Littérature
Texte : Arnaud Catherine
Image(s) et écriture(s) : « Le pays imaginaire »
1. La première image, le premier roman…
Mon premier roman, Les yeux secs, paru chez Verticales en 1998, est né de plusieurs images qui tiennent à la fois de la représentation mentale et du rêve ; ce processus préfigurait presque tous les textes à venir, les textes du premier cycle tout du moins, étant entendu que je considère avoir achevé un premier « volet » en 2005 avec Sweet home.
Une « première » image (que je me suis représentée à l'écoute de récits) me vient de mon père. Ce dernier m'a « appris » ce qu'est vraiment le temps et la mort, à travers ce qu'il a pu me raconter de la guerre et de l'occupation. Il a en tout cas amorcé une conscience en moi, nos nombreuses conversations ayant rendu une certaine réalité à certains mots encore vides ; je veux croire que c'est par la formation d'images que cette incarnation s'est opérée.
J'ai donc gardé le souvenir d'une image extrêmement frappante : celle de mon père et de mon grand-père courant sous les bombardements dans un champ en Normandie. A l'époque, les habitants du village s'étaient réfugiés dans des grottes. Lorsque les allemands débarquaient, on cachait les hommes dans une cavité reculée pour qu'ils ne soient pas embarqués. Et donc, ce jour là, mon grand-père et mon père devaient rentrer de la ville. Ils ont été pris sous les bombardements (des avions américains, ironie de l'histoire). J'ai fixé à jamais cette image : mon grand-père et son père courant dans un champ avec la mort possible à chaque pas, leur course effrénée... Mon père était enfant lorsqu'il a vécu ça. Il me l'a raconté un jour et, immédiatement, me représentant la scène dans ma tête (comme une séquence cinématographique) je me suis dit : comment peut-on oublier qu'on a croisé la mort de si près à cet âge ? Ce souvenir est sans doute pour beaucoup dans le fait que j'ai écrit Les yeux secs, qui narre le trajet de deux adolescents dans un pays en proie à la guerre civile.
Seconde source : le livre est venu d'un cauchemar. Or qu'est-ce qu'un cauchemar sinon des substituts d'expériences nocturnes vécus à travers une somme d'images ? Ce matin-là, je me rappelle m'être réveillé passablement troublé par cette situation que j'avais chevillée dans le corps et ces images que j'avais vissées dans les yeux : une guerre civile ; ma sœur et moi, dans la maison de mon enfance, avec le cadavre de nos parents dans l'entrée ; ma sœur et moi obligés de faire les morts, calfeutrés contre les corps froids et puants, pour échapper à une milice menaçante… A la fin du rêve, nous nous faisions repérer et on nous exécutait. Réveil brutal. Alors que je travaillais sur un tout autre texte, j'ai décidé de transcrire ces images par écrit avec, consciemment, une démarche romanesque. Ces images ont constitué le premier chapitre du livre. Toute l'écriture du roman à venir fut guidée par le prolongement imaginaire de ces séquences cauchemardesques, et donc… par des images, comme si je continuais le film dans ma tête à ma table de travail…
2. « L'image-lieu »
Certaines images fondatrices ont, par la suite, continué de constituer un « moteur » dans l'amorce ou le développement de mes livres. On s'étonne souvent que mes romans soient situés en Espagne, aux Etats-Unis, et rarement en France (seul Sweet home se déroule en Normandie). Moi, cela m'a toujours paru normal. Je n'ai pas nécessairement visité tous ces lieux qui abritent mes histoires mais qu'importe : je connais. Les écrivains et cinéastes que j'admire m'en ont déjà dit beaucoup. Et puis, ce n'est pas si différent là-bas. Pourquoi est-ce que ça ne parlera pas de nous, d'ici ?
Carson McCullers dit que la lecture de Dostoïevski l'a bouleversée pour une raison très précise : « C'est une sorte de stupeur, car les étés suffocants et paresseux de Russie, les petits villages au fond de la steppe, les grands-pères endormis sur le poêle au milieu des enfants, les hivers blancs de Saint-Pétersbourg – tout cela m'est aussi familier que ma ville natale. » Je crois qu'il s'est passé exactement la même chose lorsque je l'ai lue. Frankie Adams , La Ballade du café triste … Je pourrais dire que son Colombus natal et les déclinaisons qu'elle a pu en offrir dans ses livres me sont étrangement familiers, me rappellent à mon enfance.
Alors voilà. Quand je commence un livre, je ne sais jamais quelle histoire je vais raconter, je ne sais jamais à quelle transposition je vais procéder. Je la découvre chemin faisant. Je tente d'être mon propre lecteur. Je me prends en défaut. Je me trahis. Et c'est ça la chair du livre – ce que l'on n'avait pas prévu, ce qui nous a échappé, ce qui est venu s'intercaler entre les lignes d'un plan que l'on construit pas à pas et qui n'est qu'un prétexte narratif. Tout ça, oui. Mais il serait bien ingrat de commencer un livre totalement à l'aveugle. Il faut bien que le désir s'accroche quelque part. Mon désir à moi s'accroche sur l'image du lieu. « L'image-lieu ».
Au départ, mon désir du livre tient toujours dans cette envie toute simple d'habiter un lieu lointain, réel peut-être mais fantasmé surtout. Donc de s'appuyer, encore et toujours, sur une représentation mentale, qu'elle prenne sa source dans l'expérience personnelle ou l'héritage culturel. Un petit village à la frontière espagnole, un motel paumé dans le désert texan. Des décors de carton-pâte que tout le monde a déjà vus la plupart du temps. Avec le péril du cliché. J'aime me retrouver comme un metteur en scène qui
découvrirait le plateau qu'il va peupler : il s'aperçoit que les décors mis à sa disposition ont déjà servi mille fois. Comment faire pour y réinjecter de la poésie, une perspective, comment faire oublier au public qu'il a déjà vu ce décor la saison précédente ? Et, en attendant, être comme un gosse : ailleurs. On a été un autre, mille autres, et ailleurs . Je dis comme un gosse parce que je me souviens bien, avant, dans ma chambre, l'été surtout ; je me mettais à la fenêtre, je respirais l'air. L'air de l'été m'a toujours rendu nostalgique. De quoi ? Quelque chose que je n'avais pas encore vécu sans doute. Ou ce quelque chose qui manque (et qui fait qu'on aime des gens et qu'on écrit). J'avais envie d'être ailleurs. Et je me suis mis à écrire dans cette chambre, du reste. C'est dans cette chambre que je suis parti , que j'ai commencé à m'inventer mon refuge à moi. Ce refuge tient dans un lieu imaginaire, un kaléidoscope d'images et de lieux distincts des « miens », auxquatre coins du monde et pas simplement en France, en tout cas il est dans l'espace de la fiction et il fait un tout, c'est rond aussi, ça n'existe pas, c'est juste sur la page, mais c'est ma mappemonde à moi.
Mais il faut quand même évoquer le paradoxe salutaire sans quoi cette mappemonde resterait un ailleurs non-habité : car on finit bien par se retrouver soi-même à un moment donné. On croit se quitter, de plein pied juché dans la fiction, et puis, on se croise au détour d'une rue. Tous les exilés qui sont partis loin de chez eux parce qu'ils « fuyaient » quelque chose d'eux ou de leur histoire l'ont vécu : passé le dépaysement premier, ils se retrouvent, pour le pire parfois. L'exotique ne survit pas à soi. Dans l'écriture, c'est plutôt bienvenu. En effet, ce pays imaginaire fait d'images « exilées » constitue donc bien au final une métaphore de soi qui atteste que nous « habitons » bel et bien le livre et qu'il a par conséquent une nécessité. Le livre qui s'expatrie en pays imaginaire est une métaphore pudique de mon propre pays. Ces images lointaines laissent apparaître en filigrane les miennes. C'est le détour qu'il m'aura fallu emprunter pour retrouver une trace de ma réalité. Ce pays imaginaire vers lequel j'avais cru fuir me reconduit au cœur de moi-même. Sans quoi : le livre me paraît bon à jeter.
3. L'écriture cinématographique : glissements de terrain…
Alors il est sans doute logique qu'à la faveur d'une proposition émanant du comédien Eric Caravaca et dont l'objet était d'adapter pour le cinéma mon roman La Route de Midland , j'aie désiré aller explorer cet autre sillon de l'écriture : le continent du scénario. Là, la langue n'est plus une fin en soi mais un simple moyen pour parvenir à l'image, non pas celle que la langue inspire au lecteur (où celle qui lui préexiste dans l'esprit de l'écrivain) mais l'image animée, l'incarnation du romanesque sur l'écran. J'ai donc écrit ce scénario avec Eric. Le film intitulé Le Passager est sorti sur les écrans en mars 2006. Ce fut une collaboration miraculeuse (enfin travailler à deux !). J'aime beaucoup le film. Et j'ai rempilé : avec Julie Gavras pour son film La Faute à fidel (sorti en novembre dernier) ; je planche à présent sur l'adaptation de mon roman Sweet Home avec un jeune réalisateur – Christophe Chiesa – et nous avons dans l'idée de le co-réaliser sur les lieux mêmes où se déroule l'histoire : Bénerville en Normandie. Images que je trimballe depuis 33 ans puisque « j'habite » ce décor depuis 33 ans.
Fort de ce glissement vers le cinéma, il était logique aussi (désir assouvi oblige !) qu'un autre glissement se fasse dans mon écriture littéraire. Avant d'avoir écrit le moindre scénario, je pense qu'il se « jouait » dans mon écriture quelque chose de cinématographique : j'entends en termes d'influences mais aussi dans le processus même de création : la transcription dans une forme littéraire d'images et de représentations mentales telles que je viens de l'évoquer. M'étant adonné « franchement » à l'écriture d'images dans le cadre des scénarios, mon désir littéraire s'est peu à peu déplacé… Sur deux points.
Tout d'abord : je sens bien que je fais maintenant la chasse à la « didascalie » dans mes textes. Prenons un élément de description typiquement « scénaristique » : un personnage qui se lève, qui va à la table prendre un verre et qui le boit. Dans un scénario, on l'écrit comme ça : il se lève, il s'approche de la table, se sert un verre et boit. Aujourd'hui, cette phrase me paraît d'une extrême fadeur. Ça me paraît a-littéraire. Parce que j'ai maintenant l'habitude des didascalies scénaristiques. Du coup, ça m'oblige à être dix fois plus exigeant sur toutes ces chevilles didascaliques qu'on peut également trouver dans un roman. Ça m'oblige à être sévère, à aller puiser dans toutes les ressources que met à ma disposition l'écriture : c'est l'exercice littéraire de la langue. Je ne me contente plus de ce qui, à la relecture, me semble être une didascalie de scénario.
Deuxièmement : un glissement de répertoire s'est opéré après l'expérience de l'écriture scénaristique. On en trouve, je pense, les premières traces dans un livre pour la jeunesse, publié à l'Ecole des loisirs : Nous ne grandirons pas ensemble . Un roman épistolaire, sans « séquence » ni narration « cinématographique ». Un travail sur le discours. Qui s'est poursuivi avec La disparition de Richard Taylor paru en janvier aux Editions Verticales. J'y ai engagé non plus un travail sur l'image (j'ai décidément mon compte côté cinéma) mais sur les voix. Les voix me tiennent à cœur, me passionnent depuis le premier jour mais j'ai eu le désir très fort d'aller plus loin dans la « composition » comme on le dirait de certains rôles pour les comédiens. D'où l'idée de faire parler une dizaine de femmes. Déployer les possibilités des voix et du discours. Il en ressort que ce livre (et cette nouvelle exploration puisque je n'entends le travail d'écriture que comme une somme d'explorations dans la langue et la fabulation) « cherche » à présent plutôt du côté du théâtre et non plus du cinéma. Sarah Kane, Bond, Crimp, Fosse sont là, qui m'entourent, que j'approche, tout comme j'approche le « plateau ». Je n'y suis pas encore. Il ne s'agit pour lors que d'une « influence » de la parole théâtrale contemporaine dans mon travail mais j'y viens, intrigué et attiré… J'en suis d'autant plus conscient que j'ai dirigé une vingtaine d'adolescents résidants à l'hôpital psychiatrique de Bron pour un spectacle que nous avait commandé l'opéra de Lyon en novembre 2006 ; de même, le chanteur Florent Marchet, qui m'a invité à « partager » l'écriture de certains textes sur son dernier album, m'a demandé de « concevoir » le spectacle de sa tournée et, notamment, la mise en scène et la création vidéo et lumière. Je sais donc à présent que le plateau et le théâtre m'appellent mais j'y viendrai en temps et en heure. Pour lors, je vais m'efforcer de donner vie aux images de Sweet Home , m'efforcer d'en faire un film…
Vers quelle exploration l'écriture littéraire se dirigera-t-elle par la suite ? Qui vivra, lira… Et verra, si images il y a…
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文學專欄
影像與寫作「想像之邦」
1. 第一幅影像,第一部小說……
《乾澀的眼睛》 (Les yeux secs) 是我的第一部小說,於 1998 年由縱向出版社 (Verticales) 出版。它源於既屬想像又屬夢幻的幾幅畫面。這預示我後來幾乎所有的作品,至少第一階段的作品旄 2005 年完成《甜蜜的家》 (Sweet Home) 可算是我的第一個“段落”終結旄都沿襲了這一進程。
小說中“第一幅”影像(是我在聽故事時想像的)出自我的父親。他給我講述戰爭和被佔時期的事情,他 “ 教 ” 我領會時間和死亡的真正含義。起碼他喚醒了我的某種意識,我們的多次談話也賦予一些空洞的字眼以某種實際意義;在我看來,具體的意義正是通過影像的生成才體現出來的。
因此我還記得一幅特別驚人的畫面:我父親和祖父在諾曼第的田地裡為躲避轟炸而奔跑。那個時候,村民都躲進了地洞。德國人進村時,為怕男人被抓走,人們把他們藏進深深的洞穴裡。有一天,我祖父和父親從城裡回村,遇到了空襲(很有諷刺意味的是,那是美國的飛機)。爺爺和爸爸每一步都可能有生命危險,他們在田野裡狂奔,腳步慌亂,這幅畫面永遠地印在我的腦海中……爸爸那時還是個孩子。他有一天給我講了這個經歷,我馬上就想像出當時的情景(像電影的一組連續鏡頭),心想:這般年紀就與死神擦身而過,怎能忘記呢?這份記憶在我後來寫作《乾澀的眼睛》時起了很大作用,小說敘述了一個陷入內戰的國家裡兩個少年的歷程。
創作源泉之二:本書來源於惡夢。而惡夢是什麼,不就是通過一堆影像體驗,代替了夜間的經歷嗎?我還記得那天早晨,我醒過來時深受震撼,身體不能自拔,眼前的畫面抹不去:時值內戰,姐姐和我在童年的家中,進門處躺著父母的屍體;姐姐和我不得不裝死,躲在冰冷和惡臭的屍體邊,逃避那些兇神惡煞的保安隊……夢到最後,我們被發現了,於是被處死。猛然驚醒。當時我正在寫另一篇作品,但我決定把這些畫面記錄下來,有意識要用在小說創作上。這些畫面便成了本書的第一章。小說隨後的整個寫作過程都是順著這些惡夢般的片斷,也即順著影像,延伸想像下去的……好比我坐在書桌面前,卻在繼續演腦中的電影……
2. “ 影像 — 地方 ”
有些初始的影像,還會像“引擎”一般,繼續在我的書中起到啟動和推進的作用。
人們常常覺得奇怪,我的小說往往以西班牙、美國為背景,絕少在法國(只有《甜蜜的家》的故事發生在諾曼第)。而我向來覺得這再自然不過了。我自己未必去過故事發生的所有地方,但那又有什麼關係:我知道是怎麼一回事的。我仰慕的作家和電影人已經告訴我許多。再說,那邊也不會有很大差別。那裡為什麼會和我們、和這裡沒有關係呢?
麥卡勒斯 (Carson McCullers) 曾說過陀斯妥耶夫斯基之所以深深打動她,是出於一個很明確的原因:“太讓人驚訝了,俄羅斯悶熱、懶洋洋的夏天,草原深處的小小村莊,被孩子簇擁著、爐邊睡著的老爺爺,聖彼德堡白色的冬天──這一切我是那麼熟悉,簡直就像我的故鄉。”我想,在讀她的作品的時候──《 Frankie Adams 》、 《傷心咖啡館之歌》……,我也有同樣的感覺。可以說,她的故鄉 Colombus ,那個地方在她筆下的種種變形,我都那麼熟悉,簡直是不可思議,讓我回想起自己的童年。
就這樣,我在落筆寫書時,並不知道要講述什麼故事,也不曉得會進行何種變幻轉化。我是邊寫邊發現的。我試圖當自己的讀者,挑自己的刺,讓自己露出馬腳。而那正是作品有血有肉的地方──就是在作為敘述藉口、逐步構造的計畫中,那沒有事先考慮好的、不經意露出來的、穿插出現在字裡行間的東西。是的,就是這些。不過,倘若開始寫一本書時完全漫無目的,那也會徒勞無功的。創作欲望總該有個附著點,而我的欲望就附著在地方的影像上。“影像旄地方”。
我寫書的欲望最初總表現在:希望自己能身處遠方,就這麼簡單。那可以是個實實在在的地方,但更是一個虛幻的所在。因而我會一而再、再而三地倚仗腦中的想像,無論它來自個人的體驗還是文化的傳承,像西班牙邊界上的小村莊,德克薩斯沙漠中孤零零的汽車旅館。那是大多數情況下,人人都見過的硬紙板佈景,帶有落入俗套的危險。我倒喜歡像導演一樣,去發現舞臺,靠自己充實的舞臺。他發覺給自己用的佈景其實已經用過千百回了,那如何在其中重新注入詩意、添加審視的角度,怎麼可以讓觀眾忘卻上一季度就已經見過的佈景呢?這當中,我又想像個孩子一樣:神遊別處。我們曾是他人,千百個他者,身在他處。我說要像個孩子,是因為特別記得從前在自己的房間裡,尤其是夏天的光景;我會傍在窗邊,呼吸著空氣。夏天的空氣總是令我感到惆悵。為什麼而惆悵呢?大概是為我還沒經歷過的事情,或是為那缺失的東西(是它讓我們喜歡某些人、喜愛寫作)。那時,我就會想要去到別的地方。於是也就在那個房間開始了寫作。我就是從那個房間出發,從那裡構想出自己的棲身之處的。棲身處定於一個想像之地,是個萬花筒,含有各式各樣不同於“我所有的”影像和地方。這個萬花筒遍處世界各地,不僅限於法國,反正它處在虛構的空間裡,構成一個整體,它也是圓的,並不實際存在,只存在於紙上,而它,就是我的地球儀。
在此還要講講一個能解救我們的悖論,否則這個地球儀只能是個無人居住的別處而已──那就是我們在一定時刻,終歸又會面對自己。我們曾以為離開了自身,完完全全置於想像的高處,卻突然在街拐角,又碰到了自己。那些為逃避自身或自己過去的某種東西而遠離家園的遷徙者,都有過這般體驗:新鮮感一過,他們面對的又是自己,有時還比原來更糟。異域的情調終歸不敵自身。對於寫作而言,這倒是件好事。由“遷徙”的影像構成的想像之邦,最終象徵著我們自己,證明我們的確“身處”書中,所以書的確有存在之必要。書籍遷徙到想像之邦,含蓄地比喻著本人的國度。那些遙遠的影像隱隱透露著屬於我的影像。那是我為找尋自己的真相不得不捨近求遠的迂回之路。我以為逃往了想像之邦,它卻把我帶回到自己的中心。但倘若不是如此, 我看那書就該一扔了之的了。
3. 電影寫作:逐步轉移……
話劇演員 Eric Caravaca 提出建議,要把我的小說《米德蘭之路》 (La route de Midland) 改編為電影,我當時很自然就想要探尋寫作的另一軌道:電影劇本的地盤。在那裡,語言不再是終極目的,而不過是達到影像的手段; 而影像也不再是通過語言激發讀者而形成(或事先存在于作者的腦中的),而是活生生的影像,是小說現身於銀幕之上。我於是與 Eric 一道寫了劇本。影片題為《過客》 (Le passager) , 2006 年三月上映。我們的合作實在太妙了(終於可以連袂創作!)。我很喜歡這部影片,於是再接再厲,為 Julie Gavras 的影片《斐德爾之錯》 (La faute à fidel) (去年 11 月上映),與她一起合作。現在我又和一位年輕導演 Christophe Chiesa 一道,探討把我的小說《甜蜜的家》搬上銀幕。我們打算在故事發生的地方,即諾曼第的貝納維爾 (Bénerville) ,共同執導該片。那是我隨身帶了 33 年的影像,因為我“身處”這幕場景已有 33 載。
繼涉足電影之後,我的文學創作中出現另一轉移,也就再自然不過了(那也是因欲望得到滿足而造成的!)。我在想,在進行任何劇本創作之前,自己在寫作中曾採用電影化的“手法”:我指的是受到電影的影響,同時也反映在創作過程本身。如前所述,我會設法把各種影像和腦中想像轉寫成文學作品。 後來既然寫電影劇本,“索性”徹底描寫畫面,我的寫作欲望就慢慢有了轉移……表現在以下兩點:
首先我意識到現在自己在文本中會著意擯棄“導演用語”。舉個典型的“劇本式”的描述片斷:有個人物起身走到桌旁,拿起杯子喝水。在電影劇本裡,就會這樣寫:他起身,走近桌旁,拿起杯子,喝水。如今看來,我覺得這句話特別淡而無味,顯得一點文學氣息也沒有。因為我已經習慣了劇本中的導演用語。所以,這促使我對於小說中也存在的多餘的表演指示語加倍挑剔,促使我更加嚴格,更深入地挖掘寫作提供給我的所有可能性,即進行語言的文學操練。重讀自己的文字時,我已不再滿足於那些看來僅屬劇本式描述性的詞句。
第二,繼劇本創作後,作品類別的轉移。我想最初可從我的一本少兒讀物中找到蹤跡,娛樂學校出版社 (Ecole des loisirs) 出版,書名《我們不會一起長大》 (Nous ne grandirons pas ensemble) 。那是部書信體小說,沒有“連續鏡頭”,也沒有“電影式”的敘述,而是對話語的探求。後來,在縱向出版社出版的《 Richard Taylor 失蹤了》 (La disparition de Richard Taylor) 這部書中,我又繼續努力,這次刻意推敲的不是影像(因為電影已給我充足的機會),而是聲音。從第一天開始我就很看重聲音,聲音讓我著迷,但在人們所謂的演員角色設計方面,我特別想更加深入一些,所以書中有十幾個女人的聲音。我盡量發揮聲音與話語的種種潛能,由此這部作品(以及這一新的探索──因為我視寫作為語言和虛構探索之總和),現在更“貼近”話劇而不是電影了。薩拉.凱恩 (Sarah Kane) 、邦德 (Bond) 、 克裡姆 (Crimp) 、福斯 (Fosse) ,他們人都在,環繞著我,我要去走近他們,就好比走近“舞臺”一樣。目前我尚沒有成功,還只限於當代戲劇的話語對我的寫作產生“一種影響”而已,但我還會走向戲劇,滿心好奇,意興盎然……我越發意識到這一點,因為里昂歌劇院於 2006 年 11 月向我們訂了一台演出,我執導了該演出,演員是 Bron 精神病院的二十幾個住院少年;同樣,歌手 Florent Marchet ,以前曾邀我與他“共寫”最新歌集裡的某些歌詞,後又請我為他的巡迴演出進行“設計”,特別是在佈景及錄影和燈光方面。我知道舞臺、戲劇在向我招手,我也會在適當的時候投身其中。而此時此刻,我會先致力於給《甜蜜的家》中的影像賦予生命力,把小說搬上銀幕……
以後,文學創作的探索將邁向何方呢?日後,多讀書,便能見分曉,倘若有影像的話……
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