Littérature
Texte : Christophe Schenk

Suisse-Romande, un ailleurs littéraire ?

Quelle est la place de la littérature romande face au monde littéraire francophone ? Bien plus qu'un simple terroir linguistique, c'est peut-être une attitude dans son rapport à la langue française qui marque sa spécificité.

Qu'est-ce que la littérature romande ? L'expression revient fréquemment dans le monde académique, comme une étiquette facile à apposer à un domaine d'études. Mais que cache - ou plutôt que chercherait à montrer - cette terminologie ? En un mot, qu'est-ce qui fait la spécificité de cette littérature-là, cette « littérature de chez nous » ?

Dans un premier temps, il convient de se demander si elle existe vraiment, comme une entité originale prenant place dans la mosaïque de la littérature francophone. Un rapide coup d'œil au foisonnement des maisons d'éditions et de la production livresque suffit à attester de cette existence: la Suisse-Romande est une terre d'écriture ! La littérature romande est une réalité, avec ses succès, ses monstres sacrés et ses courants fluctuants. Même si aujourd'hui son exposition médiatique semble limitée, sa pluralité et sa richesse sont indéniables. Revues, lectures, concours et - pour vivre avec son temps - sites Internet en sont bien la preuve. On écrit, on publie, on nourrit ce rêve d'une littérature suisse-romande.

Ainsi, on ne peut nier l'existence d'une littérature romande, géographiquement du moins. Mais ce qui permet véritablement d'envisager cet ailleurs littéraire, ce n'est pas dans les chiffres et les statistiques qu'on le trouve, mais bien plutôt dans les mots. C'est la langue, en effet, dans son usage particulier, qui rassemble sous une bannière commune la production littéraire suisse-romande. Un français que les auteurs se sont approprié au fil du temps, poursuivant certes des buts différents, mais toujours avec cette attention particulière de déjouer l'académisme de la langue de l'école, rythmée par la grammaire et les dictionnaires.


Dans un premier temps, il convient de citer les figures tutélaires de la littérature romande, ceux qui les premiers osèrent un français qui différait de celui de Paris. Rousseau (le Genevois), puis Ramuz (le Vaudois), dont l'amour d'une langue plus musicale leur valut maintes critiques dans la capitale hexagonale. Qu'ils aient cherché à rendre l'oralité la plus populaire ou - surtout - le rythme d'un parler qu'on ne trouverait nulle part ailleurs, c'est bien dans leur langue que réside l'originalité propre à leur écriture. Cette envie d'écrire les choses qui ne viendraient que d'ici, comme l'exprime Ramuz en conclusion de son Raison d'être : « Mais qu'il existe, une fois, grâce à nous, un livre, un chapitre, une simple phrase qui n'aient pu être écrits qu'ici, parce que copiés dans leur inflexion sur telle courbe de colline ou scandés dans leur rythme par le retour du lac sur les galets d'un beau rivage, quelque part, si on veut, entre Cully et Saint-Saphorin - que ce peu de choses voie le jour, et nous nous sentirons absous. »

Bien qu'elle tire sa force de cette retranscription d'une oralité qui lui est propre, la littérature romande ne s'est pas laissée enfermer dans une littérature du terroir où certains se seraient empressés de la ranger. Sa diversité et son dynamisme lui ont permis d'échapper plus d'une fois à un héritage ramuzien de pâles copistes. Citons quelques exemples pris au fil de la production littéraire romande de ces trente dernières années
(1).

Jean-Marc Lovay tout d'abord, dont l'hermétisme apparent n'est pas sans rappeler certains romans de Samuel Beckett. A travers son œuvre, sa langue s'émancipe progressivement de son espace suisse-romand, pour s'approprier l'espace textuel, interroger la phrase littéraire.
Agota Krystof ensuite, hongroise d'origine mais vivant en Suisse-Romande depuis 1956. Après avoir travaillé dans une usine et apprit le français, elle rédige plusieurs textes dans sa langue d'adoption. L'usage qu'elle fait du français - bien qu'a priori étranger à l'oralité romande - est marqué par son appropriation de la langue.

Noëlle Revaz enfin, qui, dans son premier roman Rapport aux bêtes, s'est jouée de l'oralité suisse-romande en créant un langage paysan à l'artificialité avouée, mariant à merveille les mots d'ici et ceux des livres.

Ainsi, l'écriture en « français » pour les auteurs romands, qu'elle participe d'une envie de rendre une certaine oralité ou non, consiste bien souvent en une réappropriation de la langue. Il ne fait donc aucun doute qu'il existe une littérature romande, diverse et cohérente, qui se démarquerait à l'intérieur du monde littéraire francophone par son usage du français. Mais chercher à la définir, c'est peut-être aussi prendre le risque d'oublier sa richesse. La Suisse-Romande fourmille d'auteurs de talent et sans cesse de nouveaux noms viennent grossir ses rangs. En parler c'est leur donner une légitimité théorique; mais il est bien plus important de les lire, pour laisser leurs mots nous parler, s'émancipant alors des gloses écrasantes et s'offrant ainsi une existence propre.

* Christophe Schenk est l'auteur de quelques nouvelles et d'un premier roman, La boule au ventre, qui paraîtra à l'automne 2004 aux Editions de l'Hèbe. Pour plus d'informations, http://www.christopheschenk.ch

(1) Pour plus d'informations sur les auteurs cités, ainsi que sur la littérature romande en général, une visite sur le très bon site http://www.culturactif.ch s'impose.

文學

瑞士法語區,另一個文學天地?

面對法語文學世界,瑞士法語區文學如何定位?它遠非一種簡單的鄉土語言,它可說是對法蘭西語言所取的足於顯示其獨特性的一種態度。

何謂瑞士法語區文學?在學術界裡它經常被提及,彷彿一個標簽,極易用來標誌一種學術領域。但這個術語究竟蘊藏著甚麼 — 又或者它試圖表現甚麼?一句話,甚麼是這個文學的獨特性,這個〝我們自家的文學〞?
首先,應該想一下,這個文學是否真的存在,在五彩繽紛的法語文學 天地裡以一種獨特的實體佔有一席之地。只要看一看眾多的出版社和琳瑯滿目的書籍,便足於證明它的存在。瑞士法語區確實是一個文學天地!它成績斐然、大家輩出、波瀾起伏,實為一個事實。雖然今天它在傳媒中的表現有限,但它的豐富內容、瑰麗多彩是無庸置疑的。雜誌、閱讀、各種比賽、順應潮流的互聯網站,即是一個明證。人們寫作、發表作品、共同編織一個瑞士法語區文學的夢。

這樣,我們便不能否認瑞士法語區文學的存在,至少在地理意義上如此。但可以真正供人探視這另一個文學天地的,並非在數字和統計中,而是在詞語中。的確,是語言的獨特用法將瑞士法語區的文學創作齊集在同一面旗幟下。這是作家們長期經營最終擁有的一種法語。在奮鬥過程中當然目的各異,但他們有一個共同的關注,即避開那受制於語法和詞典的、學院式的法語。

接下來應提一提瑞士法語區文學的守護神,即最先敢於嘗試不同於巴黎法語的人物:日內瓦人盧梭,沃州人拉米(Ramuz)。他們對更具樂感、更加悅耳的法語的酷愛引來了巴黎的百般非難。他們竭力表達最大眾化的口語,或者是一種其他地方找不到的節奏感。他們別樹一幟的寫作風格正基於這種語言。這種描繪只屬於該地區事物的寫作願望,拉米在其《生存理由》(Raison d'être)一文的結論中有所表述。他說:〝全賴我們,才有這樣一本書,一個章節,一個簡單句子。這些,只有在我們這裡才能寫出。因為它是在某處,譬如在屈利(Cully)和聖-薩福蘭(Saint-Saphorin)之間,摹寫著山巒的起伏,敲擊著佈滿卵石的美麗湖畔的蜿蜒曲折的節奏。只要創造出這點東西,我們便有赦罪的感覺。 〞

瑞士法語區文學雖在重視它特有的口語中汲取力量,但沒有就此被禁錮在一種鄉土文學的範疇裡,而有些人卻匆匆地將它這樣歸類。它的多姿多采和充滿活力令它不止一次倖免墮入那班拉米的平庸模仿者的窠臼。且讓我們在近三十年的瑞士法語區文學創作中舉幾個例子吧。

首先是尚-馬克.洛維(Jean-Marc Lovay),他表面晦澀難懂的作品令人聯想起薩米埃爾.貝凱特(Samuel Beckett)的一些小說。透過他的作品,語言漸漸地走出瑞士法語區,去征服文字的空間,創造優美的語句。

而原籍匈牙利的阿戈達.克利斯托夫(Agota Krystof),自一九五六年便住在瑞士法語區。她對法語的使用 — 雖然原則上與瑞士法語區口語無涉 — 卻受到她征服語言的影響。
最後是諾埃勒.勒瓦茲(Noëlle Revaz),她在其第一部小說《與動物的關係》(Rapport aux bêtes)裡,玩忽著瑞士法語區的口語,創造出一種人工的農民語言,巧妙地將瑞士法語區的詞語和書本語言融為一體。

因此,瑞士法語區作家用〝法語〞寫的作品,無論欲表達口語與否,常常是一種對語言的再征服。毫無疑問,瑞士法語區文學的確存在,它姿態萬千,卻又和諧統一。在法語文學世界裡,以其獨特的法語而與眾不同。但試圖為它下定義,則有忽略其豐富多采之虞。瑞士法語區有才華的作家人材濟濟,後起之秀不斷湧現,擴大了它的隊伍。談論他們意即從理論上給他們以合法地位。但更重要的是閱讀他們,傾聽他們,讓他們免遭惡意評論,覓得適宜自己生存的空間。