Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron

I Like Hong Kong V : Haute et basse culture – bouffe et bouquins

Abréviation de « cantonese pop music », la sorte de variété appelée Cantopop, est aussi extraordinairement populaire en Chine et en Asie. Les stars de la chanson locale ont un public qui se compte en centaine de millions de personnes et des revenus qui feraient pâlir d'envie nos chanteurs européens. Si les chanteurs de Hong Kong s'exprimaient en putonghua dans les années cinquante parce que ceux-ci venaient toujours de la Chine continentale (et leurs chansons sont aussi connues ici que celles de Maurice Chevalier en France), les chanteurs contemporains chantent toujours leurs albums en cantonais et en putonghua pour ne laisser aucun marché inexploré. Le résultat est que l'image des chanteurs de Hong Kong comme Andy Lau ou Leon Lai se trouve vendue depuis la Mongolie jusqu'à l'Australie en passant par les Etats-Unis et le treizième arrondissement. Ce qui est extraordinaire, et montre encore une fois la vitalité de la culture hongkongaise, est que ces chanteurs ne sont jamais vus comme autre chose que des artistes de Hong Kong, cet endroit chinois tout autant séparé de la Chine que Singapour. Mais c'est dans la plus profonde des influences, celle provenant des habitudes alimentaires, que la culture populaire hongkongaise trouve ses échos les plus familiers et, si les Français sont encore profondément attachés à leurs cafés, les Hongkongais ne sont pas moins attachés à leurs « bistrots du coin ».

A mon sens, les témoins les plus originaux de la spécificité hongkongaise sont les cha chan teng 茶餐廳, les petits restaurants pratiquement toujours ouverts où les habitants du territoire viennent prendre une grande partie de leurs repas. Il me semble que les signes les plus tenaces d'une acculturation se trouvent le plus souvent dans la nourriture d'un endroit (telle la baguette au Vietnam). Or, ces petits restaurants, qui proposent des repas extraordinairement simples (des nouilles et du porc en boîte par exemple) pour des sommes dérisoires, ont toujours sur leurs menus les signes de la longue présence anglaise. Ce ne sont pas tant les sandwichs variés qu'ils proposent, ceux-ci sont aussi de plus en plus populaires en Chine, que des plats tels que les « French toast » (ce que l'on appelle « pains ferrés » dans le nord de la France : des tranches de pain trempées dans le lait puis dans des œufs battus et cuits à la poêle), ou mieux encore le thé au lait à la hongkongaise.

Les Chinois n'aiment généralement pas le lait mais les Hongkongais le consomment sans aucune arrière-pensée. Que le fromage ait pu trouver son chemin dans les sandwichs de Hong Kong est un autre signe de cette acculturation alimentaire. Les Chinois considèrent comme une sorte de crime le fait de gâcher le goût du thé avec du lait ou du sucre, mais les Hongkongais ne reculent pas devant une tasse d'un thé si noir qu'il fait penser à du café largement mélangé à du lait concentré sucré. Thé très noir et lait concentré sucré, c'est le sens qu'a pris le terme de laïcha 奶茶, qui ne veut dire pour d'autres Chinois que le thé au lait que prennent les Anglais. Il est assez difficile de s'habituer à cette mixture très sucrée et au goût très fort, et la plupart des Chinois du continent et de Taiwan ne voient en ceci qu'une malheureuse survivance de l'occupation coloniale. Ces bistrots ont aussi pris une importance particulière pour un grand nombre d'étrangers qui ont établi leurs pénates à Hong Kong. A l'occasion d'une exposition de photos sur la Cha Chan Teng faite par Rick Martin à Taikoo Place en 2003, le galeriste John Batten et le photographe imaginèrent une entreprise tout à fait intéressante. Dans un numéro de Paroles de 2003, ils conçurent la loufoque compagnie « Cha Chan Ting » qui vous procurerait tout ce qu'il faut pour ouvrir votre propre boui-boui, depuis les tables en formica jusqu'aux vestes de serveur légèrement brûlées par des mégots de cigarettes. Derrière cette bouffonnerie, c'est d'un véritable attachement à ces parfaits représentants d'un « esprit de Hong Kong » que Rick Martin et John Batten font preuve.

On pourrait allonger sans fin la liste des signes d'une très forte identité culturelle de Hong Kong, mais c'est bien dans sa langue que le Hongkongais trouve la marque la plus tangible de sa spécificité. Le plaisir que ceux-ci trouvent au fait que les Chinois du continent ou de Taiwan ne comprennent pas un grand nombre des caractères qu'ils voient sur les publicités qui s'affichent sur les murs de la ville, l'orgueil qu'ils retirent de la célébrité de leurs cinéastes et la fierté généralisée de l'antiquité de leur langue (tout locuteur du cantonais vous rappellera avec bonheur que la poésie de la dynastie des Tang, 618-907, rime encore lorsqu'elle est lue en cantonais), mais aussi de sa flexibilité pour assimiler des mots d'autres langues, sont tous des signes fort clairs que cette identité culturelle ne pourra que se perpétuer et résistera pour longtemps à la pression du putonghua comme langue officielle.

Malgré la force de cohésion identitaire que cette langue représente, elle n'existe que rarement comme telle dans la littérature produite par des écrivains de langue chinoise du territoire. A l'exception de quelques tournures locales, c'est dans la langue écrite que l'on rencontre dans la presse que ces auteurs s'expriment, celle basée sur le putonghua. La place de la littérature populaire, c'est-à-dire principalement les romans de capes et d'épées, a toujours été prépondérante à Hong Kong et cette littérature à été remplacée en grande partie tout autant par la bande dessinée que par le cinéma. Les romans de Kam Yung 金庸 gardent pourtant une popularité qui ne s'est jamais démentie et montrent que les méthodes du feuilleton dans la presse, méthode datant du XIXe siècle en Occident, étaient encore redoutablement efficaces il n'y a pas si longtemps. Bien des études ont déjà faites sur ces ouvrages et je passerai donc à une littérature qui, si elle est moins appréciée sur le territoire, commence à être reconnue dans d'autre pays.

La France occupe aussi une place importante dans la littérature de Hong Kong. Cela est d'ailleurs vrai pour la plupart des Chinois qui mettent souvent la littérature francophone sur un piédestal que seule la littérature anglo-saxonne peut lui disputer. La littérature comme nous l'entendons en France n'est pas extraordinairement populaire à Hong Kong, et celle-ci n'a pas ici le statut prestigieux qu'elle peut avoir en Europe. Les écrivains sont à Hong Kong la plupart du temps des journalistes (situation qui s'apparente beaucoup à celle des Etats-Unis) et c'est la littérature populaire, comme les romans de Kung fu et les histoires sentimentales, qui vend le plus de volumes. Les auteurs qui n'écrivent que des romans, des pièces ou de la poésie sont ainsi très rares et l'essai et le recueil d'articles sont souvent la forme la plus répandue de ce que nous appellerions la littérature en France. Il existe cependant quelques auteurs de Hong Kong qui ont l'ambition de ne verser que dans ces genres et ceux-ci sont aussi très fortement tournés vers la culture francophone. Le meilleur exemple est Leung Ping Kwan 梁秉鈞, poète, dramaturge et romancier, dont le dernier livre, Iles et Continents et autres nouvelles, a récemment été publié dans la collection « Du monde entier », chez Gallimard et traduit par Annie Curien.

La littérature demeure en France une des façons les plus évidentes de s'intéresser à la culture en général (mais n'oublions pas que le mot culture, dans ce contexte, signifie des choses différentes selon les pays et selon les personnes : tel événement considéré comme culturel par une personne ne sera guère qu'un divertissement sans intérêt pour quelqu'un d'autre). Depuis une dizaine d'années, la littérature de langue chinoise a été de plus en plus fréquemment traduite dans les pays européens. L'année 2004, par exemple, a vue l'immense Foire du livre de Paris mettre cette littérature au centre de ses nombreuses activités. Pour la première fois cependant, c'est à la variété des écrivains chinois et aux bases de leurs spécificités culturelles qu'une grande attention a été donnée. Depuis quelques temps, les Européens ont compris qu'un écrivain de Taiwan et un auteur de la Chine Populaire, de par la diversité de leurs expériences culturelles et linguistiques, produiront des œuvres et des concepts radicalement différents malgré le fonds inaltérable de leur « chineseness ». Et c'est dans ce concert de variations culturelles que les Français se sont souvenus qu'ils avaient la chance d'avoir dans leur pays, et utilisant leur langue, deux figures majeures de la littérature chinoise dans le monde, Gao Xingjian, prix Nobel de littérature en 2000, et François Cheng, qui a été élu membre de l'Académie française en 2002. C'est dans ce même contexte que beaucoup de Français ont été fascinés par Hong Kong, à cause du dynamisme de son mouvement pro-démocratique et malgré la petitesse de son territoire. La place des écrivains du territoire à cette Foire du livre (qui prit place l'année du vingtième anniversaire du 4 juin, ne l'oublions pas) a donc été particulièrement importante. Pour information, les auteurs demeurant à Hong Kong et invités à la Foire furent Leung Ping Kwan, Liu Yichang 劉以鬯 et Wong Pok 王璞 .

Une caractéristique récente de la culture populaire dans le monde entier est à quel point celle-ci se nourrit rapidement de ce que la culture haute peut produire. Depuis le Pop art, les artistes assimilent les productions purement commerciales à une vitesse vertigineuse, mais les produits commerciaux réassimilent cet art à la même vitesse et l'on peut voir désormais des publicités utilisant les images d'artistes contemporains. Ceci est tout aussi vrai à Hong Kong et certaines personnalités, comme ce parfait représentant de l'Art brut qu'est Tsang Tsou Choi 曾灶財 ont été littéralement dévorés par l'industrie locale. David Clarke a déjà longuement écrit sur cet auteur de graffitis réclamant aux autorités en vigueur, anglaises ou chinoises, de lui rendre les terres dont il dit être propriétaire à Kowloon, et je n'en parlerai pas plus avant (voir Clarke, David : Hong Kong Art. Culture and Decolonization). Il suffira de dire à quel point celui-ci est devenu une figure importante de la scène artistique locale. J'utiliserai simplement une image de Tsang Tsou Choi pour illustrer les étonnants fagocitages dont l'industrie de la publicité est capable. Cette image a été prise dans une galerie de magasins vendant de l'informatique à Wanchai et vante les qualités de ces systèmes qui permettant d'écrire directement les caractères chinois sur votre ordinateur.



藝術與歷史

我愛香港(五):高級文化與次文化──飲食和書籍


• Liu Yi Chang - photo Virgile Simon Bertrand

粵語流行曲 ( 英文縮寫為 Cantopop, 即 Cantonese pop music) 在中國大陸及整個亞洲都極風靡。歌星擁有的樂迷數以億計,其收益令歐洲的同行垂涎。五十年代時,香港歌星以普通話演唱,原因是他們大都來自大陸(這些歌曲家喻戶曉,其程度如同Maurice Chevalier在法國一樣)。時下,香港歌星同時用粵語和普通話演唱,決不錯過賺錢的絲毫機會。以致如劉德華或黎明等香港歌星的照片海報從蒙古經由美國、巴黎十三區直至澳洲,到處有售。最奇特的並再次顯示了香港文化生命力的是,這些歌手一直以來都被稱作香港歌星,香港這塊和新加坡一樣與中國大陸疏離了的土地。但香港的大眾文化卻是在影響最深刻的飲食習慣裡發出它最為人熟悉的迴響。如果法國人仍然陶醉於濃郁的咖啡,則香港人對〝茶餐廳〞的迷戀亦不遑多讓。依我之見,最能代表香港特色的非〝茶餐廳〞莫屬。這些餐廳似乎一直大門敞開,香港居民一日之餐都在這裡進行。我覺得域外文化的融入最能表現在一個地區的飲食文化上(如越南的棍子麵包)。這些茶餐廳提供的是一些簡單的食品,如麵條、午餐肉等,價錢極廉宜。在餐牌上總可隱約見到英國殖民時代的痕跡。餐廳提供各式三文治,在中國內地也逐漸流行,還提供一種稱作〝西多士〞的麵包(在法國北部地區稱作〝pains ferrés〞:這是將麵包片先浸在牛奶裡再泡以蛋漿,然後放到長柄鍋裡煎)以及港式奶茶。

一般來說中國人並不喜歡喝牛奶,而香港人則毫不猶豫地飲用它。奶酪竟能作香港三文治的夾料這點,又是另一融入異域文化的表現。往茶裡擱糖或牛奶,以致破壞茶的香味,中國人視此舉猶如犯罪,而香港人則毫無顧忌地在一杯濃如咖啡的茶裡注入煉乳,濃茶摻以煉乳,這便是所謂的奶茶。在其他中國人眼裡,這是英國佬喝的玩意兒,對這種既甜又濃的混合飲料實在難於領教。許多大陸和台灣的中國人從中窺見了殖民統治的陰魂不散。

這些茶餐廳對許多在香港定居的外國人同樣具有重要意義。里克.馬丁(Rick Martin) 2003年在太古坊舉辦茶餐廳攝影展覽之際,畫廊主辦人約翰.百德(John Batten)和攝影師想像了一個非常有趣的計劃。在2003年《東西譚》的一期上,他們構思了一個怪誕的〝茶餐廳〞公司,為你提供開設一家屬於自己的小餐廳所需的一切。從防火膠板面的餐桌到佈滿被煙頭燒成的窟窿的侍應制服。在詼諧與調侃後面,里克.馬丁和約翰.百德卻表現了對〝香港精神〞的真正的熱愛。

表現香港文化特徵的標記,若收集起來,不計其數。但香港人卻在自己的語言裡找到有別於人的最大特點。看到大陸和台灣的中國人面對貼滿街頭的廣告上的漢字而目瞪口呆時所感到的快感,對自己的影視明星感到的驕傲,對自己語言的古老感到的自豪(任何操粵語的人都會對你說唐詩用廣東話朗讀起來仍然押韻),對自己善於吸收融匯各種語言的靈活性感到得意,這一切都是香港文化的鮮明標記,並說明這個文化特點是恆久不衰的並將長期與作為官方語言的普通話相抗衡。

雖然廣東話完整統一具強大生命力,但在以中文寫作的香港作家的作品裡卻不見使用。除了一些地方俗語,在報刊上所讀到的是以普通話為基礎的中文。大眾文學,主要是武俠小說在香港一直佔有重要地位,但現在很大程度上為漫畫和電影所取代。金庸的小說卻一直擁有廣大讀者,這說明了報刊連載小說這個源自十九世紀歐洲的創作方式不久前還是極之有效的。研究武俠小說的專著可謂汗牛充棟。現讓我轉而談談另一類文學,在香港若它還未引起足夠重視,但在其他國家卻開始為人欣賞接受。法國在香港文學中也佔有一個重要地位。法語文學在大多數中國人心目中舉足輕重,只有盎格魯撒克遜文學可與之較量。但法國人所謂的文學在香港並不流行,文學在香港得不到它在歐洲擁有的崇高地位。香港的作家通常都是些記者(這情形和美國相像)。大眾文學,如武俠小說、愛情小說則大行其道,銷量最好。僅寫小說、劇本、詩詞的作家可謂鳳毛麟角,法國人所謂的文學,在香港只以散文、隨筆、文集形式出現。 但也存在幾個只致力於嚴肅文學的作家,而他們都極重視法國文化,從中借鑑。其中表表者當數梁秉鈞,他是位詩人、劇作家和小說家。他的近作《島和大陸》 (Iles et Continents et autres nouvelles) 由Annie Curien 譯成法文,最近由伽里瑪出版社(Gallimard)收入《來自全世界》 (Du monde entier)叢書出版。


• Piratage publicitaire de Tsang Tsou Choi

在法國,文學仍然是接觸整體文化的最佳方式(但切勿忘記,文化一詞不同國家不同民族對它都有不同定義)。對於某一事件有人認為是文化,而在另一些人眼中可能是兒戲。近十幾年來,中文文學愈來愈多地在歐洲各國被譯介。例如2004年規模盛大的巴黎書展便將中國文學列為重點項目介紹。對中國作家風格的多樣性和不同的文化特點也許是第一次給予高度重視。不久前,西方人開始明白了由於各自不同的文化背景和表達方式,雖然都有共同的根深蒂固的中華文化根基,大陸作家和台灣作家卻創作了觀念截然相反的作品。在各種不同文化的交匯裡,法國人發現他們有幸在自己的國家裡擁有兩位用法語寫作的享有世界聲譽的中國作家,其一為2000年度諾貝爾文學獎得主高行健,另一位是2002年被選為法蘭西學院院士的程抱一。就在這種氣候下,法國人對彈丸之地而民主運動卻高漲的香港感到特別興趣。在巴黎書展裡,香港作家地位顯著。梁秉鈞、劉以鬯、王璞等皆應邀參加了盛會。

大眾文化在世界各地有一個特徵,它竟如此迅速地從高雅藝術的產品中吸取營養。從波普藝術開始,藝術家以驚人速度將藝術品商業化,同樣,商品亦以同等速度藝術化。從此,廣告便利用當代藝術家的形象作宣傳手段。 這種情況在香港亦不例外。一些藝術家,如原生藝術的代表人物曾灶財,便被商業大肆加於利用。大衛.克拉克(David Clarke)寫了許多文字介紹這位塗鴉藝術家,他先後向港英當局和特區政府要求歸還屬於他在九龍的土地。這位仁兄已成了香港藝術舞台的一個人物。現介紹一幅利用曾灶財形象製作的廣告,目的在於展示一下香港廣告業令人咋舌的伎倆。這張相片於灣仔專賣電腦的商場攝得,廣告旨在宣傳一種可直接在電腦書寫漢字的系統。