Biennale de Singapour
Texte : Gérard Henry

« Belief », souffle sa fraîcheur sur Singapour

Architectures de ballons lumineux de l'architecte Usman Haque, projections en rose de sentences philosophiques de l'Américaine Jenny Holzer sur les murs du City Hall, défilés de mode et concerts sur une scène géante devant des milliers de personnes rassemblées sur l'immense pelouse du Padang, tente de VIP, ouverture officielle par le Premier ministre, le Gouvernement de Singapour, fort d'un budget d'environ 30 millions de dollars de Hong Kong, avait manifestement décidé de faire de sa première biennale d'art contemporain un événement international et très médiatisé, stratégiquement organisé pour servir de toile de fonds à la réunion du Fonds monétaire international et de la banque mondiale.

Les biennales initialement destinées à montrer la création contemporaine, sont aussi devenues pour les cités des outils de promotion politique, touristique et culturelle. Singapour avait ainsi judicieusement choisi sa date d'ouverture quelques jours avant les biennales de Shanghai et de Gwangju en Corée. Et afin de s'assurer une biennale internationale, les autorités culturelles avaient choisi un commissaire extérieur expérimenté et familier de l'Asie en la personne du Japonais Fumio Nanjo, directeur adjoint du Musée Mori de Tokyo. Pour ce dernier, le défi était de réaliser une biennale différente des autres de la région, libre également de toute censure. Il lui fallait donc trouver un thème de départ. Avouant ne point connaître Singapour, c'est en se promenant dans la cité qu'il trouva son idée, « Belief » : « Marchant dans la cité, raconte-t-il, je me suis demandé quel était son caractère particulier. Et j'ai vu de nombreuses organisations religieuses dans le centre de la ville, un temple bouddhiste, un temple hindou, une synagogue, une mosquée, des églises catholiques et protestantes. Alors aujourd'hui que les religions et les fortes croyances sont causes de nombreux conflits dans le monde, j'ai pensé que « belief » (Croyance, foi) serait un bon thème pour cette biennale. J'ai aussi noté que de nombreuses biennales et triennales dans le monde ne parlaient que de mondialisation, d'acculturation de masse, de postmodernisme, nous disant que le monde est ainsi. Mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin, que si nous n'avons pas les réponses, nous devons poser des questions. Que choisissons-nous dans une culture moderne ? Quels sont nos critères ? Quelles sont nos croyances ? Croyons-nous en Dieu ? Croyons-nous en l'argent ? Croyons-nous en la nature ? Croyons-nous en l'écologie ? Nous sommes toujours au croisement de chemins, de directions différentes, nous devons nous poser cette sorte de questions. « Belief » ne se limite donc pas à la question religieuse, mais est un thème largement ouvert. »

Nanjo et son équipe de commissaires, Sharmini Pereira (Shri Lanka), Roger Mc Donald (Japon) et Eugène Tan (Singapour), ont décidé également de faire une biennale proche du public, sur des sites existants avec principalement des artistes relativement jeunes (59 sur 95 ont moins de 40 ans) des pays de la ceinture équatoriale, créant pour la majorité d'entre eux une œuvre spécifique pour la biennale. Au total celle-ci comporte 198 œuvres Truisms for Singapore de 95 artistes, 61 vivant et travaillant en Asie, 57 du reste du monde (Europe, Amériques, Afrique) et 12 Singapouriens. La plupart ont travaillé sur le thème choisi, « belief », assez large pour laisser toute liberté d'interprétation, thème en fait que les autorités singapouriennes ont après un moment de circonspection adopté car selon Fumio Nanjo, « s'il peut être ambigu dans certains pays il est positif pour la société multiraciale, multiculturelle et multiconfessionnelle qu'est Singapour, dans laquelle les gens vivent ensemble sans graves conflits. »

L'une des premières questions posées par la presse internationale à Nanjo fut, comme tout le monde s'y attendait, celle de la censure, car par exemple de 1993 à 2003, les artistes devaient demander un permis aux autorités pour faire une performance, précisait Eugene Tam, une mesure heureusement maintenant abolie. « Singapour est connu pour sa censure, répond Fumio Enjo, mais vous pouvez voir qu'ici de nombreuses œuvres des artistes singapouriens ont un caractère très politique. Je pense que le gouvernement est conscient qu'en relâchant sa censure, il a tout à gagner sur le plan de la culture. Je leur ai dit en exemple qu'au début du XXe siècle, Paris était le centre de la culture car la ville était largement ouverte à tous, accueillant les artistes étrangers qui allaient la rendre célèbre avec l'école de Paris » Cette biennale de Singapour est donc faite en grande partie pour les Singapouriens, pour leur faire apprécier l'art contemporain et aussi pour les distraire, ce qui fait que certaines pièces en ville sont décoratives comme les arbres peints du Japonais Yayoi Kusama ou très poétiques et surprenantes comme l'arbre miraculeux de Iepe au bord de la rivière dont les feuilles laissent soudainement tomber de fortes averses de pluies sans qu'on s'y attende.

Le plus surprenant sont les installations d'artistes dans les sites religieux, les photos In Praise of Shadow de Hiroshi Sugimoto dans l'Eglise Saints Peter et Paul, ou l'Ange emprisonné de Balasubramanian qui se révèle lorsque la matière où il est dissimulé s'évapore. Dans le temple Shri Krisnan, l'Indien Harsha a couvert la terrasse de fresques de personnages couchés intitulés Orphelins cosmiques, alors que dans le temple chinois la taiwanaise Tsai Charwei peint un sutra sur les feuilles de lotus. L'artiste chinois Xu Bing a tissé un tapis de prière pour le temple mais celui-ci l'a refusé, prétextant que l'on ne pouvait marcher sur un texte sacré. Le tapis est donc allé au musée. L'installation la plus inattendue est celle de Sukumaran : un simple bouton électrique est situé sur un panneau le long de la rue, vous le pressez par jeu et surprise: l'église arménienne située en face s'illumine soudain dans sa totalité et dans sa blancheur !

La majorité des œuvres sont dans trois sites : Le City Hall dont les salles d'audience sont transformées en salles d'exposition où figurent les installations à caractère souvent politique, historique ou social d'artistes singapouriens comme Jason Wee ou Ho Tsu Nyen, ou de mondes imaginaires comme celui de Donna Ong ; Tanglin Camp, anciens baraquements militaires désaffectés de l'armée britannique où figurent vidéos et installations et le tout nouveau National Museum à peine fini où se trouvent les grandes œuvres comme le Tom Na H-iu, énorme et beau menhir celtique et phallique aux couleurs irisées de Mariko Mori, les peintures choquantes du Phillipin Legaspi, ou l'une des œuvres les plus fascinantes et troublantes de la biennale, la vidéo Le dernier souper, des Suédois Bigert & Bergstrom qui documente le rituel, dans les pays pratiquant la peine de mort, du dernier repas des condamnés à mort avant l'exécution.

D'une façon générale, cette première biennale, plutôt désorganisée, est pour ce qui est des œuvres montrées, pleine de fraîcheur et de nouveauté, car elle évite les artistes stars que l'on retrouve un peu partout et présente toute une création de jeunes artistes de pays asiatique encore inconnue de la critique et du public. Fumio Nanjo et son équipe ont relevé honorablement le défi. 



新加坡雙年展

〝信念〞為新加坡帶來一番新氣象


• Jenny Holzer, Truisms for Singapore

在新加坡的政府大樓前,架設了一座座由建築師 Usman Haque 設計,裝飾著一些會發光的汽球的建築裝置;政府大樓的外牆上投射?美國哲學家Jenny Holzer的一些哲理名言;大樓前的草地上還設置了一個巨型的屏幕,數千人聚集在屏幕前欣賞時裝表演和音樂會,還有貴賓專用的帳幕,由新加坡總理主持開幕禮的新加坡第一屆雙年展擁有約四千萬港元的雄厚經費。新加坡政府表示決意要讓這第一屆當代藝術雙年展成為一個獲得廣泛傳媒報導的國際性盛事,並刻意利用雙年展作為即將在新加坡舉辦的國際貨幣基金組織和世界銀行會議的背景。

原本用作展示當代藝術創作的雙年展現今也成為了某些城市用作推廣政策、旅遊和文化的工具。而新加坡的雙年展選擇在上海及韓國光州的雙年展揭幕之前幾天開幕實在是明智之舉。而為了保證雙年展的國際性,新加坡的文化當局特別選擇來自日本,有著多年策劃雙年展經驗,東京Mori藝術博物館的副館長南條史生(Fumio Nanjo)當藝術總監。對這位策展人來說,這次任務的挑戰性在於策劃一個有別於其他亞洲城市所舉辦的雙年展,同時又不受任何的審查。因此,他要先找到一個主題。他承認之前完全不認識新加坡,後來是透過在市內散步而找到〝信念〞這靈感。他回憶道:〝一邊在市內漫步時,我一邊在想這城市的特質是甚麼。然後我看到市中心內有無數宗教機構,有佛教廟、印度教廟、猶太教會堂、清真寺、天主教堂和基督教會堂等。而現今世界中有很多衝突卻又是因為宗教所引起的,因此我覺得‘信仰'很適合作為這雙年展的主題。加上,我留意到不少雙年展或三年展都是談論全球一體化,集體性對異文化的吸收,後現代主義等,並對我們說世界就是如此這般的。但我認為我們還應走得遠一些,若我們沒有答案,我們應要多問問題。我們怎樣在現代文化中選擇?我們的標準是甚麼?我們的信仰是甚麼?我們是否相信生態環境?我們經常處於十字路口,面對不同的方向,因此我們必須自我反省這類的問題。〝信念〞並不局限於宗教的問題,而是一個更開放的題目。〞

南條史生與他的策展隊伍,Sharmini Pereira(斯里蘭卡)、Roger McDonald(日本)及Eugène Tan(新加坡),決定策劃一個接近公眾的雙年展,利用現實存在的地點作為場地,而參展的藝術家主要是來自赤道一帶的國家,而年齡也相對地較為年輕(95位參展人中有59位是40歲以下的)。而參展的作品更有大部份是特別為是次雙年展而創作的。展出的198件作品分別來自95位參展藝術家,其中的61人在亞洲生活和從事創作,另有57人來自世界各地(歐洲、美洲和非洲)以及12位新加坡人。他們大部份都是以特選題目〝信念〞為創作主題,這題目提供非常廣闊的想象空間,而事實上,新加坡政府是經過一段時間的審慎考慮才採納的,因為,據南條史生說,〝這題目對某些國家可能是有點模棱兩可,但對新加坡這個有著多種族,多種文化和多種信仰的社會來說卻絕對是正面的,人們在這個社會中一同生活並沒有引起嚴重的衝突。〞

審查方面的問題,因為如1993年至2003年間,藝人在演出之前要先向新加坡政府部門申請准許證,Eugène Tan表示幸好這措施現時已取消了。南條史生回答說:〝新加坡的審查是出名的嚴格,但你們可以在這次雙年展中看到很多新加坡藝術家的作品有著強烈的政治色彩。我認為新加坡政府亦意識到放鬆審查制度在文化層面上是絕對有利的。我跟他們說例如在二十世紀初,巴黎是文化的中心,因為它的開放態度,以及歡迎外國藝術家,他們組成的巴黎學院派讓這城市聞名全世界。〞

新加坡的這個雙年展有大部份是為了新加坡人而舉辦的,一方面是為了讓他們有機會欣賞當代藝術,但同時亦可作消閒遣興的節目,因此,市內的某些作品是裝飾性的,如日本藝術家Yayoi Kusama將一些樹木塗上顏色,亦有一些是很有詩意和令人意想不到的,如藝術家Iepe裝置在河邊的神奇大樹,樹上的葉子會突然間灑下大量的雨水,嚇人一跳。而最具震撼性的是藝術家們擺放在宗教場所的一些裝置作品,如Hiroshi Sugimoto在聖彼得及聖保祿大教堂展出的一批題為《讚美黑暗》的照片,或Balasubramanian的作品《被困的天使》 。在 Shri Krisnan 印度廟內,印度藝術家Harsha將平台的牆塗滿躺臥著的人,這些作品名為《宇宙孤兒》,而在一間中國的佛廟中,台灣藝術家Tsai Charwei在蓮葉上寫滿佛經。中國藝術家Xu Bing本來為這座廟編織了一塊有禱文的氈子,但遭拒絕,他們的理由是人們不能踏在神聖的佛經上。因此,這氈子被放進博物館內。而Sukumaran的裝置作品則是令人最意想不到的:整條街上放著一塊板,而整塊板上只有簡單的一個電制,你貪玩地按制,然後嚇你一驚,對面街上一間阿美尼亞人的教堂突然燈光火著,白芒芒一片的。

雙年展中大部份的作品分別在三個場地中展出:政府大樓的會客室全被改裝成展覽廳,當中展出的是一些由 Jason Wee 或 Ho Tsu Nyen 等新加坡藝術家所作,具政治、歷史或社會意義的裝置作品,或是一些如 Donna Ong 所作的幻想世界,而剛剛落成的國立藝術博物館則展出一些巨型作品,如 Mariko Mori 創作的《Tom Na H-iu》,一些呈虹色光澤,如男性生殖器官,克爾特式的巨型石柱;Philipin Legaspi的一些令人震驚的畫作,還有雙年展其中最具懾服力及最令人不安的作品是瑞典藝術家Bigert和Bergstrom二人合作的錄像作品《最後晚餐》,當中紀錄了一些仍然採用死刑的國家在行刑前為罪犯所提供的最後一餐晚餐。


• Harsha, Cosmic Orphans

總括來說,這第一屆的雙年展,挺混亂的,但展出的作品方面卻十分創新和予人清新的感覺,因為雙年展避開了那些到處可見的星級藝術家,反而著重介紹亞洲區內一些不為公眾或藝評家所認識的年輕藝術工作者的作品。南條史生與他的團隊非常榮譽地完成了這次的挑戰。