Cinéma expérimental
Texte : Jean Dourville
L'art du mouvement
Collection du Centre Pompidou
« L'histoire du cinéma expérimental et d'avant-garde est restée, tout au long du XX e siècle, une histoire autonome : elle s'est constituée dans les marges du cinéma commercial d'une part et du champ des arts plastiques de l'autre. Aujourd'hui, alors que l'on assiste à une vaste migration des images en mouvement des salles de projection vers les espaces d'exposition, migration portée par la révolution numérique, le cinéma expérimental et d'avant-garde apparaît toujours davantage comme un pont jeté entre l'histoire du cinéma et l'histoire de l'art : s'il utilise le médium technique du cinéma, il n'est pensable, au même titre que la peinture, la sculpture, l'architecture ou le dessin qu'en termes de surface, de composition, de chromatisme ou de texture. » Philippe-Alain Michaud
La toile du peintre et l'écran du cinéaste, l'image fixe et l'image-mouvement, ont été souvent des outils parallèles mis au service de mouvements tels que le Constructivisme, Dada, le Surréalisme ou le Lettrisme. A voir ces images en fait peu connues du grand public, car produites en dehors des circuits commerciaux, et conservées en musée et cinémathèque, on réalise à quel point elles sont riches d'idées et de créativité. On découvre même que beaucoup de performances dites d'avant-garde de l'art contemporain d'aujourd'hui ont déjà été réalisées au début du XXe siècle.
La rétrospective montrée dans le HK International Film Festival (et se prolongeant dans le French May) vient de la collection du Musée National d'Art moderne du Centre Pompidou et, débutant dans les années 20, couvre en onze programmes la création expérimentale internationale d'une grande partie du XXe siècle. C'est une occasion unique à la fois pour les amateurs, artistes, réalisateurs et historiens de l'art moderne et du cinéma de voir des œuvres rares dont une grande partie n'a jusqu'à ce jour jamais été montrée à Hong Kong. Il faut en remercier Freddie Wong du HKIFF, Philippe-Alain Michaud, le conservateur des films au Centre Pompidou et le French May Festival 2006.
Constructivisme, Dada, Joris Evans, Man Ray, Duchamp…
Le premier programme intitulé Cinéma et Constructivisme regroupe des artistes qui s'inspirent du règne de la machine qui, maîtresse, prend le pas sur l'homme et impose son rythme à l'œuvre d'art. Henri Chomette (Jeux des reflets et de la vitesse, 1925) a ainsi sa théorie du cinéma : « traiter isolément certains motifs visuels, en ne tenant compte que de leurs qualités de plastique ou de mouvement, mais les assembler selon des rythmes plus apparentés à un mouvement qu'à un découpage dramatique. » Figure aussi Germaine Dulac (Arabesques, 1928) qui prône un cinéma dégagé de toute influence théâtrale, littéraire ou picturesque, construit comme une « musique visuelle », ou Joris Evans qui, avec son film Le pont (1929), succès dans l'Avant-Garde de l'époque, prend comme sujet de son œuvre un objet et non un personnage.
Le mouvement Dada naît en 1916 et disparaît officiellement en 1924, de nombreux groupes se réclament de lui. Les dadaïstes contestent les valeurs esthétiques établies et répliquent par la destruction, l'humour, le scandale, la dérision, la subversion, la violence, l'irrationalité. Il touche la littérature, les arts visuels mais aussi le cinéma, notamment avec des artistes qui ont travaillé dans plusieurs disciplines comme Fernand Léger (Le Ballet mécanique , 1924), Man Ray (Emak-Bakia, 1926), Marcel Duchamp (Cinéma anémique, 1925), Hans Ritcher (Rhythmus21, 1921-24), et le cinéaste René Clair (Entr'acte, 1924). On pourra voir un film plus tardif du Cinéma Néo-Dada, Dreams that money can buy (1944-45) de Hans Richter, l'histoire folle d'un jeune homme qui a une aptitude à créer des rêves et à les vendre et dans lequel on retrouve la main des dadaïstes Man Ray, Marcel Duchamp, Max Ernst et Fernand Léger et des musiques entre autres de Duke Ellington et John Cage.
Surréalisme, Luis Bunuel, Salvador Dali, Robert Desnos…
Critiques et historiens aiment à classifier l'art en époques et mouvements, la réalité est plus complexe car ces mouvements comme Dada et le surréalisme s'entrecroisent et l'on y trouve parfois à différentes époques de leur vie ou même simultanément les mêmes artistes. Le surréalisme succède ainsi au dadaïsme, mais explore plus le monde intérieur de l'homme, s'attachant au rêve, à l'hallucination et aux théories de l'inconscient de Freud. Là aussi les artistes de différents milieux travaillent ensemble. Man Ray, surréaliste quelque peu lyrique, dans Etoile de mer (1928), basé sur un poème de Robert Desnos, Place de l'étoile traite d'un sujet qui le préoccupe alors, la fragilité de l'amour entre l'homme et la femme, symbolisée par l'étoile (étoile de mer) qui vit à la fois dans les hauteurs du firmament et les profondeurs liquides. L'héroïne est sa compagne de l'époque, la belle et célèbre Kiki de Montparnasse. Le film sans doute un peu autobiographique est poétiquement filmé à travers une feuille de verre qui donne un flou évanescent et veut montrer ainsi la fragilité de l'amour.
Le grand cinéaste du surréalisme reste Luis Bunuel qui plonge à la fois dans l'inconscient individuel et dans le patrimoine religieux catholique de l'Occident qui y est enraciné. A son arrivée à Paris à 25 ans, Luis Bunuel fait une rencontre décisive, celle des surréalistes et réalise son premier court-métrage, Un chien andalou, avec Salvador Dali, film qui comporte l'une des scènes les plus insupportables du cinéma, un œil fendu par un rasoir. A la première Bunuel avait dit-on des pierres dans ses poches pour assommer les spectateurs qui réagiraient mal. Le grand film du surréalisme est cependant L'Age d'or (1930) qui fit scandale et fut interdit dans de nombreux pays (banni pendant 49 ans aux USA) car il détruisait les valeurs reçues, la patrie, la religion, le mariage, le capitalisme et la politique. Bunuel rendait par ailleurs au cinéma sa fonction d'invention.
Autre mouvement plus tardif mais fortement inspiré par Dada, le Lettrisme, créé en 1942 par un jeune immigré roumain de 17 ans, Jean Isidore Isou, qui est une théorie poétique révolutionnaire, fondée sur la production de particules sonores, produites par l'être humain pris comme instrument. Il s'applique à tous les domaines, cinéma y compris. On verra ainsi Traité de bave et d'éternité (1951), une attaque sur le cinéma conventionnel, où le film peut être projeté à l'envers ou de bas en haut, accompagné d'une bande son agressive, et vous donner, dit un critique, une terrible migraine. Sa projection créa une émeute au festival de Cannes 1952.
Portraits d'une ville : Walter Ruttmann, Henri Stork, Jean Vigo, James Agee…
« La ville s'éveille, les machines et les gens qui dormaient entrent en action. Tous les secteurs de la vie sociale, de l'industrie aux commerces, des bureaux aux transports, accèdent à une sorte de fébrilité. » C'est Berlin, la Symphonie d'une grande ville (1927) de Walter Ruttmann, l'un des plus beaux et des films les plus réussis jamais faits sur une ville. La vie profonde d'une métropole, de l'aube à minuit, en un montage rythmé d'une dynamique exceptionnelle dans lequel la ville, la machinerie et l'humanité citadine forment un jeu de miroirs, chacun de ces termes se posant en métaphore de l'autre. A l'heure ou le débat sur la ville est d'actualité, où on a redécouvert Walter Benjamin, où Orhan Pamuk sort son splendide Istambul, Memories of a City , il est intéressant de revoir des films comme celui-ci ou d'autres, qui tentent de saisir l'esprit d'une ville : Images d'Ostende (1929) d'Henri Storck qui portraie sa cité sous l'hiver, un portrait impressionniste de Moholy Nagy dans Marseille vieux port (1929), le fossé entre riche et pauvres au travers du carnaval dans A propos de Nice (1929-30) de Jean Vigo/Boris Kaufman, ou encore plus récemment, les rues de Harlem dans In the Street (1952) de Agee/Levith/Loeb.
Nouveau cinéma américain et Animation expérimentale
Cette collection du Centre Pompidou inclut le cinéma américain d'avant-garde qui avait également ses théoriciens réalisateurs tels que Maya Deren (Meshes of the afternoon , 1943), (At Land , 1944) qui crée un cinéma fragmenté un peu comme un rêve qui influencera ensuite des gens comme David Linch. Autre agitateur, Kenneth Anger (Fireworks , 1947) qui choquera le monde par ses films homosexuels très violents, ou Markopoulos (Psyche , 1947-48) qui évoque un érotisme ancien montré par des surimpositions et doubles expositions.
Le plus important réalisateur de cette avant-garde reste Stan Brackage (The way to Shadow Garden , 1954, Reflections on Black , 1955) dont le sujet favori est la lumière elle-même, son énergie et la façon dont elle s'emprisonne dans les objets.
Le dernier programme de l'Art du Mouvement est une rétrospective de l'avant-garde en animation, une sélection des inventions de ses réalisateurs ou dessinateurs des années 20 aux années 2000 (Oskar Fischinger, Len Lye, Norman McLaren, etc.) qui devrait intéresser les nombreux animateurs d'images de Hong Kong.
The Art of Movement from Centre Pompidou
19 April 30th Hong Kong International Film Festival
& French May Festival 2006
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實驗電影
龐比度中心前衛經典
• A propos de Nice (Vigo/Kaufman)
〝實驗或前衛電影的歷史在二十世紀自始至終仍然是一段獨立發展的歷史:它一方面是建立於商業電影的邊緣以外,另一方面是在造型藝術的領域上形成。現今,當我們看到動的影像由電影院大量遷移到展覽場地放映,而這種遷移是因為數碼科技的革命所引起,實驗或前衛電影便愈來愈像一度跨越電影和藝術的歷史之間的橋樑:雖然它採用電影的技術作為創作媒介,但卻只能如繪畫、雕塑、建築或圖畫一般以外觀、構圖、色彩或質感等措詞來形容。〞 — Philippe-Alain Michaud
畫家的畫布與導演的銀幕,靜止的影像與動的影像,它們都經常被建構主義、達達派、超現實主義或字母派等藝術流派採用作為創作的工具。要親眼欣賞這些鮮為公眾所認識——因為它們沒有在商業院線發行,並被收藏在藝術館或電影資料館中——才能暸解它們的創意是多麼的豐富多彩。我們還同時發現當今有很多所謂前衛的當代藝術其實在二十世紀初的時候經已實現了。
• Etoile de mer (Man Ray)
在香港國際電影節期間放映的前衛經典影片(將延長展映期至法國五月藝術節期間)是來自法國龐比度中心的摩登藝術館,放映的十一個節目包括由二十年代開始覆蓋差不多整個二十世紀的一些國際前衛創作。對香港的電影愛好者、藝術家、導演或摩登藝術史學家及電影藝術史學家來說這是欣賞之前從未在香港放映的珍貴作品的一個絕無僅有的好機會。這必須多謝香港國際電影節的黃國兆,龐比度中心電影資料館的館長Philippe-Alain及2006年法國五月藝術節。
精美的建構主義、荒誕達達風
第一個節目名為〝精美的建構主義〞包括一批受機器時代啟發的抽象表達方式影響而進行創作的藝術家的作品。Henri Chomette (《影子及速度遊戲》1925)有他自己的一套電影理論:〝個別處理部份視覺素材,只留意它們的造型和動態效果,並根據呈現出來最明顯的動態來剪接而不是按照戲劇性的效果。〞Germaine Dulac (《阿拉伯即興曲》1928) 鼓吹將電影建構成一種受戲劇、文學或繪圖等元素所影響的〝視覺音樂〞。紀錄片大師伊文思的《布魯橋》(1929)是當年前衛藝術的成功之作,他把作品中的主題視為一件物件而不是一個人物。
達達派誕生於1916年,直到1924年正式消聲暱跡,當時,不少流派是依靠它而生存。達達派反對所有既定的美學價值,並以破壞、幽默、嘲笑、暴力、荒誕和興之所至來作出反駁。達達派影響了文學、視覺藝術,還有電影,尤其是一些以多種媒體創作的藝術家,如畫家雷捷(《機械芭蕾舞》1924)、曼雷(《別煩我》1926)、杜象(《貧血電影》1925)、Hans Ritcher(《韻律21》1921-24),以及電影導演雷里.克萊爾(《中場休息》1924)。大家也有機會欣賞到一部較後期的新達達派作品,Hans Richter執導的《賣夢》(1944-45), 內容用一名懂得賣夢的年輕詩人串起六個藝術家:曼雷、杜象、艾恩斯、雷捷、Alexander Calder的七段怪事,再加上Duke Ellington及John Cage等大師的配樂。
不羈的超現實
評論家和史學家喜歡將藝術以時代和流派作分類,但事實卻較為複雜,因為一些流派如達達派和超現實主義是互相交疊的,有時我們在不同的年代中找到它們的蹤跡或同時在兩種派系中看到相同的藝術家。超現實主義是緊接著達達派之後出現,但卻較著重於探索人的內心世界,專注於夢想和幻想,以及弗洛伊德的潛在主義的理論。這裡,不同領域的藝術家也有一同創作。抒情的超現實主義畫家曼雷的《海星》之創作靈感來自Robert Desnos的一首詩,是用海星喻意男女間愛情的變幻無常。片中女主角是曼雷當年的巴黎名模女友Kiki。這部有點兒自傳式的影片是將鏡頭透過一塊玻璃來拍攝,營造出一種朦攏漸逝的感覺,是導演藉此來表達愛情的無常性。
超現實主義最偉大的導演依然是布紐爾。當他二十五歲來到巴黎時,布紐爾遇到了影響他一生的人,就是一些超現實主義藝術家,並與達利合作完成了他的第一部短片《一條安達魯犬》。片中的其中一個鏡頭時至今天仍然是最驚嚇和使人難以忍受的:剃刀割眼。據說,當影片首映時,布紐爾在口袋中放有石頭,說是用來打昏那些有不良反應的觀眾的。然而,超現實主義最偉大的影片是《黃金時代》(1930),這部片引起了極大的震撼,更被多個國家禁映(美國禁映了四十九年),原因是它將祖國、宗教、道德等一切固有的價值觀完全粉碎。
另一種較後期出現但深受達達派影響的運動是1942年由一名十七歲的羅馬尼亞移民JeanIsidore Isou所創的字母派,他在影片《論述廢話與永恆》(1951)中恣意反轉成規,以最粗暴的方式對付菲林,直接擦、刮、塗。聲帶脫軌,有影評人說聽了令人頭痛。1952年在康城電影節引起了極大的回響。
城市交響曲
〝清晨時份,城市在甦醒,上班的人、早晨送貨的車。各個社會階層,由工業到商業,由寫字樓到交通工具逐漸隨著城市的脈搏加速跳動。〞這就是德國畫家Walter Ruttmann執導的《柏林城市交響曲》(1927),它可說是有關一座城市的影片中最優美和最成功的其中一部。它深入描寫一個大都會的生活,由早至晚,由工作到玩樂到燈紅酒綠,直至深夜,城市沉沉睡去。正當城市成為現今最熱門的話題時,我們有機會欣賞四個城市的造像。《奧斯坦德影像》(1929)是比利時前衛先驅Henri Storck以暖意拍下港市的冬季。《馬賽舊港》(1929)是畫家Moholy-Nagy以敏感光影、高低角度捕捉馬賽的詩意與貧窮。尚維果的《尼斯種種》(1930)透過嘉年華會表達貧富懸殊的重大差距,而較近期的是James Agee 有關美國哈林貧民區的《街頭》(1952)。
新美國電影和實驗動畫
這批來自龐比度中心的珍藏還包括一些美國前衛電影,當中包括一些電影理論家兼導演的作品,如瑪雅.黛倫(《午後之網》1943 和《陸上》1944),她開創了用夢境般不連貫的敘事手法來拍電影。而Kenneth Anger的《火花》(1947) 成為了同志電影的代表作,Markopoulos的《Psyche》(1947)透過重疊和雙重曝光的沖曬手法帶出了希臘神話的遐想。
最後一個節目是實驗動畫,選映了多位大師級的導演及漫畫家(Oskar Fishinger,Len Lye,Norman Mclaren等)由二十年代到千禧年間創作的動畫,想必能吸引不少香港的動畫創作人。
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