Littérature
Texte (Chinois) : Sonia Au Ka-lai

La littérature hongkongaise « piratée »

Hong Kong a –t-elle une littérature ?
Quand je parle de Hong Kong avec des amis français, leurs yeux s'illuminent : « des gratte-ciel de tous côtés, des chaînes de montagnes entourées d'eau, de l'efficacité, de la rapidité, du commerce, du surréalisme. » Toutes ces paroles élogieuses proférées dans un français chantant. Toutefois quand je parle de mes recherches sur la littérature de Hong Kong, leurs yeux s'arrondissent, leur bouche également, soudainement muette. D'autres amis étrangers m'ont déjà posé la même question : « Hong Kong a-t-elle une littérature ? Sur ce, ce sont mes propres yeux qui s'arrondissent plus grands que les leurs.

En fait, dans les années soixante-dix du siècle dernier, des intellectuels et des chercheurs se sont déjà penchés publiquement sur la littérature de Hong Kong ; en 1979, la revue littéraire et artistique Bafang (« Huit directions ») a publié les premières discussions sur le thème « Hong Kong a-t-elle une littérature ? ». Dans cette discussion, Hu Juren, rédacteur en chef du mensuel Mingpao de 1967 à 1979, déclarait : « Dire que Hong Kong n'a pas de littérature est comme mettre au monde un enfant et ne pas le reconnaître comme son propre fils ; comment les autres pourraient-ils alors affirmer que c'est votre fils ? » Hu Juren dans le même temps dénonce le fait que la société hongkongaise de cette époque traite la littérature locale comme un bébé abandonné. Après 20 à 30 années de discussions, le débat sur « Hong Kong,  désert culturel », s'est étendu à la Chine continentale et aux grands centres de l'Asie. Aujourd'hui Hong Kong dispose cependant d'essais et d'archives sur son histoire littéraire mises en ordre par des chercheurs locaux, auxquels s'ajoutent quelques ouvrages sur cette histoire écrits par des chercheurs de la Chine continentale. Ces lieux communs de « Hong Kong n'a pas de littérature » ou de « désert culturel » n'ont donc plus lieu d'être.


• Kong Kee, Le prochain territoire d'après Un autre pays de Hon Lai-chu

« Hijacking » ou la littérature détournée
Quelle est la nature de la littérature de Hong Kong née et grandie dans la colonie britannique ? Quelle littérature et quel art se sont-ils développés à Hong Kong après la rétrocession de Hong Kong à La Chine ? Il ne fait aucun doute que Hong Kong étant situé à la charnière de l'Orient et de l'Occident, les influences des littératures orientales et occidentales sont une particularité de sa littérature qui  montre envers ces influences une grande tolérance. Coexistent aujourd'hui une littérature « sérieuse » et une littérature populaire. Par ailleurs il existe aussi un échange entre les œuvres littéraires et les autres médias artistiques. Les deux volumes récemment publiés de bandes dessinées « Hijacking », sur la littérature de Hong Kong sont une preuve de ce dialogue exceptionnel entre la littérature et la culture populaire. « Hijacking », qui était au programme du séminaire « The Identity, Issues and Development of Hong Kong Literature » (Institute of Humanities and Social Sciences de Lingnan University) en décembre 2007, provient d'une colonne intitulée « Bande dessinée du Dimanche » faite par deux jeunes bédéistes, Chihoi et HongKee, dans le quotidien Mingpao en 2005-2006, dans laquelle ils utilisaient la bande dessinée pour transmettre les œuvres de la littérature hongkongaise contemporaine, colonne poursuivie ensuite dans la même veine dans la revue littéraire Zihua (mots-fleurs). Ils en ont fait un livre publié à la  fin de l'année 2007 par Joint Publishing Hong Kong.
Si l'on compare les bandes dessinées avec les « victimes » de cette prise en otage, les œuvres de douze écrivains, Cai Yanpei, Liu Yichang, Yesi, Xi Xi, Kun Nan, Ng Hui-bin, Yam Kong , Wai Yuen, Wong Bik-wan, Lo Kwai-cheung, Dong Kai-cheng et Hon Lai-chu, on découvre sans difficultés qu'il s'agit comme le montre le titre du livre d'un emprunt forcé et effronté  à la littérature. « Hijacking » est en fait une réflexion personnelle dans lequel les dessinateurs, après avoir lu les œuvres des écrivains, font appel à la compréhension qu'ils en ont, à leur imaginaire et à leurs moyens d'expérimentation pour créer leurs bandes dessinées.
Chihoi avec son dessin détaillé et sa maîtrise des lignes au crayon noir, met toute son expérience du dessin et de la couleur  à saisir l'esprit de l'œuvre originale.
Kongkee s'intéresse plutôt à construire son propre imaginaire. Son point fort est d'infléchir les œuvres littéraires ou de s'en servir de tremplin vers le Hong Kong des jeunes générations, leur vie et leurs émotions pour lesquelles il a un intérêt particulier. Comparé aux œuvres chargées de poésie de Chihoi, celles de Kongkee sont plus proches de la vie urbaine contemporaine.

Un esprit d'ouverture unique
« Hicjacking » comporte une introduction de Chan Chi-tak, chercheur sur la littérature de Hong Kong, dans laquelle il décrit les liens entre la littérature chinoise et la bande dessinée, conte les contenus des œuvres originales et critique les relations entre la BD des deux dessinateurs et ces œuvres littéraires. Par ailleurs l'ouvrage inclut aussi, à côté de chaque BD, une brève présentation de l'auteur ; c'est donc une façon de promouvoir la littérature hongkongaise. Cependant, la raison qui préside au choix des œuvres n'est pas évidente. (Le choix des douze auteurs est-il motivé par la préférence des dessinateurs, l'importance des œuvres, ou par des raisons commerciales ?).

De plus, les bandes dessinées et le texte original ne semblent pas toujours avoir de lien direct. Cette promotion de la littérature hongkongaise n'est donc que superficielle. Ce qui impressionne dans « Hijacking » n'est pas tant la promotion de la littérature, ni le pouvoir de narration de Chihoi et de Kongkee  qui ne surpassent pas l'œuvre littéraire, mais le fait qu'ils utilisent la bande dessinée, ce genre de culture populaire, pour réaliser une série de réflexions, d'expérimentations, de créations à partir d'œuvres littéraires, et qu'ils découvrent et approfondissent l'un après l'autre les problèmes posés par la création littéraire et artistique dans de petites postfaces placées après chaque BD.

Cette sorte de travaux est peut-être comme disait l'écrivain Yesi, un « carnaval » dans lequel les bédéistes apportent les œuvres littéraires « à de nouveaux amis qui ne les ont jamais vues », ou selon le poète Yip Fai : « La littérature ‘piratée' par la bande dessinée est la succession des reflets de deux miroirs, deux idées créatrices qui s'enrichissent. » Pour le chroniqueur Ma Ka-fai : « La littérature vit dans la bande dessinée, elle a un nouvel espace pour exister et procure ainsi un nouvel intérêt de lecture, une rare occasion pour ‘croître de nouveau'. » En tout état de cause on peut voir, dans le soutien apporté à cette œuvre par les écrivains et dans le souci porté à la littérature par les jeunes dessinateurs, cette particularité de tolérance et d'ouverture de la littérature de Hong Kong et son esprit unique.

 



文學專欄

被「騎劫」的香港文學

香港有沒有文學
跟法國朋友談香港,他們總會笑得眼睛發亮,什麼「處處高樓大廈、群山好水、方便快捷、商業化、超現實」等一連串讚美之詞,總是被他們的法語唱出韻味來。可是當我說要研究香港文學,他們眼睛圓了,嘴巴也圓了,沉默的。也曾經有其他外國朋友問我:「香港有文學嗎?」 於是,我眼睛睜得比他們的更圓,更大。

其實在上世紀 70 年代,本地一些文化人和學者已經公開關心香港文學了, 1979 年在《八方》文藝叢刊創刊號刊登的〈香港有沒有文學〉筆談會,是最早期的談論紀錄。當中, 1967 至 1979 年期間擔任《明報月刊》總編輯的胡菊人說:「說香港沒有文學,那好比是,你生了個兒子,你自己不承認他是你兒子,別人又怎麼會硬說你有兒子呢。」胡菊人同時指出當時香港社會視本地文學為棄兒的現象。經歷這二三十年來的討論,香港是「文化沙漠」 的爭論廣及中國大陸和亞洲各地,今天香港已有由本地學者研究出版的香港文學資料及論文整理,加上數本由大陸學者書寫的香港文學史,「香港沒有文學」和「文化沙漠」 這種說法,是沒有理由存在了。

「騎劫」香港文學
在殖民地生長的香港文學,是一種怎樣的文學?脫離了英國統治以後,香港又發展出怎樣的文藝呢?毫無疑問,處於中西匯合點的香港,中西方文學對本土文學的影響,是香港文學特色之一。目下香港文學的包容性尤其廣大,嚴肅文學和流行文學並存,文學作品亦與不同媒介交流。剛出版的《大騎劫》漫畫香港文學上下冊,便是文學與流行文化的一種另類對話見證。曾在去年 12 月底舉行的「香港文學的定位、論題及發展」研討會 ( 由嶺南大學人文學科研究中心舉辦 ) 成為其中話題的《大騎劫》,原是兩位本地年輕漫畫家智海和江康泉刊在《明報》的「星期日漫畫」專欄。他們於 2005 至 2006 年期間,以再創作手法和漫話形式轉化當代香港文學作品。其後二人改在文學雜誌《字花》繼續同類型創作。最近他們把這些作品選輯成書,由香港三聯書店於去年底出版。如果把《大騎劫》中被「騎劫」對象   ( 蔡炎培、劉以鬯、也斯、西西、崑南、吳煦斌、飲江、淮遠、黃碧雲、羅貴祥、董啟章及韓麗珠等十二位作家作品 ) 與書內圖像對比,我們不難發現漫畫內容「強行借用」文學作品的意味如同書名一樣明目張膽。實際上,《大騎劫》是一種個人思考,漫畫作者閱讀以上作家作品,通過理解、想象和實驗手法創作漫畫 ── 擅以黑白線條和細緻繪工表達的智海,明顯地以漫畫繪畫技巧和圖像色彩回應所能體會的原著創作構思和精神;江康泉更重視的,是建構他個人的想象,創作重點在於借文學作品引伸並跳躍至他特別關注的香港年輕一代的生活和情感,對比智海有詩意的作品,江的漫畫具當代都市生活味。

獨特的開放胸襟
《大騎劫》的「導言」由研究香港文學的陳智德撰寫,他書寫中國文學與漫畫的關係,簡述被「騎劫」的原著內容,又評介兩位漫畫家作品與原著的牽連,每篇漫畫故事內還附有作家資料簡介,這樣的作品,可以說是一種文學作品推介;但由於書內文學作品選畫的方向不清晰 ( 選刊這 12 位作家作品的漫畫再創作的原因,是漫畫家的愛好、作品地位的選擇,還是商業考慮呢? ) ,加上漫畫與原文似是不常有直接關係的表象看來,嚴格來說,這樣的「漫畫香港文學」是一種「輕」的文學推介姿態。其實《大騎劫》的精彩處,正好不是這種推介文學功能,也不是智海和江康泉還未能夠超越原著的漫畫敘事力,而是他們以漫畫這種流行文化在嚴肅文學作品上所實現的一連串實驗和再創作的思考過程,以及每篇後記裡他們一個又一個對文學及藝術創作問題的發現和挖掘。這樣的作品,或許如作家也斯所說,是一個「嘉年華」 ,由漫畫家帶領文學作品「與從未見過面的新朋友說起話來罷」;或許也如詩人葉輝說的「漫畫 ‘ 騎劫 ' 文學,就是兩面鏡子的連環折射,兩種創意的互相開顯」;又或許是專欄作家馬家輝認為的「文學活在漫畫裡,有了新的依存空間,也有了新的閱讀趣味,這等於,有了 ‘ 再發育 ' 的難得機會」。無論如何,透過這些香港作家對漫話與文學作品對話的支持,以及年輕漫畫家對文學的關心,我們看到香港文學的一種包容和開放的特點,一種獨特的胸襟。