Poésie
Texte : Bernard Pokojski

Achille Chavée, le Hainaut surréaliste

« Je rencontrai Chavée pour la première fois en 1938. J'avais seize ans. Je fus impressionné, car il était impressionnant de bruit et de fureur. Vitupération et révolution étaient les deux mamelles qu'il trayait alternativement avec véhémence, en tirant sur une cigarette sans cesse renouvelée, arrosée de vin rouge pour la couleur et de bière pour la soif. » Pol Bury (Juillet 1993)

L'heure en effet était venue de parler d'Achille Chavée, le « vieux peau-rouge » qui selon ses propres mots, « ne marchera jamais en file indienne » et d'ajouter ces quelques propos pour fêter son premier centenaire. Chavée naîtra donc en 1906, à Charleroi et très tôt, il donnera du fil à retordre aux siens ainsi qu'à ses maîtres, étouffant dans le milieu dévot du séminaire où l'avaient placé ses parents. Ceux-ci le feront alors revenir à La Louvière où ses paroles subversives verront son expulsion de l'Institut St Joseph. Il atterrira enfin à l'Athénée de Mons où il aura pour camarade Fernand Dumont, futur poète surréaliste disparu trop tôt dans les camps de la mort. A Mons, Chavée découvrira Rimbaud, Baudelaire, Nerval, Maeterlinck.

L'Université libre de Bruxelles l'accueillera ensuite, et Chavée y entreprendra des études de Droit. En 1927, alors qu'il est en deuxième année, il est élu président de la « Jeune garde wallonne » qui militait déjà pour un fédéralisme intégral, puis il aura la présidence du « Conseil général de l'Union fédérale wallonne ». Son action était inspirée du socialisme mais cependant pas le plus radical puisque Chavée assumera durant une brève période des fonctions de Conseiller communal. Il s'engagera aussi dans la libre-pensée mais là encore sa démarche reste toute intellectuelle et conformiste et ses premiers poèmes entachés d'un classicisme désuet qui le verra commettre une « Ode à la Wallonie », morceau dérisoire et pompeux, est-il dit, où perce malgré tout un sens du rythme et de la construction. Chavée deviendra avocat en 1930, mais la crise de 1929 était passée par là, et avait durement frappé La Louvière, région très industrialisée, le rendant très sensible aux problèmes du monde ouvrier dont la situation dramatique atteindra son paroxysme en 1932. Cette année-là éclatèrent de grandes grèves sauvages qui très vite se propagèrent dans tout le Hainaut, forgeant par là la conscience politique des jeunes intellectuels. Ce sera l'événement décisif d'où sortira le vrai Achille Chavée qui découvre enfin le surréalisme. « Le surréalisme a été pour moi une véritable libération liée à l'aspect social et insurrectionnel des grèves de 1932. »

Il lira avec passion André Breton et l'on imagine aisément l'effet produit par les déclarations révolutionnaires du surréaliste français dont le projet fondamental était la libération de l'Homme. Chavée se liera alors avec les surréalistes bruxellois Marcel Lecomte, René Magritte, Paul Nougé, Camille Gœmans et fondera en 1934 son propre groupe à La Louvière : Rupture. Au départ, ils ne seront que quatre mais se joindront à eux une vingtaine de membres sympathisants. Les deux buts principaux de Rupture seront de « tremper les consciences révolutionnaires » et de « fonder une morale prolétarienne ».

En 1935, ils parviendront à mettre sur pied une extraordinaire exposition surréaliste en Hainaut qui rassemblera Arp, Brauner, Ernst, Chirico, Dali, Magritte… Cette exposition sera accueillie par les moqueries d'un public tout à la fois ignorant et désorienté par tant de nouveauté, mais les surréalistes hennuyers avaient là réussi un très grand coup en faisant venir sur leurs terres les grands noms du surréalisme.

L'année suivante, Chavée publie son premier recueil
Pour cause déterminée
« Ridiculement dominicale la cité
Etire de paresse prolétarienne
La maigre grâce de sa pauvreté.
Laid grand maigre fantasque
D'une laideur, intransigeante
Je flane parmi les manuels. »
puis ailleurs
« J'ai pissé
sur cent vingt mètres de banque. »
et encore
« Hourra
Pour le premier qui a crié
A BAS LE TRAVAIL
Il énonçait l'âge réel
En libérant l'esprit de la première ordure
Travail ».

Avec ces vers, nul doute que Chavée, avocat à la clientèle plus que clairsemée et aux fréquentations pleines de risque provoque l'étonnement des bourgeois de La Louvière.

André Lorent nous fera de lui ce portrait « A la pointe de l'aube, ombre clopinant rapidement le long des murs dans la nuit brumeuse de la cité, le poète se hâte vers sa cuisine où, d'une écriture tremblée, il jette fébrilement sur le papier le poème du jour. »

1935 verra également la parution de l'unique numéro de Rupture. Mauvais temps où apparaissent les premières divergences d'opinion qui iront jusqu'à l'éclatement du groupe. En effet, Chavée s'éloignait des préoccupations plus artistiques de Fernand Dumont en contact étroit avec les surréalistes bruxellois, lui plus près des réalités de La Louvière. Alors, dans cette atmosphère d'hésitation quant à l'orientation à donner à la revue, Chavée décide de s'engager en 1937 dans les Brigades internationales en Espagne où la République venait de se faire agresser.

Il y passera un an et sa poésie sera désormais hantée par l'image du sang : « la guerre à laquelle j'ai assisté (s'est traduite) pour moi (…) par l'influence souterraine de sa plus puissante réalité, l'homme et son sang, son sang que j'ai vu répandu, son sang qui imprègne à tout jamais ma réalité subconsciente, son sang qui éclabousse tous les objets, qui ronge les paroles, qui coule des arbres et qui circule dans l'écharpe de la nuit. ». Chavée reviendra « stalinien », et avec les amis qui lui restaient, il fonde le groupe surréaliste en Hainaut dont le projet de sortir un deuxième numéro de Mauvais temps échoue du fait de la déclaration de la guerre. Chavée sera recherché par l'occupant et forcé à la clandestinité, passera la guerre, de juin 1941 à septembre 1944 à la barbe des Allemands dans la maison de ses beaux-parents dont il ne sortira pas une seule fois. Après la guerre, il sera président des Amitiés belgo-soviétiques jusqu'en 1955 tout en ne renonçant jamais à son inspiration surréaliste. Chavée n'appliquera cependant que partiellement les principes de l'écriture automatique, allant vers une poésie toujours plus contrôlée et plus lucide qui nous entraîne dans un tourbillon d'images plus explosives les unes que les autres. Images construites sur une syntaxe très rigoureuse qui équilibre forces obscures et humour toujours conscient. Chez lui, le rythme litanique et quasi-incantatoire ainsi que l'extrême concision côtoieront le pathétique et l'ironie la plus féroce dans ce qu'André Miguel appellera « le baroque du Nord », caractéristique d'œuvres telles que celles de Ghelderode, Michaux, Ensor ou Magritte.

Autre versant de son écriture, les aphorismes, écrits la plupart sur des cartons de bière dans l'atmosphère enfumée et joyeuse des cafés, ludiques, satiriques voire cruels, ayant souvent pour cibles les valeurs morales religieuses ou philosophiques. L'absurde et le paradoxe y règnent en maîtres « J'aime le soleil, mais à l'ombre », « Il est nécessaire de persévérer pour aboutir à l'échec. » « Il ne faut jamais ternir sa mauvaise réputation ». Chavée introduit aussi des objets qui de familiers deviennent inquiétants et des éléphants blancs qui descendent dans sa cuisine à côté d'oiseaux-mouches buvant un verre. Et en ces temps de ferveur religieuse, je ne saurais résister à l'envie de citer qu'« il ne faut pas oublier que le Christ étant petit a pu avoir les oreillons » ou que « si le Jésus-Christ est Dieu, tant mieux, mieux vaut mieux lui qu'un autre crocodile spirituel » et que de toute façon « Dieu sait si nous n'avons pas confiance en lui ! »

Mais la santé d'Achille Chavée se dégradait et un jour de mai 1969, il dut se faire hospitaliser d'urgence « Je me vermine / Je me métaphysique / Je me termite / Je m'albumine / Je me métamorphose / Je me métempsycose / me dilapide (…) Je me cloaque et m'analyse (…) Je deviens mon alter ego / Je me cache sous les couvertures / Je transpire l'angoisse / Je vais crever Madame la marquise. »
Et c'est ainsi qu'il nous quitta.

En 1973, Pablo Neruda, le poète chilien, lui enverra encore ces mots : « Ta poésie admirable, ton souvenir émouvant vivent avec moi dans ces jours de lutte dans ma patrie. Ce n'est pas ton ombre qui m'accompagne, c'est ta splendeur, cher camarade… » Quoi de plus beau !

Le débutant
Le Christ pour sa maman comme dans un nuage
était allé chercher du bon pain blanc
chez le boulanger du village

Il faisait faim à la maison
Joseph pressurait un citron

En s'égarant au jeu dans les ruelles
le Christ perdit du temps de temps
il perdit même son petit argent.

Alors il fut acculé comme un mage
à faire son premier miracle
et put rentrer à la maison la tête haute
avec une merveilleuse tarte aux prunes
qu'il avait dérobée
dans le corsage de la lune. 


詩詞

阿希爾.沙韋——超現實主義的埃諾

〝我初遇沙韋是於1938年,當時我十六歲。他憤世嫉俗、高聲疾呼,給我留下深刻印象。抨擊和革命是他熱烈地輪流吮吸的兩個乳房。他一支接一支不停地吸著煙,他因其顏色鮮艷而喝紅酒,他喝啤酒卻是為了解渴。〞 — 波爾.比里(Pol Bury), 1993年7月

確實,是時候來談一談阿希爾.沙韋了,用他自己的話說,這個〝紅番〞,〝從來沒有魚貫而行〞,隨波逐流。今年是他誕生一百週年,且寫下幾行文字聊表紀念。沙韋於1906年誕生於比利時的沙勒羅瓦(Charleroi)。父母把他安置在一家神學院裡,學院的虔誠氣氛令他窒息,他很早便給家人和老師帶來許多麻煩。後來父母把他送往拉盧維耶爾(La Louvière)。在那兒,他的激烈言辭最終令他被開除出聖.約瑟學院。嗣後,他來到蒙斯 (Mons) 的中學。在這裡,他認識了同學費爾南.迪蒙 (Fernand Dumont),這位過早地在集中營逝世的未來超現實主義詩人。同樣在這裡,他發現了蘭波、波德萊爾、奈瓦爾和梅特林克。

布魯塞爾的自由大學接受了他,沙韋在大學裡攻讀法律。1927年他大學二年級,被選為〝瓦隆青年近衛團〞主席,該組織為統一聯邦制而奮鬥。後來,他更被選為〝瓦隆統一聯邦總會〞主席。他的活動深受社會主義思想的影響。但由於他在一段短時間裡任市議會議員,因此他並不表現得特別激烈。他的早期詩作具有過時的古典主義風格。其中有一篇題作《瓦隆頌歌》 (Ode à la Wallonie) 的詩,文筆浮誇可笑,但卻極具節奏感、結構完美。1930年他成為律師,但1929 年卻經歷了一場經濟危機,嚴重打擊了拉盧維耶爾這個高度工業化地區。他也因此關心起勞工問題來。1932年,工人的貧困達至頂點。這一年,爆發了大規模的罷工,很快便蔓延至整個埃諾,喚醒了年輕知識份子的政治覺悟。對阿希爾.沙韋而言,這是一場決定性的大事件,他從中找到了真我,並最終發現了超現實主義。他說:〝超現實主義之於我,是和1932年洶湧澎湃的罷工浪潮緊密地聯繫在一起的真正的解放。〞

他充滿激情地閱讀安德烈.布勒東的著作,不難想象以解放全人類為根本目的的法國超現實主義的革命宣言對他的影響。他和布魯塞爾的超現實主義者馬塞爾.勒孔特、勒內.馬格里特、保爾.努傑及卡米耶.戈曼斯(Camille G洨mans) 都有交往,並於1934年在拉盧維耶爾成立了他自己的小組,取名〝決裂〞(Rupture)。開始,只有四個人,後來參加進來二十幾個同情者。〝決裂〞的兩個宗旨是〝鍛鍊革命意志〞及〝建立無產階級的道德觀 〞。

1935年,他們成功地在埃諾舉行了一場別開生面的超現實主義展覽,聚集了阿爾普、布羅納、恩斯特、達利、馬格里特等。這個展覽受到既無知又被這許多新鮮事物弄得不知所措的觀眾嘲笑。不管怎樣,埃諾的超現實主義者們能將超現實主義的表表者召集而來,可謂實現了一個壯舉。

翌年,沙韋發表了第一部詩集《為了確定的事業》 (Pour cause déterminée)。
〝城市星期日可笑地休息了,
她伸伸懶腰
稍稍地窮中作樂。
我是一個古怪奇醜的瘦高個,
在一群無產者中悠遊閑蕩。〞
在另一處他寫道:
〝我將尿撒在
寬一百二十米的銀行頭上。〞
還有:
〝烏拉
第一個高呼
‘打倒工作'的人
當他把思想從最齷齪的垃圾——‘工作'中
解放出來的時候
他宣告了一個真正時代的到來。〞

這位門庭冷落、又做著許多冒險行徑的律師,加上他的這些詩歌,無疑引起拉盧維耶爾資產階級的震驚。

安德烈.洛朗(André Lorent) 是這樣描寫他的:〝拂曉時氛,一個黑影沿著沉浸在城市夜霧中的牆垣趔趄前行,詩人迫不及待地走向廚房, 以顫抖的手,揮筆寫下了日間醞釀而成的詩句。〞

一九三五年,〝決裂〞出版了唯一的一期會刊《壞時代》 (Mauvais temps),箇中透露了意見紛爭的端倪,最後導致小組解體。沙韋的確疏遠了與超現實主意過從甚密的費爾南.迪蒙,他更傾向作藝術的探討,而沙韋則更關心拉盧維耶爾的現實。就在對雜誌的方向舉棋不定的情況下,沙韋於1937年決定投身西班牙的國際縱隊,當時共和國剛遭敵人侵略。

他在西班牙渡過了一年,從此,他的詩作充滿了血淋淋的形象:〝我參加的這場戰爭,由於他強有力的現實潛移默化的影響,在我眼前顯現的是一個流著鮮血的人,我眼看鮮血四處飛濺,這血從此浸透我內心深處,濺污了一切事物,腐蝕著語言,從樹上淌下,在夜色中流淌。〞沙韋又變成了一個〝斯大林主義者〞,他和僅存的幾個朋友一起,在埃諾成立了超現實主義小組,但出版《壞時代》第二期的計劃卻因戰爭爆發而付諸東流。沙韋為佔領軍所通緝,被迫過著地下生活,從1941年6月到1944年9月,藏匿在岳父母家中,在德國人眼皮下渡過了戰爭歲月,沒有出過家門一步。戰後,他擔任比利時蘇聯友好協會主席,直至1955年,但卻從未放棄對超現實主義的追求。他並不十分遵守自動寫作的原則,更傾向於有意識的、清晰的詩歌創作,把我們帶入一個比一個強烈的形象的旋渦中。他以強勁的句法創造形象,隱隱的力量和有意識的幽默取得平衡和諧。在他的詩作裡,單調的、跡近咒語的節奏以及極端的簡結和悲愴的情懷、辛辣的諷刺交織一起,形成了安德烈.米格爾(André Miguel)所謂的〝北方的巴羅克風格〞,這也是蓋爾德羅德 (Ghelderode)、米修、恩索爾或馬格里特等人作品的特徵。

除了詩歌外,他還寫作格言警句,大多數是在煙霧瀰漫、充們歡樂氣氛的咖啡室裡寫成,並且是寫在啤酒箱的紙皮上。警句調侃、諷刺甚至尖酸刻薄,經常拿宗教或哲學的道德倫理作靶子。荒謬、吊詭為其主要特徵。如:〝我熱愛陽光,但卻躲在陰影裡。〞〝堅持到底,直至失敗。〞〝讓壞名聲永放光芒。〞等。在他的詩歌裡,平常的事物會變得令人不安,成群的大白象竟然由喝著酒的蜂鳥們相伴走入他的廚房。在我們這個充滿宗教狂熱的時代,我禁不住要引述他以下一些話:〝別忘了基督是渺小的,也會有腮腺炎。〞又或者:〝如果耶蘇基督是上帝那最好,但若是一隻智慧的鱷魚,那就更好。〞總而言之,〝上帝自己知道我們對他有否信心!〞

然而,阿希爾.沙韋的健康每況愈下,1969年5月,他被緊急地送往醫院。〝我變成了蟲豸,我變得超然,我自戕,我變成蛋白,我變形,我投胎轉世,我放浪形骸,我污穢不堪,我自我剖析,我要侯爵夫人見鬼去。 〞他就這樣離我們而去。1973年,智利詩人巴勃羅.聶魯達在給他的信中這樣寫道:〝你美妙的詩歌,你動人的回憶,在我為祖國而戰的時日 ,一直活在我心頭。親愛的同志,陪伴著我的不是你的身影,而是你的光輝……〞還有比這更美好的言辭嗎?