Sculpture
Texte : Gérard Henry

Ho Siu Kee ou le Geste du corps

Dans l'un de ses textes l‘écrivain russe Soljenitsyne disait (si ma mémoire est bonne) que lorsqu'un homme s'écroule, c'est le monde entier qui s'écroule, car chacun d'entre nous est le centre unique du monde. Le monde ne peut en effet exister que s'il est vu ou perçu, et il ne peut-être perçu pour chaque humain, que par lui-même. Chaque individu est donc comme le dit l'écrivain le centre du monde mais également et conséquemment « L'instrument de mesure du monde » et c'est à cette tâche que se consacre l'artiste hongkongais Ho Siu Kee depuis plusieurs années.

Ho Siu Kee a dû d'abord reconnaître et découvrir cet instrument de mesure, le corps, et en tester les possibilités et les limites. Dès ses premières expositions, notamment à la biennale de Venise en 2001, il souligne dans une performance filmée (Golden proportion Head : Body = 1 : 6.833) cette dimension en mesurant la longueur de sa tête avec une aiguille d'or et en martelant ensuite cette aiguille pour l'allonger à la longueur de son corps, métaphore qui évoque la célèbre règle d'or du peintre ou de l'architecte et par extension une quête métaphysique de la perfection.  Il recherche ensuite son origine dans la mythologie chinoise, rappelant le mythe de la création du monde de Pan Gu, né dans le vide, grandissant grâce à l'Energie, séparant le ciel et la terre pour créer l'Espace et se développant dans le Temps. Il recrée alors dans Un corps en évolution, la difficulté de l'homme à marcher, à se redresser, à faire face aux changements de son environnement, retraçant une lutte ancestrale que nous avons aujourd'hui oubliée. Ho Siu Kee se penche sans cesse avec acharnement sur ce corps qu'il cherche à comprendre.

Son outil d'artiste, son atelier ne sont autres que son propre corps qu'il soumet à des expériences continuelles. Ce corps, le sien, trapu, vêtu d'un seul caleçon blanc est devenu sa propre sculpture et une sorte d'icône reconnaissable pour ceux qui ont suivi ces travaux depuis 10 ans. Dans Mémoire du corps (vidéo installation, 2001),  il montre comment à travers une pratique routinière, des mouvements spécifiques du corps, conscients au départ, vont finalement êtres intériorisés en tant qu'actions réflexes inconscientes et devenir des mémoires corporelles qui n'impliquent aucune action cérébrale.

La force de son oeuvre vient de sa simplicité, il s'appuie sur les gestes primordiaux humains qui ont été intellectualisés et ont donné naissance à de nombreux symboles comme la croix, forme dans laquelle on retrouve inscrit le corps humain.  Si Ho Siu Kee s'inspire largement des philosophies orientales, on ne s'en rend pas compte car elles tendent à l'universalité. Ainsi citent-ils des pratiques ascétiques bouddhiques dérivées d'anciens dictons : « l'homme marche comme souffle le vent, se tient debout comme se dresse le pin, s'assoit comme est assise la cloche, et s'étend dans la forme de l'arc ». Le geste, pour Ho Siu Kee, n'est pas innocent et implique des réactions dans l'environnement. Mais si nos gestes résonnent dans l'univers, ils nous procurent aussi une connaissance physique et spirituelle unique du monde que les mots ou l'intellect ne sauraient appréhender.

Dans une reçente exposition, Ho Siu Kee a confectionné selon une pratique ancienne extraite de L'Encyclopédie des Techniques de la Dynastie Ming de Song Yinxing des briques à partir de terre et d'eau, éléments les plus primordiaux de notre monde. L'homme jusqu'alors réagissant à son environnement commence à devenir démiurge et à façonner de sa main cet environnement : « les mains, dit-il, sont à même d'expérimenter la transformation de l'argile et ce peut-être vu comme une sorte d'interaction entre l'être humain et le monde matériel ». Ho voit dans cet acte physique qui demande au corps des ajustements de posture aux besoins du travail, une intériorisation de besoins extérieurs qui apporte une compréhension physique et sensible indispensable à la connaissance du monde et à la création.

Il est certain que l'art contemporain qui ces dernières années met en avant la création purement conceptuelle et a délaissé toutes créations sensorielles, s'est coupé de cette connaissance profonde apportée par la confrontation de l'homme et de la matière, et présente une création fragile qui demande un grand nombre de codes pour être entendue, codes qui deviennent inintelligibles dans d'autres cultures ou générations.

Pour Ho Siu Kee, « le cerveau humain ne peut pas travailler en tant que sens indépendant s'il se sépare lui-même des fonctions assurées par les quatre membres et les cinq organes des sens. La perception et la conception sont littéralement comparables aux deux côtés d'une même médaille, et ensemble, détiennent la clé ultime de la compréhension humaine du monde ».

La dernière exposition de Ho Siu Kee en décembre 2006 au Hong Kong Art Centre était une surprise. Intitulée Geste du corps (Body gesture), elle prolongeait ses précédents travaux mais marquait aussi un retour de l'artiste à la sculpture. Ho présentait des sphères de bronze soigneusement polies et patinées à la main posées dans un vaste espace « interstellaire » semi-éclairé.  L'espace dégagé donnait une impression d'infinité. Une simple et unique boite ronde et lumineuse au mur comportant une photo de nuage, évoquait une sorte de lune, ces nuages étant sans doute le rappel de l'humanité, car seul l'homme peut de la terre les voir ainsi. Cette humanité se trouvait sous la forme d'un petit homme se tenant debout dans l'infinité sur leur planète. Après avoir mesuré son corps, Ho posait l'homme dans l'espace et le temps, mais d'une façon qui donnait le vertige. Finies ses savantes mesures sur le corps ? Le sculpteur ici plonge dans l'existentialisme. Dans cet infini, l'homme n'a plus de repère, le corps est insignifiant, seul semble s'installer le silence et la solitude. Il lui reste cependant dans cette petite lune de nuage un espace immesurable et inaliénable qu'aucune science ne peut pénétrer, le sentiment poétique. Et c'est peut-être là que se tient le vrai pouvoir de l'homme.



雕塑

何兆基或身體動作

俄國作家索爾仁尼琴(Soljenitsyne)在他的一篇文章裡說(如果我沒記錯),如果一個人崩潰,即整個世界崩潰,原因是我們每個人都是世界的唯一中心。 世界只有在被探視、感知下才存在,只有在每個人的感知下才存在。正如這位俄國作家所言,每個人都是世界的中心,但同時也是〝世界的量具〞。多年來,香港藝術家何兆基即對此作了全力的探索。

何兆基認識並發現人體這個量具,並探視它的可能和極限。在他早期的展覽裡,尤其是在2001年威尼斯雙年展上,他以錄像展示的《黃金比例:頭:身體 ﹦1:6.833》這個作品裡,他用一支黃金棒量度他頭的長度為24公分,然後再把這支金棒鎚打延展至164公分,即其身體的高度,以此隱喻為畫家和建築家奉為圭臬的黃金分割,亦喻示一種對形而上完美典範的追求。他窮原竟委,在中國古代神話盤古開天辟地的故事裡尋找源頭。太初天地未分,有盤古者生活其間,頂天立地,身驅日高,天地遂漸開闢,創造了大千世界。他在〝一個進化的身體〞的數碼錄像裡,展示了人體行走、直立、面對並適應外界環境的困難,重現了早已被遺忘的最初艱難學步的情景。何兆基不停地躬身凝視自己的身體,竭力去了解它。他的畫筆、畫室就是他自己的身體,他以自己的身驅作藝術實踐。他穿着白色短褲、矮壯結實的身驅成了他的雕塑作品和符號。對於十年來一直關注他的作品的人,一眼就認出。在他2001年的錄像裝置《身體記憶》裡,他展示身體如何不斷的重覆默練特定的行為動作,開始時是有意識的,最終將潛移內化為下意識的條件反射,變成一些不涉及思維運作的身體記憶。

他作品的力量來自簡潔,他依靠人體原始但理智化的動作,衍生出許多象徵,如人體嵌入其中的十字架。何兆基雖然從東方哲學裡獲得靈感,但卻不易為人察覺,因為這哲學思想是普世的。他引述了規範佛教修行者身體的一句話:〝行如風,立如松,坐如鐘,臥如弓〞。何兆基認為,人體的動作不是平白無故地發生的,它是對外界環境的一種反應。我們不僅在這個世界裡舉手投足,這些動作還使我們對世界有一個感性和理性的認識,這是語言和智力無法達至的。

在最近一次展覽裡,何兆基參照明代宋應星《天工開物》裡的記載,用水和泥這兩個最基本元素製造了磚。至今為止,那只知因應外界環境調節自己身體的人,現在卻開始成了造物主,以其雙手塑造環境。他說:〝雙手經驗泥土的不同形態變化,是一種人與物質的交融互動。〞這種體力活動要求身體順應工作需要作出調節,是一種由外而內的行為規範,最終為我們帶來認識世界和藝術創造的不可或缺的生理和感性的體驗。當代藝術近些年來強調概念,重視作品的文化內涵,忽略了感官經驗為依歸的創造,因此割斷了那人與物質較量而帶來的深刻認識,創造了蒼白脆弱、需要許多符號才能明白的藝術品。而這些符號若置於其他文化或在另一代人 眼中,則變得不可理解。何兆基認為:〝大腦的思維,亦不可能完全脫離四肢五官的功能而獨立操作,感知與概念,本來就是人類認識世界的一體兩面。〞

何兆基2006年12月於香港藝術中心所作的最新一次展覽令人驚喜。一件題為《身體動作》(Body Gesture)的作品固然是他以前創作的延續,但亦表明他回歸雕塑藝術。在一個充滿〝星際〞氣氛、半明不暗的廣闊空間裡,他放置了幾個經手工仔細磨光發亮的銅球。廣闊的空間給人以無垠的感覺。一個簡單奇特、圓形發光的盒子嵌在牆上,裡面有一張顯示雲彩的照片,令人聯想起月亮。這雲彩可能象徵人類,因為只有人才能從地球上這樣觀雲。在這件作品裡,人類是以一個渺小的人站在自己星球的無垠中表現出來的。在量度了自己身體之後,何兆基以令人眩暈的方式將人置於時空中。難道他對人體的睿智探索就此結束?藝術家現置身於存在主義之中。在這浩瀚無垠裡,人失去任何標記,人體微不足道,唯一存在的似乎只有靜謐與孤獨。然而在這帶? 雲彩的月亮裡,還剩有那任何科學都無法參透、不可測量亦不可轉讓的空間 —— 詩意。而這,大概也就是人類真正能力的所在吧。