Bande dessinée
Interview : Sonia Au

Les petits riens
Lewis Trondheim à Hong Kong (II)

Lewis Trondheim a présidé en Janvier 2007 le Festival international de bande dessinée d'Angoulême, un honneur qui revient chaque année au lauréat du Grand Prix de la ville d'Angoulème de l'année précédente. En juillet 2006, il était par contre à Hong Kong à la Foire du livre où il a rencontré ses nombreux fans asiatiques. Il a pris cependant quelque temps pour se perdre dans la ville et déjeuner le 22 juillet avec quelques dessinateurs locaux : le peintre Yank Wong Yan Kwai, le dessinateur politique Zunzi et trois jeunes talentueux manipulateurs du crayon, Kongkee, Siuhak et Chi Hoi. Yank et Lewis ont découvert que dans les mêmes semaines, ils avaient  raconté la même histoire, celle du « professeur, de la jarre et des cailloux. » « C'est mon frère ! » s'est exclamé Lewis. Deuxième découverte, Yank, Lewis et Zunzi sont tous les trois joueurs de oukoulele (ukulele). Ils se sont donné rendez-vous le soir au Club 71 où rejoints par Jeff et son erhu, ils ont joué jusqu'à une heure avancée de la nuit. A cette occasion Sonia Au l'a interviewé sur sa vie et son travail et Lewis nous a gracieusement envoyé par la suite quelques petits riens sur Hong Kong. Nous en avons publié deux dans le numéro de Novembre-Décembre 2006, voici les deux derniers.

22 Juillet 2006 : Un entretien entre Lewis Trondheim et Sonia Au

Commençons par les débuts, comment es-tu devenu dessinateur ?
J'ai commencé à faire un fanzine à 24 ans, après j'ai continué, j'ai fait des rencontres qui ont été très intéressantes, je suis allé dans un atelier de dessinateur et j'ai progressé assez vite.

Pourquoi as-tu commencé si tard ? Qu'est-ce que tu faisais avant ?
Avant je ne savais pas quoi faire.

Jusqu'à 24 ans ?
Oui en France c'est comme cela. Avant je voulais raconter des histoires mais je ne savais pas si cela serait pour le cinéma ou la littérature. Ne sachant pas dessiner, je ne pensais pas à le bande dessinée comme moyen d'expression. J'ai découvert ensuite que l'on pouvait faire de la bande dessinée sans savoir vraiment dessiner.

Qu'est-ce qui t'a ouvert les yeux sur le dessin ?
La chose est que j'ai fait mon armée en Allemagne et qu'à côté de mon lieu de travail il y avait un studio photo dont le photographe faisait lui-même un fanzine de bande dessinée. J'ai découvert  ainsi ce que c'était qu'un fanzine. Il faisait cela tout seul et c'était amusant.

Comment peut-on faire de la BD sans savoir dessiner ?
Il existe une large palette de styles graphiques. Au Japon beaucoup ont le même style, mais en France, chacun a un style très particulier, et un style, même très bizarre, est accepté à partir du moment où la narration est intéressante.

La narration vient de la vie quotidienne ?
Parfois c'est autobiographique, parfois cela vient de la vie, mais je le cache par des codes, par des systèmes et c'est moins évident de savoir que cela parle de moi. Parfois c'est complétement inventé. Comme je suis quelqu'un de plutôt paranoïaque, j'ai toujours peur qu'il m'arrive quelque chose. Souvent j'imagine ce qui pourrait m'arriver de grave. Et le fait de l'imaginer fait travailler mon imagination, et par la suite, quand je raconte des histoires, ma paranoïa fait que je vais imaginer le pire. C'est quelque chose que j'utilise, je ne le subis pas.

Qu'est-ce qui te nourrit ?
En fait la BD est un medium assez jeune que je trouve sous exploité. On pourrait le travailler beaucoup plus, dans de nombreuses formes de narrations, de système de dessins. Et moi, j'aime me mettre des défis, des contraintes différentes pour aller plus loin.

Les « petits riens » ?
C'est après avoir fait beaucoup d'histoires avec des intrigues, des méchants, des gentils ou des choses autobiographiques que je me suis aperçu que ce qui comptait vraiment, c'étaient les petites choses du quotidien, des petits bijoux, des petites perles, des petits diamants qui vont faire la richesse de notre vie.

Tu as beaucoup de personnages. Comment vois-tu ton rôle de dessinateur dans le société ?
Un moment je pensais qu'il fallait passer des messages intéressants etpédagogiques, en fait c'est une idiotie ! Maintenant je pense seulement à mon plaisir égoïste d'écrivain, je fais des choses que j'aimerais lire, donc je fais des choses pour moi en tant que premier lecteur. Mais après je suis vraiment satisfait quand on me dit « cela me plaît, j'ai passé un très bon moment ». C'est comme si j'offrais une petite part de gâteau aux gens, car dans la vie qui n'est pas toujours agréable, c'est un petit bout de plaisir que je peux offrir. Cela part de quelque chose d'égoïste pour finir par quelque chose d'altruiste. Mais à la base c'est quand même très égoïste.

Est-ce que le « Grand prix de la ville d'Angoulême » qui t'a été décerné au festival 2006 change quelque chose ?
Non, je n'ai jamais aimé les prix, c'est quelque chose de scolaire et j'ai fini l'école il y a long-temps. Je préfère que mes amis aiment ce que je fais, ainsi que ma femme et mes enfants, plutôt que d'avoir des récompenses qui flattent l'égo mais qui ne font pas avancer et qui peuvent donner la grosse tête. Je me méfie beaucoup de la célébrité et de la reconnaissance. Mon but est de travailler pour moi et pour les gens proches de moi.

Et la musique ?
Je joue de la musique depuis 4 ans, j'ai commencé tard. C'est pour mon plaisir, pour faire des choses différentes que le dessin, la narration, pour avoir une autre possibilité d'expression. C'est plus important pour moi d'en faire que d'en écouter.

Tu joues de quel instrument ?
Du oukoulele, une petite guitare hawaienne

Tu me fais penser à Sempé, au jazz, à l'espace vide.
Quand la BD est bien faite, il y a un rythme donné par le créateur et le but, c'est de faire oublier au lecteur qu'il est en train de faire l'effort de lire. Devant la télé ou au cinéma on est passif; quand on lit, on est actif. Notre but d'auteur, c'est d'hypnotiser le lecteur comme on peut le faire avec la musique, de créer des vagues, des descentes, des montées, des silences, du repos et cela c'est parfait.

Pour revenir à tes personnages pourquoi Master I parti chercher quelque chose, meurt bêtement ?
Il y a une fatalité. Quoi qu'il arrive, on va tous mourir. Mais je prends la vie plutôt bien. Je n'ai pas vraiment peur de la mort, mais je sais que c'est au bout du chemin. J'aime bien le rappeler et m'en moquer.

Et Master O
J'improvise et je me fie à mon intuition. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais cela plaît beaucoup. Je suis intuitif, je ne suis pas du tout un intellectuel, je fais des choses bizarres, surprenantes qui méritent refléxion, mais je n'ai pas intellectualisé à l'avance le résultat. Je reste dans le primaire, si je recherchais un peu plus loin j'aurais peur de perdre la naïveté que j'ai actuellement.

En France est-ce qu'il y a des BD intellectuelles ?
Depuis longtemps ! Un peu d'abord, et depuis 15 ans de plus en plus de BD d'auteurs. Moi je préfère une BD mal dessinée et bien racontée qu'une BD mal racontée et bien dessinée. J'aime beaucoup la narration, c'est plus important que le dessin. J'aime les auteurs anglo-saxons, John Iwing, Robert Benchley des années 20-30, parce qu'il y a une sorte de dérision des choses que je ne vois pas chez les Français qui sont trop sérieux, plus dans la beauté de l'écriture que dans le sens. Je trouve cela insupportable.

« Ma maitrise, c'est de dessiner pas de parler » dis-tu ?  Est-ce pour cela que tu as des œuvres sans mots, t'exprimant seulement par les images ?
Il y a deux raisons majeures : la première est qu'étant quelqu'un qui généralement s'exprime assez mal dans la vie, j'arrivais à faire de bons dialogues sur le papier et que très longtemps je me cachais derrière ces bons dialogues pour ne pas être obligé de travailler le dessin. Je me suis dit ensuite  que cela suffisait, qu'il fallait  que je prouve à moi-même mon habileté à dessiner des choses sans avoir le support du dialogue. Lla deuxième raison est en rapport avec la musique. La musique on l'écoute, n'importe qui l'écoute et ressent quelque chose, c'est universel. Dans la BD, il y a toujours la frontière de la langue, mais là, ces histoires sans mot, n'importe qui sur la planète peut les comprendre, et ça c'est magique !

Tu as quel âge ?
J'ai 41 ans, j'arrive de plus en plus à dessiner ce que je veux, et surtout je prends du plaisir à dessiner, j'aime dessiner.

Ta femme est ta coloriste.
En France maintenant la BD est un travail très personnel, très égoïste, par contre dans ma génération, on travaille ensemble souvent, on fait des échanges de dessin et de scénario. Au début je ne savais pas colorier, et elle a un regard sur la couleur différent du mien, c'est un enrichissement.

Si on te demandait un portrait de Hong Kong ?
Je suis en train de faire des petites pages sur mon voyage. Hier à Pengchau, j'ai commencé une histoire …



漫畫

雞毛蒜皮
法國漫畫家Lewis Trondheim 在香港(二)

Lewis Trondheim剛主持過2007年1月的國際安古蘭漫畫節,這是賦予每個獲上屆該漫畫節大獎的人的榮譽。 2006年7月他來到香港書展和他的亞洲漫畫迷們見面。他忙裡偷閒,到城裡轉了一轉,並於7月22日和幾個香港同人共晉午餐,計有畫家黃仁逵、政治漫畫家尊子和三個年輕並富才氣的漫畫家江記、小克及智海。黃仁逵和 Lewis發現幾個星期來,他們都敘述 着 同一個故事,教授、瓮及石子的故事。〝這是我的兄弟呀!〞 Lewis叫了起來。第二個發現是,黃仁逵、Lewis及尊子三人都演奏同一種樂器:夏威夷的一種小吉他Oukoulele (ukulele) 。他們約好晚上在Club 71見面, Jeff 亦帶 着 二胡來湊熱鬧。他們一直玩樂到凌晨一點鐘。歐嘉麗趁此機會就他的生活和工作對Lewis作了一次採訪(見下文)。稍後,Lewis他還為我們寄來了有關香港《雞毛蒜皮》的幾幅漫畫。我們已於去年《東西譚》11-12 月號上發表了其中兩幅,現在刊出兩幅以饗讀者。

歐嘉麗與 Lewis Trondheim 的一場對話

讓我們從頭講起,你是怎樣成為漫畫家的?
24 歲時,我辦了一份漫畫同人雜誌,一路做來,認識了一些有趣的人。我曾在一個漫畫家的畫室裡待過,畫技進步很快。

你為甚麼起步得這麼晚?以前,都做些甚麼?
以前,我懵懵然,不知道該做甚麼。

就這樣一直到24歲?
是的,在法國,情形就是這樣。過去,我想寫些故事,但自己也不知道是為電影而寫或是文學創作。由於我不懂畫畫,因此沒想到用漫畫來表達。後來,我明白了即使不懂畫畫,也可創作漫畫。

是甚麼讓你把興趣投向繪畫的?
事情是這樣的,我在德國服兵役期間, 在我工作的附近有一個攝影坊,攝影家除拍照外,還辦了一份漫畫同人雜誌。我也因此明白了甚麼是同人雜誌。他一腳踢,一個人幹,十分有趣。

不懂繪畫,又怎樣畫漫畫呢?
有各種漫畫風格。在日本,很多漫畫家只有一種風格,而在法國,每個漫畫家都有自己獨特的風格。即使樸拙可笑,只要故事有趣,照樣為人接受。

漫畫的故事內容是來自生活嗎?
有事候是自己的經歷, 有事候是直接來自生活。不過,我用符號和技巧把它掩飾起來,不讓人輕易察覺到我是在講自己。有時候,卻是純粹的創造。由於我是一個有妄想狂的人,因此總是害怕會有甚麼不測發生。我常常幻想大難將臨頭。但這種妄想卻激發了想象。因此當我敘述時,妄想狂便令我想象出最壞的情況來。但這只是用來創作,我自己並未遭遇甚麼不測。

是甚麼令你樂此不疲的 ?
漫畫的確是一種尚待開發的年輕媒介,可以用各種不同的敘述方式、各種繪畫技巧進一步發掘它。而我自己則樂於接受挑戰和各種困難,以便走得更遠。

《雞毛蒜皮》是怎麼一回事?
在寫了許多離奇曲折的故事、好人、壞人以及自己經歷過的事情之後,我發覺最有價值的是日常生活中的瑣事,它們好比珍珠寶石,閃閃發亮的鑽石,豐富了我們的生活。

你創造了許多人物。你是怎樣看待作為一名漫畫家在社會中扮演的角色?
有一個時候,我曾想應該傳達一些有意義、有教益的信息,其實這種想法很愚蠢!現在我只想到作為漫畫家一己的樂趣,我畫些自己愛讀的東西,我為自己而創作,第一個讀者是我自己。 而當有人對我說:〝我很喜歡你的漫畫,我渡過了一個愉快的時刻〞,我便會感到由衷的滿足。因為在並不總是愉快的生活裡,這是我能提供給人們的一點快樂,就好像饗以一小塊甜美可口的蛋糕。動機是自私的,結局卻利及他人。儘管如此,出發點畢竟是十分自私的。

2006年你榮獲安古蘭漫畫節大獎,這對你的生活有甚麼影響?
沒有,我從來都不喜歡甚麼獎,這是學生的玩意兒,我和這早已絕了緣。我更希望我的朋友、老婆和孩子們喜歡我畫的東西,並不稀罕獎賞,它只會令人自私,不思上進;令人自命不凡,忘乎所以。我不在乎名聲和別人的認同。我的宗旨是為自己,為我的親人和朋友創作。

音樂方面呢?
我玩音樂已有四年了, 開始得晚了。我只是為了興趣,做些和畫畫、講故事不同的事情,想試試另一種表達方式。對我來說演奏音樂比聆聽更重要。

你演奏甚麼樂器?
Oukoulele ,一種夏威夷小吉他。

你令我想起桑貝(Sempé) 、爵士樂和留白空間。
如果漫畫畫得生動,便有一種畫家賦予的節奏感,令讀者閱讀時達到忘我的境界。看電視或電影,人是被動的;而閱讀卻使人主動。漫畫家的目的是令讀者像聆聽音樂一樣,對漫畫入迷。他創造波濤、潮起、潮伏,靜謐,休憩,這一切,真是十分美好。

現在,回來談談你創造的人物。為甚麼〝 i 呀!〞(Master I) 出發去探尋,卻愚蠢地死去?
這是宿命。不管怎樣,人都有一死。但我卻看好生活。我不是真的害怕死亡,我知道它就在那路的盡頭。我喜歡提起它,嘲弄它。

而〝跳跳 O 〞 (Master O) 呢?
我即興創作,相信我的直覺。我不知道這是怎麼一回事,但我很喜歡。我是一個直覺的人,一點都不善於思考。我畫些古怪、讓人驚異、值得思考的東西,但事前並未考慮到它的後果。我只是點到即止,如果我稍作深入思考,我害怕會失掉我現有的天真。

在法國,是否存在思考型的漫畫?
這早就存在!開始並不多,這十五年來越來越多。相對一部繪畫得很好, 敘述得很差的漫畫,我比較喜歡一部描述得很好,但畫得很差的作品。我很愛敘事,這比畫風更重要。我喜歡英國上世紀二、三十年代的漫畫家諸如約翰.艾文 (John Iwing) 及羅伯特.本奇利 (Robert Benehly) 。因為在他們的作品裡有某種嘲諷,而這在法國漫畫家的作品裡是見不到的,他們太過認真,對文字優美的關注勝過對內容的關注。我覺得這不能接受。

你說:〝我的專長是繪畫,而不是敘述。〞是不是由於這,你畫了沒有對話,只靠圖畫表達的〝啞〞漫畫?
這有兩大原因:在生活中我是拙於言辭的人,但我卻可在紙上寫出很好的對話。長久以來,我便躲在這些出色的對話後面,而不對自己的畫技作進一步要求。後來,我覺得這夠了,應該來證明一下自己也有能力畫些不需要依賴對話的漫畫。第二個原因則與音樂有關。音樂是無論誰來聽,都有所感受,她是普世的。而漫畫,則總有語言障礙。因此,我作的這些沒有對話的〝啞〞漫畫,天底下的人誰都能讀懂,這不是很神奇嗎?

請問你今年貴庚?
四十一。我越來越多地畫我想畫的東西。我尤其在畫畫中得到樂趣,我喜歡畫畫。

你太太是你的着色師嗎?
現在在法國,漫畫製作是非常個人和自私的。相反,我那一代人,漫畫家卻經常在一起畫畫,交換畫作和故事腳本,互相切磋。開始我不懂得怎樣著色,而內子對色彩卻眼光獨到,和我不同,這真是一筆財富。

最後,你是否可為香港作一幅畫?
我正在 着 手畫一些有關這次旅遊香港的漫畫小品。昨天在坪洲我已經開始了一個故事…