Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron

Orient rencontre Occident (4) :
tension et hybridation II

Né la même année, et tout aussi influent que Wucius Wong, Cheung Yee 張義 (né en 1936) a probablement été, et certainement parce qu'il travaillait, vivait et enseignait déjà à Hong Kong dans les années 1960, le premier sculpteur chinois à véritablement penser à ce que veut dire créer dans un monde d'échanges croissants. En fait, être un artiste de Hong Kong est une lame à double tranchant, puisqu'il semble que ce soit une sorte de péché, peut-être à cause de la réputation d'obsession pour l'argent que les habitants de Hong Kong ont encore de nos jours, une réputation développée dans les années 1970 et 1980 à l'époque où l'économie du territoire commençait à se développer. A cause de cette situation injustifiée et fort inconfortable pour les artistes de Hong Kong, et en particulier ceux de sa génération, sa réputation internationale n'est certainement pas aussi importante qu'elle aurait dû l'être, et, dans le domaine de la sculpture, des artistes tels que le taïwanais Ju Ming 朱銘 (né en 1938) et l'artiste de Chine populaire Wang Keping 王克平 (né en 1949), qui fut d'ailleurs membre des « Etoiles » (Xingxing 星星 ), sont beaucoup plus célèbres en raison de leur situation, c'est-à-dire qu'ils proviennent de périodes et d'endroits qui ont occupé une place plus visible dans l'histoire moderne troublée de la région asiatique. 

Ju Ming eut à Taiwan beaucoup plus d'occasions de devenir la célébrité qu'il est aujourd'hui et Wang Keping, à cause de sa participation au premier des groupes d'artistes de ce qu'on a appelé la première avant-garde du continent dans les années 1980, eut toutes les occasions de devenir un plasticien connu. Cheung Yee, en tant qu'artiste de Hong Kong, n'a pas bénéficié de la même attention internationale. De la même façon, son identité hongkongaise fit du discours habituel sur « le mélange de l'Orient et de l'Occident dans son œuvre » qui accompagne la plupart des publications sur Cheung Yee, une inséparable partie de la recherche universitaire sur sa sculpture. Ceci créa un autre stigmate plus récent qui força beaucoup d'historiens et de critiques d'art à se détourner de ce qui avait été vu jusqu'alors comme une caractéristique sans importance à un moment où tout le monde cherchait « une essence chinoise » dans les productions des artistes chinois, les nouvelles stars du marché de l'art « international ».

Né à Guangzhou, Cheung Yee fut éduqué à Hong Kong, étudia les arts plastiques à la Taiwan Normal University en se spécialisant dans la peinture chinoise et la gravure de sceaux ; plus tard, il devint un des membres fondateurs du « Circle Group »  (zhongyuan huahui 中元畫會 ) avec un grand nombre des artistes de Hong Kong les plus connus de leur génération, comme Hon Chi-fun et Gaylord Chan. Cette formation de base en peinture chinoise et en calligraphie a  toujours été une des fondations de l'enseignement proposé au département d'art plastique de l'université chinoise de Hong Kong où il a été une influence majeure dans la façon dont l'art y est enseigné au niveau universitaire. Certains de ses étudiants, comme Ho Siu-kee 何兆基 (né en 1968), qui a été son assistant pour quelque temps, et Chan Yuk-keung 陳育強 (né en 1959), reconnaissent l'énorme influence qu'il a eue sur leur désir de devenir des plasticiens. Chan Yuk keung a d'ailleurs, avec le designer et artiste Freeman Lau 劉小康 (né en 1958), récemment organisé une conférence sur Cheung Yee et il travaille aussi à la publication d'un livre sur son ancien maître. Les sculptures en métal et en bois de Cheung Yee peuvent être trouvées dans de nombreux endroits à Hong Kong, la plupart d'entres elles dans des lieux publics ou des lieux de culture comme l'entrée du Centre Culturel ou le Heritage Museum, et ils montrent aussi d'intéressantes façons de rapprocher des formes empruntées à de nombreuses traditions culturelles.

A mon sens, la plus réussie de ces tentatives sont ses compressions de papier car elles explorent d'une façon remarquable l'impact visuel de beaucoup d'objets que les Chinois considèrent comme étant à la racine de la création des caractères, et donc de leur culture littéraire et linguistique, c'est-à-dire les carapaces de tortues et les inscriptions oraculaires (jiaguwen 甲骨文 - ces inscriptions étaient obtenues en appliquant des pointes de métal chauffées sur la surface de carapaces de tortues ou d'omoplates de bœufs, puis d'interpréter en les inscrivant avec de l'encre les craquelures qui étaient ainsi créées). Au début des années 1970, il commença à travailler sur une technique de moulage de papier avec laquelle il créa de merveilleux hauts reliefs inspirés de ces carapaces de tortue et des techniques d'inscriptions utilisées sur elles. Sur le même principe, il grava aussi des moules rectangulaires qui pouvaient être arrangés pour former ensemble de vastes compositions, exactement comme les caractères mobiles utilisés en imprimerie pour former des pages de livres. La relation entre ses compositions et la typographie et la calligraphie place les œuvres de Cheung Yee clairement dans les recherches faites par les plasticiens et les écrivains qui ont exploré la relation texte et image avec attention.

Depuis les artistes de l'école de Lingnan et son ambitieux projet qui consistait à nourrir d' idées étrangères une tradition qu'ils redoutaient de voir disparaître jusqu'à la tension créée dans les œuvres d'artistes plus récents comme Wucius Wong et Cheung Yee, il y a bien des façons d'entretenir un rapport entre les deux notions « d'Occident » et « d'Orient » dans les arts de la Rivière des Perles et à Hong Kong en particulier. Non seulement le sens des deux termes est très instable dans le discours critique sur la peinture du monde chinois, mais la relation établie entre les deux est aussi extrêmement précaire. Que l'on voie ces tentatives d'hybridation comme réussie ou non n'est pas vraiment source de débat, en fait, que l'on aime une œuvre d'art ou pas se ramène toujours à des questions de goût personnel, quelque chose qui n'a pas de raison d'entrer dans des considérations épistémologiques sur les possibilités d'échange. Il y a donc un besoin urgent d'autres concepts pour mettre en perspective les développements des arts faits en Chine de nos jours, des concepts qui ne résoudraient pas tout à des problèmes de division, des problèmes auxquels on ne pourrait répondre que par « ceci est à nous, le reste est à eux » ou, encore pire « ceci n'est pas à nous, donc c'est à eux ».

Dans un monde où les relations entre les gens et les mondes sont de plus en plus étroites, tout concept comme « Orient » et « Occident » nous met en danger de ne plus reconnaître chez l'autre ce qui se trouve aussi chez nous et vice versa. J'ai récemment pu dire que cette notion « d'hybride » ou « hybridation » me semble encore acceptable, car un hybride n'est pas une simple juxtaposition d'éléments empruntés mais bien une créature, un objet totalement nouveau. Malheureusement, le terme « hybride » a trop souvent été employé dans le sens restrictif du vieux cliché habituel : « Orient rencontre Occident ». Il est donc peut-être temps de trouver un autre terme, un autre concept pour donner un sens renouvelé à ces œuvres d'art de toutes sortes produites dans un monde d'échanges croissants. « Entre deux », « troisième espace » sont certainement de meilleurs candidats, mais aussi longtemps qu'ils ne feront partie que du discours universitaire, ils n'ont aucune chance de remplacer de si tôt notre vieux poncif.



藝術與歷史

中西交匯(四):張力與混雜之二


• Wang Keping 王克平, Chaîne, 1979, bois, 53 x 35 x 13,5 cm.
Collection particulière.


張義與王無邪同年出生(1936 年)並一樣具影響力,但由於他早於上世紀六十年代即於香港工作、生活、授課,因此大概無疑是第一個對在這個交流日愈頻繁的世界何謂藝術創造這個問題進行認真思考的第一位中國雕塑家。的確,作為香港的一名藝術家,仿似一柄雙刃劍,藝術創作似乎成了一種罪惡,這全拜瀰漫於香港社會的拜金主義所賜。這點,在七、八十年代香港經濟開始起飛時更形突出。由於香港藝術家,尤其是他那一代的藝術家所處的這種毫無根據及尷尬的處境,他的國際聲譽也就得不到應有的彰顯。在雕塑領域裡,相對於台灣和中國大陸的藝術家,如朱銘(生於 1938 年)及王克平 ( 生於 1949 年),後者為星星畫會的成員,由於他們所處的環境,即他們生活過的時代和地域在混亂的亞洲現代藝術史裡佔有更顯著的地位,因此聲譽遠超過張義。


• Zhu Ming 朱銘, Taichi, 1980 bois, 170 cm. Musée des Beaux Arts de Taibei

朱銘在台灣比現時更易成名,而王克平,則由於他參加了八十年代被稱為中國大陸最早的前衛畫派組織, 而應運成名。而作為香港藝術家的張義,卻沒有引起國際上的同樣關注。同樣,由於他的香港身份,在探討他的作品時,均以〝融會中西藝術〞評論之。這觀點,出現在大多數對他作品 的論述裡,成了探討其雕塑的不可或缺的部份。這點亦形成一種新的刺激,促使許多藝術史家和藝評家在人人競相在〝國際〞藝術市場的新星 —— 中國藝術家的作品裡尋找〝中國性〞的時候,改變了原先認為這些無足輕重的特點的看法。

張義生於廣州,在香港受教育,於台灣師範大學研習造型藝術,專攻中國繪畫和篆刻。後來他成了中元畫會的創辦人之一,會員中包括他那一代的著名藝術家,如韓志勳、陳餘生等。中國書畫的這個根基一直以來都是香港中文大學造型藝術系的基礎課程。對藝術應作為一種通識來教授這一觀點,他起了很大的作用。他的一些學生如何兆基(生於 1968 年),一段時間曾是他的助手及陳育強(生於 1959 年),均認為張義對他們成為藝術家的志向有重大影響。陳育強更與設計師及藝術家劉小康(生於 1958 年)一起,最近組成了一個有關張義的研討會,並著手籌備出版一本有關他的恩師的專著。張義的金屬和木質材料的雕塑在香港許多地方都可見到,大都散落在公眾或文化場所,如文化中心的入口處或文物博物館。這些雕塑以饒有興味的方式展示出外來因素可與傳統文化融合無間。

拙見以為,張義最成功的藝術創造當為其以壓縮紙作材料製作的作品。這些作品以一種巧妙的方式探討了中國人視為他們的文字、語言和文化源頭的甲骨文。七十年代初,他開始研究以紙為材料的字模製作技術,並以這種技術創造了受甲骨文啟示的精彩浮雕。他以同一方法,雕刻長方形的字模,這些字模可組合成篇篇文本,誠如印刷廠的活字印刷一樣。這種排版和印刷及書法的關係,令他的作品納入了造型藝術家和作家研究的範疇,他們對文字和圖像的關係作了非常用心的探討。

自嶺南派畫家及他們因懼怕傳統消失而竭力為國畫注入西洋畫元素的雄心壯志直至新近畫家如王無邪及張義藝術創作中的張力,我們看到,在珠江三角洲,尤其是香港的藝術創作中,有許多方法可維持〝東西〞兩種觀念的關係。這兩種觀念不僅在中國的畫評中釋義極不穩定,而且它們之間建立的關係亦非常脆弱。把混雜視為一種成就抑或反之,視為一種失敗,均非爭論的原因。確實,對一件藝術作品的喜惡純屬個人口味,沒有理由在文化交流中將它作認識論的探討。對於當今中國藝術的前瞻發展,亟需其他一些觀念,這些觀念不能完全解決分裂問題,亦無法解決人們這樣回答的一些問題,即〝這些是我們的,其餘是他們的〞或者更糟:〝這些不是我們的,因此是他們的。〞



• Cheung Yee 張義, Esprit M 《乾》, 1975, moulage en papier, 122 x 92 cm. Hong Kong Museum of Art

在一個人與人、地區與地區之間的關係日愈緊密的世界,任何諸如〝東方〞〝西方〞的觀念都會把我們置於這樣一種危險境地,即我們無法再辨認別人身上所有的東西亦存在自己身上,反之亦然。我最近發覺這個所謂〝混雜〞並非簡單的一些外來因素的羅列,而是一種創造,一個完全嶄新的東西。不幸的是,〝混雜〞或〝雜交〞的概念,還是可以接受的。因為〝混雜〞的概念卻常墮入〝東西交匯〞這老生常談的窠臼。我想大概是時候另尋一個說法,另覓一個概念來賦予在這個交流日愈頻繁的世界創造出來的藝術作品以新的含義。〝之間〞、〝第三空間〞誠然是理想的後選,但雖然它們長時以來在大學的講壇上被頻頻使用,亦無望即刻替代〝東西交匯〞的老套。