Poésie
Texte : Bernard Pokojski
Jean Rousselot, pour ne pas mourir
« Je suis encore de la partie c'est sûr
A preuve les mariniers répondent à mon salut
Les corbeaux fuient si je les hèle
Un mort que j'oubliais me tire par la manche
Et je me surprends à sourire
En regagnant mon désert
Parce que le blé sera beau cette année.
(Jean Rousselot : Le spectacle continue) »
« Et je revois encore le premier jour où je l'ai rencontré. Il entre dans ce café Lipp où Fargue buvait ses usages et le demi des illusions. Il était vêtu de sombre — bleu marine, je crois — je remarquais : il était grand, il marchait de ce pas que prennent les voyageurs lorsqu'ils longent un champ de blé ou de seigle : le pas des hommes qui savent la vie, n'ont pas peur de l'affronter. Son visage se détachait très net sur les glaces. Ses yeux demeuraient ceux de l'enfance, ils gardaient ce bleu où passent les nuages, ces autres enfants de l'été, des éclairs les traversaient, parfois, on se battait à l'arme blanche au fond de ces yeux. » Claude de Burine SUD 46/47, 1983.
Depuis ce 24 mai 2004, Rousselot n'est finalement plus de la partie et nul marinier à présent pour le héler ou corbeau pour répondre à son salut… Il s'en est allé, sans doute de ce pas qui longeait les blés, né qu'il fut un 13 octobre 1913, c'était il y a déjà longtemps… à Poitiers.
L'œuvre de Rousselot est abondante puisque Le Monde ne recense pas moins de 150 à 200 livres ou plaquettes et que jusqu'au bout, il restera ce créateur aux talents multiples qui s'exprimeront tant en poésie, en prose, en dessins qu'en collages.
Les débuts dans la vie de Rousselot seront assez difficiles : son père périra en 1916 sous la mitraille de Verdun et sa mère se verra emportée dans « une fanfare de sang », rongée par la tuberculose. L'adolescent dès lors sera placé chez ses grands-parents avant de faire l'Ecole normale où il aura pour pion Maurice Fombeure. Dans les années 30, il fera la rencontre décisive à Poitiers du libraire Louis Parrot qui avait des contacts avec Aragon, Dali, Garcia Lorca et son destin sera pour ainsi dire scellé dès cette époque, époque terrible pour lui car il avait dû interrompre ses études par manque de moyens. « Ce furent des années très pauvres, je dirais même misérables. J'ai connu la réalité la plus sordide et la plus humble et j'en ai été marqué pour la vie ! Cela justifie mon attachement aux gens qui travaillent durement et à tous ceux qui souffrent. Je ne peux me séparer de ces réalités-là. »
Rousselot entrera à la préfecture de Poitiers puis au commissariat de police où il se présentera au concours de commissaire. Il sera affecté en 1938 à Vendôme et la guerre venue en profitera pour cacher des prisonniers évadés et fera aussi en sorte que jusqu'à son départ en 1942, aucun Juif de la ville ne sera identifié par l'occupant, étant en retour fiché comme otage éventuel par les autorités allemandes. A Orléans, où il sera muté ensuite, il continuera à faire de fausses cartes d'identité, près de 6 000 avouera-t-il plus tard. Voilà pour ceux qui lui reprochèrent un temps d'avoir été du mauvais côté de la matraque. A la libération d'Orléans, il est nommé commissaire central à la demande des comités de résistance et deviendra même chef de cabinet du directeur de la Sûreté nationale… Mais en 1946, il quittera la fonction publique pour se consacrer pleinement à l'écriture et fera du journalisme, de la radio, un peu de télévision et de cinéma ainsi que des tournées de conférences en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient afin d'assurer son quotidien.
En 1934, Rousselot avait cependant déjà publié un premier recueil intitulé tout simplement Poèmes « petit livre (…) gauche, maladroit, marqué de maintes influences, mais il cherche ! Il faut chercher. Je cherche toujours » dira-t-il dans un entretien de 1983.
A cette date, il figure alors « au tout premier plan de la jeune poésie » que Jean Markale qualifie de « néo-surréaliste » et Rousselot dira bien longtemps plus tard, en 1984, « finalement il n'y a jamais eu la moindre rupture entre les surréalistes et moi, sauf sur un plan que je qualifierais de pratique. La recherche d'une maison, la recherche d'un lieu (…) Car ça a toujours été (…) une politique de destruction, de terre brûlée et de recherche d'autre chose qui ne fût pas une maison. J'ai toujours obéi personnellement à la recherche d'une certaine paranoïa volontaire que j'appliquais à la fois à ma vie et à mon œuvre. »
Georges Mounin en 1968, écrivait déjà ceci : « Cet homme ne s'est jamais endormi sur l'oreiller de la littérature. Plus le succès se confirmait plus l'inquiétude grandissait. (…) Vers cinquante ans, cette personnalité bien parisienne… vendit ses biens littéraires (…) pour s'en aller tout seul et les pieds de plus en plus nus vers sa Jérusalem ou sa Mecque ou son Abyssinie personnelle. Pèlerin de plus en plus silencieux, de plus en plus détaché »...
« Jean Rousselot, 55 ans, 83 kilos, fils d'ouvrier resté fidèle à sa classe, qui ne peut pas supporter ce monde, ou plutôt la façon dont on le manigance » (déclaration faite à Guy Chambelland dans les années 70)
Rousselot pourtant sera plutôt du côté de « l'Ecole de Rochefort » et sa poésie à hauteur d'homme, empreinte de lyrisme, de passion pour la liberté et de sensibilité à la nature : « Avant de venir, (à Paris), je suis allé dans la forêt. La neige était-là, j'ai vu un chevreuil qui la regardait. Je ne bougeais plus : une telle grâce. Il aurait pu s'enfuir, vous comprenez : un léger souffle des branches. »
Claude de Burine dira avoir compris plus tard et qu'une goutte de rosée aurait pu suffire à effaroucher ce chevreuil : le silence et la transparence alors les deux mêmes de la poésie. Cette nature est aussi chez Rousselot le caillou, le chêne, le mur, la mare, le sable mais n'a pas le chosisme de Ponge ou cette tendresse nostalgique des images de Jean Follain. Il préfère les sensations éphémères, le presque rien qui deviennent images, langage et sa poésie ne verse jamais dans une habileté ou un lyrisme traditionnel car Rousselot a su trouver au langage une sorte de vertige ouvert sur l'infini. Il demeure très lisible et atteint une immédiateté, trompeuse pour un lecteur pressé car deci delà, il se plaît à utiliser des tournures quelquefois un peu vertes… Sa poésie, « insaisissable oiseau de la parole, » « a toujours eu un côté journal, un côté confession, un côté expérience vécue ».
L'acte d'écrire prolonge l'acte de vivre et les poèmes frappent aussi souvent très dur comme si parfois il voulait être vivant contre la vie. « Quant à mes mots, ils font un peu ce qu'ils veulent mais je les fais rentrer dans ma tête dès qu'il pleut, il pleut bergère. Ce n'est pas moi qui ramerais sur le lac pléonastique de Lamartine, ni ne grimperais sur les amers de Saint-John Perse. »
Rousselot écrira quelques romans dont Un train en cache un autre, histoire vécue au début de la guerre d'Espagne lors de l'arrivée des réfugiés basques à Poitiers où il avait pour tâche de les recenser, mais au moment de l'appel, quoi que l'on fasse, il y avait toujours un homme ou une femme en trop ou en moins… Qui était cet individu qui n'avait pas droit à la parole ? Problème de l'identité qui obsèdera Rousselot tout autant que la fuite du temps.
« Il y a autour de tout homme, de tout poète, surtout un poète aussi proche de nous que Jean Rousselot, une zone de silence : on est seul, la mare dans le noir est seule, la pluie qui, elle aussi, veut qu'on l'écoute, le crapaud qui veut qu'on l'aime parce que ses yeux sont d'or et qu'il est le seul à le savoir » Claude de Burine…
Cette solitude finale de Rousselot, homme riche de plus de 150 ouvrages mais si peu connu et dont la parole semble s'être évanouie dans le grand vacarme de notre temps
« Nulle importance
Puisque la mort a supprimé les sauf-conduits »
A défaut d'enfance
A défaut d'enfance il nous reste
Des collines qui prennent leur temps
Des ruisseaux qui savent leurs prières
Des quincailleries prodigieuses
Où l'on parle à voix basse
Et le pouvoir de ressusciter les morts
D'un seul coup d'œil dans le cellier de la mémoire
Alors que la sève doit peiner
Vingt ans pour faire un chêne digne de foi
(Le spectacle continue, p 84) |
詩詞
尚.魯斯洛,為了活下去
我尚在人間遊戲這點無疑,
船夫回答我的招呼便是證據。
我呼喚烏鴉,牠們聞聲飛去,
我忘卻的一個孤魂拉扯我的衣袖。
當我身臨荒漠,
卻突然發現自己在微笑,
皆因今年小麥豐收在望。
── 尚.魯斯洛:《演出繼續》
〝我第一天看到他的情景仍歷歷在目。他走進Lipp咖啡室,法爾格(Fargue)已經在那裡品嚐他例牌的燙熱的Evian礦泉水和啤酒,一邊在遐思冥想。他穿著暗色的衣服,好像是海軍藍。我發覺他身形高大,邁著沿麥田走的旅人的堅定步伐,這是參透人生、敢於面對厄運的人的堅定步伐。他的面容反映在鏡子裡,輪廓清晰。一雙眼睛保持著童真,藍色的瞳孔裡彷彿飄過雲彩,那夏天的雲彩,劃過閃電,在眼睛深處,有時閃著怒光。〞 —— 克洛德.德.比里納:《南方》,46/47頁,1983年
二零零四年五月二十四日以後,魯斯洛終於停止了在人間遊戲,沒有一個船夫向他致意,沒有一隻烏鴉回應他的呼叫…… 他走了,邁著沿麥田走的步伐,離我們而去。他在很久很久以前,於一九一三年十月十三日誕生於波瓦捷(Poitiers)。
魯斯洛著作等身,據《世界報》的資料,一生共寫了一百五十部至二百部大小著作。他才氣橫溢,多才多藝,詩歌、散文、繪畫、剪貼無所不及。
魯斯洛早年生活坎坷。父親於一九一六年凡爾登戰亂中死去,母親則為肺癆所折磨,終於口吐鮮血,離開人世。少年魯斯洛於是托庇祖父母,後就讀師範學校。莫里斯.封伯爾(Maurice Fombeure)為其學監。三十年代,他在波瓦捷遇見了書商路易.帕洛(Louis Parrot),這次會面對他有決定性意義。路易.帕洛與阿拉貢、達利、加西亞.洛爾迦等人都有交往。也就是這個時期,決定了他的命運。對他而言,這是個可怕的時期。由於經濟拮據,他不得不中途輟學。〝這是我人生中貧困無助、甚至是最悲慘的時期。我歷盡了最屈辱、最卑賤的生活,影響我終生!這亦說明了為甚麼我對艱苦勞作、受苦受難的人總是同情關愛。我不能忘記這慘酷的現實。〞
魯斯洛先在波瓦捷省政府供事,後轉警察分局,參加警長應試。於一九三八年被派往旺多姆。戰爭爆發,他利用職權庇護逃犯。為他們費了許多力氣,以至一九四二年他離去時,沒有一個猶太人的身份被佔領軍認出,而他自己卻被德國當局扣作人質。接著,他被派往奧爾良,在那兒,他繼續偽造身份證。後來他說一共偽造了六千個。這對那些曾經在一個時期對他在警察局供職有微言的人是一個很好的回答。奧爾良解放後,在抵抗委員會的要求下,他被任命為中央警長,後更升任國家安全部長辦公室主任…… 但一九四六年,他離開了公職,全心投入寫作。他從事新聞和電台工作,亦稍許涉足電視和電影,並在歐洲、非洲、中東等地舉辦講座以維持生計。
一九三四年,魯斯洛發表了他的第一本簡單地題作《詩》的詩集。〝一本幼稚、笨拙、受種種影響的小書,但它卻在探索!必須探索。我總是在上下求索。〞一九八三年他在一次訪談中這樣說道。
這個時期,他身處〝年輕詩人的最前列〞,尚.馬爾卡勒(Jean Marlale)稱他作〝新超現實主義者〞。而他本人在過了很長一段時間,即一九八四年這樣說道:〝說到底,超現實主義者和我之間沒有絲毫決裂,除了一點即我稱作實際的一面。他們尋找房子,尋找住所…… 而我卻總是追尋一種破壞、燃燒的土地,尋找房子以外的其他東西。我個人總是在尋求某種自覺的偏執,並將之運用到我的生活和寫作上。〞喬治.穆南(Georges Mounin)於一九六八年這樣寫道:〝這個人從來都不滿足於文學上的成就。成就越大,他越心憂…… 近五十歲時,這個地道的巴黎人…… 放棄了他在文學上的一切功名…… 赤著腳,孤身一人朝他的耶路撒冷、麥加、阿比西尼亞走去。一個愈來愈緘默寡言、愈來愈超塵脫俗的香客。〞……
〝尚.魯斯洛,五十五歲,八十三公斤,工人的兒子,始終忠於自己的階級,忍受不了這個世界,這個爾虞吾詐、勾心鬥角的世界。〞(七十年代向居伊.尚具蘭(Guy Chambelland)做的表白)
魯斯洛屬〝羅什福爾學派〞,他富於人性的詩歌雋永抒情,洋溢著為自由而戰的激情以及對自然的多愁善感。〝在來(巴黎)之前,我走到一座樹林裡。四週已是白雪皚皚。我看見一隻小麋鹿在觀雪,我立刻停下了腳步:多優美的景色啊!你知道嗎,只要樹枝稍稍擺動一下,牠便會跑掉。〞
克洛德.德.比理納說他後來明白了這些話,一顆露珠足以嚇跑一隻小麋鹿:詩歌的靜謐與透明。大自然在魯斯洛的詩裡亦隨處可見,石子、橡樹、牆垣、水塘、沙礫,然而沒有蓬熱的物化主義,亦無尚.福蘭的對形象的柔情懷念。他更鍾情於瞬息即逝的感覺,雖微不足道,卻幻化成形象、語言。他的詩從不追求工巧或傳統的抒情,他善於在語言中捕捉一種面向無限的暈眩。他的詩明晰易讀,有一種直接性,但對匆匆的讀者而言卻具迷惑性,因為他喜歡這兒那兒,隨便用一些有時相當通俗的字句…… 他的詩,是〝捕捉不到的語言之鳥〞、〝具有日記、懺悔、人生經驗的色彩〞。
寫作延長生命,詩歌經常會激烈地向你撲來,就像他有時希望生氣勃勃和生活鬥爭一樣。〝至於我的文字,我信手寫來,它們該怎樣就怎樣。但是如果過於粗俗,我便立刻煞住。我既不將小船划向拉馬丁疊句的湖泊,亦不攀登聖瓊.佩斯苦澀的高山。〞
魯斯洛也寫了幾本小說,其中一部題為《一列火車隱藏著另一列》(Un train en cache un autre),描寫西班牙內戰初期,巴斯克難民紛紛湧到波瓦捷之際,他親身經歷的故事。當時他在波瓦捷負責調查登記難民的工作。但無論怎樣細心,在點名時,總是多一個或少一個男人或女人⋯⋯這個無發言權的人究竟是誰?身份問題如同時間的流逝一樣,一直纏繞著魯斯洛。
〝在任何人,任何詩人週圍,尤其是在一個如此接近我們的詩人週圍,有一個安靜的區域:孤獨的一個人,黑夜裡的池塘也是孤獨的,雨水也要人傾聽,蟾蜍也要人憐愛,因為牠有金色的眼睛,這點,只有牠自己知道。〞
—— 克洛德.德.比里納
這位著作等身,寫了一百五十多本書的作者卻鮮為人知,落得個孤寂下場。他的聲音彷彿消失在這個喧囂擾攘的時代。
〝這沒甚麼關係
既然死亡已經註銷了通行證。〞
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