Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron
I like Hong Kong III : Argot, dialecte, langue
Dans les données du recensement de 1991, il était estimé qu'une large majorité de la population de Hong Kong se considérait comme appartenant à l'ethnie cantonaise et pensait être des locuteurs natifs de la langue cantonaise. Le terme « d'ethnie cantonaise » signifie en général les personnes provenant de la province du Guangdong, mais, pour être plus précis, « cantonais » se réfère aux Chinois qui parlent la langue de la région entourant la ville de Canton et qui s'identifient à la culture de cette métropole. Même si la notion d'ethnie est ici fort difficile à tenir, je garderai ce terme puisque c'est celui qu'une vaste partie des habitants de la région du Guangdong utilise pour se décrire eux-mêmes.
Au travers de son histoire, les Cantonais se sont vus eux-mêmes comme un sous-groupe distinct dans l'ensemble des personnes se nommant Chinois, facteur considérablement renforcé par le relatif isolement de cette région. Dans le passé, les Chinois des autres provinces familiers avec cette identité cantonaise ont souvent décrit ses représentants en termes fort peu flatteurs. On leur reprochait le plus souvent leur caractère belliqueux, leur bizarrerie et leur vulgarité dans leurs habitudes et leurs coutumes. De nos jours, on souligne les différences d'attitude qu'on croit voir entre les Chinois du nord et ceux de la région de Canton en assimilant ces derniers à des « méridionaux », stéréotype qu'on utilise aussi, par une étrange coïncidence, pour décrire les comportements des méridionaux en France ou en Italie par exemple (qui ne pense pas à certaines scènes de Pagnol pour décrire un Marseillais ? ou encore de films tels que La Terra trema de Luchino Visconti qui, dans un louable effort pour faire reconnaître la langue sicilienne comme fondatrice d'une identité culturelle très forte et toujours vivace, ne put s'empêcher de retomber dans certains des clichés qui s'attachent encore de nos jours aux populations de l'Europe méridionale : pauvreté, sous-développement, etc.)
Les Cantonais ont réagi à de telles critiques en rappelant que leur langue est bien plus proche du Chinois ancien, appelé « langue littéraire » ou « langue de l'antiquité » (guwen), que le putonghua, affirmant par la même occasion qu'ils sont de « purs représentants de la culture chinoise » puisque le nord a été depuis très longtemps le théâtre de fortes influences venant d'Asie centrale ou de l'extrême nord du continent, la domination Mandchoue lors du dernier empire étant toujours stigmatisée comme la dernière et pire étape d'une dilution culturelle et ethnique. On peut donc voir que, si les Cantonais sont très fiers d'être Chinois, ils sont tout aussi fiers d'être simplement Cantonais.
Quelles que soient les idées négatives que les autres groupes linguistiques chinois pouvaient avoir des Cantonais, il demeure que c'est à leur langue que ceux-ci doivent s'acclimater s'ils veulent vivre et travailler à Hong Kong. L'acculturation généralisée et réussie des non-Cantonais dans la société hongkongaise peut être déduite du fait que le cantonais est universellement accepté comme étant la langue vernaculaire des Chinois de Hong Kong et aussi du fait que le putonghua est toujours, quelques cinq ou six années après le retour de l'ancienne colonie à la République populaire de Chine, en train de lutter pour obtenir la place que les autorités du continent voudraient lui voir occuper : celle d'un code au moins équivalent à l'anglais puisqu'il serait naïf de croire qu'il pourrait supplanter le cantonais dans un futur proche.
Le répertoire langagier de la société contemporaine de Hong Kong consiste en une assez grande variété de moyens de communication, incluant donc le cantonais comme langue principale, le putonghua, un nombre assez important de dialectes chinois autres que le cantonais (mais pratiqués minoritairement), l'anglais et plusieurs autres langues telles que le Ourdou et le Hindi pour les communautés d'origine pakistanaise ou indienne. Pour le moment, le cantonais de Hong Kong semble être le seul « dialecte » de Chine à pouvoir être écrit. Les structures du cantonais sont parfois fort différentes de celles du putonghua, mais les différences se trouvent aussi dans la prononciation et le domaine lexical. Si tous les caractères du chinois peuvent êtres prononcés en cantonais, tous les mots cantonais n'ont pas toujours de caractères correspondants. En fait, nombre de mots constamment utilisés comme les interrogatifs (« quoi ? », « comment ? », « pourquoi ? », etc.) et les particules finales qui les accompagnent sont si différentes qu'il a fallu créer de nouveaux caractères pour pouvoir les utiliser dans les documents écrits. Comme nous l'avons déjà vu, le cantonais est un des dialectes de Chine à avoir le moins changé au travers des siècles et il est donc parfois possible à l'écrit d'utiliser certains caractères dans un sens aujourd'hui obsolète en putonghua. Il faut aussi noter que cette écriture, si elle est comprise par la vaste majorité des Hongkongais, peut ne pas être comprise par certaines personnes plus âgées qui sont nées en Chine et ne lisent que la presse où le chinois écrit standard est utilisé. Ces caractères « cantonais » seront complètement incompréhensibles aux Chinois du continent (à l'exception des Cantonais de Chine qui ont des contacts fréquents avec Hong Kong). D'ailleurs, il est presque difficile de savoir comment la décision de se tourner vers les néologismes a été prise et par qui. Il semblerait que la nécessité d'enseigner le cantonais à des étrangers ait joué un rôle très important, et c'est un des nombreux signes qui montrent que la colonisation a été le premier catalyseur de cette volonté de se démarquer de la culture du continent. Puisque toute l'industrie de l'imprimerie a été obligée de s'adapter à cette nouvelle demande, ce système a forcé nombre de créateurs de programmes informatiques destinés à écrire le chinois à intégrer dans la liste des caractères disponibles ceux fabriqués à Hong Kong. Le plus souvent d'ailleurs, les nouveaux systèmes développés pour Windows ou Mac permettent de créer de nouveaux caractères utilisables directement dans n'importe quel texte.
Un autre problème intéressant se présente quand on regarde les programmes présentés à la télévision de Hong Kong. Il existe sur le territoire deux compagnies qui se partagent les contrats de télévision publique, ATV et TVB, chacune d'entre elles dispose d'une chaîne en chinois et d'une autre en anglais. Toutes deux produisent, outre des programmes d'information et de jeux, non seulement des documentaires parfois de très haute qualité, mais aussi des feuilletons très populaires dans leurs studios des Nouveaux Territoires. Toutes ces émissions sont sous-titrées en chinois pour pouvoir être diffusées telles quelles dans les régions du sud du continent (lorsqu'elles sont achetées par la Chinese Central Television ou par des chaînes taiwanaises privées, elles seront toujours doublées en putonghua.)
Le problème commence quand la chaîne doit faire le choix entre la transcription en caractères du cantonais, qui risque de ne pas être comprise par des téléspectateurs d'autres régions, et le putonghua, qui risque de ne pas intéresser le public de Hong Kong. Un autre problème se présente quant il s'agit de faire tenir des phrases parfois fort longues sur la longueur d'un écran de télévision, problème généralement réglé en utilisant des tournures du chinois classique qui sont toujours beaucoup plus brèves. Comme il n'existe aucune directive pour unifier le système de sous-titrage possible, les responsables des chaînes ont recours à toutes les possibilités linguistiques possibles en même temps. Encore une fois, la seule victime de cette situation sera l'étranger ayant appris la langue chinoise dans une institution étrangère puisque les Chinois sauront toujours immédiatement identifier la sorte de dialecte et le niveau de langue affichés à l'écran. On pourrait comparer cela à un feuilleton canadien diffusé en France et qui serait sous-titré avec une alternance de phrase en français, en provençal, en latin et en français des banlieues ! C'est donc autour de ces langues et des infinies variations que leur emploi combiné permet que les Hongkongais ont développé une identité culturelle qui, pour encore jeune qu'elle soit, semble particulièrement vigoureuse.
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藝術與歷史
我愛香港(三) — 俚語、方言、語言
1991年人口普查資料顯示,絕大部份香港市民皆為廣東人,粵語為其母語。〝廣東人〞一詞一般指來自廣東省的人,但更正確地說,是指使用廣州市週圍地區語言、並融入該大都會文化的中國人。即使〝廣東人〞這一概念甚難拿捏,我還是使用它,且廣東省大部份地區的人都以〝廣東人〞自稱。
長時以來,廣東人視自己在整體中國人中為少數族類,這情形更因廣東地區相對孤立而更形強烈。過去熟悉廣東人的其他外省人談起廣東人言辭可並不恭敬。說他們性格逞強好鬥、行為乖張、風俗怪異。今天,人們明確地指出中國北方人和廣東人處世態度的不同,並把後者稱作〝南方人〞。無獨有偶,這個稱謂,在法國和意大利也被用來指法國或意大利南部人及其行為。誰不知道帕尼奧爾(Pagnol)描寫馬賽人的一些場景?此外,如盧契諾.維斯孔第(Luchino Visconti)在他的電影《Terra Trema》裡,努力讓人認識西西里方言是形成一種頑強、始終充滿活力的文化身份的基石。但他亦難免不落窠臼,重彈至今仍困擾著歐洲南部地區的貧窮、落後等問題的老調。
對上述那些批評,廣東人反駁道,他們的粵語比普通話更接近中國古代語言,即〝文言〞或〝古文〞,聲稱他們才是中國文化的〝純正代表〞。因為北方長時以來受中亞及塞外民族的影響,滿州人統治的最後一個皇朝一向被斥為漢文化和漢民族被淡化的最後也是最壞的一個階段。我們可以看到,如果廣東人以作為中國人而驕傲,但也以作為一個廣東人而自豪。
雖然其他方言系統的中國人對廣東人頗有看法,但他們若想在香港立足謀生,則非學會廣東話不可。外省人在香港普遍地被成功同化,可從以下這點得到證實,即廣東話已被普遍接受為香港中國人的本地話。而普通話自香港回歸後七、八年來,雖大力推廣,中國官方亦極欲見到它普及,至少獲得與英文同等地位,但以為普通話短期內可取代廣東話,則未免太天真了。
香港社會當前使用的語言可謂五花八門,以廣東話為主體,普通話,中國其他方言(少數人使用),英語及其他一些外國語,諸如巴基斯坦與印度人社群使用的烏爾都語和印地語。目前,在中國諸多方言中,只有廣東話可以被書寫。廣東話的結構有些地方和普通話相去甚遠,發音及詞匯方面亦然。如果用粵語可讀出所有漢字,而粵語中有些字詞卻不一定總可找到相應的漢字來表示。如頻頻使用的疑問詞諸如〝 乜 ?〞、〝點啊?〞、〝點解?〞等等,以及一些一句話末了的語氣詞、小品詞,則非創造新字莫能表達。誠如我們所見,廣東話是中國方言中,經過悠悠歲月,而最少改變的一種。因此它使用的一些字詞在普通話裡往往已屬不再使用的古字。
應該指出的是這種書面語雖為大部份香港人所識,但對那些出生大陸而又慣於閱讀規範漢語的上年紀的人而言,就不解其中意了。這些粵語漢字大陸的中國人是完全看不懂的(除了一些與香港有頻繁接觸的廣東人)。此外,幾乎很難知道這些粵語新詞的使用是怎樣又是由誰決定的。教外國人廣東話似乎成了一件大事。許多跡象表明殖民地前身是香港決心有別於大陸的催化劑,這只是其中一端。整個印刷業都不得不滿足這一新要求,這語言體系迫使許多中文電腦程式製作人在他們的中文字庫裡融入香港製作的漢字。為視窗系統或Mac開發的新體系可創造新漢字並直接用來書寫任何文體的文字。在觀看香港電視節目時,又會遇到另一個有趣問題。亞洲電視台和香港電視台分享公眾電視合約,每台均擁有中英文頻道。除了新聞、遊戲及有時質素相當高的紀錄片外,並製作了家喻戶曉的電視連續劇。所有節目均有中文字幕,向中國南方地區播送(中央電視台或台灣私人電視台購買的節目則均有普通話配音)。
在選擇粵語字幕或普通話字幕時,問題便出來了。前者非粵語區的觀眾看不懂,後者則香港觀眾不感興趣。另一個問題是字幕長短如何適應屏幕。最常見的做法是使用接近文言的表達方式,言簡意賅。由於對字幕的統一沒有一個明確指示,於是大家便出盡法寶,各展其長。這種情形受害最大的是在中國以外的學校學習中文的外國人,而中國人卻可即刻辨別出螢屏上打出的中文屬方言抑或俚語。想像一下如果在法國播放一齣加拿大製作的電視劇,字幕時而用標準法文,時而用普羅旺斯文,時而用拉丁文,或通俗法語,那情景便有點相像。圍繞著語言以及它可能的千變萬化,香港人創造了自己的文化身份,雖然還很年輕,卻充滿活力。
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