Peinture
Texte : Frank Vigneron

Epistémè

La lecture de mes autres articles a déjà illustré à quel point il est important de comprendre la notion d'épistémè que Michel Foucault a théorisée dans son ouvrage intitulé Les Mots et les Choses (l'épistémè étant donc à la fois le savoir d'une époque et les conditions de ce savoir). Pour s'amuser dans une veine poétique, on pourrait comparer les épistémès aux plaques continentales : comme celles-ci, les épistémès de grandes zones géographiques (l'Occident ou la Chine) changent constamment et c'est dans leurs grands mouvements qu'elles arrivent parfois à se rejoindre. Pour comprendre comment les changements modernes s'opèrent et comment ils ont commencé, il faudrait donc dégager les épistémès occidentales et chinoises au dix-huitième siècle, comment celles-ci se sont métamorphosées au point de pouvoir éventuellement se rapprocher et dans ce processus, comme la plaque indienne entrant en collision avec la plaque asiatique et créant la chaîne himalayenne, comment elles ont créé la culture « mondiale » actuelle. Désolé de vous décevoir, mais il semble évident que ces courts articles ne permettront pas de se lancer dans une telle recherche qui demandera de nombreuses pages de démonstration et de gloses académiques. Pour l'instant, on pourra se contenter de donner quelques exemples de l'impossibilité de dialogue entre des épistémès encore éloignées l'une de l'autre, celles de la Chine et de l'Europe au dix-huitième siècle et comment cette « surdité culturelle » s'est traduite dans les arts et les arts décoratifs.

Peu d'Européens furent mieux placés que les prêtres jésuites pour connaître de l'intérieur la culture chinoise, même si ce ne fut guère dans sa majeure partie que celle de la cour de Pékin et donc une version hautement stylisée de cette culture. Ils furent donc les premiers, longtemps après l'épisode exceptionnel et isolé de Marco Polo, à tenter de pénétrer avec un appareillage culturel parfois inflexible une façon de penser, de voir et de sentir fort étrangère à la leur. Leur capacité d'adaptation était toutefois légendaire et leur maîtrise de la langue, leur respect de l'étiquette chinoise et leur magistrale façon de présenter en retour la culture de l'Europe à leurs hôtes chinois et mandchous, firent de ces hommes d'église de remarquables interprètes. Leurs écrits inondèrent bientôt les tables des penseurs européens de ce siècle des lumières pendant lequel des philosophes tels que Leibniz (1646-1716) en Allemagne et Voltaire (1694-1778) en France, parlèrent des Chinois, les admirèrent et leur empruntèrent même, en ce qui concerne Voltaire le sujet d'une pièce de théâtre. Cette introduction de la culture européenne en Chine, à des fins de prosélytisme, passa principalement par l'introduction de la science newtonienne. Ainsi, et comme les découvertes en perspective et en optique de la Renaissance en matière de peinture faisaient partie intégrante de ce projet scientifique, la peinture prit bientôt une place importante dans l'attirail de ces missionnaires. Parmi les peintres jésuites qui vinrent en Chine pendant cette période, deux noms en particulier nous viennent à l'esprit, ceux bien sûr de l'Italien Giuseppe Castiglione (1688-1766), qui prit le nom chinois de Lang Shining 朗世寧, et du Français Jean-Denis Attiret (1701-1768), qui se fit appeler Wang Zhisheng(王致誠).

L'empereur Qianlong commanda à ces deux artistes la réalisation de cartons pour la fabrication, à la manufacture des Gobelins à Paris, d'une série de tapisseries commémorant une victoire de l'empereur. Castiglione et Attiret firent donc une série de dessins dont la caractéristique la plus remarquable est que les montagnes de l'arrière-plan ont été dessinées dans un style ressemblant de très près aux formations rocheuses de peintures chinoises faites dans la tradition lettrée, avec des traits très travaillés et imitant le pinceau et l'encre très sèche des peintres orthodoxes. Les cartons furent envoyés en France mais les tapisseries, pour des raisons que nous ignorons, n'ont jamais été réalisées. A leur place, une série de gravures furent faites en France sur la base des dessins des peintres jésuites. Une étonnante transformation s'ensuivit et, dans les gravures, les fameuses montagnes de l'arrière-plan se changèrent en un décor beaucoup plus typiquement rococo, même si la disposition des détails des dessins resta la même.

Attiret et Castiglione avaient l'habitude des peintures chinoises, qu'ils s'efforçaient de copier autant que les commandes impériales le leur permettaient, et leur présence dans un contexte chinois leur permettait de maîtriser, au moins en surface, certaines des formules de la peinture traditionnelle lettrée. Par contre, les artisans graveurs français chargés de faire les chalcographies ne pouvaient pas « voir » les caractères artistiques du dessin original qui étaient trop éloignés de leur tradition. C'est exactement à une traduction que ceux-ci se sont appliqués, même si l'adaptation à l'idiome pictural français s'est certainement fait de façon inconsciente. Il faut encore soulever deux points, qui permettront de juger d'une façon plus précise les actes de ces deux groupes d'artistes. D'abord sur les peintres européens en Chine, et ensuite sur les artistes et artisans en Europe qui étaient confrontés aux ouvrages de cette autre épistémè.

En ce qui concerne les peintres européens en Chine : si ceux-ci pouvaient « voir » la peinture chinoise, car ils se trouvaient en Chine et avaient pénétré la peinture chinoise par ce qu'ils pouvaient en connaître, c'est-à-dire le portrait et la peinture d'animaux, ils ne pouvaient guère que singer cette peinture, ce qui semble montrer qu'on ne peut pas vraiment pénétrer une épistémè aussi radicalement étrangère sur le cours d'une seule vie. Par exemple, les tentatives de paysages par Castiglione paraissent fort maladroites car elles ressemblent toujours à une sorte de copie détaillée, mais sur grille et donc très artificielle, d'œuvres ultra orthodoxes comme celles de Wang Shimin 王時敏(1592-1680), œuvres qui d'ailleurs ne pouvaient que plaire à ses mécènes impériaux.

Cette « myopie culturelle » affectait de la même façon les Européens. Les artisans fabricants de meubles dans ce style hautement décoratif qui fut au départ vaguement inspiré des motifs chinois que l'on appelle Chinoiserie n'étaient eux non plus pas en mesure de connaître, c'est-à-dire de « voir » les meubles originaux qui venaient de Chine, même quand ils étaient en présence d'un de ces ouvrages. L'un des plus importants importateurs de ces objets en France est un personnage qui sera sans doute familier à ceux qui lisent cette série d'articles, il s'agit du Gersaint pour qui Jean-Antoine Watteau (1684-1721) avait fait cette enseigne qui est une des œuvres les plus célèbres du Rococo. Son échoppe, La Pagode, vendait par exemple des cabinets comme celui qui orne cette carte publicitaire dessinée par l'autre grand peintre de cette période, François Boucher (1703-1770). Or, on peut se demander ce qui a pu métamorphoser ce meuble chinois en, par exemple, cet autre meuble de chinoiserie qui fut pourtant partiellement fait avec des morceaux de laque pris à un coffre japonais (ce magnifique coffre ornait d'ailleurs la chambre de la reine, femme de Louis XV, Marie Leczynska, à Fontainebleau). Bien sûr, même si certains artisans pouvaient être fascinés par ces meubles chinois et pouvaient même avoir envie d'en reproduire trait pour trait les caractéristiques, leur clientèle, qui ne demandait pas autre chose que les arabesques du Rococo, ne leur en aurait pas laissé l'initiative de toute façon. La myopie culturelle n'était donc pas nécessairement le seul fait de ces artisans, mais il demeure que les yeux occidentaux en général ne pouvaient voir les formes venant de la Chine qu'à travers le prisme de leur propre culture visuelle.

Un exemple frappant de la possibilité d'une reproduction précise d'un motif chinois se trouve dans un portrait du peintre suisse Jean-Etienne Liotard (1702-1789), montrant un grand noble anglais qui, comme nombre de pairs, se plaisait à collectionner des choses venant d'horizons éloignés et de préférence orientaux (n'oublions d'ailleurs pas que l'Orient pour les Occidentaux de ce siècle commençait beaucoup plus près et que Liotard lui-même, arbitre de toutes choses exotiques pour ses mécènes, se faisait appeler « Le Turc » parce qu'il avait vécu en Turquie et qu'il aimait, comme beaucoup de femmes nobles de cette époque, à s'habiller en Turc). Lord John Mount Stuart, le premier Ecossais à être nommé premier ministre de sa majesté, est montré debout devant un paravent qui comporte quelques dessins chinois. On pourrait simplement se détourner de cet objet comme faisant partie des innombrables chinoiseries qui décoraient les appartements de la noblesse européenne, mais la magie de l'informatique nous permet d'agrandir et de modifier ce motif de telle façon qu'il nous révèle une scène fort familière à tout Chinois : Wu Song tuant le tigre, qui est un épisode des plus célèbres d'une des œuvres les plus aimées de la littérature Chinoise (c'est bien sûr l'histoire des « bandits d'honneur » d'Au bord de l'eau, 水滸傳, œuvre écrite au début de la dynastie Ming). Même si l'épisode pouvait être connu de quelques savants en Europe (et les Jésuites devaient certainement le connaître), il n'existait pas encore de traduction de ce livre au dix-huitième siècle en Europe et aucun artisan de chinoiseries n'aurait pu être assez cultivé pour pouvoir l'adapter à un de ses meubles. Nous pouvons donc être tout à fait sûr qu'il s'agissait d'un véritable objet chinois, exporté directement de Chine sans avoir été fait par cette industrie d'exportation qui commençait à fleurir dans l'Empire du Milieu.

Cette précision dans le rendu d'une image chinoise, même si elle ne fait sens que dans le contexte d'une vision imitative de la peinture (Liotard se contente de reproduire ce qu'il a sous les yeux avec le plus de précision possible), il devient pourtant très intéressant de voir que, dans son traité, fort technique, intitulé Traité des principes et des règles de la peinture par Jean-Etienne Liotard, peintre, citoyen de Genève, celui-ci se fend d'un commentaire fort intéressant sur l'art chinois : « Ce qui donne aux peintures chinoises l'agrément que nous leur trouvons, c'est d'être unies, propres, nettes, quoique faites par des peuples qui n'ont aucune teinture de l'art ». Et cependant, Liotard, maître d'une sorte d'exotisme pour ses mécènes, était souvent vu par ses amis comme une sorte de « peintre chinois », jugement qu'ils fondaient bien sûr, sur leur méconnaissance totale de la peinture chinoise. Ainsi, de la fameuse Belle chocolatière, le comte Algarotti, qui l'avait acquise pour le cabinet du roi de Pologne, pouvait écrire : « Cette peinture… est travaillée à demi-teintes, avec des dégradations de lumière insensibles, et d'un relief parfait. La nature qu'elle exprime n' est point maniérée ; et quoique peintre d'Europe, elle serait du goût de Chinois, ennemis jurés de l'ombre, comme vous le savez. Quant au finiment de l'ouvrage, pour tout dire en un mot, c'est un Holbein au pastel ». Mélangeant allégrement toutes sortes de références et de tradition, l'impression de respect envers ces artistes lointains demeure quand même très forte.

Heureux hasard, l'artiste chinois qui m'occupe très souvent dans ces pages, Shen Zongqian, a aussi écrit un traité la même année que Liotard en 1781, et lui aussi a quelque chose à dire sur les Occidentaux. D'abord un jugement négatif sur leur façon d'utiliser le médium de la peinture : « Les peintres (chinois) contemporains font de violents contrastes de lumière, laissant les endroits où elle se reflète vierges et ceux laissés dans l'ombre trop sombres, de cette façon ils montrent le style employé par les techniques occidentales ». Et enfin, même s'il n'est vraiment fait qu'allusion aux Occident- aux, un jugement plus positif sur leur façon de considérer le corps humain dans la peinture : « Il y a aussi une autre école de pensée qui dit que vous pouvez employer un corps nu pour comprendre la structure osseuse, puis seulement vous attaquer aux vêtements. C'est aussi une bonne technique pour commencer votre ouvrage. ». Et il faudra montrer autre part à quel point ce jugement est original pour un artiste chinois du dix-huitième siècle.

Mais l'histoire des arts en Occident et en Chine n'a pas continué longtemps à suivre des parcours isolés. Il s'agira donc de trouver par quelle « brèche » l'épistémè occidentale du dix-septième et dix-huitième siècles a pu trouver une zone de contact avec celle de la Chine des Qing, ce qui sera partiellement le sujet de mon prochain article (pardonnez le titre ronflant) « Dualisme et phénoménologie ».

繪畫

知識形態



‧Jean-Denis Attiret, La victoire des Korghos, 1776, Bibiothèque à l'Université de Tanjin, Japon

我在所寫的其他文章裡業已闡明對米歇爾.福科(Michel Foucault)〝知識形態〞觀念的理解是何等重要,他在其著作《詞與物》 (Les mots et les choses)裡將之理論化了。(〝知識形態〞既是一個時代的知識亦是這知識由來的條件)我們不妨作詩意的描述,權且將〝知識形態〞譬喻成大陸板塊:如同這些大陸板塊一樣,地球上大地理區域(西方或中國)的〝知識形態〞不斷地變化,而在一些大的變動中,它們有時也相遇一起。為暸解現代的變化如何進行以及它們是怎樣開始的,必須理清十八世紀的西方及中國的知識形態,探討它們是怎樣演變至有時可以互相接近。在這一過程中,就像印度板塊與亞細亞板塊相撞擊而產生喜瑪拉雅山脈一樣,它們又是怎樣創造出當今這個〝世界〞文化的。很抱歉我將令大家感到失望,原因是在一篇短文裡不容許作需要連篇累牘的論證和旁徵博引的註釋的深入研究。暫時,我們只能滿足於舉幾個例子,說明兩個彼此之間仍相距甚遠的知識形態,即十八世紀中國和歐洲的知識形態如何不可能展開對話,以及這個〝文化聾啞〞是怎樣表現在藝術和裝飾藝術上的。

很少歐洲人會比耶穌會修士佔有更優越的地位可從內部暸解中國文化。儘管看到的只是北京宮廷文化這個主要部份,亦即這個文化最典型的一面。在馬可波羅之後,他們是第一批西方人,帶著有時相當頑固的自身文化,試圖深入暸解另一種與他們相去甚遠的思維、觀察和感知方式。他們的適應能力神奇無比,對語言的掌握,對中國禮儀的尊重以及落落大方地將自己的歐洲文化介紹給中國人和滿洲人的方式,令這些教會中人變成傑出的文化使者。很快,他們的著作便堆滿了啟蒙時代歐洲思想家的書桌。這一時期,如德國哲學家萊布尼茲(Leibniz 1646-1716)、法國哲學家伏爾泰(Voltaire 1694-1778)便大談起中國人,對他們大加讚美並向他們借鑑。如伏爾泰便借用了元雜劇《趙氏孤兒》的故事。歐洲文化在中國的傳播開始主要透過牛頓的科學思想。由於文藝復興時期發現的繪畫方面的透視法成為傳播科學的不可分割的一部份,因此繪畫很快便成了傳教士行篋中的重要組成部份。這一時期來華的耶穌會畫家中,尤應提及以下兩位:意大利人Giuseppe Castiglione (1688-1766),他取了朗世寧這個中國名字;另外一位是法國人Jean-Denis Attiret (1701-1768),中文名為王致誠。

乾隆皇帝委托這兩位藝術家製作紀念皇帝凱旋的系列掛毯的大幅草圖,再送往巴黎花毯廠(manufacture des Gobelins à Paris) 製作。朗世寧與王致誠製作了一系列草圖,其最大的特點是作為背景的山皆酷似傳統文人畫中山石的風格,線條細密考究,模仿正統畫家的枯筆風格。草圖被送往法國,但掛毯卻始終沒有製造出來,原因不詳。相反,在法國卻出現了一系列耶穌會修士的畫為基礎的版畫。畫中出現了驚人的變化,作為背景的山竟變成了洛可可式的裝飾畫,儘管畫面的細部佈局一如原樣。

王致誠和朗世寧皆精於中國繪畫,他們在皇帝御訂的畫作的允許下,儘量去模仿。他們在中國宮廷的地位,使他們至少在表面上掌握了傳統文人畫的一些表現手法。至於負責製作銅版畫的法國雕刻藝術家,卻〝看〞不懂原畫的藝術特點,它們與自己的傳統相距實在太遠了。儘管他們無意識地將銅版製成了富法國風味,但卻是竭力想忠於原畫風格的。還應該提出兩點,以便更確切地評價這兩批藝術家的業績。首先是在華的歐洲畫家,其次是歐洲的藝術家和手藝人。他們面臨異域的知識形態的挑戰。

在華的歐洲畫家,他們〝看〞懂中國畫,那是因為他們身居中國,深入研究了他們所能明暸的中國繪畫,即動物畫和肖像畫。他們只是機械地模仿中國畫。這說明要在短暫的一生裡對一種完全不同的知識形態徹底參透,深入堂奧是不可能的。如朗世寧的山水畫顯得極其笨拙,它總是像用放大尺對正統中國畫纖毫畢見的模仿,散發出匠氣。王時敏(1592-1680)的畫亦如此。這只能取悅清宮裡的藝術資助者。

這個〝文化近視〞以同樣方式影響著歐洲人。那些製作受中國工藝品圖案啟發、裝飾色彩頗濃的傢俱的歐洲手藝人,亦無能力認識,也就是說〝看〞懂真正來自中國的傢俱,那怕眼前明擺著一件。法國的中國傢俱進口商中一個主要人物,對讀過我以前文章的人該不會陌生,那便是傑爾聖(Gersaint),尚-安托萬.華托(Jean-Antoine Watteau 1684-1721) 為他繪製了一塊招牌,這是洛可可時期的名畫之一。他的店舖〝寶塔〞(La Pagode)出售中國式櫥櫃,如同當時另一大名鼎鼎的畫家弗朗索瓦.布歇(François Boucher 1703-1770)繪製的廣告畫片裡所見的那種櫥櫃。我們不妨想想,是甚麼令中國傢俱幻變成這件不倫不類的仿製品,其部份材料來自日本製作的傢俱上的漆(這個漂亮的櫥櫃竟裝飾著法國王后、路易十五的妻子瑪麗.萊金斯卡(Marie Leczynska)在楓丹白露的臥室)。話說回來,即使一些歐洲匠人深為中國傢俱所迷,甚至極願逐點模仿製作,但其顧客只追求洛可可式的阿拉伯裝飾圖案,不讓他們有機會施展才情。〝文化近視〞不僅只限於歐洲手藝人,一般而言,歐洲人盡皆透過自身視覺文化的三棱鏡來審視來自中國的藝術品。

精確地模仿中國題材的成功例子見於瑞士畫家尚-艾蒂安.里奧達(Jean-Etienne Liotard 1702-1789)的一幅肖像畫,畫裡展現一個英國貴族,他像許多貴族一樣喜歡收藏來自異域尤其是東方的物件(別忘了所謂東方,對這一時期的歐洲人已經不是遙遠的地方。而里奧達本人,常為其資助人鑑定異國藝術品,又在土耳其生活過,像這一時期的貴婦人一樣喜作土耳其打扮,因此被人稱作〝土耳其人〞)。這位約翰.芒特.斯圖爾特爵爺(Lord John Mont Stuart)是第一位被女王陛下任命為首相的蘇格蘭人,他被表現站在一幅飾有中國畫的屏風前面。對於這個屏風,我們大可像對待無數裝飾歐洲貴婦臥室的中國藝術仿製品那樣掉頭而去。然而今天,神奇的電腦卻可將圖案放大、調節,向我們展示了一幅每個中國人都熟悉的場景:武松打虎。這是最受人喜愛的中國古典小說《水滸傳》裡的一個故事。歐洲的一些學者可能知道這個故事(耶穌會修士應該也都熟悉),但在十八世紀的歐洲尚無此書的譯本,因此歐洲的手藝人不可能如此淵博,將武松打虎的故事用來裝飾傢俱。我們完全可以肯定這是一件直接由中國舶來的真正藝術品,絕非已在中華大地蓬勃起來的出口工業的產品。

對中國圖像的精確模仿,雖然只是在藝術模仿范疇裡才有意義(里奧達滿足於儘量準確地再現眼前的事物),然而我們有趣地看到在里奧達非常專業的論著《論繪畫的原則和規律,畫家、日內瓦公民尚-艾蒂安.里奧達著》 (Traité des principes et des règles de la peinture par Jean-Etienne Liotard, peintre, citoyen de Genève)裡,他對中國藝術作了十分有趣的評述。他寫道:〝我們發現,中國畫的妙處,在於它的統一和諧、乾淨利落,雖然出自一個對藝術一知半解的民族的手。〞里奧達在其資助者眼中是個異國情調專家,而他的朋友卻稱他作〝中國畫家〞,這是他們基於完全不明白中國繪畫的一種判斷。因此,阿爾加洛蒂伯爵(le comte Algarotti)對他為波蘭王室購得的著名的《美麗的巧克力女郎》這幅畫作了如下評論:〝這幅畫⋯⋯以中間色調,幾乎覺察不到的漸暗光線構成,極具立體感。表現手法毫不造作,雖然出自一位歐洲大師的手,卻極合中國人口味。大家知道,中國人是最忌諱陰影的。總之,這幅作品的精緻,竟可說是水粉畫中的小漢斯.霍爾拜因。〞將豐富多采的資料和傳統輕鬆地混為一談,對遠方藝術家的敬意仍然強烈。


‧Jean-Etienne Liotard (1702-1789), Lord John Mount Stuart, 1763, Angleterre, collection privée.

無巧不成書,我在文中常提到的中國畫論家沈宗騫亦在里奧達發表其畫論的同一年,即一七八一年對西方畫家作了一些評論。首先,對他們使用繪畫媒介的方法有所批評。他說:〝又今人於陰陽明晦之間,太為著相,於是就日光所映有光處為白,背光處為黑,遂有西洋法一派。〞其次雖然只是映射西方藝術家,但對他們在繪畫中觀察人體的方法卻持較肯定的態度。他寫道:〝又一說凡初學者先將裸體骨骼約定,後施衣服,亦是起手一法。〞應該著重指出的是,一個十八世紀的中國藝術家竟有這種見解,實屬難能可貴。

然而,西方與中國的藝術之旅並沒有長久孤獨地走下去。必須找出究竟是透過怎樣一個〝缺口〞,十七、十八世紀的西方知識形態終於可與清代中國的知識形態互相接觸的。這點,將是我在下一篇文章《二元論與現象學》(請原諒這有點誇張的題目)裡論述的部份內容。