Journée de la francophonie
Texte : Eric Sacher
Quand JPM nous raconte HM
HM. Comme un tutoiement posthurne, Jean-Pierre Martin ne dit pas « Henri Michaux » dans sa nouvelle biographie publiée chez Gallimard, mais tout simplement HM.
De fait, Henri Michaux, toujours fuyant ses origines et ce qu'il était, se disait mal à l'aise avec son prénom. Ses plus proches amis ne parlaient pas à « Henri » mais à « Michaux ». Comme le fait remarquer Jean-Pierre Martin, « Michaux » avait l'avantage sur « Henri » d'être plus exotique, presque chinois avec ses deux syllabes « Mi-Cho ».
La Chine, Jean-Pierre Martin l'a d'abord connue sous son angle politique (à l'opposé de la démarche de HM justement !). Maoïste en 1968, son parcours est loin d'être ordinaire. Fuyant lui aussi son milieu (élève à Louis Le Grand !), Il embrassa la vie prolétarienne. Une période de sa vie qu'il raconte dans son livre Le Laminoir :
« Tu me cherches depuis longtemps. Je suis la Classe Ouvrière. C'est elle qu'à ton insu tu adorais déjà à dix ans au bord du lit, croyant prier Dieu. Choisis ton camp morveux. Viens à mes côtés. Plus tard, tu pourras me joindre. Mais d'abord prends le métro ou le train de banlieue, à ta guise, demain matin à 5 heures, et va voir du côté de Billancourt ou de Puteaux, d'Issy-les-Moulineaux ou de Massy-Palaiseau, de Javel ou de Poissy, de Saint-Ouen ou de Choisy, comme tu veux, si j'y suis. »
La vie à l'usine y est décrite avec l'exaltation d'un jeune homme tempérée par la lucidité de son alter ego plus âgé. Au-delà de l'émotion du vécu et de la découverte d'un vocabulaire nouveau, c'est bien un monde en guerre qui transparaît : « Ils continueraient de se ruiner la santé dans les épisodes sans éclat d'une guerre sans témoins. Sur le champ de bataille de la productivité, ils mourraient à petit feu ou en éclair, déjà ensevelis par l'amnésie volontaire – en tirailleurs sénégalais. » Son engagement, il l'a vécu avec ses mains, avec ses bras, travaillant à l'usine, puis bricolant en Auvergne. Il fera même, en bon révolutionnaire, de la prison ! Puis, c'est l'agrégation de lettres, préparée par correspondance, et la recherche littéraire. Certains anciens Maos ont continué la politique (pas à l'usine bien sûr, mais dans les cabinets ministériels ou sur les sièges des parlementaires), lui a choisi la littérature, au moins c'est une amante fidèle.
Il reste engagé bien sûr, quitte à choquer les habitudes et les critiques littéraires. Son Contre Céline rappelle certaines évidences trop souvent oubliées : Le « grand écrivain du XXème siècle » ne le fut pas seulement par sa qualité littéraire mais par l'incarnation même des horreurs et des excès du XXème siècle. C'est ici le Céline pamphlétaire, raciste engagé, collabo sans véritable remords, antisémite revendiqué que JP Martin nous dévoile. Le talent littéraire, si grand fut-il, ne peut être une excuse ou un blanc-seing donné à l'ignominie humaine, au contraire il la rend encore plus dangereuse et abjecte.
Finalement, contre Céline le trop voyant, Michaux le trop discret ne peut que plaire à Jean-Pierre Martin. H. Michaux a sans doute été le Lautréamont ou le P. Klee de JP Martin : le déclic qui l'a fait passer du côté de la littérature. C'est bien sûr par Magie que se fait cette révélation : « J'étais autrefois bien nerveux. Me voici sur une nouvelle voie : Je mets une pomme sur ma table. Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité ! » Lointains intérieurs. En découvrant et redécouvrant (car il faut surtout relire) Henri Michaux, Jean-Pierre Martin apprend à mieux le connaître et bâtit le projet de le faire connaître. Si Gide a fait découvrir Michaux, il fallait Jean-Pierre Martin pour le faire re-découvrir. Auteur d'un premier livre en 1994 (Henri Michaux, écritures de soi, expatriations), puis d'une exposition en 1999 commandée par les Affaires Etrangères, il publie aujourd'hui LA Biographie d'Henri Michaux. Sacrilège ultime pour un écrivain qui souhaitait avant tout rester discret. Mais, la mort change tout et Michaux lui-même dans Ecuador nous a fait promettre de ne pas l'oublier. JPM a promis : il n'oubliera pas HM et le lui écrit, outre-tombe.
Fouillée, extrêmement bien documentée, cette biographie complète (740 p.) est également agréable à lire. On y prend goût, on voyage à travers la vie d'un HM qui devient au fil des pages de plus en plus proche de nous. C'est ici le travail de plus de huit années de recherche. Jean-Pierre Martin a remonté le temps et les traces de ce certain HM, voyageant là où il avait voyagé, foulant les terres qu'il avait foulées, se noyant dans les villes où il s'était noyé. D'entretiens multiples en lectures de lettres (certaines photocopiées, rescapées d'incendies volontaires…), Jean-Pierre Martin s'est approprié HM, l'a fait sien et nous l'a rendu tel quel dans cette biographie-essai qui est déjà un grand succès.
Dans son livre Le Piano d'Epictète, une délicieuse série de huit essais sur le monde littéraire et musical, Jean-Pierre Martin donne sa définition de l'écrivain et de ce qu'il appelle « sa compromission » : « il parle de sa place, de sa plaie – d'un ailleurs, d'un lointain, d'une solitude, d'un pays neutre. Anachronique. S'épingle même avec des phrases empruntées. Des mots lui échappent et chacun est une confidence. ». Jean-Pierre Martin a tenté avec succès de pénétrer dans les confidences que nous a laissées Henri Michaux. Une fois que vous aurez lu « son » Michaux, relisez Michaux et une fois que vous aurez relu Michaux, n'hésitez pas à lire un peu JPM. Les sabots suédois, son dernier roman, sortent chez Fayart le 10 mars !
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國際法語區同樂日
JPM向我們講述HM的故事
HM是亨利.米修身後的暱稱。尚-彼埃爾.馬丁沒有在他由伽里瑪出版社出版的亨利.米修的新傳記裡稱他亨利.米修,而是簡單地稱他HM。
的確,亨利.米修對他的出生,他為何許人,總是避而不談,諱莫如深。對他的名字也感到不自在。他最親近的朋友不叫他〝亨利〞,只稱呼他〝米修〞。誠如尚-彼埃爾.馬丁指出的,〝米修〞優於〝亨利〞,皆因它帶有異國色彩,兩個音節,簡直就是中國人的名字。
對於中國,尚-彼埃爾.馬丁是從政治角度認識她的(和亨利.米修認識中國的途徑恰恰相反)。一九六八年時,他是一個毛主義份子,走過一段頗不平凡的人生路程。他也避而不談自己的背景(他是路易十四學校的學生!)他加入了無產階級隊伍。在他的小說《軋鋼機》(Le laminoir)裡,有對他這一時期生活的描述。
〝你找我已經好久了。我是工人階級。當你十歲那年在床邊祈禱時,你雖然不知,卻已經把我當上帝,愛上我了。選擇你的立場,來和我站在一起吧。今後,你可以和我聯系。但首先,明天早上五點鐘,你可隨便乘地鐵或郊區火車到比昂古爾或普托,伊西.勒.幕里諾或馬西.貝萊佐,查維爾或波瓦西,聖-東萬或蘇瓦幾一帶,看看我是否在那兒。總之隨你的便。〞
書中,作者以被歲月和明智減緩了的年輕人的激情敘述著他在工廠裡的生活。除了所經歷的激情及創新的語言之外,隱約呈現在讀者眼前的是一個戰爭中的世界。〝他們繼續在一場無人作證的戰爭的平淡無光的歲月裡摧殘自己的身體。在生產的戰場上,他們慢慢地死去或突然離開這個世界。後來他們成了塞內加爾步兵團的士兵,有意將這一切忘記。〞他是親手親腳,身體力行投入行動的。在工廠裡勞動,在奧弗涅打雜謀生。他是一個真誠的革命者,嘗過鐵窗風味。後來,他以函授方式,取得了大學文學教師資格,從事文學研究。一些過去的毛主義份子仍繼續投身政治(當然不在工廠,而是在部長辦公室或議會裡)。而他卻選擇了文學,至少這是他忠實的戀人。
他繼續關心社會,那怕激起文學界的反感。他的《反塞利納》(Contre Céline)一書談到了常被人遺忘的一些明顯的事實。如〝二十世紀偉大作家〞不是因了他們的文學業績而偉大,而是因為他們體現了二十世紀的恐怖和殘暴。書中他為我們揭示了一個寫誹謗文章的塞利納,一個種族主義者,一個無悔改之心的合作份子,一個反猶主義者。文學才華,不管多傑出,都不應為人類的卑污行為找藉口、開綠燈。然而今天它卻令人類的行為更危險和下流。
塞利納太過昭彰,尚-彼埃爾.馬丁討厭他。而謹慎有加的米修卻得到了他的青睞。亨利.米修無疑是他的洛特雷亞蒙或保羅.克里。是米修令他茅塞頓開,走上文學道路的。誠然,這是《魔術》(Magie)一文啟示了他:〝過去我十分焦慮不安。而今在我面前是一條新路:我把一隻蘋果放在桌上,接著我把自己放入蘋果中、多麼安靜平和!〞(《內心深處》)透過發現和再發現米修,尚-彼埃爾.馬丁對他有了更深的了解,並著手介紹給大家。若說是紀德發現了米修,而邀人再去發現他的卻是尚-彼埃爾.馬丁。一九九四年,他發表了第一本介紹米修的專著,題為《亨利.米修,其著作及旅居生涯》(Henri Michaux, écriture de soi, expatriations),接著於一九九九年,應法國外交部之托,舉辦了有關米修的展覽。今天,他又發表了亨利.米修的新傳記。對於一個生性謹慎、甘於澹泊的作家而言,這是一個大不敬。然而死亡改變了一切。米修不也在《厄瓜多爾》一書裡要我們答應不要把他忘記嗎?尚-彼埃爾.馬丁答應了他,他沒有忘記HM,並往另一個世界給他寫信。
尚-彼埃爾.馬丁這本亨利.米修全傳(共740頁)資料豐富,內容翔實,值得一讀。讀著令人愛不釋手。隨著書頁一頁頁翻過,我們跟著米修的一生走,覺得他越來越接近自己。這是耗時八年多潛心研究的成果。尚-彼埃爾.馬丁追憶已逝的歲月,跟著米修的足跡走去。到他曾經旅遊過的地方旅遊,曾經踏足過的大地漫步,曾經居住過的城市居住。從無數的對話訪談到書信尺素(其中有影印的、有從作者有意焚毀的書信中劫後餘生的)。尚-彼埃爾.馬丁完全掌握了亨利.米修,把他變為自己,並在他的傳記中為我們呈現一個原原本本的亨利.米修,這是一個巨大的成功。
在他的另一部著作《埃彼岱特的鋼琴》(Le piano d'Epitète)裡,這是一系列八篇有關文學和音樂的精美隨筆。尚-彼埃爾.馬丁對作家以及他所謂的〝妥協〞作了解釋:〝他談論他住的地方、他的創傷、他方、遠方、孤獨、一個平凡暗淡的國度。年代錯誤。甚至引用別人的語句。話語脫口而出,卻句句發自肺腑。〞尚-彼埃爾.馬丁成功地進入亨利.米修留給我們的真誠的文字裡。一經讀了〝他的〞米修,務請重讀米修;而一經讀了米修,那麼別再猶豫,請讀一讀JPM。《瑞典木屐》(Les sabots suédois)是他最新的一部小說,已於三月十日由Fayart出版社出版問世。
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