Bande dessinée
Texte : Eric Sacher

La Bande dessinée française au salon du livre

639 312 visiteurs. Tel est le nombre exceptionnel de visiteurs du Salon du livre de Hong Kong, en progression de 20% par rapport à l’année dernière. A l’occasion de l’année de la France en Chine, trois illustrateurs français ont fait découvrir au public de Hong Kong un autre univers de la Bande Dessinée, loin du manga japonais : Michel Plessix, Alex Alice et Chantal Montellier : trois auteurs, trois adaptations, trois styles différents.

Michel Plessix est toujours resté fidèle à ses racines bretonnes. Né à Saint-Malo en 1959, ses premiers travaux d’illustrateur ont été consacrés à la Bretagne (affiches de fest-noz, dossiers de promotion de villes ou du pays breton). Son premier album La Déesse de Jade a été réédité par les éditions Delcourt en 1993. Cette première collaboration avec le scénariste Dieter continue avec la série en quatre volumes consacrée à Julien Boisvert, dont les aventures amènent successivement le lecteur en Afrique, en Angleterre, au Mexique et aux Etats-Unis à la recherche d’un sens à sa vie et à sa famille. A chaque voyage, les intrigues policières se mêlent à la vie sentimentale et familiale du jeune homme. Mais la création dont Michel Plessix est le plus fier est sa propre adaptation illustrée du roman anglais Le Vent dans les saules. Ce roman de Kenneth Grahame a fait la joie de plusieurs générations de petits anglais. Les aventures de Rat, Taupe, Blaireau et Crapaud sont un hymne à la simplicité et à la joie de vivre dont Michel Plessix se fait volontiers l’écho. Ces quatre compagnons avec leurs propres défauts et qualités sont malicieusement « croqués » par l’illustrateur qui réécrit les aventures du Bois Sauvage avec grand humour. Rat, malin et attaché à la tranquillité de son petit coin de rivière, Taupe, maladroit mais curieux de tout, Crapaud, fanfaron riche et excentrique, Blaireau, bourru mais sympathique…toutes les identités des personnages de Kenneth Grahame se retrouvent sous le trait fin et précis de Michel Plessix. Il suffit de se plonger dans un de ses livres pour y découvrir la patience du trait et l’amour du détail.

Alex Alice est né en 1974. En 1997, alors qu’il continue ses études à l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris , il publie le premier tome du Troisième Testament qu’il co-scénarise avec Xavier Dorison. L’histoire commence en août 1307 avec la convocation de l’inquisiteur Conrad de Marbourg chez l’archevêque Elsenor afin de résoudre le mystère du massacre des moines de l’abbaye de Veynes. Depuis, trois autres tomes sont venus compléter la série. Le quatrième et dernier tome est sorti chez Glénat en 2003. Le style a évolué et a mûri au cours de la série qui forme un ensemble rempli d’intrigues, de rebondissements et de mystères. L’influence de l’univers des jeux de rôles où Alex Alice a travaillé et de l’ambiance médiévale du Nom de la Rose (Umberto Eco ) est palpable. « L’idée de départ nous est venue à partir de la découverte à la Bibliothèque Nationale d’une traduction anglaise d’un manuscrit datant du XIVème siècle. » Alors que le Nom de la Rose se déroulait en un seul lieu, Le troisième Testament se présente comme une quête à travers l’Europe médiévale, de lieu de culte en lieu de culte. Alors que dans le livre d’Umberto Eco, la bibliothèque secrète est brûlée, ici, elle est inondée. La recherche du savoir suprême aboutit à un échec qui annonce cependant le retour aux textes fondamentaux, à la Renaissance. Avec Fréon, Alex Alice a également travaillé en tant que scénariste sur la bande dessinée Tomb Raider : Dark Aeons adaptée du jeu vidéo du même nom.

Chantal Montellier est née en août 1947 dans la région de Saint-Etienne. Scénariste, illustratrice, romancière et peintre, elle a étudié à l’Ecole des Beaux Arts de Saint-Etienne avant d’enseigner les Arts Plastiques en lycée puis à l’Université de Paris VIII. En tant que caricaturiste, elle a travaillé pour plusieurs journaux dont Politis, Marianne et Le Monde. Ses bandes dessinées ont paru dans Charlie (Mensuel), Métal Hurlant et A suivre.

Si l’adaptation de Michel Plessix nous plonge dans l’univers de notre enfance, si celle d’Alex Alice nous transporte dans celui de l’univers fantastique et médiéval des jeux de rôle, le dessin de Chantal Montelier est, lui, tout autre : c’est un fait réel, un fait de société, de notre société qu’elle souhaite nous montrer aussi bien par ses traits que par ses mots. C’est l’histoire des laissés pour compte de notre société consumériste, des écorchés vifs de la vie.

Elle a publié de nombreux albums de Bandes Dessinées dont Wonder City, Andy Gang et Julie Bristol. Son univers, qu’il se rapporte à la science fiction et au roman d’anticipation (Wonder City, Shelter, 1996) ou à l’univers du roman policier et d’investigation (Andy Gang, Julie Bristol) a toujours pour but de nous renvoyer à la réalité sociale, crue et cruelle, de notre propre univers, de notre propre vécu. « Social Fiction » certes, mais, hélas, plus « social » que « fiction ».

Elle a également contribué à la série « Le Poulpe » avec son roman La Dingue aux Marrons, roman-policier où les thèmes chers à Chantal Montellier, (féminisme, communisme, racisme, lutte sociale et familiale, écriture et retour sur soi…) sont abordés. « Ouvrier ? Tu es sûr Pedro ? pour qu’il y ait ouvrier encore faut-il qu’il y ait ouvrage, mais de l’ouvrage il n’y en a guère que pour les machines, et il ne reste en guise d’ouvriers que des travailleurs précaires, des chômeurs, des exclus…Des gens dans la merde qui se raccrochent à un parti de merde. »

Son engagement politique et son féminisme font toute l’originalité de son trait vif et de son style tout particulier où dominent les teintes bicolores, le rouge et le noir. Les damnés de Nanterre chez Denoël Graphic est sa dernière création. Une Bande dessinée inspirée d’un fait divers derrière lequel se cache un fait de société. Retour dix ans après sur Florence Rey et Audry Maupin, deux jeunes gens tranquilles qui en l’espace d’une nuit deviennent des meurtriers. Une fusillade incompréhensible, des policiers tués et Florence Rey qui ne souhaite pas parler. Un geste sans explication et une affaire dont l’Etat et les médias se saisissent pour servir leurs propres intérêts. Chantal Montellier pour mener son enquête se crée son propre double, Chris Winckler, une journaliste qui essaie de remonter la piste du troisième homme. Le trait est précis et violent, à l’image de l’histoire et fourmille de références. Posters Révolutionnaires et symboles cinématographiques (souvent issus de l’univers même des jeunes gens comme l’homme machine de Métropolis dont l’affiche ornait leur appartement au même titre que Tueurs nés) illustrent la société manipulée et la dérive sécuritaire dont nous sommes à la fois victimes et parties prenantes.

Chantal Montellier a également publié en début d’année un livre illustré par elle-même autour du train inspiré par ses déplacements ferroviaires : TGV Conversations ferroviaires (aux Editions Impressions Nouvelles collection Traverse). Voyages à travers des conversations des gens ordinaires qui dressent un panorama de la société française plus juste et plus percutant que bien des poncifs médiatiques, parfois tendre et plein d’humour, parfois triste et inquiétant.

« Tout est en ordre. Les contrôleurs contrôlent. Les conducteurs conduisent, les voyageurs voyagent. la France, vue de mon siège n° 48, voiture 15, dans le TGV 8609, semble bien tenue. Mais… » Où donc se crient les cris ? Où donc se pleurent les pleurs ? »

639 312 : Des Chiffres pour des Lettres
Le succès du salon du livre de Hong Kong s’ouvre à la France
Certes, ce n’est pas un salon du livre comme tous les autres. Les Hongkongais y viennent en famille et la majorité des visiteurs ont moins de 25 ans. Le prix de l’entrée, assez modeste entre 1 et 2 Euros, explique l

e succès d’un salon où tout le monde peut trouver ce qu’il cherche et même ce qu’il ne cherche pas…La jeunesse du public fait toute l’originalité de l’événement.

Un espace entièrement réservé aux enfants leur permet de découvrir non seulement les nouveaux livres jeunesse mais également l’ensemble des supports médias qui les concerne (CD/CD-Rom, DVD…) avec bien sûr la présence très active de Disney qui préparait ici l’ouverture à Hong Kong du
Disneyland local prévu en septembre prochain. A côté des stands occupés aussi bien par différents organismes religieux voire sectaires, des gadgets en tous genres font entrer dans l’univers des lettres, des objets qui n’ont que peu de rapport avec le livre. Mais, depuis deux ans, le salon commence à acquérir une plus grande maturité. La présence de plusieurs libraires et éditeurs chinois prouvent tout l’intérêt que la Chine continentale porte désormais au marché du livre hongkongais. Le succès de la présence française l’an dernier avec l’invitation de l’auteur de bandes dessinées David B et de la romancière Pierrette Fleutiaux, a permis cette année au salon d’agrandir son espace international avec « un village international » composé de la Belgique, du Canada, de l’Egypte, de la Pologne, du Danemark, de Singapour et d’autres pays asiatiques venus en voisins.

Pour 2005, année de la France en Chine, le Consulat Général de France avait invité trois auteurs et trois éditeurs (Glenat, Actes Sud, La Martinière, Delcourt) pour présenter l’originalité de la bande-dessinée francophone. De fait, face à la relative uniformité du marché des mangas japonais à Hong
Kong, la France présente l’avantage de la nouveauté et de la diversité. Le choix des auteurs invités cette année reflète parfaitement cette richesse de la production française. Michel Plessix, Chantal Montellier, Alex Alice : trois illustrateurs français avec chacun son style particulier et son histoire singulière.

Le salon du livre de Hong Kong est une réussite commerciale et une formidable plate-forme pour la promotion de l’écrit. Pour la première fois, il s’est doté d’une « nocturne » gratuite de 10H à minuit qui fut un tel succès que les organisateurs pensent à renouveler l’expérience jusqu’à trois heures du matin l’an prochain. Hong Kong, ville où la lumière ne s’éteint jamais, fait entrer la lecture dans son univers d’insomniaques et de somnambules à la recherche d’un nouvel ami, d’un nouvel univers : un livre.

漫畫篇 

法國漫畫再現書展

今年入場參觀書展共六十三萬九千三百一十二人次,較去年增加達百份之二十。碰巧今年是中國法國文化年,書展中特別介紹三位法國漫畫家的作品,藉此讓香港的公眾認識一個遠離日本漫畫文化影響的漫畫天地。Michel Plessix、Alex Alice及Chantal Montellier:三位作家、三種詮釋手法、三種不同的風格。

Michel Plessix 從來沒有忘記自己是布列塔尼人的身份。他一九五九年在聖馬洛出生,初出道時主要是在布列塔尼作繪圖插畫的工作(節日的海報、製作布列塔尼地區及城市的旅遊冊子)。一九九三年,Delcourt出版社再次出版他的第一本漫畫集《玉神》 (La Déesse de Jade) 。 這是他首次與劇作家Dieter合作的作品,之後他們繼續共同創作了一套四冊的故事系列。他們藉故事的主人翁Julien Boisvert為尋找生命的意義和家人的過程中所遭遇到的奇遇,先後帶讀者遍遊非洲、英國、墨西哥及美國。在每一段旅程中,驚險懸疑的情節與這位年青人的感情和家庭生活糾纏不清。但讓Michel Plessix最感自豪的作品卻是他親自改編自英文小說《柳林中的風聲》 (Le vent dans les saules)的同名作品。英國作家Kenneth Grahame的這本小說深受不同年代的英國兒童所喜愛。內容是有關老鼠、水獺、獾和蟾蜍四隻動物的冒險故事,是作者Kenneth Grahame,也是Michel Plessix藉此來歌頌生命的純真和喜樂。這位漫畫家筆下的四個同伴頑皮可愛,各有自己的專長和缺點。老鼠聰明機智,對自己河畔寧靜的家十分眷戀;水獺笨手笨腳,但好奇心極重;蟾蜍愛自吹自擂,行為古怪;獾的性情粗暴但富同情心…… Michel Plessix用細膩精準的筆法將 Kenneth Grahame 書中角色的所有性格和特徵全部活現出來。

Alex Alice 一九四七年出生。一九九七年,當他仍在巴黎高等商業學院繼續進修時,他出版了與Xavier Dorison 合作編寫情節的《第三約》 (Troisième Testament)之第一集。故事發生於一三零七年八月,擔任裁判長的Conrad de Marbourg被大主教召見,要求他破解韋訥修道院內修士被集體屠殺之謎。繼第一集之後這故事系列共出版了三集。第四集亦即是最後一集於二零零三年由Glénat出版社出版。從這系列中看到這位漫畫家的創作風格日趨進步和成熟,整套故事的情節迂迴曲折和充滿神秘的氣氛,而且很明顯是受到網上角色扮演遊戲(Alex Alice曾參與此類工作)以及Umberto Eco的著名小說《玫瑰的名字》(Le nom de la Rose)中那濃厚的中古時代的氣氛所影響。“我們最初的構思是來自國立圖書館中發現的一份十四世紀的手稿之英文譯本。”小說 《玫瑰的名字》(被改編成電影《魔宮傳奇》)中的情節是集中在一個地方中發展,《第三約》卻是走遍整過中古時代的歐洲查探事實的真相,由一座教堂到另一座教堂。Umberto Eco的小說中的秘密圖書館是被火焚毀,這裡,它卻是被水掩浸了。追求至高無尚的知識最終的結果是失敗,然而,失敗的結果卻預告著基本教義的再現,預告復興期的誕生。Alex Alice 與Fréon 亦一同為改編自同名的網上遊戲 《盜墓者羅拉——萬古黑暗》的漫畫版編寫劇情。

Chantal Montellier 一九四七年在聖艾蒂安地區出生。身為劇作家、插畫家、小說作家兼畫家的她畢業於聖艾蒂安美術學院,她曾先後在中學及巴黎第三大學教授造型藝術,並曾以漫畫家的身份在多家報館工作。她的漫畫曾在《Charlie》(月刊)、《Métal Hurlant》及《A suivre》等漫畫雜誌中連載。

若說Michel Plessix改編的故事帶我們回到童年的時代,Alex Alice的故事讓我們有如置身於中古時代角色扮演的奇異世界之中,那麼,Chantal Montellier的漫畫卻全然不同:她描寫的是真實的事,她藉圖畫和文字與我們講述一些與我們社會有關的事。是有關一些活在我們這保護消費主義社會邊緣,備受生活煎熬的人的故事。

她出版了多本漫畫,其中包括《奇異都市》(Wonder City)、《Andy Gang》和《Julie Bristol》。她描寫的世界,無論是科幻小說(《奇異都市》、《避護所》(Shelter)、《1996》)或是偵探推理小說(《Andy Gang》、《Julie Bristol》),都有著同一個目的,就是要反映我們社會中真實、赤裸裸冷酷的一面;是要反映我們身處的世界、我們的親身經歷。

她對政治和女權運動的關注從她的作品中活潑有力的筆觸,以及紅黑兩色為主的獨特風格中流露出來。由Denoël Graphic出版社出版的《農泰爾的受害者》(Les damnés de Nanterre)是她的最新創作。這漫畫的靈感源自一則新聞,而新聞背後所隱藏的卻是一個社會問題。事發十年之後,她再次探討Florence Rey和Audry Maupin這兩名本來沉靜的年輕人為何突然一夜間變成了殺人兇徒。一場令人費解的槍戰,警察被殺,還有不肯講話的Florence Rey。政府和傳媒更為了本身利益而將一宗不能解釋的行為和事件大做文章。Chantal Montellier為了追尋真相,為自己製造了一個替身:Christ Winckler,這位年輕記者嘗試追查第三者的存在。故事和人物的描寫細膩強烈,忠於事實真相,參 考理據充足。書中那些富革命性色彩和具代表性的電影之海報(《大都會》中的機械人和《殺手的誕生》都是年輕人喜張貼在房間牆壁上的電影海報)均顯示出一個被操控和沒有保障的社會,在這樣的一個社會中,我們既是受害者也是受益人。

639 31: 一組與文字有關的數字
無可否認,這書展與其他地方的書展並不一樣。香港人參觀書展是一家大小總動員,而大部份到場參觀的人士都不超過二十五歲。任何人只須花一至二歐元的入場費便可以找到心目中所需的或甚至不需要的,這解釋了一個書展成功的原因。而這活動最獨特的地方就是參觀人士的年歲都很輕。

一處專為兒童而設的兒童天地除了讓兒童找到新出版的兒童書籍外,也有一系列與學習有關的媒介(CD/CD-Rom,DVD)。當然還因為香港迪士尼樂園快將在九月開幕而到處看到迪士尼的影子。會場一旁有很多不同教會或甚至異端教派的攤位,也有各式各樣的小玩兒,有些甚至與書扯不上甚麼關係的東西也被引入這原本只屬於文字的領域中。但近兩年,香港書展已漸趨成熟。有多家中國大陸的書店和出版商參展,這證明了中國大陸開始重視香港的書市場。去年,法國有份參與書展,並邀請了法國漫畫家David B.和小說作家Pierrette Fleutiaux來港。去年的成功讓今年書展擴充了〝國際村〞的規模,參展的包括比利時、加拿大、埃及、波蘭、丹麥、星加坡及其他鄰近的亞洲國家。二零零五年,為了配合中國法國文化年,法國駐港總領事館特別邀請三位作家和三家出版社來港介紹法語漫畫的與別不同。事實上,面對香港市場上充斥著幾乎是千篇一律的日本漫畫,法國漫畫為讀者提供更新更多元化的題材。而今年被邀請來港的三位作者正好反映了法國創作的多姿多采。Michel Plessix、Chantal Montellier、Alex Alice:三位法國漫畫家各有不同的風格和獨特的故事。

香港書展是一個成功的商業活動,也是作為推廣寫作的一個極重要的平台。今年首次增設免費入場的〝夜遊人〞時段(晚上十時至凌辰十二時),結果大受歡迎,舉辦單位考慮明年嘗試將開放時間延長至凌辰三時。香港這個不夜城為那些尋找新朋友、新領域:一本書的失眠人和夜遊人帶來閱讀的樂趣。