Le French May - Installation vidéo-son
Texte : Gérard Henry

Laurent Grasso : « Radio Ghost »

Visiteur curieux, Laurent Grasso a su, lors d'un passage à Hong Kong, prêter l'oreille aux histoires étranges qui courent dans la ville. Des histoires de fantômes, particulièrement dans les milieux du cinéma et de la radio. Tout Hongkongais ou tout résident de longue durée dans cette cité sait qu'elles sont nombreuses, parfois cocasses mais aussi tragiques, car liées quelquefois à des pratiques de magie noire. Laurent Grasso avait entendu parler de ces fantômes qui s'installent sur les lieux de tournage comme si l'élément virtuel du cinéma les séduisait particulièrement : « j'aime beaucoup l'idée, dit-il, qu'à l'endroit où l'on produit la fiction viennent se loger des apparitions magiques. »

L'autre aspect qui le fascine est la densité du tissu urbain, son extrême modernité et sa verticalité. C'est ce contraste entre une cité extérieurement à la pointe du modernisme, et des traditions plongeant dans la superstition et la magie, que Laurent Grasso a mis en scène dans son œuvre « Ghost Story », une installation vidéo et son.

L'œuvre a été exposée en janvier au Crédac (Centre de recherche d'échange et diffusion pour l'art contemporain) de Ivry près de Paris. L'espace, une ancienne salle de cinéma dépourvue de tous ses sièges et entièrement peinte de blanc, ne contenait qu'un vaste écran où passait la vidéo : « J'ai eu, précise Grasso, la possibilité de filmer la ville du ciel, mais avec une très faible distance, ce qui est rare et impossible ailleurs. La ville devient une maquette, une série de jouets colorés qui s'animent à l'image d'une réalité sur laquelle nous avons de moins en moins d'emprise ».

Grasso a en réalité filmé Hong Kong à partir d'un hélicoptère à très basse altitude. Les images sursaturées de couleurs créent une ville un peu irréelle. La caméra avance très lentement, reste au-dessus d'un terrain où s'animent des personnages, s'approche de face vers le ventre des gratte-ciel, survole des toits, des terrains vagues où la terre est éventrée. Vue de cette façon, la ville perd toute identité reconnaissable. Elle devient un gigantesque jeu de construction au-dessus duquel on se tient, tenté d'intervenir. C'est aussi l'image d'une ville invisible au passant qui la parcoure, les pieds rivés au sol. L'artiste s'arrête sur de splendides plans de couleurs, toiles abstraites indéchiffrables qui subrepticement, nous font glisser vers un autre espace.

La surprise arrive quand l'on va derrière l'écran, dans une cabine insonorisée et plongée dans le noir total (mais ouvrant par une petite lucarne sur le dos de l'écran), d'entendre des voix inquiètes ou apeurées raconter leurs rencontres avec des êtres appartenant au monde de l'au-delà ou à un entre-monde seulement visible de quelques-uns.

Grasso a interviewé des personnes racontant leur rencontre personnelle avec un « fantôme », un esprit ou un phénomène paranormal. Ces voix discourant en chinois, anglais ou français ont l'accent de la sincérité car il n'a retenu que les témoins directs qui ont vécu ces expériences.
Dans une interview à Marta Gili, Grasso explique sa démarche : « J'avais besoin d'outils pour comprendre le monde, la réalité. Mes premières expériences artistiques en tant que spectateur ont été littéraires.

« J'ai eu envie de créer des espaces qui proposent une autre temporalité, un retrait du monde extérieur en mettant en place des dispositifs sensoriels et mentaux. C'était un besoin personnel de se retrouver dans des espaces modifiés pour produire une distance au monde. La vidéo et le son m'aident à modifier ces espaces. Cette immatérialité m'intéresse car les données que j'ai envie de manipuler aujourd'hui sont invisibles : le temps, les ondes magnétiques, l'allusion à d'autres cadres spatio-temporels.

« Pour Radio Ghost, on survole une ville très futuriste, filmée comme une maquette. Des voix évoquent l'apparition de fantômes dans les ondes radio, dans les caméras et les lieux qui servent à tourner des fictions de cinéma. Le fait que des fantômes apparaissent spécifiquement dans l'industrie du spectacle, que la ville filmée contienne des architectures modifiées par les lois du feng shui, est à la base du projet. Les plus grandes banques de Hong Kong conçoivent leurs immeubles en fonction de lois qui prennent en compte des éléments invisibles, comme des flux d'énergie, des formes symboliques. J'aime cet équilibre entre le pouvoir et des croyances irrationnelles. »

Laurent Grasso, né en 1972, vit et travaille à Paris. Classé parmi les Dix vidéastes en vue du magazine Beaux Arts, il crée régulièrement depuis 1999. Il a exposé à la Biennale de Lyon, au Palais de Tokyo à Paris, ainsi qu'en Europe et aux Etats Unis. Il sera présent en 2004 dans la collection Agnès B. présentée au Centre d'art contemporain des Abatoirs de Toulouse et à la Biennale de Pusan en Corée.

Œuvres
Mes actrices (1999), Soyez les bienvenus (1999), Du soleil dans les yeux (2001), Tous est possible (2002), Les temps manquant (2002), Radio ghost (2004).


法國五月:錄像聲音裝置

洛朗.格素的《鬼魅電台》

對事物充滿好奇的洛朗.格素來香港旅遊 時四處打聽流傳市內的一些離奇古怪的故事。它們都是在電影拍攝場所或電台廣播期間發生的一些超自然現象的故事。所有香港人或長期在這城市居住的人都知道這類故事無日無之,有離奇可笑的亦有凄慘的,原因是這類故事有時是牽涉到巫術之類的黑暗力量。洛朗.格素聽說有時鬼魅會停留在某些拍攝場地,似乎電影的虛擬因素特別吸引它們,他說:〝我對靈異物體在我們創造虛構故事的場所中出現這概念特別喜歡。〞

其他吸引他的地方就是香港密集的都市結構,極度現代化和垂直式的發展。而他的電影及聲音裝置《鬼魅電台》就是有意要將一座外表看來走在時代尖端的城市,當中卻存在著一些流於迷信的傳統,這兩者之間的強烈對比呈現出來。

這作品曾於本年一月在鄰近巴黎的當代藝術交流研究中心展出。展出場地是一間沒有任何座位的舊電影院,完全白色的室內只有一塊用來放映錄像的巨型屏幕。格素表示:〝我難得可以有機會以近距離從高空拍攝這座城市,在其他的地方這是很困難,幾乎是不可能的。這樣的角度,城市變成了一座模型,變成一系列有生命的彩色玩具,反映出一個我們愈來愈難以掌握的現實。〞
格素其實是在一架低飛的直昇機上拍攝。那些過份彩色的影像令城市變得有點虛幻不真實。鏡頭以十分緩慢的速度移動,有時停留在一塊有人走動的空地上,有時正面朝著一座摩天大廈飛去,有時又飛過屋頂,或是飛過一些被挖得千瘡百孔的工地。從這種角度觀看,城市失去了所有可被確認的身份。它變成了一個巨型的建築遊戲,而我們在上面俯視著,嘗試插手參與其中。而這樣的一個城市影像,那些在當中走動,腳踏地上之人是看不到的。這位藝術家利用一塊塊美麗的顏色圖,一些無法辨讀的抽象畫悄悄地引我們進入另一個空間內。
因此,當大家走到屏幕背後,進入一間有隔音設備,伸手不見五指的小屋內(但有一小天窗看到屏幕的背面 ),並聽到一些帶擔憂或哭訴的聲音在訴說他們所遇見的靈異怪事的時候也不會感到驚奇。

格素要求那些被他訪問的人講述曾親身遇見鬼魅幽靈或超自然現象時的經過。這些講話的聲音有的是廣東話,也有英語和法語,而且全都語氣真誠,因為格素只保留那些曾親身經歷的見證。
在一次接受馬塔.吉里的訪問中,格素解釋他的創作手法:〝我需要一些能幫助我理解這世界,明白真實現象的工具。我最初以觀眾身份接觸的藝術都是有關文學的。
〝我突然想到要創造一個可以提供不同時空的空間,並透過一些影響感官和心理的裝置來逃避外在的世界。這是個人的需要,我要藉重新回到一處修改過的空間來與世界產生距離。而錄像和聲音正好能幫助我去改造這些空間。我對這種非物質性特別感興趣,因為我今日要操控的資料是看不見的,如時間、電磁波等,這是用來比喻其他的時空環境。

〝在《鬼魅電台》中,我們飛越一個極富未來色彩的城市,把它拍攝成模型一般。而聲音則使人聯想起那些曾在電台廣播;在用來創造虛構故事的拍片場地和鏡頭裡出現的鬼魅和靈異現象。而鬼魅特別在演藝界出沒,以及被拍攝的這座城市內有著一些因‘風水'律法影響而改變結構的建築物,這些因素都是這計劃的創作基礎。香港幾家規模最大的銀行都是根據一些看不見的因素,如力量的流動,一些具象徵意義的形狀等來構思他們的建築物。我喜歡這種存在於力量與違背邏輯的信仰之間的平衡狀態。〞

在巴黎生活和工作的洛朗.格素一九七二年出生。自一九九九年起他定期創作,更被《BeauxArts》雜誌選為最具知名度的十位錄像藝術家之一,他的作品曾在里昂雙年展、巴黎東京藝術館展出,也曾到歐洲其他國家及美國等地展出作品。二零零四年他的作品將會在法國圖盧茲舊屠場改建成的當代藝術中心內的agnès b. collection中及韓國釜山雙年展中展出。