Danse contemporaine
Texte : Gérard Henry

« Lot • us » de la poésie à la danse

« Lot • us » est un projet de danse contemporaine initié par la chorégraphe hongkongaise Mui Cheuk Yin, en collaboration avec l'artiste vocale Priscilla Leung et le compositeur français Frédéric Blin. Commandé par le Hong Kong New Vision Festival, ce projet sino-français est l'un des lauréats 2004 de la bourse d'aide à la création artistique du Fonds des Artistes de l'Alliance Française de Hong Kong. Le spectacle est inspiré d'une série de poèmes sur la feuille de lotus écrits par le poète hongkongais Leung Ping Kwan.

Ces trois artistes se sont donnés commebut de traduire en mouvements, voix et musique, leurs sentiments nés à la lecture des poèmes. C'est aussi pour eux l'occasion d'approfondir une recherche qu'ils ont commencée en 2003, puisqu'ils ont déjà travaillé ensemble dans une production franco-chinoise Flight présentée au Hong Kong Art Festival 2004.

La chorégraphe Mui Cheuk Ying a une place particulière dans le monde de la danse, elle a en effet débuté dans la danse classique et traditionnelle chinoise, avant de venir à la chorégraphie contemporaine. Ses créations lui ont valu des invitations nombreuses à l'étranger (en Europe entre autres aux biennales du Val-de-Marne, de Lyon, de Venise, au Conservatoire de Paris et au 25e anniversaire du Tanztheater Pina Baush à Wuppertal) et permis de travailler avec des artistes d'autres disciplines. Autre rencontre fructueuse, celle du musicien-compositeur français Frédéric Blin, longtemps en résidence au Groupe de Musique Electroacoustique d'Albi et de la chanteuse lyrique Priscilla Leung. Priscilla Leung, qui a reçu une éducation musicale en opéra occidental, a aussi exploré les techniques du chant chinois, notamment de l'opéra Kunju et de l'Opéra de Pékin. Elle a travaillé à Hong Kong, Taiwan et au Japon avec de nombreux metteurs en scène et chorégraphes avec lesquels elle a exploré les possibilités de la voix humaine dans les spectacles, installations ou performances. C'est sa voix que Frédéric Blin utilise dans ses compositions musicales alors même qu'elle chante et danse en direct sur scène. Blin, formé au Groupe de recherche musicale (GRM) de Paris, a de nombreuses créations à son actif, notamment Mendel (2000), une installation son interactive présentée à l'Ircam à Paris et primée à Bourges en 2003. Il a composé de nombreuses bandes-son pour la danse.

Le lotus est un thème omniprésent dans la culture chinoise, symbole bouddhiste bien connu de la réalisation spirituelle. Mais ce n'est point ce symbole qu'utilise le poète. « lotus est un mot usé » écrit Leung Ping Kwan qui ignore volontairement ce sens et entreprend dans sa série de poèmes un dialogue avec les feuilles plus proches de notre humanité quotidienne que la fleur déjà céleste. Dans le poème Feuilles d'amour reproduit ci-après, il joue subtilement sur les jeux de miroirs, sur le désir narcissique de se fondre en sa propre image : « elle aime voir, voir que l'image qu'elle voit la voit (…) elle se déploie, regardant l'eau semblable à un miroir qui la regarde se déployer », désir toujours impossible qui souffre de ne pouvoir se consumer.

Que font danseuses, chanteuse et musicien sur ce thème ? Comment retraduire la littérature en mouvements et musique ? Il s'agit en fait plus d'une base d'inspiration que d'une traduction. Le spectacle se dessine autour de trois axes successifs : la vie aérienne à la surface de l'étang, domaine de la grâce, de la pensée, du vent ; la vie sous l'eau : domaine boueux et plus glauque, proche de l'humanité prisonnière de ses désirs et passions ; le dernier axe encore en gestation quand j'ai rencontré les artistes évoquera la vie spirituelle, le symbole, et sa place aujourd'hui dans la cité moderne.

La danse de Mui Cheuk Ying est fluide, ponctuée de lenteurs gracieuses ou rompue d'accélérations violentes ; de longues bandes de tissu rose, noir ou doré s'enroulent et se déroulent sur les corps, se transforment dans ses mains en étang, en chrysalides, en feuilles, en fontaines… La voix de Priscilla Lung mêlée à la musique, à la fois grave et ensorcelante, résonne sur ce monde lacustre et donne au spectacle toute sa profondeur.

Feuille d'amour
au matin dans cet étang limpide
tandis qu'elle baisse la tête pour boire l'eau et assouvir sa soif
un autre désir grandit dans son cœur de nouveau
on dirait un ballottement d'algues, un mouvement d'ouïes de poisson
non pas des épaules apparaissant dans un bosquet, des traits brisés,
mais une forme humaine entière
elle aime voir, voir que l'image qu'elle voit
la voit, entre nous n'existe qu'une mince couche d'eau, dit-elle
ses yeux montrent un insolite éclat, son visage
offre un halo rouge, le son de ses paroles s'adoucit
comme si elle était ivre, elle fait des gestes inhabituels
pour on ne sait quelle raison elle se tourne, lève la main
caresse ses cheveux souples comme le saule, en suivant une feuille qui tombe
elle agite la tête, ou bien mouvant sa taille et ses membres
elle se déploie, regardant l'eau semblable à un miroir qui la regarde se déployer
elle lit la main qui s'offre à elle, comme un aimable signe
elle tend la main pour s'en saisir, mais le brusque contact brise la scène,
une suite de surprises, visible
puis invisible, le tonnerre et l'éclair ainsi que la douleur du vent violent déracinant
tantôt c'est l'union, tantôt l'écartement, les racines rompent
mais les fibres tiennent, dans l'attente patiente sur l'eau les rides
forment des ronds
le miroir peut toujours ajouter
ou retrancher quelque chose ? Peu à peu elle s'apaise
et se stabilise, le poids secret
a donné des fruits à profusion, invisible
sombre et riche elle a un visage ouvert
entre le désir du regard et la profondeur de l'eau
le vent qui passe fait naître des mots en rides aquatiques

Leung Ping Kwan (trad. Annie Curien)

現代舞蹈

《流蓮歡》形體詩意劇場

《流蓮歡》是由香港編舞家梅卓燕構思,並與聲樂家梁小衛和法籍作曲家Frédéric Blin共同創作的一個現代舞蹈作品。這中法合作的計劃是由香港新視野藝術節委托製作,更是二零零四年度香港法國文化協會藝術家基金的其中一個得獎作品。這節目的靈感源於香港詩人梁秉鈞創作的一系列以蓮葉為題的詩。

這三位藝術家分別以動作、聲音和音樂來演繹他們在閱讀這些詩歌後所產生的感受作為這次演出的目標。這次合作讓他們有機會再次對一個始於二零零三年的研究作更深入的探索,原因是他們三人曾在二零零四年香港藝術節的一個節目《夜奔》中合作。

編舞家梅卓燕在舞蹈界的地位特殊,她最初其實是接受古典舞及中國傳統舞蹈的訓練,後來才轉而編寫現代舞。她的創作除了為她贏得了不少外國的邀請(歐洲的,其中有瓦勒德馬爾省雙年展、里昂雙年展、威尼斯雙年展、巴黎音樂學院,以及到伍帕塔爾出席翩娜.包殊舞蹈劇場的二十五週年慶祝活動),更讓她有機會與其他領域的藝術家合作。而她與Frédéric Blin及王小衛的相遇可說是另一次互有裨益的結合。法籍作曲家Frédéric Blin是法國阿爾比一隊電子音樂樂隊的長駐作曲家。王小衛曾接受西方歌劇訓練,也曾研究過中國歌曲,尤其是昆曲和京劇的歌唱技巧。她曾在香港、台灣和日本與多位導演及編舞家合作,透過表演、裝置和演技來探索人類聲音的可能性。Frédéric Blin就是利用她的聲音來融入他的音樂創作中,即使是當她在台上歌舞的時候。曾在巴黎音樂研究院(GRM)接受音樂培訓的Blin已推出多個成功的作品,尤其是曾被巴黎聲樂/音樂研究中心(IRCAM)介紹的聲音互動裝置作品《Mendel》(2000),這作品還於二零零三年在布爾日的音樂節中獲獎。他亦曾為多個舞蹈作品創作聲帶。

蓮在中國文化中是一個無處不在的主題,人所共知是佛教修成正果的象徵。但詩人梁秉鈞卻並不是利用這主題創作。〝蓮已是陳言〞,梁秉鈞這樣寫道,他刻意不去理會它這方面的意思,試圖在一系列詩中與較接近我們平凡人的蓮葉對話而不理會已被仙化的蓮花。在刊登在本文內的《戀葉》一詩中,他巧妙的利用倒影,細膩地描寫一種欲與自己的影子融為一體,帶自戀意味,卻又苦於永遠不能滿足的慾望。〝她喜歡看見,看見她看見的意象(……)舒伸自己,看著如鏡的池水她舒伸〞

面對這主題,舞者、歌者和樂手應如何發揮呢?如何以動作和音樂來重新演繹這文學作品?事實上,這裡涉及的主要是表達靈感多於翻譯改編。演出是圍繞著三個中心點來表達:池塘表面上空的生命,是優雅的,思想的和風的領域;水底下的生命:是泥濘的,陰森的領域,這領域與被慾望和情感伽鎖捆綁著的人性比較接近;當本人與這幾位藝術家見面時最後一點仍在構思中,它將會表達靈性的生命,蓮的象徵意義,以及它在現代城市中的地位。梅卓燕的舞蹈動作流暢,不時點綴著緩慢優雅的動作,但有時又被急劇的節奏打斷;紅色、黑色或金色的長布條圍著舞者們的身軀,時而纏繞時而展開,在手中又會變成池塘,變成蝶蛹,變成蓮葉,變成噴泉…… 王小衛的歌聲融於音樂中,既低沉又迷人,在這湖泊的世界中回盪著,為這表演賦予更深的層次。

戀葉
早晨在這澄澈的池塘
當她俯首飲水滿足口渴的慾望
心裡又滋長出另一種慾望
那就像海草的搖盪,魚鰓的開閉
那不是樹叢中露出的肩膀,破碎的
眉眼,那是一個完整的人形
她喜歡看見,看見她看見的意象
看見她,在我們之間
只隔著薄薄一層池水,她說
眼睛露出異樣的光澤,臉上
泛出紅暈,說話的聲音溫柔了
像喝醉了酒,她作出不尋常的舉動
不知為甚麼轉動身子,舉手
撫摩柳絲的頭髮,跟隨一片落葉
搖著頭,或者款擺腰肢舒伸
自己,看著如鏡的池水看她舒伸
讀那迎上來的手,彷彿可親的符號
伸手解開它,突然的接觸卻令形象
破碎,一次又一次驚訝,看見
然後又看不見,雷霆和閃電
還有烈風連根拔起的痛楚
一次拼合、一次撕裂,總是藕斷
絲連,耐心的等待中水波成圓
鏡子總是會再添加甚麼
又刪減了甚麼?她逐漸變得安靜
而且穩定下來,隱秘的重量
變成累累的果子,看不見了
沉重而豐富她敞開臉龐
在凝視的慾望和水的深度之間
風吹過生成了漣漣的文字

梁秉鈞