Le French May - Danse
Texte : Antoine Vallet

Rave : plaisir, délire et fantaisie sur scène

Nouveau regard sur le monde, Rave est le trublion, l'électrochoc qui réveille la danse. Karole Armitage et Merce Cunningham concilient leur créativité pour faire de ce ballet des temps modernes un savoureux mélange de styles.

A une époque où la danse, les arts plastiques, le théâtre, la musique se voient peu à peu écartés du devant de la scène, Karole Armitage, chorégraphe de formation classique aux tendances électro-punk, lance le défi de les unifier dans un spectacle inoubliable, lançant ainsi un cri d'alarme à l'attention des déserteurs de strapontins. Désormais la danse devient point de concordance de la musique, de la peinture, de la mode, du classique et de l'extravagant en une alchimie extraordinaire et magique.

Karole Armitage : de Merce Cunnigham au Ballet de Lorraine
Un tel chef-d'œuvre ne s'est pas orchestré en un jour. En 1953, Merce Cunningham monte la Merce Cunnigham Dance Compagnie, avec son ami de toujours, John Cage, qui en devient le directeur musical et ce jusqu'à sa mort en 1992. Robert Rauschenberg les rejoint en 1954 et restera scénographe attitré et conseiller artistique de la compagnie pendant dix ans. Ces trois génies dans leur domaine respectif, draineront au sein d'une même troupe, la superbe et l'élégance de danseurs du monde entier, pour en faire l'élite, les défenseurs, les fidèles de la danse. Karole Armitage intègre la compagnie et assiste en 1976 au cours de Merce Cunningham pour lequel elle a déjà beaucoup d'admiration. En 1982, elle exécute un ballet, Duets, imaginé par son mentor, avec lequel elle s'est liée d'amitié. Ce ballet que l'on retrouve d'ailleurs dans Rave est un petit bijou de minutie dansé en duo à la pointe d'une ballerine.

Pourtant, en 1980, elle s'envole de ses propres ailes et après quelques œuvres fracassantes — Vertige (1980) ou encore Drastic Classicism (1981) — joués dans les lofts de Soho à New York, elle fonde sa propre compagnie, Armitage Gone Dance. Grâce au dynamisme de cette troupe elle connaît une ascension rapide, dirige des ballets de plus en plus grands, tourne en Asie, en Europe, et accumule les commandes pour les compagnies étrangères : Ballet de Monte Carlo, Opéra de Berlin, Opéra de Paris...

Pendant vingt ans, Karole Armitage, sillonne ainsi le monde de pointes en pointes, s'enrichissant des diverses cultures qu'elle rencontre. Puis elle regagne l'Europe qui ne lui est pas étrangère, (en 1973, Georges Balanchine, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, l'avait invitée à rejoindre sa compagnie) et entreprend une nouvelle création, Rave qui séduit Didier Deschamps, directeur depuis mars 2000 du Centre chorégraphique national du Ballet de Lorraine.
Ce dernier à l'affût de créativité, souhaite reproduire les brillants succès que connut la compagnie sous la direction de Jean-Albert Cartier (créateur de ce centre en 1978), et de Patrick Dupond qui lui offrirent une programmation de qualité à la hauteur des ambitions de diffusion et d'animation chorégraphique de la structure, sur les plus grandes et plus belles scènes du monde. Cette rencontre se présente donc comme une aubaine. La culture éclectique de Karole Armitage, cet avant-gardisme qui synthétise, concentre et harmonise les grandes évolutions de la danse, constitue autant de saveurs pour son « projet artistique à multiples facettes. » Trois années de gestation ont été le temps nécessaire pour que naisse un parfait équilibre dans l'éclectisme des composantes de ce ballet et que les virtuoses du CNN soient, sans rompre sous la tornade Armitage, à la hauteur de sa créativité débordante. Dans ce nouvel envol, Karole Armitage peaufine son style, créant un nouveau courant de danse inspiré par le journal Vogue : le Voguing. Cette danse à la fois moderne et classique concilie danses exotiques (salsa, capuera), contemporaines (smurf, break) et anciennes (baroque, cancan) dans un spectacle en six séquences coupées de fondu au noir (bangra, transe tribale, latin, éléctro, et jungle).

Le Chat de Schrödinger et Duets de Merce Cunningham
A peine les spectateurs sont ils installés qu'à pas de velours, les vingt-quatre danseurs prennent position dans la noirceur de la scène. Plus aucun frémissement, et le silence se brise sous le martèlement assourdissant, mécanique et rythmique de Gérard Hourbette. La fougue trépidante de Karole Armittage reprend de plus belle. Les félins sont alors disloqués par l'emballement d'une musique effrénée dont ils deviennent les pantins. Dans la visée des projecteurs de Thibault Leblanc, ces fugitifs de la nuit tentent par groupe de deux, douze ou vingt-quatre, de se libérer de leurs ombres qui les clouent au sol après chaque envol. Masqués de noirs et vêtus de linceuls, les danseurs se meuvent avec souplesse vigueur et agilité, suscitant l'effroi propre à l'atmosphère de la physique quantique. Le Chat de Schrödinger suscite un frisson, illustrant une expérience démoniaque qui a pour résultat un chat, physiquement vivant et mort.

Mais dans Rave, il n'y pas que du délire. Succède donc à cet « entrechat macabre », Duets de Merce Cunningham, qui adoucit l'atmosphère par une expiration régulée. Les danseurs deviennent des mécaniques à la pointe de la minutie. Réglés comme du papier musique sur les rythmes de John Cage, ils exécutent avec beaucoup de tenue les pas imaginés, pensés et réalisés sur ordinateur par Merce Cunningham. Suivant la technique du fondu enchaîné, les danseurs se superposent jusqu'à ce que l'un se fonde dans l'ombre de l'autre. Cette précision spectaculaire donne à ce ballet néoclassique un soupçon de quiétude rappelant que le silence, le calme et la douceur existent en ce monde.

Rave : un carnaval sauvage
Cette rêverie s'interrompt avec légèreté, la scène s'assombrit jusqu'à plonger dans la quasi-obscurité, et le public se trouve ébloui par l'arrivée inopinée d'un carnaval sauvage. Karole Armitage a façonné les danseurs en gravures de mode sophistiquées, en Mohicans terrifiants, en baby-dolls délurées, en clones d'Andy Warhol ou de Marilyn Monroe. Leurs envols semblent naturels voire instinctifs, ils illustrent parfaitement la faune urbaine des années 80 qui, par une recherche exagérée de l'originalité s'est exposée au burlesque. Le créateur de la maison de couture Cerruti, Peter Speliopoulos, en teintant leur corps de couleurs criardes et les vêtant d'accoutrements délirants, met la touche finale à cet univers dans lequel Karole Armitage retranscrit avec brio et élégance, une société devenue paradoxale, extravertie à force d'extravagance. Le ballet métissé de milles couleurs bat son plein sur les sonorités de Davis Shea qui mêlent musiques afros, technos, rap, punk, salsa et autres rythmes endiablés.

Rave est la preuve que l'extravagant et le classique, comme le classique et le moderne font bon ménage et déménagent quand ils sont habilement dosés. Le journal Le Monde présente Rave comme « une perle noire riche en couleur », le Figaro surenchérit : « Et arrêtons-nous sur Rave, pur moment de bonheur pour les yeux, les oreilles et le cœur. Par les costumes, la musique et la danse, Rave est presque une caricature de l'esthétisme de notre temps ». Les critiques présentent, à l'unanimité, Rave comme une recherche de la virtuosité qui ne se fait pas au détriment de l'élégance.

Il ne serait pas surprenant que ces pointes délirantes deviennent les fondations d'une nouvelle école de danse. A suivre.

法國五月:舞蹈

亨利.米修:畫家的筆

《狂熱》為世界提供一種全新的視野,為舞蹈燃點更燦爛的火花。雅密堤與簡寧漢兩位著名編舞家互相協調創意,為觀眾帶來一次糅合了不同風格,饒有趣味的現代芭蕾舞表演。

正當舞蹈、造型藝術、戲劇、音樂等藝術逐漸從藝壇的前方被排斥之時,嘉露.雅密堤這位曾接受古典舞蹈訓練但傾向於électro-punk風格的編舞家卻勇於面對挑戰,將這幾種藝術結合在一場令人難忘的表演中,藉此向那些不再到劇院欣賞節目的人發出警號。
此後,舞蹈成為了音樂、繪畫、時裝、傳統與荒誕藝術的協調點,透過它的神奇力量,讓各種藝術的魅力更發揮得淋漓盡致。


雅密堤:自簡寧漢舞蹈團到萊恩芭蕾舞團的歲月
如此偉大的傑作並不是在朝夕中誕生。一九五三年,簡寧漢與老友約翰.凱吉(John Cage)合作創辦了簡寧漢舞蹈團,後者擔任舞蹈團的音樂總監直到他一九九二離開人世。由一九五四年起到往後的十年,羅森伯格(Robert Rauschenberg)被正式委任為舞蹈團的舞台設計及藝術顧問。這三位在各自領域中的天之驕子把世上最非凡出色的舞蹈員吸引到同一隊舞蹈團中,讓他們成為舞蹈界的精英,成為捍衛舞蹈的忠貞份子。而嘉露.雅密堤一九七六年加入該舞蹈團,並拜簡寧漢為師,當時她對這位大師已是推崇備致。之後,二人還成為好友,一九八二年,她演出的芭蕾舞《雙人舞》就是由這位良師所構思。在今次的《狂熱》表演中我們有機會再次欣賞這齣細緻優美的雙人舞蹈。

然而,雅密堤一九八零年已展翅離巢,繼創作了幾個在紐約蘇豪區極受歡迎的作品:Vertige (1980)、Drastic Classisime (1981)後,她成立了自己的舞蹈團 (Armitage Gone Dance)。這舞蹈團的朝氣令她的聲譽扶搖直上,製作的舞蹈也愈來愈具規模,還到亞洲、歐洲等地巡迴演出,並接獲不少外國舞蹈團:蒙地卡羅芭蕾舞團、柏林歌劇院、巴黎歌劇院…… 等的委托為他們編舞。
跟著的二十年,嘉露.雅密堤穿梭於世界的不同角落,接觸各種不同的文化, 從中獲得更豐富的創作靈感。之後她再到歐洲。其實歐洲對她來說並不陌生,因為於一九七三年,日內瓦大劇院的芭蕾舞總監Georges Balanchine曾邀請她加入該舞蹈團。回到法國後,她著手進行創作新的作品:《狂熱》,這作品引起了萊恩芭蕾舞團國立舞蹈中心的總監迪迪埃.德尚(Didier Deschamps)的興趣。

迪迪埃.德尚自二零零零年三月起任國立舞蹈中心的總監,他為了重振舞蹈中心昔日在Jean-Albert Cartier(一九七八年創辦這舞蹈中心的人)領導下的光輝歲月,因而一直密切留意新的創作。
結識雅密堤對他來說可是一次意外的收獲。雅密堤那多元的文化,以及將各種舞蹈風格綜合、協調並使之合一的前衛主義正好就是他為實踐他的〝多元化藝術計劃〞所需的。經過了三年的構思,並有足夠的時間讓這舞蹈的各種風格完全得到平衡,而CNN屬下那些技藝非凡的舞蹈員更能讓雅密堤發揮她那無盡的創意。

為了創新的嘗試,雅密堤精心修飾自己的風格,創出一套全新的,靈感來自時裝雜誌《Vogue》的舞蹈時尚:Voguing。這既摩登又古典的舞蹈將一些富異國色彩(salsa 、capuera),具現代感(smurf、break) 以及古老(巴羅克、肯肯)的舞蹈融?於一場表演中。

《舒羅丁格的貓》以及簡寧漢的《雙人舞》
觀眾剛剛安坐好,二十四位舞蹈員即以輕盈無聲的腳步在 漆黑的舞台上擺好姿勢。再沒有任何輕微的動靜,然後,震耳欲聾的錘打聲打破靜寂,在Gérard Hourbette 那機械性和富節奏感的音樂襯托下,雅密堤那激昂的舞姿更顯突出。那些貓兒般的舞者在狂熱的音樂刺激下像脫了臼的扯線公仔。在 Thibault Leblanc 設計的燈光追蹤下,在黑夜中逃亡的人或二人一組,或十二人或二十四人一起飛躍逃跑,似乎在嘗試擺脫那些把他們釘在地上的影子。戴上黑紗並用布纏身的舞蹈員以靈活有力的柔軟身軀移動,使人聯想到在量子物理的環境中那特有的不安感覺。《舒羅丁格的貓》使人想起一個瘋狂的實驗,而這實驗的結果是造成一隻貓同時處於生和死的兩個狀態中。
但《狂熱》中並非只有狂熱的。繼這〝令人傷感的貓兒舞〞後,簡寧漢創作的《雙人舞》緩和了氣氛,讓大家輕舒一口氣。舞蹈員變成了極之精細的機械裝置。他們隨著約翰.凱吉的節奏非常有規律地舞動,以優雅的姿態來演繹簡寧漢利用電腦構思出來的舞步。運用了疊影技術,舞者們疊合在一起,直至互相融入對方的影子中。這令人嘆為觀止的準確性為這新古典色彩的芭蕾舞添上少許平靜的感覺,令人感到一個溫柔寧靜的平和世界的存在。


《狂熱》:狂野嘉年華
夢幻的感覺被輕鬆的節奏打斷了,舞台的燈光逐漸暗淡直至幾乎漆黑一片。觀眾被突然出現的狂野嘉年華弄得眼花繚亂,在色彩繽紛的舞台上,雅密堤把舞蹈員塑造成時裝式樣圖中的模特兒,像奇裝異服的頹廢族,或像調皮的玩偶,又或是像瑪莉蓮夢露的翻版。他們飛躍的舞姿看來十分自然,甚至是發乎本能的。舞蹈員完美地將八十年代的都市人表現出來,這些人因為過份追求創新,反而招來滑稽的效果。而最後由著名時裝設計師Peter Speliopoulos 給舞蹈員身上塗上耀目的顏色以及給他們穿上可笑的奇裝異服更是神來一筆,為這舞蹈錦上添花。雅密堤在這舞蹈中以生動優雅的手法將 — 這個因過份荒謬而變得矛盾和外傾的世界重新描畫出來。