Art contemporain
Texte : Mathieu Copeland

Un bonbon au goût d'illusion

Plutôt que d'écrire un texte sur une exposition à venir, les artistes Loris Gréaud, Arnaud Michniak et le commissaire d'exposition Mathieu Copeland se sont retrouvés à Paris, le mercredi, 25 novembre 2006, pour envisager et raconter cette exposition qui se tiendra mi-mai au Hong Kong City Hall dans le cadre du French May 2007. Son contenu est connu, deux films réalisés à Hong Kong (Loris crée une publicité, et Arnaud un court-métrage), qui paraîtront en DVD courant avril et qui sera aussi le catalogue de l'exposition. L'exposition, elle, apparaît comme un moment de temps : Les personnes présentes célèbrent constamment l'ouverture dans un espace physique qui, lui, diminue sur la perspective d'une ville qui semble donc se réduire. Une exposition à raconter donc.

當代藝術

虛象口味的糖果

兩位藝術家Loris Gréaud與Arnaud Michniak及策展人Mathieu Copeland認為,與其撰寫一篇文章來講述一個未來的展覽,倒不如借他們三人為籌劃這將於2007年法國五月藝術節期間假香港大會堂舉辦的展覽而於2006年11 月25 日在巴黎相約在一起討論時所作的一番對話來表達更為有效。展覽的內容包括兩部在香港拍攝的影片 (Loris Gréaud製作的糖果廣告細味虛象。Arnaud Michniak 製作的短片在無限動感的城市中把瞬間留住),兩部影片更以DVD光碟形式先於四月份發行並用作為展覽的編目。
展覽會就像處於時間停頓的一刻。在展覽館內,不斷有參觀者慶祝展覽會的開幕,展覽館的空間漸漸減小,從而收窄城市的景觀。

在香港大會堂舉辦的這個展覽會雖不至於空蕩蕩,也極為簡約。展覽會並沒有播放這些影片,亦沒有其他藝術展品。我們體驗的就是這些影片在展覽館內的介紹。這樣,一切得以保留,亦毫無遺漏。沒有事情發生。整個展覽會唯一不斷演變的元素反而是空間本身,其他一切都是藝術。


Arnaud Michniak : J'ai tourné à HK avec une caméra 16mm disposant d'une cellule intégrée. C'est la première fois que je tournais seul sans technicien.
Loris Gréaud : Ça va à l'inverse du processus cinématographique !
AM : Oui. J'ai récemment réalisé seul un gros projet en vidéo. J'aime ce rapport là, des rencontres où la caméra est entre.
LG : Les choix esthétiques sont distordus par la machinerie cinématographique. Tout passe par une série de filtres. Seul, c'est un rapport tout a fait différent avec ton image.
Mathieu Copeland : Loris, parle-nous du projet pour HK.
LG : L'idée est de réaliser un spot de publicité pour un bonbon qui n'a pas de goût, un bonbon au goût d'illusion ou l'illusion d'un goût. Un bonbon qui fonctionne comme du bon art conceptuel.
MC : Littéralement ! Qui en a le goût !
LG : Le goût de l'art conceptuel, c'est-à-dire que tu combles le manque. On produit une publicité pour une diffusion télévisuelle. Ce qui rappelle l'idée de méta narration, lorsque des pages de pub scindent les films, produisant de l'histoire à l'intérieur de l'histoire, créant une ellipse.
MC : Durant nos discussions avec les publicitaires, ils se moquaient de l'aspect conceptuel du bonbon, à raison, et les questions posées étaient « Quelle audience ? », « Quel objet ? » et « Comment se le procurer ? ». Leur pragmatisme nous permet ainsi de cerner le projet et de le rendre beaucoup plus complexe.
LG : Il faut voir quel format !
MC : Une question pourrait être pourquoi je vous ai invité tous les deux, et pourquoi Hong Kong ? Ma réponse tient dans l'idée de schizophrénie et de paranoïa. Arnaud a travaillé énormément sur la ville, sur l'aspect schizophrène de nos vies contemporaines dans la ville, son deuxième album d'ailleurs se termine sur « Et la ville disparaît ». Pour moi c'était important que l'on se confronte à la mégalopole qu'est Hong Kong. Il y a une réalité, c'est une ville.
LG : C'est ton intuition de nous rapprocher ?
MC : Je pense que votre travail est très similaire, cette noirceur, cette absence du futur en quelque sorte, mais toujours une hyper-contemporanéité du présent. Et cela nous permet de nous transposer dans plusieurs mondes, celui de la musique, de l'art, pour nous retrouver dans le monde du cinéma.
AM : on est entre !
MC : Oui. La question primordiale est celle du lieu de l'exposition. Le lieu ne sera pas l'exposition en elle-même, ni le DVD que l'on produit, le lieu est autre part.
LG : Les films ne sont pas présentés, mais se dessinent en négatif, en creux.
MC : Plutôt que présenter les films dans un espace d'exposition, ce qui n'ajouterait rien car un DVD avec les films existera, on demande à chacun des acteurs qui jouaient dans ces films de raconter ce dont ils se souviennent. De là on en est venu à penser que plutôt que raconter ce que l'on aurait dû présenter, on pourrait raconter l'exposition.
LG : Une exposition produit des images qui se retrouvent ensuite dans des catalogues, suivant toujours ce cycle qui n'est ni productif ni intéressant.
MC : Ainsi nous repensons l'illusion d'un goût, rejouant cette absence au point de vue de l'exposition.
LG : A partir du moment où la publicité existe, c'est un outil qu'il faut utiliser, et non une œuvre.
MC : Pour l'exposition, l'espace est vide, et il faut le remplir, mais si on veut se réinsérer dans une réalité, il ne faut quasiment pas toucher le lieu.
AM : Le produit est au centre de l'exposition, et tout ce qui est autour est de l'art. On part du commercial pour aller vers quelque chose qui est moins défini.
MC : Pour reprendre ton expression Arnaud, « au lieu de présenter quelque chose, on rentre dans cette chose ».
LG : Une exposition qui serait en perpétuel vernissage, des gens parlant des films, des objets, de leurs expériences.
AM : Tout revient à l'impression de se sentir en vie, que la vie apparaisse, transpire. Comment faire pour que quelque chose se passe dans une exposition, par rapport à ce qui a déjà été pensé, déjà trié, déjà couché sur le papier.
MC : Dans toutes expositions il y aura toujours de la théâtralité, de la fiction. Ainsi pour HK, a-t-on supprimé la théâtralité ou au contraire en est-on arrivé au paroxysme ?
AM : L'œuvre est-elle toujours dépendante de l'histoire humaine ? Y a t-il une mémoire qui ne soit pas humaine ? Y a t-il quelque chose qui sépare la mémoire des œuvres de la mémoire des hommes ?
LG : C'est comme cela que va fonctionner le bonbon, le geste de consommer un bonbon nous est commun, mais cette fois il ne se passera rien d'autre que ce geste, notre cerveau comblant ce manque, produisant le goût !
AM : Jusqu'à quel point va-t-il y avoir le côté étrange, malsain dans la publicité ?
LG : Pire que malsain, c'est une démarche ultra-libérale pour un objectif poétique. Utiliser l'art comme champ émetteur, on va insérer dans le réel un objet qui n'a pas de goût.