Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron
I Like Hong Kong IX : Dé/territorialisé
Nous avons vu qu'avec la notoriété croissante des artistes locaux sur la scène internationale et le fait que la venue sur le territoire d'un artiste étranger n'est pas vu comme un exil culturel, il existe désormais une possibilité réelle non seulement de perpétuer la culture locale, populaire ou haute, dans le cadre d'une globalisation économique croissante, mais aussi de la voir passer par toutes sortes de métamorphoses dans des échanges avec d'autres cultures locales, ou au moins échappant au nivellement par le bas que certaines institutions commerciales, comme certaines maisons de disque ou producteurs de spectacle télévisuel, imposent au monde entier. Comme les auteurs d'ouvrages sur le postmodernisme et le post-colonialisme l'observent, les centres culturels du passé, européen ou américain, disparaissent au profit d'une véritable délocalisation. Il reste que cet état, qui est entièrement positif car il donne une voix propre à des populations qui n'avaient pas été entendues par le passé, ne peut survivre que dans un état de vigilance constant. Au moindre signe d'inattention, le rouleau compresseur de la mondialisation économique et de ses outils marketing aplatira les expressions uniques de la multitude changeante des cultures locales pour lui substituer une masse de produits (parfois brillants il est vrai) sans rapports avec nos vies et nos attentes.
Il est sans doute difficile d'appeler la culture française une culture locale ou minoritaire, elle le devient néanmoins de plus en plus si on la compare au développement exponentiel de la culture populaire originaire d'Amérique du nord. Si cette culture comporte heureusement de nombreux aspects d'une brillance et d'une originalité réelle, elle n'est malheureusement souvent connue que par les productions dont elle inonde le globe et qui sont proprement commerciales et stérilisées pour tenter de plaire au segment de la population mondiale le plus vaste possible. On verra que ce qui suit propose une définition de culture locale en termes négatifs justement parce qu'elle s'inscrit contre certaines tendances du monde contemporain.
Il faudrait donc définir le terme de culture locale comme constituée de deux choses. Premièrement, les cultures locales sont représentées par des productions ne tombant plus dans les catégories nationales traditionnelles. Comme nous l'avons vu plus haut, il ne devrait plus y avoir d'art espagnol ou chinois, mais des productions faites par des Espagnols catalans, Chinois de Hong Kong ou Russs orientalux. Deuxièmement, les cultures locales représentent toutes sortes d'expressions non formatées pour un marché global soutenu artificiellement à force de campagnes de publicité. L'exemple idéal de cette artificialité serait ces groupes de chanteurs-danseurs qui ne composent pas leur musique, n'écrivent pas leurs paroles et dont le salaire, pourtant astronomique, est loin d'être aussi important que les budgets dépensés à la promotion de leur image.
Ces cultures locales ne pourront cependant pas échapper à certaines stratégies de publicité si elles veulent survivre dans la féconde cacophonie mondiale (pas de symphonie ici, car la symphonie tend à effacer ce qui ne marche pas du même pas), et savoir se rendre visible demeure une exigence. Mais la publicité est depuis le siècle dernier un outil et un médium indispensable de l'art contemporain. Et les artistes de Hong Kong, qui ne sont que très rarement artistes à temps plein, semblent particulièrement bien armés pour se placer avec efficacité dans un coin bien visible, car, comme l'a écrit un des plus importants commissaires d'expositions d'art contemporain chinois, Hou Hanru 侯瀚如 , dans un article intitulé Canton Express ( Yishu, Journal of Contemporary Chinese Art , March 2004), en parlant de l'ensemble des artistes de la région du Delta de la rivière des Perles : « Le manque de marché pour des œuvres d'art «élitiste» a permis aux artistes de s'occuper de leur réalité dans une perspective beaucoup plus radicale. Leurs travaux sont beaucoup plus expérimentaux et non-commerciaux, et ils sont de cette façon libre et sans limites. »
Même si l'expression des années 60 « Think globally, act locally » revient quelquefois dans les conversations avec ces représentants de la scène culturelle de Hong Kong, il est sans doute un peu dommage que certains de ces participants ne conçoivent la culture sur le territoire que dans un « contexte international », n'entendant par là qu'une mondialisation qui aurait ses racines véritables dans le monde occidental. Il semble bien que leur désir d'internationalisation de la scène culturelle de Hong Kong ne vienne en fait que de leur désir de faire connaître Hong Kong et ses professionnels de la culture (éducateurs, artistes, commissaires d'expositions, etc.) à l'Europe principalement, puisque le Centre Pompidou est une institution d'origine française, et aux Etats-Unis indirectement. Il aurait été sans doute bon de leur rappeler ce que Rikrit Tiravanija a répondu à Daniel Birnbaum dans un numéro récent de Artforum : « Après lui avoir demandé si sa vie nomade devait être vue comme un essai pour créer plusieurs centres, il répondit qu'au contraire, il était plus intéressé dans la multiplication des périphéries, “Parce que vous comprendrez alors que le centre réside à l'extérieur”, répondit-il mystérieusement. »
Vouloir transformer Hong Kong en un centre culturel« international » irait de toute façon à l'encontre de la vocation de cette cité qui, en dépit de son statut de port (et d'aéroport) international et de l'absurde étiquette « East meets West » qui continue à lui coller à la peau, a trouvé ses fondements dans une culture chinoise vivante (c'est-à-dire toujours en rapport avec les autres régions du monde, depuis l'Inde dans le passé jusqu'à l'Europe dans une période plus récente) et de ce fait toujours renouvelée. En fait, si la création de la ville de Hong Kong a politiquement été le résultat d'une décision venant de l'Angleterre pendant la guerre de l'opium, l'influence de la culture européenne sur Hong Kong n'a pas été plus forte que cette même influence sur la Chine continentale (qu'on songe à ce que le communisme, système à l'origine purement « de l'Occident », a changé dans la culture chinoise). Cette influence a cependant été infiniment plus voyante du côté occidental, et ce sont les Européens qui ont été les premiers à étiqueter Hong Kong avec le label « East meets West » : il est plus facile de reconnaître un héritage occidental dans une minijupe que dans un costume Mao, même si celui-ci s'accompagne d'une façon de penser qui vint aussi de l'Occident.
Ainsi, plutôt que de vouloir à toute force immiscer Hong Kong dans les courants culturels venant d'Europe et des Etats-Unis (c'est-à-dire, là où se trouve le marché de l'art en ce qui concerne les plasticiens ; là où se trouvent les plus célèbres universités en ce qui concerne les éducateurs ; et là où se trouvent les plus célèbres musées et galeries pour les commissaires d'exposition et les conservateurs), il serait bien plus urgent de créer de nouveaux « centres à la périphérie » comme l'a dit Tiravanija.
En ce sens, la politique de participation à la vie artistique de la région Asie que le Centre Pompidou avait désiré mettre en œuvre à West Kowloon Project, était sans doute la meilleure solution possible et sera certainement poursuivi avec encore plus d'efficacité à Shanghai puisque c'est là que le centre a décidé de poursuivre son « aventure chinoise ». Il est certain que certains des participants à la scène culturelle de Hong Kong avaient vu la venue d'une telle institution non pas tant comme une chance de créer un nouveau centre d'action culturelle, mais comme une opportunité d'introduire les plasticiens, éducateurs et commissaires d'exposition de Hong Kong en tant qu'acteurs sur une scène que nombre d'entre eux voient comme « mondialisée », terme qu'ils confondent donc trop souvent avec « occidentalisée » puisqu'ils ne semblent pas pouvoir concevoir la mondialisation culturelle comme une multiplication de centres. Aussi longtemps que mondialisation culturelle sera compris à Hong Kong comme occidentalisation, le mot de « périphérie » voudra dire « provincial ».
Ce désir de développer des liens plus profonds avec l'Europe et l'Amérique de nord provient sans doute de l'inquiétude généralisée qui règne à Hong Kong quant à son avenir commercial. Bien des acteurs de la scène culturelle locale sont revenus sur la nécessité de développer une meilleure éducation artistique pour raviver une industrie créative faiblissante. Si cette exigence est tout à fait bien fondée, elle ne devrait pas non plus aveugler les acteurs de la culture à Hong Kong sur le besoin fondamental d'une véritable indépendance créatrice. Il serait idéal la future institution muséale située dans le West Kowloon Cultural District puisse jouer à Hong Kong le rôle d'une plate-forme culturelle qui puisse ouvrir le territoire à la fois sur le reste du monde et sur l'idée que la région a connu un développement culturel qui n'a rien à envier à la culture européenne ou américaine. Tout dialogue entre cultures ne peut avoir lieu que sur un pied d'égalité.
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藝術與歷史
我愛香港(九)——疆界消失
• Projet pour West Kowloon
我們看到,隨着地方藝術在國際舞台上聲譽的日愈提高,以及一名外來的藝術家不再被視為文化浪遊人,這樣便有可能在逐漸加強的經濟一體化的框架下,不僅保持普羅的或高級的地方文化的發展,亦可透過和其他地方文化的交流,產生各種各樣的變化,至少可避免一些商業機構,如唱片公司或電視節目製作人強加於世界各地的文化單一化。正如一些研究後現代主義和後殖民主義的學者所觀察到的,昔日的歐美文化中心已消失,變為一場真正的文化遷移。過去被人忽視的人民可開腔說話,這情況是正面的,但必須時刻小心翼翼才能生存。只要稍不留意,全球經濟一體化的巨輪以及它的市場營銷力量勢必將五彩繽紛、表現獨特的地方文化輾個粉碎,代之以與我們的生活和期望毫無關係的大批產品(有時確也精彩)。
大概很難將法國文化稱作地方文化或少數族類文化,但它漸漸會成為地方文化的,只消看看源於北美的地方文化的神速發展便可知道。如果這個文化精彩獨特、姿態萬千,不幸它只是由於充斥全球的低俗藝術品而被人認識,這些藝術品純屬商業性,內容貧乏,一味迎合世上一部份人的口味。下面就所謂地方文化作一個與當今世界潮流相反的定義。所謂地方文化應由兩個部份組成。其一,代表地方文化的藝術作品不應跌入民族文化傳統的窠臼。正如我們前文所見,不應有西班牙藝術或中國藝術,而應是加泰羅尼亞西班牙藝術家、香港中國藝術家、俄羅斯東部藝術家創作的藝術。其二,地方文化應有各種表現形式,不應為一個由廣告大力宣傳支撐的全球市場而變得格式化。人為宣傳的最佳例子是那些歌星兼舞者,他們既不作曲,也不寫歌詞,而報酬卻是天文數字,但還遠遠不及為推廣他們的形象所作的開支預算。
然而地方文化若欲立足於這個亂哄哄的世界(這裡不是交響樂,交響樂是不容許腳步不齊的),它亦不能沒有一些宣傳策略。此外,如何使自己顯眼也至關重要。自上世紀開始,廣告已成為當代藝術不可或缺的工具和媒介。香港的藝術家全職的極少,為有效地佔據顯眼的一角,他們似乎已嚴陣以待。正如中國當代藝術重要策展人之一的侯瀚如在一篇題作《 Canton Express 》(《藝術》,中國當代藝術雜誌, 2004 年 3 月號)的文章裡談到珠江三角洲的藝術家時所說的一段話:〝 ‘ 精緻 ' 藝術品缺乏市場令藝術家可從更徹底的角度觀察現實。他們的作品更具實驗性及非商業化,因而他們也就自由自在,有無限的可能性。〞
六十年代的一句老話〝 Think globally, act locally 〞 ( 全球性思考 , 地方性行動 ) 雖然在香港文化界的代表人物的言談中時有出現 , 只是有點可惜的是他們當中的一些人只是在〝國際框架〞中構思香港文化 , 把西方世界看作是全球化的真正源頭。他們欲將香港文化國際化的意願,彷彿只是想向世界,主要是向歐洲(既然龐比度中心為法國的文化機構),也間接向美國介紹香港及她的文化精英,如藝術教育工作者、藝術家、展覽會策劃人等。我想向他們提醒一下在最近一期的《藝術論壇》 (Artforum) 裡 Rikrit Tiravanija 回答 Daniel Birnbaum 的一段話不無裨益:〝在問及他的流浪生活是否可被視為創造幾個中心的嘗試時,他回答說恰恰相反,他對週變的多元化更感興趣。因為你知道,所謂中心實際上處於外界。他這樣神秘地說道。〞
欲將香港打造成一個〝國際化〞的文化中心是和這城市的使命相違背的,雖然她擁有國際海港(國際機場)的地位以及一直和她不離不棄的、荒謬的〝東西交匯〞的標簽。香港是在生氣勃勃的中國文化裡尋找根基的。說中國文化富於生命力,原因是她始終和世界各地區保持聯係,從古代印度直至近代的歐洲。因此,這文化是歷久彌新的。香港雖說是英國殖民者自鴉片戰爭以來所創造的政治產物,但她受歐洲文化的影響並不比中國大陸所受的影響更深。只消想一想共產主義這個百份之百〝來自西方〞的理論對中國文化的影響便可知,這個影響從西方的角度觀之則更為明顯。是歐洲人首先為香港貼上〝東西交匯〞這個標簽的。若要觀察西方的影響,那末在迷你裙裡尋找比在毛式制服裡容易得多,雖然毛的思想方式亦來自西方。
故此,若欲強行將香港納入來自歐洲及美國的文化潮流(對造型藝術家而言,藝術市場就在那裡;對教育家們而言,那裡聚集了著名的大學;對展覽策劃人及博物館館長而言,那裡薈萃了著名的美術館和畫廊),不如即刻創建如 Tiravanija 所說的〝週邊中心〞。〝當有人問及他的流浪生活是否應被視為試圖創造眾多的中心,他回答道,恰恰相反,他對週邊的增多更感興趣。 ‘ 因為你可看到,所謂中心實際上處於週邊 ' 。〞他這樣神秘的回答道。
• Le centre Pompidou décentraliré à Metz
在這個意義上,龐比度中心欲於西九龍計劃中實施其對亞洲藝術活動參與的政策,未尚不是一個可行的好方法,而它決心在上海進行的這場〝中國冒險〞,肯定將更卓有成效。香港文化藝術界的一些同仁並不把這個中心的蒞臨視作是創造一個文化中心的良機,而只是把它當作介紹香港的造型藝術家 、藝術教育工作者及展覽會策劃人的一個機會,他們是許多香港藝術工作者視為〝全球化〞的舞台上的積極參與者。香港的文化人常將〝全球化〞與〝西方化〞兩種概念混為一談,原因是他們無能孕育出有多個中心的文化全球化。只要一天文化全球一體化在香港被視為西方化,則〝週邊〞一詞也只能是〝外省〞的意思了。
這個極欲發展同歐洲和北美更深關係的願望也許來自籠罩 ? 香港的對經濟前景的普遍擔憂。許多香港藝術工作者都急於作進一步的藝術深造,以期重振萎靡的藝術創造。若說這種願望是合理的,香港的藝術工作者亦不應無視真正的獨立創作的基本需要。位於西九龍文化村的未來的藝術場館將在香港扮演一個文化平台的理想角色,它既可令香港面向世界,亦可實現與歐美相比毫不遜色的文化蓬勃發展的理想。文化間的對話只能在平等的基礎上進行。
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