Le French May : Cinéma
Texte : Gérard Henry
Isabelle Huppert, actrice jusqu'au bout des ongles
« Jouer pour moi, c'est soustraire, ce n'est pas ajouter. Il y a du vide qui se remplit par les gestes et les mots, et c'est du plaisir. Je ne pense à rien. Il y a une absence à moi-même, une coupure d'avec le monde. »* Isabelle Huppert
Isabelle Huppert est en ce moment l'actrice la plus célébrée dans le monde, non parce qu'elle fait la une des magazines du star system, mais pour avoir porté son art, celui du jeu de l'acteur, à son plus haut degré. La cinémathèque française lui a rendu hommage au début de l'année à travers une rétrospective de 48 films, une exposition de ses portraits par les plus grands photographes contemporains a été inaugurée au MoMa de New York à l'automne dernier. Hong Kong la fête maintenant par une exposition photo de ses portraits et une rétrospective de ses meilleurs films.
Pour le réalisateur Michael Haneke, qui adapta le livre de Elfrede Jelinek, La pianiste, à l'écran, Isabelle Huppert est « la meilleure actrice qu'il connaît en Europe, si ce n'est pas dans le monde entier ». Durant une carrière prolifique qui a commencé très jeune, elle a gagné presque toutes les récompenses des grands festivals : Venise, Berlin et Cannes deux fois, pour Violette Nozière en 1978 et La pianiste en 2001. Recherchée par les grands cinéastes pour interpréter des portraits de femme souvent complexes et ambigus, elle a travaillé avec Claude Goretta (La dentellière), Josef Losey (La Truite), Jean-Luc Godard (Sauve qui peut la vie), Maurice Pialat (Loulou), Bertrand Tavernier (Coup de torchon), Andrzej Wajda (Les possédés), François Ozon (Huit femmes), Werner Schroeter (Malina), Patrice Chéreau (Gabrielle) et beaucoup d'autres mais surtout avec son mentor, pourrait-on dire, Claude Chabrol, avec qui elle a tourné sept films dont son dernier, L'ivresse du pouvoir, présenté dans ce festival en première à Hong Kong.
Cette femme de petite stature dans la vie — elle dit qu'en dehors de l'écran, elle est « transparente », que les gens ne la reconnaissent pas — une fois sur scène se métamorphose complètement et impose sa présence de façon magnétique. Les rôles qu'elle a tenus sont tout aussi complexes et font appel à toute la gamme des sentiments humains, s'enfonçant dans les profondeurs les plus cachées de l'être humain, révélant les gouffres de l'âme humaine sans les exposer au grand jour, car son jeu est fait d'autant de silences que de paroles. Elle joue entièrement, du regard, du corps, de la peau, c'est un « vrai caméléon, capable de se transformer sans en faire parade » dit Claude Chabrol. Exigeante, elle recherche des rôles dans lesquels son jeu peut s'exprimer totalement : « Je suis plus à l'aise dans les personnages troubles. Ils sont comme des énigmes à résoudre. J'aurais du mal à traduire des choses plus superficielles. J'aime aller vers ceux avec qui le travail peut paraître difficile, car finalement c'est le plus facile. C'est dans les aventures les plus contraignantes qu'on trouve la plus grande liberté. Les grands metteurs en scène se posent des questions sur ce qu'ils font. C'est là qu'on a le plus de chance de se rencontrer soi-même. Il n'y a que ça qui est intéressant finalement »**
« Jouer pour moi, c'est soustraire, ce n'est pas ajouter » dit-elle. Cela rappelle les observations du cinéaste Otar Iosselani qui, à Hong Kong pour une rétrospective donnée dans le HK Film festival, avait passé ses nuits à regarder les feuilletons asiatiques dans sa chambre d'hôtel, et avait trouvé que les acteurs ruinaient tout effet dramatique parce qu'ils « surjouaient », portant les sentiments à leur extrême en accentuant l'expression de la douleur, la tristesse ou la joie, ôtant en raison de cette exagération, toute force à l'œuvre qu'ils jouaient. Le jeu d'Isabelle Huppert est à l'opposé de cela. Elle peut rester comme dans le film Gabrielle, en silence, la caméra fixe en gros plan sur son visage ou même de dos, sur sa nuque, et garder la même présence qui absorbe toute l'attention du spectateur. Isabelle Huppert est une intellectuelle et une cartésienne, dit-on parfois, mais quand elle joue, elle joue âme et corps, rentrant totalement dans la peau vide de son personnage. « Jouer, c'est organique, je ne travaille pas un rôle, je suis travaillée par lui, je n'y pense pas »***.
C'est ce vide, cette absence à elle-même, cette distance qui lui permettent d'être à la fois pourrait-on dire, le violoniste et son violon. J'ai une passion pour le cinéma, mais elle est froide, dit Isabelle Huppert, refusant le mythe de « l'actrice fragile » souffrant terriblement lorsqu'elle accouche de ses personnages. Elle avoue que jouer est pour elle, un véritable plaisir. « J'exprime des choses terribles dans la froideur la plus totale ». Cette faculté lui permet d'incarner les rôles les plus difficiles où les passions sont les plus introverties et exacerbées comme celui d'Erika dans la Pianiste aussi bien que des personnages littéraires ou historiques comme Emma Bovary, Madame de Maintenon, Charlotte Brontë, ou la peintre Aloïse.
Le festival à Hong Kong ouvrira sur son dernier film L'ivresse du pouvoir de Claude Chabrol, où elle incarne une femme juge pugnace, volontaire et non sans humour qui s'attaque à dénoncer la corruption des dirigeants de très grandes entreprises multinationales françaises dans les années 90, film inspiré de l'affaire Elf en France. L'association Isabelle Huppert - Chabrol est toujours fructueuse, ce dernier ne peut trouver meilleure actrice pour incarner ses personnages qui cachent toujours au plus profond d'eux une grande part de mystère qu'elle excelle à faire sortir de l'ombre.
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法國五月:電影
冷面女星 伊莎貝.雨蓓
〝對我來說,演戲是一種解脫而不是負擔。空虛的部份被動作和對白填滿了,這感覺實在很暢快。我甚麼也不去想。有一種失去自我,脫離這個世界的感覺。〞— 伊莎貝.雨蓓
伊莎貝.雨蓓是現時最受歡迎的法國女演員,這並不是因為她經常被娛樂雜誌作專題報導,而是因為她在演藝界的成就以及她爐火純青的演技。法國電影資料館在今年初為她舉辦了電影回顧,透過四十八部影片和一個攝影展來向她致敬。攝影展中展出的照片全部是由當代一些著名攝影家為她拍攝的肖像。這展覽去年秋季在紐約MoMa藝廊舉行開幕禮。而香港,法國五月藝術節將放映她的十五部影片,並在五月初舉辦一個名為〝不是明星相:伊莎貝.雨蓓〞的攝影展。
電影《鋼琴教師》的導演米高.漢尼卡認為伊莎貝.雨蓓是他認識的女演員當中〝就算不是全世界最好的女演員,也一定是歐洲最出色的〞。她的演員生涯很早便開始,而且極之多產,她差不多曾在各個國際影展中獲獎:曾先後藉《維奧萊特.諾齊埃爾》(1978年)及《鋼琴教師》 (2001年)兩次獲選康城影展最佳女主角,也曾在威尼斯影展、柏林影展中獲頒發最佳女演員及終身成就獎。著名電影人都爭相邀請她演繹一些複雜難演的角色,曾與她合作過的導演有:克勞德.高列達(《花邊女工》)、祖瑟夫.盧西(《鱒魚》)、尚盧.高達(《慢動作》)、莫里斯.皮亞拉(《情人奴奴》)、貝特朗.塔凡尼埃(《政變》)、華依達(《鬼上身》)、弗朗索瓦.奧桑(《八美千嬌》)、華拉.舒路達(《馬蓮娜》)、柏德烈斯.雪浩(《嘉比愛》),還有很多很多不能盡錄,但合作最多的仍是她的恩師克勞德.查布洛,他們一共合作了七部電影,而最新一部《權力喜劇》將在法國五月期間在香港首映。
在現實生活中,這名女子身形纖細——她說在銀幕以外,她是〝隱形〞的,人們都認不出她是誰——但在銀幕上她完全改變過來,她強烈的存在感使人不容忽視。她演繹的都是一些性格複雜的角色。每一種微細的感情都在她的眉梢眼角,舉手投足間表達出來。
查布洛形容她是〝真正的變色龍,能隨時隨地變身但又不會自吹自擂。〞要求極之嚴謹的伊莎貝專挑選一些能完全自我發揮的角色來演:〝我演一些精神有問題的角色更覺自在。這些角色就像一些有待破解的謎語。我反而覺得太過表面的東西更難演繹。看似愈難的我愈喜歡,因為最終那才是最容易的。在最多限制的事情上我們才能完全自由發揮。偉大的導演都會對自己所作的產生疑問。在自我質疑時才有機會真正認識自我。最終,這才是真正重要的。〞
〝對我來說,演戲是一種解脫而不是負擔〞她曾這讓說道。這番話令人想起導演伊奧塞.里安尼在香港國際電影節來港出席他的電影回顧展,期間所作的感想。晚上他都是留在酒店房中看亞洲的電視劇,他認為劇中的演員將所有戲劇效果破壞,因為他們〝太過做作〞,將痛苦、悲哀或喜樂的表情誇張地表達出來,這種誇張的演繹反而令作品失去震撼力。而伊莎貝.雨蓓的演技正好與他們的相反。她可以像在《嘉比愛》一片中一聲不出,只用大特寫鏡頭拍攝著她的面部或甚至她的背部、頸部便能吸引所有觀眾的注意力。伊莎貝.雨蓓有時被形容為理性主義者及笛卡兒主義者,但當她演戲時,她以身心完全投入所演的角色中。〝演戲是肉體的,不是我支配角色,是那個角色支配我,我不會去想如何演的〞。伊莎貝.雨蓓說她對電影有一種感情,但這種感情是冷的,而且她絕不接受〝脆弱的女演員〞這傳說,說當女演員太過投入角色中會感到很痛苦。她承認演戲對她來說是一種真正的樂趣。〝我用絕對冷靜的心態來表達一些可怕的東西。〞
這次在香港的電影回顧將以她的近作《權力喜劇》(查布洛導演)作開幕電影。片中她飾演一位好勝心重、倔強但又有幽默感的法官,她奉命調查一些法國跨國企業中的貪污事件。伊莎貝.雨蓓與查布洛二人是一個成功的組合,後者不可能找到比她更合適的女演員來演繹他那些外表看似冷酷無情,實質內心熱情膨湃,充滿神秘感的角色,她最懂得如何將看不到的神秘感表達出來。
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