Photographie
Texte : Philippe Piguet

Andrej Pirrwitz, de petits instants d'éternité

Des espaces abandonnés dans lesquels errent des figures improbables, tantôt transparentes, tantôt diaphanes, tantôt effacées. Qui s'en vont et viennent, parfois en se croisant. Qui sont là sans y être mais dont les silhouettes marquent la nudité brute de l'espace d'une trace le plus souvent colorée. A première vue, les photographies d'Andrej Pirrwitz s'offrent à voir comme l'expression visuelle du fait de révélation. Une façon quasi tautologique d'exercer son art. D'autant que le photographe multiplie à l'envoi les jeux de lumière : perspectives fuyantes qui s'abîment dans la profondeur du champ, angles acérés d'un rai qui pointe de l'imperceptible d'une ouverture, trous noirs que contredit l'éclat d'une fulgurance ou, au contraire, embus qui accaparent la surface jusqu'au bord d'un aveuglement.

A propos de ses photographies, Andrej Pirrwitz parle de « tableaux ». Il est vrai que non seulement elles présentent nombre de qualités picturales mais elles témoignent d'un sens aigu de la mise en scène et réfèrent alors à ce mot comme il est employé au théâtre, au moment même où le rideau se lève et où le regard à neuf découvre la situation que celui-ci dévoile. A moins de les appréhender comme des arrêts sur images d'une petite bande film quand on les fait défiler à l'unité sur un écran pour mieux en scruter le détail. Dans l'un comme dans l'autre cas, simple question de flash dans la fulgurance d'un instant. D'un instant, de petits « d'éternité qui passe », comme le dirait Jean Giono.

Il y va en effet de cette qualité-là chez Pirrwitz et ses images ne sont autres que l'enregistrement d'une temporalité suspendue, fixée sur la pellicule dans le continuum d'une seule et unique prise de vue. Une prise de vue qui prend son temps et qui permet à l'artiste d'y opérer tous les changements de situation souhaités. Ainsi il fait se déplacer les figures dans l'espace de sorte à ce qu'elles s'y dédoublent, l'image finale cumulant des temps différés selon un principe épiphanique qui lui confère son mystère. Telle procédure de travail souligne la dimension mémorable d'une démarche que renforce par la suite le passage du tirage argentique original au numérique. Une façon de mettre à distance le sujet photographié et l'objet photographique comme pour mieux acter la nature ontologique de la photographie dans ses rapports à la question de sa reproductibilité telle que l'a explicitée Walter Benjamin. Question d'aura, d'authenticité et de présence.

Les lieux dans lesquels Andrej Pirrwitz travaille sont exclusivement des espaces clos. S'ils sont le plus souvent industriels, leur choix ne dépend toutefois d'aucune considération documentaire et l'artiste ne les retient qu'en fonction de leurs qualités plastiques propres, tant de lumières que de couleur. Il ne les arrange pas mais compose directement avec l'existant, les cadrant avec une rigueur toute géométrique que vient perturber l'appartition/disparition de ses figures, sinon de ces objets de nature morte qu'il introduit dans le champ de l'image pour en accentuer ponctuellement l'ordonnancement. L'art d'Andrej Pirrwitz est recquis par l'innomonable tant il est vrai que les scènes constituées n'appartiennent à aucune narration particulière, qu'elles sont autonomes et sans autre relation entre elles que leur analogie sérielle. Tant il est vrai aussi que ses figures – à l'exception de quelques-unes dont celles de la série des nus – ne sont pas reconnaissables. Pour le regardeur, du moins, car elles lui sont toutes familières et la façon dont il s'applique à en capter la silhouette lui permet de ne pas en perdre complètement l'identité. C'est dire si elles sont chargées d'affect et c'est pourquoi, paradoxalement, elles nous paraissent incarnées.

Quelque chose de troublant est à l'œuvre dans les photographies d'Andrej Pirrwitz qui procède de leur nature hybride, du mélange – sinon de la superposition - des ordres matériel et temporel dont elles sont faites. Quelque chose qui aurait à voir avec le concept de palimpseste et qui appartiendrait à un monde autre, évanescent, rêvé, éphémère. Un monde en fuite – le mot revient dans le titre de certaines des séries du photographe – que ce dernier tente de retenir, de fixer dans l'infra mince de la matière photographique. Non sur le mode d'une quelconque nostalgie mais bien plutôt sur celui d'une expérimentation plastique prospective visant à faire image commune du temps, de l'espace et de l'inscription en leur sein de la figure humaine. Comme l'image d'une vanité contemporaine.



攝影

安德里.彼赫威茲:永恆的瞬間



被遺棄的空間,其間遊蕩著似幻似真的形象,時而透明,時而朦朧、時而模糊不清。它們來去穿梭,有時擦肩而過。它們在那裡又不在那裡,但清晰的輪廓經常以一道鮮明的色彩描出赤裸的空間。乍眼望去,安德里.彼赫威茲的攝影似乎提供我們啟示的視覺表現。他以不斷重複的手法進行藝術創作。攝影大師投出萬千變化多端的光線:逐漸消逝的遠景湮沒在畫面深處,棱角鋒利的光線由難於察覺的出口射出,黑糊糊的洞口,與閃爍耀眼的光線相對立,或相反,黯淡的色調佔據整個畫面,擴展開來,形成黑壓壓的一片。

安德里.彼赫威茲常把他的攝影比作繪畫。其實他的攝影作品不僅有許多繪畫特點,且鮮明地表達了〝演出〞一詞的含義,表現這詞在劇院裡當幕徐徐升起、觀眾的目光重又投向舞台,發現剛才還被幕布遮擋的事物時那瞬間的涵義。在觀賞一部電影時,我們常將畫面暫停下來,以便詳究其細節,同樣,欲瞭解安德里的攝影作品,此法亦實用。無論在電影或者攝影裡,這都是令人目眩的閃光的一刻。正如約翰.吉奧諾 (Jean Giono) 所言,一瞬間,〝已逝永恆〞短暫的一刻。

安德里.彼赫威茲的攝影作品裡的確有這種特點,他的影像只是暫停的時間紀錄,是唯一、特殊的鏡頭被連續定格在膠片上。他從容取景拍攝,游刃有餘,隨心所欲,安排佈置。因此,他攝製的影像在空間裡蹀躞,一分為二,最後合併了延緩的時間,以耶穌顯靈的方式賦影像以神秘感。這樣一種工作程序凸顯了令人難忘的創作步驟,更因攝影由黑房沖印到數碼相機的發展歷程,令人深深難忘。藝術家將攝影對象與攝影器材分開來,彷彿要在攝影及其可複製性的關係中,正如沃爾特.本杰明 (Walter Benjamin) 闡明的那樣,更好地將攝影的本體論性質記錄在案。這是氣氛、真實及存在的問題。

安德里.彼赫威茲攝影的場所常是封閉的空間。若說背景往往是工業區,這完全非出自選材的考慮,而只是根據它們本身造型的特點,無論是光影或色彩來選擇。他沒有對它們作任何安排,只是直接將現有的東西與其組合,以嚴格的幾何原則將它們攝入鏡頭,再加入時隱時現的一些人體或靜物,以突顯出一絲不苟的構圖佈局。

安德里.彼赫威茲的攝影藝術是無以名狀的。確實,他作品中的構圖場景不屬任何表現手法。它們是獨立的,當中只有系列類似的關係。他攝製的人體 —— 除裸體系列等一些作品外 —— 均無從辨認。但至少善於觀察者,由以熟悉這些形象,以及努力解讀這些形象的方法,便不至於完全辨認不出。這些形象雖極富情感,也因此反而十分真實。

安德里.彼赫威茲的攝影作品中有某種令人不安的東西,這來自其作品的混雜性質,以及構成作品的物質和時間的混合。他的作品有某種隱跡紙本的性質,屬於另一個世界,一個逐漸消失、夢幻、轉瞬即逝的世界。一個逃遁的世界 —— 他的一些系列作品都以此為標題 —— 藝術家試圖攫住這個世界,將它定格在膠片上。在這裡,他並非抒發懷舊之情,而是對造型的探討展望,欲將時、空、文字於人物形象的懷抱中融為一體。仿似現世虛幻的圖畫。