Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron

I Like Hong Kong IV : Haute et basse culture – cinéma d'ici et d'ailleurs

Depuis quelques années, Hong Kong est célèbre dans le monde entier pour son cinéma. Sa célébrité date en fait des années soixante-dix pendant lesquelles Bruce Lee était devenu « la première star asiatique » (certains l'ont même appelé « la première star du tiers-monde », assimilant un peu vite Hong Kong à la Chine), même si l'on comprend mal (pardon, même si je comprends mal) l'engouement que ces films d'arts martiaux ont pu faire naître dans le public occidental. Le cinéma contemporain de Hong Kong est cependant devenu aussi ambitieux et élaboré que les productions européennes et le succès que Wong Kar-wai par exemple a obtenu dans le monde entier, et en particulier avec sa Palme d'Or à Cannes en 2001, témoigne amplement de cette situation.

Le cinéma de la Chine et de Taiwan s'est aussi considérablement développé dans ses ambitions artistiques depuis environ vingt ans et des noms comme Zhang Yimou, Chen Kaige ou Ang Li sont désormais considérés comme les égaux des Robert Altman, Claude Chabrol ou Akira Kurosawa des autres continents. Il est très intéressant d'ailleurs de voir à quel point il est difficile de parler de « cinéma chinois » en général, chacun des lieux de production désirant ardemment conserver sa propre identité. Si les échanges entre les trois « cultures » de la Chine, de Taiwan et de Hong Kong sont intenses, il demeure qu'Ang Li le Taiwanais (tournant de plus en plus aux Etats-Unis) ne considérera pas un instant qu'il partage les mêmes antécédents que Wong Kar-wai le Hongkongais ou que Zhang Yimou le Chinois du continent (il serait d'ailleurs intéressant de voir à quel point ce paysage est enrichi par des Chinois américains comme Wayne Wong).

Pour en revenir à la Palme d'Or de Wong Kar-wai, il serait intéressant de voir comment le cinéma de Hong Kong s'est tourné vers des sources autres que l'hégémonie culturelle américaine. Encore une fois, je me tournerai vers des situations que je connais bien, c'est-à-dire l'intérêt que certains artistes et intellectuels de Hong Kong peuvent avoir pour la culture française. L'illustration la plus convaincante de cet état de fait se trouve dans le cinéma de Hong Kong. Si celui-ci semble présenter un intérêt sans précédent chez les cinéastes français (on pensera à Christophe Gans avec son Pacte des loups de 2001), l'intérêt que la génération de réalisateurs hongkongais des années soixante-dix et quatre-vingts montrait pour le cinéma français fut bien plus important. C'est la critique de cinéma Lok Lei (ada Loke), qui introduisit la Nouvelle Vague aux amateurs de cinéma de Hong Kong à la fin des années soixante. Celle-ci entretint d'ailleurs une correspondance soutenue avec François Truffaut qui a d'ailleurs été publiée en 2004 dans Forever Truffaut, ouvrage de Liang Liang et Chan Pak Sang qui rassemble tous les textes critiques parus sur ce réalisateur à Hong Kong. Deux exemples montreront l'emprise importante du cinéma de la Nouvelle Vague sur le cinéma de Hong Kong : John Woo et Mary Stephen qui, malgré ce que son nom pourrait faire croire, est une Chinoise de Hong Kong.

John Woo, réalisateur de très populaires films d'action qui continue en ce moment sa carrière à Hollywood, se rendit célèbre par les chorégraphies compliquées des scènes de violence de ses films. Ce même John Woo fut, dans sa jeunesse, un des collaborateurs du mari de Lok Lei, Sek Kei, un autre fort célèbre critique de cinéma de Hong Kong. C'est grâce à cette collaboration que John Woo fut influencé par les films de Jean-Pierre Melville, et en particulier Le Samouraï avec Alain Delon. On pourra s'étonner que ce film austère ait pu inspirer la violence histrionique de ces films, il reste cependant que le plus populaire des réalisateurs de ce genre essentiel du cinéma de Hong Kong qu'est le film d'action reconnaît la dette qu'il a envers le cinéma français et n'en a jamais fait aucun secret. Quant à Mary Stephen, une autre amie proche de Lok Lei, elle fut si fascinée par les œuvres d'Eric Rohmer, qu'elle vint habiter en France et devint la monteuse de nombreux films de ce réalisateur, avant de tourner des films elle-même. Il n'y a de nos jours guère de jeunes cinéastes de Hong Kong qui ne reconnaissent l'importance du cinéma français dans leur travail et il n'est donc pas très étonnant qu'une des plus grandes stars du cinéma chinois, la Hongkongaise Maggie Cheung, soit devenue, même brièvement, la femme du cinéaste Olivier Assayas. On pourrait facilement voir dans cette union une sorte de symbole de l'ascendant que l'industrie cinématographique française a exercé et exerce toujours d'une certaine manière sur celle de Hong Kong.

Dans l'autre sens, j'ai déjà évoqué Le Pacte des loups dans lequel un kungfu très hongkongais est utilisé dans une histoire se déroulant dans la France du dix-huitième siècle, le cinéma hongkongais trouve aussi un public avide en France. Et je ne parle pas seulement du cinéma très commercial (ce n'est pas une critique) d'un Jacky Chan ou d'un John Woo, mais plus spécialement de films qui portent la marque de cette identité culturelle hongkongaise que je vais aussi aller chercher dans l'œuvre de plusieurs artistes locaux. Deux auteurs ont particulièrement éveillé l'intérêt de nombreux critiques en France : le réalisateur Fruit Chan 陳果 et la dessinatrice Alice Mak 麥嘉碧, créatrice du anti-héros du dessin animé intitulé en français McDull dans les nuages ( 麥兜故事 ). Le succès de Fruit Chan est désormais international et il a déjà eu deux nominations pour le prestigieux Lion d'Or au cinquante-huitième festival de Venise. Le public européen a été très sensible au mélange de sordidité et d'enthousiasme, de surréalisme et de réalisme qui hante tous ses films depuis Made in Hong Kong ( 香港製造 ) en 1997 jusqu'à Hollywood-Hong Kong ( 香港有個荷里活 ) en 2001.

Et c'est une atmosphère tout à fait similaire à celle de ses films qui a frappé l'imagination du public français dans le très populaire dessin annimé qui met en scène McDull 麥兜, ce petit cochon si extraordinairement banal qu'il en est devenu une icône hongkongaise. A propos de ce dernier film qui a d'ailleurs gagné le Grand Prix du festival d'Annecy 2003, l'un de ses attraits les plus forts, pour un public français très soucieux de préserver le statut d'exception culturelle de son cinéma dans une production cinématographique de plus en plus américanisée, fut d'avoir été produit en cantonais spécifiquement pour un public de langue cantonaise hongkongais. C'est en acceptant qu'une partie assez considérable des dialogues leur échapperait toujours que le jury du festival du dessin animé d'Annecy a apprécié et récompensé ce chef-d'œuvre d'animation qui, sans rien abandonner de son charme enfantin, a été depuis le départ créé pour un public d'adultes (et le deuxième film mettant en scène ce personnage est même encore plus clairement destiné à un public adulte essayant de comprendre les changements de la société de Hong Kong depuis ces dernières années). Il ne faut donc pas oublier que ces personnages sont nés dans le médium du livre et de la bande dessinée, domaine dans lequel les créateurs hongkongais se sont aussi illustrés.

Il est vrai que la bande dessinée de Hong Kong, même si elle est graphiquement très originale, ne peut pas rivaliser avec celle qui existe en Europe depuis déjà fort longtemps. La qualité de la BD européenne lui a ouvert les pages de magazines aussi prestigieux que Beaux-Arts et le festival d'Angoulême a depuis longtemps montré non seulement la vitalité du genre, mais aussi ses ambitions qu'on peut souvent qualifier de littéraire. Rien de tout cela à Hong Kong et il est vrai que la BD japonaise lui offre une concurrence bien difficile à vaincre. Et pourtant, la BD hongkongaise, dont la matière se retrouve de plus en plus souvent dans les feuilletons et au cinéma, jouit d'un succès  commercial dont peu de nos auteurs peuvent se vanter.

Tout comme les films de Kung Fu, ces BD ne sont que violence et couleurs criardes, mais certaines d'entre elles sont assez exceptionnelles pour avoir intéressé le célébrissime auteur français de bandes dessinées Jean Giraud, peut-être plus connu sous le nom de Mœbius. Celui-ci est en fait venu plusieurs fois à Hong Kong, en particulier pour confier à une maison de production du territoire la réalisation d'un dessin animé entièrement réalisé en image de synthèse. Tout comme la chanson, la BD de Hong Kong est commercialisée dans toute l'Asie et ses dessinateurs sont des stars dont les revenus sont énormes si on les compare à ceux des artistes européens. Pour un nombre d'adolescents qui se compte en dizaines de millions à travers « les » Chines et toute l'Asie, Hong Kong est bien le pays d'une bande dessinée aussi violente que son cinéma. Témoin actif du caractère populaire de la culture hongkongaise, la bande dessinée fait piètre figure quand on la compare à ce qui a fait la gloire de Hong Kong dans le monde chinois tout autant que ses films, la « cantopop ».



藝術與歷史

我愛香港(四):高級文化與次文化──本地電影及其他電影


• Alice Mak 麥嘉碧

數十年來,香港電影聞名於世。其聲名鵲起於上世紀六十年代,當時李小龍成為〝亞洲影帝〞(有些人甚至稱他為〝第三世界影帝〞,有點匆忙地將香港納入中國),即使大家不明白(對不起,是〝我〞不明白)究竟功夫片對西方觀眾能有多大吸引力。香港現代電影雄心勃勃,製作精緻,幾可與西方電影媲美。導演王家衛獲得成功,尤其是2001年在康城榮膺金棕櫚獎,充份證明了這點。

中國和台灣的電影事業近二十年來都各懷大志,發展迅速。張藝謀、陳凱歌或李安幾可與羅拔.艾特曼(Robert Altman) 、葛羅特.查布洛(Claude Chabrol) 或黑澤明較一日之長短。有趣的是,欲界定所謂〝中國電影〞是多麼困難,每個製作地區都竭力保持自己的特點。若說中、港、台三地之間〝文化〞交流極頻繁,而台灣的李安(他愈來愈多地在美國拍戲)卻一點都不認為自己和中國的張藝謀或香港的王家衛有甚麼共同經歷(這個景象更因一些美籍華人如王顈等的經驗而更形多采)。

再回來談談王家衛榮獲金棕獎一事。我們可以有趣地看到香港電影如何背離美國文化的霸權主義,而轉向其他文化源頭。我想再談談我所熟悉的情況,即香港一些藝術家和知識份子對法蘭西文化的興趣。 最具說服力的例子是香港的電影製作。香港電影製作人對法國導演抱有空前的興趣,可舉克里斯托夫.甘斯(Christophe Gans)及其2001年的《狙魔特攻》(Pacte des loups)一片)。這點,香港七、八十年代的導演對法國電影的興趣可謂至關重要。影評人陸離於六十年代末為香港影迷引進了〝新浪潮〞電影。她和弗朗索瓦.杜魯福有書信來往。他們的這段佳話已於2004年被著書出版(《永恆的杜魯福》)。有兩個例子說明〝新浪潮〞對香港電影的重大影響:吳宇琛和雪美蓮(Mary stephens)的電影。後者雖然有個耐人尋味的英文名字,卻是道地的香港中國人。

吳宇琛是著名的動作片導演,現正在荷里活拓展其事業。他製作的電影裡暴力鏡頭的複雜功夫橋段令他成名。吳年輕時是陸離丈夫石棋的合夥人,石棋亦是香港著名的影評人。由於這種合作,吳宇琛頗受尚-彼埃.梅維爾(Jean-Pierre Melville)的影響,尤其是他和阿倫.狄龍合作的《武士》(Le Samouraï)一片。這部嚴肅的影片竟啟發了香港暴力武打片。香港主要片種武打片的著名導演均受益於法國電影,這點從來都不是秘密。至於雪美蓮,她亦是陸離的好友。她深為伊力.盧馬(Eric Rohmer)的電影所迷。竟前赴法國定居,並在這位導演的多部影片裡任剪接師,後才自己拍攝電影。今天,在香港,幾乎沒有一個青年導演 不承認法國電影對他們的影響。而香港一位著名的影后張曼玉在一段時間裡成了法個電影人奧利維耶.阿薩亞(Olivier Assayas)的妻子,這就不必大驚小怪了。 從這個結合裡,似乎可隱約見到法國電影對香港電影的影響。這個影響 以某種方式一直存在著。

我前文已提到過《狙魔特攻》這部影片。片中地道的港式工夫竟在十八世紀流行於法國的故事裡展開。香港電影在法國亦令觀眾著迷。我這裡談的不僅是商業味頗濃的成龍或吳宇琛的電影(這不是批評),還有深深烙著香港文化印記的其他電影。有兩位藝術家特別引起法國影評人的興趣,這便是導演陳果及《麥兜故事》動畫片裡反英雄的創造者畫家麥家碧。這部動畫片在法國譯作《McDull dans les nuages》。陳果的作品從此飲譽國際,並獲提名非常珍貴的第五十八屆威尼斯金獅獎。歐洲觀眾對他由1997年的《香港製造》至2001年的《香港有個荷里活》等所有電影裡展示的人性的卑污與激情、超現實與現實的混合極感興趣。

而《麥兜故事》這部膾炙人口的動畫片亦同樣激起法國觀眾的想像,麥兜這隻極平庸的小豬一時之間竟成了香港的圖像。這部電影還榮膺了2003年度昂西動畫電影節大獎(Festival d'Annecy 2003)。在電影日趨美國化的時代,對極欲保持自己文化特色的法國觀眾而言,這部影片最吸引的地方是粵語對白,專為操粵語的香港觀眾製作。昂西動畫電影節的評判雖對影片中的大部份對白不知所云,卻對該片予以高度評價並授予獎賞。影片原為成年人而作,但仍充滿童趣(而第二部以同一人物為主題的動畫片則更是專為欲知香港近年變化的成年人而製作)。別忘了這些成年人是在漫畫書中長大的,而在這個領域裡,香港的漫畫家亦享有盛名。


• Christophe Gans

香港的漫畫無論造型如何獨特,都不能與歷史悠久的歐洲漫畫相較量。歐洲漫畫為香港漫畫提供了如《Beaux-Arts》這樣優秀的雜誌。而昂古萊姆漫畫節(Le festival d'Angoulême)一直以來不僅展示了漫畫的生命力,並展示了欲將漫畫提升至文學境界的雄心壯志。而在香港則看不到這些。日本漫畫成了香港漫畫難於制勝的對手。香港漫畫由於愈來愈多被改編成電視連續劇和電影,故商業收益頗豐,這點極少歐洲漫畫家可與之匹敵。

和功夫片一樣,這些漫畫描寫的盡是暴力且色彩誇張強烈,其中也不乏風格獨特之作。甚至引起法國最知名漫畫家尚.吉羅(Jean Giraud)的青睞。尚.吉羅更以Mœbius這名字聞名。他果真幾度造訪香港,託一家本地公司製作形象完全以合成方式組成的動畫片。和流行曲一樣,香港的漫畫盛銷整個亞洲地區,漫畫家成了明星,收益之豐令歐洲同行羨慕。在中、港、台三地及整個亞洲,青少年數以千萬計,香港漫畫和電影一樣蓬勃興旺,使香港成為漫畫之都。香港漫畫確能代表香港大眾文化的特色,但與香港飲譽華人世界的電影和粵語流行曲相比,那就微不足道了。