘Martyrissiblement'一字便在我腦海裡來來去去,含意深長,致使我不能擺脫。另一個字,不停地重複著:‘Krakatoa!'‘Krakatoa!'‘Krakatoa!'。又或者另一個較普通的字眼‘Cristal',連連出現了二十次,滔滔向我訴說,充滿離奇古怪,我一點也加不上,任甚麼也補充不了。它就好像一個漂流到孤島上的遇難者,是我的一切,此外還有那他逃出生天的波濤洶湧的大海。它不住地提醒遇難者,我和他一樣孤立無援,獨自在險境中爭扎。〞(《悲慘的奇跡》)
句子、詞語及字母在服食麥司卡林後的一片朦朧中變成了〝悲慘的鳥兒,一把無形的剪刀在牠們飛過時剪下了牠們的翅膀。〞於是散文變成了詩歌,詩歌變成了散文。一切界限都模糊了。漸漸地,作家擺脫了他固有的詞匯,創造出屬於他自己的語言、自己的字母。
〝當我置身於死神來臨時的寒氣中時,我最後一次深深地注視著人類……
我搜索他們,想從他們身上留住即使死神都無法抹去的東西…… 他們變小了,最後縮小成一種字母,幻化成在另一個世界,在任何世界都適用的字母。〞
亨利.米修逝世已整整二十年了,為紀念及重新發現這位非凡的藝術家,香港法國文化協會將於三月二十日於藝穗會,三月十八日假香港大學美術博物館以及三月十九日於法國文化協會多媒體圖書資源中心舉辦一系列的展覽和講座。
米修的文字微妙、感人、熱情,把讀者帶到另一個天地,一個擺脫了超現實主義教條的天地。米修的文字是對讀者的一個邀請,是任死亡都無法抹煞的永恆的邀請。
〝不要因為報紙宣佈了我的死訊便把我當死人看待。我將比現在更謙卑,必須這樣。我指望你了,讀者先生和女士,有朝一日讀一讀我吧。不要讓我孤獨地和死人在一起,好比身處前線得不到親人來信的戰士。為著我的極度不安和極大願望,在死者中選擇我吧。請和我傾談,我企盼著。〞(《厄瓜多爾》)
註:Plume 一字法語裡有兩個意思,即〝羽毛〞或〝羽筆〞。故有此說。
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