Peinture
Texte : Gérard Henry

Un après-midi avec Wong Yan-kwai

« La peinture, personne n'ose plus, il faut d'abord comprendre… ne pas rester en dehors du paysage. Quand Cézanne a peint la Montagne Sainte Victoire, ce n'est pas la Sainte Victoire qu'il a peinte, c'est sa montagne intérieure… » Wong Yan-kwai

Wong Yan-kwai est peintre jusqu'au bout des ongles, ce qui ne l'empêche pas de pratiquer également la sculpture, la photographie, la vidéo ou l'art postal. Il occupe cependant une place bien particulière sur la scène hongkongaise : Alors que la plupart des artistes hongkongais situent leurs œuvres dans un contexte social en étroite relation avec leur environnement urbain, Wong Yan-kwai poursuit une recherche personnelle et exigeante qui s'inscrit au cœur même du processus de la création artistique. L'homme confronté au monde avec son corps et son esprit, tente de rendre visible ce qui semble à tous invisible. Ce combat, l'artiste le mène avec le travail de sa main, dans l'espace resserré entre la toile et lui. Ce n'est pas un combat seulement conceptuel ou  intellectuel, c'est plus que cela, c'est un véritable corps à corps, une lutte physique avec les couleurs, la matière, la lumière, la toile ou le papier. Le résultat final est une œuvre qui vit en elle-même, qui n'a besoin ni de concepts, ni de mots pour s'exprimer, une œuvre où, disait le poète Paul Valery, « l'artiste apporte son corps ».

Wong Yan-kwai fait partie de ces artistes qui, faute d'école d'art à Hong Kong et attirés par l'aventure, sont partis au début des années 70 en Europe pour un voyage autant de découverte que de formation, vers Paris et le vieux continent, à la recherche de la « ville sainte » : « Un certain jour de l'été 1973, alors que les gros titres de la presse annonçaient la mort de Bruce Lee, je me retrouvais assis à l'étroit dans le fauteuil d'un avion, un peu nerveux, mais heureux aussi comme lorsque je faisais l'école buissonnière. Mais cette fois c'était pour faire 13 000 km et aller étudier l'art à Paris. Pourquoi Paris ? Je ne savais pas trop. On disait que la France était la Mecque de l'art, je le croyais. » Paris n'était peut-être pas ce qu'il avait imaginé mais ces six ans passés en France vont dit-il, lui « ouvrir les yeux », ce sont des années de formation pendant lesquelles il fréquente divers ateliers et trouve son chemin en peinture.

« Avant de quitter Hong Kong, je croyais être un bon peintre, qui connaissait bien l'art de la peinture. Mais arrivé en France, je ne comprenais plus rien. Pourquoi les gens peignaient-ils comme cela ?  On m'avait appris à Hong Kong à faire ressemblant, on m'avait parlé technique, on ne m'avait pas appris ce langage. J'ai tout recommencé à zéro, tout ce qu'on m'avait appris et que je savais faire n'avait rien à voir avec l'art de la peinture. L'art de la peinture est de trouver et de faire ressortir l'esprit dans l'objet ou le sujet que tu regardes. »

Comme tout jeune artiste, il se cherche. Dans l'atelier de Zavaro, à l'École nationale supérieure des Beaux Arts de Paris, il transforme les formes, assouplit ses lignes mais reste insatisfait : « Un an après, je trouvais qu'il manquait quelque chose à mon travail, une énergie ! »

Il fait alors une découverte à Beaubourg au Musée d'art moderne : « Le  meilleur prof' que j'ai eu, c'est un tableau de Kandinsky, un tableau sans titre, carré et plein de traits et de couleurs,  j'ai  tout de suite reconnu dedans une très grande puissance. J'ai aussi beaucoup aimé Chagall qui avec ses pinceaux fait de la poésie, mais ce que je recherchais, c'était quelque chose d'encore plus pur. Là où il n'y a ni signification, ni histoire, ni narration, seulement un tableau qui parle tout seul au regard, qui ne représente rien que lui-même. Et j'ai découvert De Kooning, c'était près de cela. »

Wong Yan-kwai est resté fidèle à cette recherche exigeante. La couleur est son matériau premier, la structure, la forme et le mouvement de son œuvre. Vives et fortes, ses couleurs se recouvrent, s'opposent, s'appellent et se repoussent avec une forte résonance musicale qui les entraîne dans un mouvement constant. C'est un travail de création et de destruction continue. Sa peinture peut, en raison de sa vivacité, exercer une grande puissance sur celui qui la regarde. On croit reconnaître parfois dans les formes nombreuses qui y apparaissent des objets connus, avions ou  poissons par exemple, mais ils ont en partie perdu leur forme, leur identité, leur nature propre. Le peintre les a recréés, en a fait de simples “objets-couleurs” avec lesquels il joue librement sur sa toile.

« Pendant longtemps, dit-il, j'ai transformé toute forme connue dans le but de rester abstrait mais au bout d'un moment, cette chose est devenue aussi une limite, car elle m'interdisait des formes qui puissent être reconnaissables. Maintenant il n'y a plus de forme tabou, ce que je fais n'est ni figuratif, ni abstrait. Un trait ressemble toujours à un trait et est figuratif. Mais je réfléchis toujours en images. Réfléchir en mots, en langage verbal sur un tableau, cela limite le tableau au langage verbal. Si tu descends la nuit t'acheter un bol de nouilles et de raviolis bien chauds, de Wonton, tu ne penses pas au mot wonton, tu vois le bol, l'image de la vapeur, c'est une atmosphère. Dans ma peinture l'atmosphère prédomine ».

Sa façon de peindre est un dialogue ininterrompu avec la toile : « Toujours je cherche un équilibre sur la toile. Au départ, la toile blanche est équilibrée, parfaite. Au moment où tu traces le premier trait sur le tableau, tu détruis l'équilibre. Le jeu commence avec le deuxième trait. Tu détruis la toile et tu essaies de reconstruire un autre équilibre. Peindre, c'est comme marcher sur un fil. Le fil est un trait immobile, mais dès que tu mets le pied dessus, il entre en mouvement, il faut alors sentir les vibrations de la corde et apprendre à garder l'équilibre, le parcours est toujours différent.

« La ligne la plus touchante, c'est l'horizon, mais l'horizon n'existe pas, c'est une ligne que tu peux voir, mais que tu ne peux jamais toucher. Dans un tableau, l'horizon peut exister en plusieurs endroits, il donne une profondeur qui n'existe pas non plus, c'est une sorte d'illusion. En fait un tableau ne se termine pas. Il n'y a pas d'image finie. J'ai par exemple voulu retoucher un peu un tableau de 1997, et finalement, je l'ai presque entièrement refait, je crois que je pourrais continuer sur la même toile à l'infini, des années et des années. »

Rentré à Hong Kong après une première exposition personnelle de ses œuvres en 1979 dans un centre culturel de Normandie en France, Wong Yan-kwai va, avec d'autres artistes revenus de l'étranger, comme le sculpteur Antonio Mak, apporter au début des années 80 un nouveau vocabulaire artistique qui aura une grande influence sur la scène hongkongaise. Car, si sa peinture est très personnelle et s'il refuse d'appartenir à quelque groupe que ce soit, il n'est pas à l'écart de la société, il a d'autres activités artistiques qui l'engagent dans cette société. Il est scénariste et l'un des décorateurs et directeurs artistiques les plus recherchés du cinéma hongkongais. Il travaille aussi parfois sur la scène avec de nombreux artistes du théâtre et de la danse contemporaine.

Ardent défenseur des droits de l'homme à Hong Kong et en Chine, proche des grands dessinateurs politiques et satiriques de Hong Kong tels que Zunzi ou Ma Lung, il est présent depuis de longues années dans la presse hongkongaise par ses dessins, illustrations, billets d'opinion ou petites histoires philosophiques. Il est aussi, ce qui est une autre part de sa vie, excellent guitariste de blues, et joue dans quelque arrière salle de bar toutes les semaines avec ses amis, à la façon d'un Woody Allen, pour son propre plaisir. Une vieille habitude qui ne l'a jamais quitté : A Paris déjà, dans les années 70, rue de l'Ouest à Montparnasse, son atelier, une ancienne boucherie, était le samedi soir le rendez-vous des musiciens du quartier où l'on passait des nuits à les écouter. Mais sa  peinture est sa vraie passion : « Je peux peindre tout le temps. Quand je ne travaille pas sur un film, je vais tous les jours à l'atelier, qui est pour moi comme un temple et quand ça marche bien, c'est une vraie drogue, je suis dans une concentration totale, rien d'autre ne peut exister. »

« Je sors, j'absorbe, et presse tout cela – moi-même – sur la toile, dit Wong, il n'y a rien de plus réel que ce que je fais. » Sa peinture est extrêmement lumineuse et joyeuse, légère comme les petites musiques de Erik Satie, artiste qu'il affectionne. Il utilise une grande palette de couleurs fortes et en a une maîtrise totale, ce qui est  rare. En 1991, il eut une grande exposition sous la verrière du Musée de l'Université de Hong Kong, la lumière qui tombait du ciel sur les toiles disposées en cercle autour de la mezzanine transformait le musée en véritable cathédrale percée de vitraux. Matisse disait que « la couleur contribue à exprimer la lumière, non pas le phénomène physique mais la seule lumière qui existe, celle du cerveau de l'artiste. » Wong Yan-kwai continue ainsi à peindre comme un tableau jamais fini, toujours recommencé, car dit-il, « C'est comme dans la vie, cela pousse comme une plante. » Et, à une jeune artiste qui le critiquait, disant que ce qu'il  faisait cette année n'avait pas changé par rapport à l'année dernière, il répondit malicieusement : « Eh oui, c'est de la peinture, pas du beaujolais nouveau ! »



繪畫

與黃仁逵午後一席談



2 arbres sur mer, 2007, Acrylic on wood, 9 x 6 cm, Taihang

〝繪畫,無人再敢嘗試,首先必須領會……切勿置身風景之外。當塞尚畫聖維克多山時,他所畫的不是聖維克多山,而是他內心的那座山……〞 ── 黃仁逵

黃仁逵是一位十足、從頭到腳的畫家,但這並無妨礙他實踐諸如雕塑、攝影、錄像、郵件藝術等其他視覺藝術。在香港的藝壇上,他佔據了一席特殊地位。大多數香港藝術家的作品都與週遭的城市風景緊密相連,而黃仁逵則在藝術創造的過程中,以個人的孜矻探索為中心:人以其身軀和精神與這世界較量,竭力將抽象、無形無相的東西展現出來。這場戰鬥,是藝術家在畫布與他之間的狹小空間裡,以其靈巧勤奮的手展開的一場戰鬥。這遠遠不僅是一場精神和理念的戰鬥,可說是一場真正的肉搏,和色彩、材料、畫布或畫紙、光線的一場廝鬥。結局是孕育出一件富生命力的、無需借助觀念、亦無關詞語的自我展現,正如詩人保羅.瓦勒里所說的〝藝術家為之獻身〞的藝術品。

由於香港缺乏藝術院校,一些藝術家又為外邊世界所吸引,七十年代初便紛紛遠赴歐洲或探知,或學藝,奔向巴黎和古老歐陸尋找〝聖城〞。黃仁逵亦是其中之一。他說:〝 1973 年夏天,我坐在狹小侷促的機艙裡,有點緊張,又有點欣喜,那感覺就像第一次逃學時一樣,但今次不是背著書包到山上玩打野戰,而是到一萬三千公里外的巴黎學藝,為甚麼是巴黎?我也不甚了了,傳說中,法國是藝術的麥加,我相信這個傳說,如此而已。〞巴黎也許並不如他所想象的,但正如他所說的,在巴黎渡過的六年使他〝張開了眼睛〞。這是他學藝的六年,他奔走於各個不同的畫室,終於找到了自己的繪畫道路。

〝離開香港時,我自許是一名稱職,精通繪畫藝術的畫家。但來到法國,才發覺原來甚麼都不懂。為甚麼他們這樣畫畫?在港習畫期間,人們叫我有樣學樣跟著畫,和我談技巧,卻沒有談到藝術語言。〞在巴黎我一切由零重新開始,以前所學到的和掌握的一切似乎和繪畫藝術毫無關係。繪畫藝術是尋找隱藏在你所見到的事物中的精神並將之凸顯出來的一種藝術。和所有年輕藝術家一樣,他努力發掘自己。在扎瓦洛 (Zava-ro) 畫室,在巴黎美術學院,他嘗試改動形體,使線條變得柔和,但都不能令他滿意。〝一年之後,我發覺在我的畫裡缺乏一種東西 —— 力量。〞但在波布爾(巴黎人稱龐比杜藝術中心一帶為 Beaubourg ),他有了新的發現:〝康定斯基的一幅畫是我歷來最好的老師,這是一幅無標題的畫,方形、佈滿線條和色彩,我即刻在其中發現了一個巨大的力量。我也很喜歡夏加爾,他用畫筆寫詩。但我追求的,是一種更純粹的東西,它既無意義,亦無任何故事和敘述,它只是呈現於觀賞者眼前的一幅畫,一幅只表現自己的畫。我發現了德.康寧 (Willem De Kooning) ,他的畫和我的追求極相近。〞

黃仁逵對自己的追求鍥而不捨。色彩在他的作品裡佔首要地位,結構、形狀和節奏感亦藉此產生。鮮艷有力的色彩好比節奏強烈的音樂互相重疊、對立、呼應、排斥,處於永恆的運動中。這是不斷的創造和破壞。他的畫作生動而富活力,予觀賞者極大震撼。在他描繪的眾多形象裡,有時候我們彷彿見到一些熟悉的東西,如飛機、魚等,但它們已部份失去原來的形體、特徵和性質。畫家重新創造這些物體,把它們幻變成簡單〝物體 —— 色彩〞,在畫布上自由自在地把它們表現出來。

他說:〝長期以來,我試圖將熟悉的東西加以改造,令其變得不可辨認。但不久便發現,這種做法亦有其極限,皆因它阻止我表現可被認出來的形象。現在,我不再有形象禁忌,我所畫的既非「具象」亦非「抽象」。一根線條就是一根「具體」的線條。我總是用形象進行思考。若以字詞、語言思考繪畫,便將繪畫規限於語言。例如夜晚你下樓去買一碗熱呼呼的餛飩麵,你想到的不是「餛飩」這個字,你看到的是一只碗,騰騰熱氣,一個氣氛。在我的畫裡,氣氛佔主導地位。〞

他的繪畫方式是和畫布的無休止的對話。〝我總是在畫布裡尋找平衡。開始時,雪白的畫布是平衡、完美的。當你在畫布上畫上第一筆,平衡便被打破了。你畫上第二筆,遊戲便開始了。你破壞畫布原有的平衡試圖創造另一個平衡。畫畫,就好比走鋼絲,鋼絲是一條固定的線條,一經將腳踩上去,它便搖動起來,你必須感知掌握鋼絲的顫動,努力保持平衡,每次的過程都是不一樣。〞

〝世上最感人的線條是水平線,但水平線並不存在,它是一條可見但永遠不可及的線條。在一幅畫裡水平線可在不同處出現,它可以形成一個深度,但這深度亦不存在,是一種錯覺。總之,一幅畫的製作是無止境的,沒有一幅完峻的畫。比如,我曾經想修改一下一幅 1997 年作的畫,最後,幾乎是重新畫了一遍。我覺得我可以年復一年,永遠畫著同一幅畫。〞

1979 年,在法國諾曼底的一家文化中心舉辦了第一次個展後,黃仁逵回到了香港。偕同其他一些放洋歸來的藝術家如雕塑家 Antonio Mak 等人一起為八十年代初的香港帶來了新的藝術理念,對往後的香港藝術界帶來極大的影響。若言他的作品極個人化,並拒絕隸屬任何流派,但他並不脫離社會,置身事外,而是從事其他一些藝術活動,參與社會。他是電影編劇,同時是香港電影界極其搶手的佈景師和藝術指導之一。有時候他還和其他一些戲劇界朋友在舞台上工作。他是香港和中國的人權的熱烈捍衛者,和政治諷刺漫畫家尊子和馬龍過從甚密。多年來,他以其畫作、插圖,及發表在報上的政見早為港人所知。他亦是一名出色的藍調結他手,這是他生活的另一面。和朋友在一起,每個星期在酒吧的後廳以活地.亞倫的方式自娛娛人彈奏音樂。這可說是積習難移。早在七十年代的巴黎,每逢週末,他位於蒙巴拿斯西街由豬肉舖改成的畫室裡,成了該區音樂家聚會的場所,他們彈奏音樂,竟夜作樂。然而繪畫畢竟才是他的激情所在。他說:〝我可以無時無刻地作畫,當我沒有電影方面的工作,便每天都到畫室去,它好比是座廟宇。畫得順手時,我會全神貫注,好像中了毒癮,其他一切都不復存在。〞

〝我彳亍在外,我汲取,將這一切,連同我自己傾注在畫布上。沒有甚麼比我所做的更實在的了。〞他這樣說道。他的繪畫明快歡樂,輕盈得彷彿他鍾愛的音樂家 Erik Satie 的輕巧音樂。他的色彩豐富多采、強烈奔放,卻完全為其駕馭控制,這是罕見的。 1991 年他在香港大學博物館的玻璃天幕下舉行了一個規模頗大的個展,光線從天而降,灑在成圓形圍繞著閣樓的幅幅畫上,頓時把博物館變成被彩繪玻璃窗環繞的大教堂。馬蒂斯說〝色彩用來加強光線而非其他物象,唯一存在的光線,是藝術家頭腦裡的光線。〞黃仁逵就這樣繼續作畫,宛如一幅永未完成,週而復始的畫。他說:這好像生命,好像一棵不斷冒長的植物。〞當日一位年輕的女藝評人對他說他今年所作的畫和去年相比好像差不多,他俏皮地回答道:〝沒錯,這是繪畫,不是一年一度的新釀博若萊葡萄酒!〞