Art contemporain chinois
Texte : Gérard Henry

Dashanzi et 798 : de l'usine modèle au village d'artistes

Pékin change à vitesse grand V, les hutong disparaissent semaine après semaine pour donner place à d'énormes blocs de bâtiments vitrés, les voitures privées ont depuis le SARS complètement pris possession de la rue, de nouveaux restaurants excellents, aménagés et décorés avec goût, ouvrent chaque mois, les rues de Sanlitun ont, avec leurs cafés-terrasses, pris un cachet européen, les bords du lac Hou Hai dépassent le soir le quartier Lan Kwai Fong de Hong Kong en nombre et en animation. Tous les soirs, une jeunesse pékinoise vient s'affaler dans ses canapés et divans sortis sur les bords du lac. Et pourtant, malgré tous ces changements, l'offre culturelle de Pékin en cinéma, spectacles et expositions reste d'une grande pauvreté. Les musées sont tout aussi poussiéreux qu'il y a 20 ans, le jazz a du mal à survivre, les galeries sont rares par rapport à la taille de la cité. L'offre culturelle internationale à Pékin, comparée à celle de Hong Kong qui regorge de festivals de danse, de cinéma, de théâtre et de musique, est squelettique. La culture existe pourtant, nul ne saurait le nier quand l'on parle avec les Pékinois, mais il faut la chercher ailleurs, dans les marges de la cité. Elle déserte la scène officielle, rendue exsangue par les censeurs, et s'exprime de façon indépendante dans les interstices d'un système rigide qui laisse cependant prospérer en dehors de son contrôle toute une activité culturelle à demi-souterraine.

Dashanzi tente de faire vivre le présent sans renier le passé
Dashanzi, l'ancien quartier industriel au Nord Est de Pékin en est un exemple réussi. L'Usine 798, l'une des usines de pointe de la République populaire de Chine au temps florissant du maoïsme est à demi reconvertie en un village d'artistes avec librairies, ateliers, galeries, cafés et restaurants. Il existe ou il a existé d'autres lieux de ce genre à Pékin ou dans sa banlieue (La communauté de Yuan Ming Yuan, l'ancien palais d'été ou le village de Song Zhuan). Certains n'ont eu qu'une existence éphémère, d'autres sont plus petits, plus dispersés ou moins organisés. Dashanzi est un projet plus ambitieux qui tente de faire vivre le présent sans renier le passé. Ce complexe d'usines numéroté alors 718 (le 7 indiquait les usines militaires) fut un modèle du genre créé dans les années 50 par les Allemands de l'Est. Les bâtiments d'une architecture utilitaire mais qui ne manquent pas de grâce, les hautes verrières exposées au nord portent les marques de l'architecture du Bauhaus ou du moins d'une architecture est-allemande influencée par celui-ci. Usine modèle de composants électroniques destinés à l'armée, inaugurée en 1957, elle vit passer tous les hauts dignitaires des régimes communistes de l'époque et fut la fierté des ouvriers qui y travaillèrent. Elle fut ensuite séparée en unités plus petites dont la plus célèbre fut l'Usine 798.

Dashanzi survécut à la réforme du secteur étatique des années 80 mais périclita ensuite et dut fermer dans les années 90. C'est à ce moment qu'elle attira l'attention de l'Académie centrale des beaux-arts de Pékin qui cherchait des ateliers pour abriter des sculptures monumentales. L'endroit séduisit le directeur de son département de Sculpture, Sui Jianguo, qui y installa ensuite son propre atelier en 2000 suivi d'un autre de ses professeurs, le sculpteur Yu Fan. L'une des premières occupantes fut aussi l'écrivain, compositeur et musicienne chinoise Liu Suola qui y aménagea sa demeure. A partir de 2001, d'autres suivirent : l'Américain Robert Bernell éditeur d'art depuis longtemps en Chine, y installa dans une ancienne cantine Timezone 8 Artbooks, la meilleure librairie d ‘art contemporain en Chine. Le mouvement s'accéléra et aujourd'hui Dashanzi s'étend sur près d'un kilomètre carré et abrite plus de 75 unités : ateliers d'artistes, galeries, designers, associations culturelles, ateliers de mode, clubs, espaces de théâtre et de musique, cafés et restaurants. Beaucoup d'entre eux sont des noms très connus de l'art contemporain. Un certain nombre d'artistes comme Huang Hui ou Mao Lizi y ont à la fois leur atelier, leur compagnie de design et leur restaurant (at café pour Huang Hui et Seven Bar pour Mao Lizi). Ces deux derniers sont d'ailleurs des vétérans du premier mouvement d'art contemporain en Chine en 1980, car ils étaient membres du Groupe des Etoiles qui défraya la chronique et dut s'exiler. Un troisième du même groupe est Ai Wei Wei, artiste et designer qui travaille sur le projet du grand stadium pour les jeux olympiques. Beaucoup de ces artistes des années 80 ont monté des boîtes de design qui semblent prospérer. D'autres ont bénéficié de l'intérêt des galeries étrangères car le marché de l'art contemporain en Chine reste très limité même s'il s'est beaucoup développé ces dernières années.

Au milieu des galeries et des ateliers, un Breton ouvre sa crêperie
En juillet dernier lors de la visite que j'y fis un jour de semaine, Dashanzi était calme, ses longues allées bordées d'arbres n'avaient que de rares passants, les visiteurs se comptaient sur le doigt de la main. La vie y semblait villageoise. Les longs tuyaux suspendus qui courent le long des bâtiments et au-dessus des allées crachaient de la vapeur blanche, preuve que quelques usines restent en activité sur le site. A cinq heures, des groupes de jeunes femmes en uniformes blancs quittaient le travail. Il y avait un peu plus de monde dans les restaurants ou cafés. J'ai déjeuné chez Vincent, un Breton qui a ouvert une crêperie dans Dashanzi et y fait, sans doute les meilleures crêpes et galettes bretonnes que je n'ai jamais mangées en Asie. Au hasard des ateliers j'ai retrouvé avec plaisir des artistes que j'avais interviewés pour Paroles il y une quinzaine d'années. Et c'est cela qui fait la force de Dashanzi, ce mélange d'artistes de différentes générations et ce complexe d'ateliers, de librairies, de cafés et de restaurants qui fait que l'on s'attarde et prend plaisir à la promenade. Il y a bien sûr plus de monde les soirs de fin de semaine et de week-end, mais pour survivre, Dashanzi a besoin de plus de visiteurs pékinois.

Dashanzi est cependant plus qu'un rassemblement d'ateliers et de galeries. C'est un espace culturel doué d'une véritable dynamique qui organise de nombreux événements : concerts, performances, fêtes et grandes expositions d'art contemporain chinois ou international dont une participation à la biennale de Pékin. Son nerf vital est l'Espace 798 et son animateur Huang Hui qui aida à fonder la galerie Beijing-Tokyo Art Projects et fut le directeur du Premier Festival International des Arts de Dashanzi au début de cette année, dont d'ailleurs une jeune artiste française, Berenice Angremy, fut co-organisatrice.

Huang Hui a animé également avec l'Ecole d'architecture de L'Académie centrale des Beaux-Arts de Pékin et l'Institut d'Architecture de Californie du Sud, deux recherches et réflexions sur l'Art, l'Architecture et la Société en Chine, qui replacent Dashanzi dans son contexte historique du passé et font une projection de son existence dans le futur. On doit aussi à Huang Hui un splendide livre Beijing 798 qui retrace le passé et le présent de Dashanzi, avec nombre de témoignages et photos d'époque et d'aujourd'hui.

Mais que deviendra Dashanzi ? Son existence n'est point du tout assurée, le site appartient à un ancien groupe industriel d'état spécialisé en électricité aujourd'hui privatisé qui préférerait plutôt le détruire que le préserver, car vu son étendue et sa location en bordure de Pékin, le site est aux yeux des promoteurs une mine d'or. Il a tenté d'ailleurs d'interdire le festival au début de cette année. Voilà pourquoi quand on rentre à Dashanzi, on est surpris de voir barrières et gardiens en uniformes. Les autorités chinoises sont cependant curieuses de cette expérience puisque notamment la mairie de Pékin s'est intéressée à savoir quelle pouvait être l'utilité du lieu durant les Jeux Olympiques, et que de nombreux hôtes officiels, parfois même des chefs d'Etat, demandent à visiter le site qui joue un rôle réel sur la scène artistique moderne de la Chine, absente des Musées de Pékin.

中國當代藝術

大山子與798:由模範工廠到藝術村

北京正以極快的速度在轉變中,每星期都有小胡同在消失,以便讓位給巨型的摩天大樓,自從〝沙士〞事件之後,道路完全被私家車佔據了,而每個月均有裝修佈置品味高雅的餐廳開張營業,三里屯的露天咖啡座林立,散發著濃濃的歐陸風情,在后海區湖畔的晚上,其繁華熱鬧的氣氛與香港的蘭桂坊比較有過之而無不及。每晚,設置於湖畔的長沙發和靠背椅上坐滿了北京的年輕人。可是,儘管出現了這麼多的改變,但北京在電影、表演和展覽等文化活動方面卻還十分之貧乏。博物館仍像二十年前一樣死氣沉沉,爵士樂根本找不到生存的空間,畫廊的數量若以這城市的比例來計算可說是少得可憐。北京所提供的國際文娛節目若與充斥著舞蹈節、電影節、戲劇節或音樂節的香港相比較,實在是乏善足陳。不過,文化活動卻實是存在的,北京人被問到這問題時沒有人會說沒有,但必須到其他地方,到城市的邊緣去尋找。它避開了被審批弄得了無生氣的官方舞台,在僵化的制度之縫隙間找到自由的空間表達,而無數半地下形式的文化活動就在制度監督以外的地方蓬勃起來。

位於北京北東郊的舊工業區大山子是一個成功的例子。798工廠是毛澤東全盛時期中華人民共和國內其中一家尖端科技工廠,現時的廠房已有一半被改建為藝術村,有書室、工作坊、畫廊、咖啡室和餐館。在北京市內或近郊的地方也有這類型的地方存在或曾經存在過(如圓明園社群(位於圓明園舊址)或宋莊藝術村)。有部份只屬曇花一現,其他的都是分散各處,規模較小和沒有甚麼組織的。大山子是一個頗有抱負的計劃,它嘗試活出今日的精彩,不忘過往的光輝。當年,這座718號(7是兵工廠的代號)聯合廠在五十年代由東德建造,是同類型工廠中的典範。廠房的建築結構以實用為主但卻不減外形線條的優美,朝北而建的高窗有著德國包豪斯的建築風格,或最低限度一種受包豪斯建築風格影響的東德建築。它生產的無線電電子元件是專門供給軍隊使用,一九五七年落成後,當時所有共產黨的要員都曾經探訪這模範工廠,而廠內員工全都為此引以為榮 。後來,它被分割為多個較小的單位,而其中最著名的便是798工廠。

大山子渡過了八十年代中國改革開放的難關,但最終還是敵不過破產的命運,於九十年代被迫關閉。而那時它正好引起了中央美術學院的注意,當時中央美術學院正找尋工作室擺放那些巨型的雕塑。大山子這地方首先吸引了美術學院雕塑系的總監隋建國,他二零零零起開始在那兒設立工作室,跟著是雕塑系的另一位教授于凡。作家兼音樂家劉素拉也是那兒其中一位早期的租客。自二零零一年起其他的人相繼仿效:長期在中國致力推廣中國藝術的美國人 Robert Bernell 把他的書店 Timezone8(在中國當代藝術出版界數一數二)搬進一間前回族食堂。之後愈來愈多人遷入,時至今天,大山子的面積延伸至一平方公里,容納了超過七十五個獨立單位:藝術工作室、畫廊、設計師、文化機構、時裝製作坊、會所、劇院和音樂空間、咖啡座和餐廳。而很多都是在當代藝術界響噹噹的名字。有部份藝術家如黃銳或毛栗子,他們在那兒同時開設工作室、設計公司和餐館(黃銳的〝at café〞及毛栗子的〝柒酒吧 料閣子〞)。此外,他們兩人是八十年代中國第一次當代藝術運動的老將,是七星組織的成員,當年因為引起了不少蜚語流言而被迫流亡海外。同一班人當中的第三人是藝術家兼設計師艾未未,他有份參與興建二零零八年奧運會大運動場的計劃。這些在八十年代冒起的藝術家很多都成立設計公司,而且看來也發展得不錯。其他的藝術家則享受外國畫廊對中國藝術的興趣所帶來的好處,因為中國的當代藝術市場的情況雖然在近年已有所改善,但仍然十分局限。

今年七月,本人曾到該處參觀,當時是一個週日,大山子十分寧靜,長長的林蔭小道上之遊人數目十指可數。真有點兒像鄉下的生活。白色的蒸汽從無數沿著建築物牆身而建或懸於街道頂上的長管道中噴出來,證明仍有某些工廠在運作中。下午五時,一批批穿著白色制服的年輕女工下班了。餐館或咖啡座開始熱鬧起來。我在一家名為北京季節咖啡的餐館用午膳,一位來自法國布列塔尼的人在大山子開了這家法式薄餅店,在亞洲,我從未吃過如此好吃的薄餅和布列塔尼批。在參觀不同的工作室時,我很高興偶然遇見十五年前為《東西譚》而訪問過的一些藝術家。大山子之所以朝氣勃勃是因為那兒聚集了不同年代的藝術家,加上綜合了工作室、書店、咖啡座和餐館,能吸引遊人閒逛逗留。當然,週末的晚上或假日的遊人會較多,但若要生存,大山子實在需要更多北京人前來參觀。大山子可並不只是將工作室和畫廊集中在一起,它其實是一處充滿活力的文化空間,舉辦了很多文化活動:音樂會、表演、 藝術節及大型中國或國際性當代藝術展等,包括有份參與北京雙年展。〝798時態空間〞是新加入的生力軍,其策劃人黃銳曾協助一家畫廊〝北京東京藝術工程〞的創辦,他亦是本年初舉辦第一屆大山子藝術節的總監,當時與他一同合作策劃的是法籍年青藝術家 Berenice Angremy。

黃銳還與北京中央美術學院及南加州建築藝術學院一同發起兩項活動,專門研究和探討中國的藝術、建築和社會,這一來大山子將以其歷史背景來重新定位以便預測在未來的存在可能性。此外,一本印刷精美,內容圖文並茂地介紹了大山子的過去與現在,名為《798工廠》的書也是由黃銳主編。

但大山子的前途將會怎樣呢?它能否繼續存在仍是一個謎,因為該處地段是屬於一個國家電子工業團體所擁有,現今這團體已變成私營化,他們寧可拆卸廠房也不願意將它們保留,原因是大山子的佔地廣闊,以及它位於北京的近郊,對建築商來說是一處黃金地段。此外,這團體曾經嘗試禁止年初大山子藝術節的舉辦。這解釋了為何我們進入大山子的時候需要經過關卡並有穿制服的守衛把守。中國政府對這次事件也感到很好奇,尤其是北京市市長也有興趣知道二零零八年奧運會期間能否利用這地方,此外,有不少官式訪問的貴賓,甚至是國家元首都要求參觀這處活現了中國現代藝術的地方。