Vidéo expérimentale
Texte : Gérard Henry & Alice Chiappero

Robert Cahen : Le souffle du temps*

Robert Cahen est un grand artiste, l'un des pionniers de l'art vidéo dans le monde. Diplômé en 1973 de la classe de Pierre Schaeffer du Conservatoire supérieur de Musique de Paris, il a ouvert un nouveau champ à l'art vidéo, traitant les images comme des sons, les transformant, jouant avec les ralentis, créant un univers poétique où il explore infatigablement notre relation au temps. C'est aussi un grand voyageur qui a créé de nombreuses œuvres sur Hong Kong et la Chine. « Je construis ma vie en allant vers la culture des autres, dit-il, je trouve des points d'entente qui me nourrissent et servent mes images. » L'Alliance  Française montre au City Hall une exposition rétrospective de son travail et au cinéma Agnès b. deux projections de ses films.

Cette exposition hongkongaise est due, comme toute chose importante dans la vie, au hasard, à une rencontre inattendue faite à la biennale de Shanghai 2004. Le jour de l'ouverture était chaotique, beaucoup d'installations ne fonctionnaient pas, des foules montaient et descendaient le grand escalier monumental du Musée d'art de Shanghai quand j'aperçus à mi-escalier un homme au regard bleu et aux cheveux de neige qui tentait de fixer un projecteur sur la rampe de l'escalier. C'était Robert Cahen. Il y parvint non sans mal, mais avec un calme olympien réussit à projeter sa vidéo Traverses (2002) sur le grand mur en face, de façon à ce que chaque personne qui descende cet escalier se trouve en face. Et cette installation est saisissante : le regard est happé par cet écran immaculé vibrant de lumière blanche qui nous transporte dans un autre espace, hors du temps où nous sommes :
Une forme se distingue au loin comme enveloppée d'une brume blanche, elle s'approche. C'est un homme qui marche lentement tenant par la main un enfant, il grandit devant nous et au bord de l'écran soudainement s'évapore dans la lumière blanche. Le silence, le blanc à nouveau et c'est une femme qui apparaît …et disparaît. Sommes-nous hors du temps ? Est-ce un monde passé ? Sont-ce les morts qui errent ainsi dans un néant blanc ? Robert Cahen intrigue, dans ce monde de l'art contemporain souvent violent et direct, il ne craint pas une démarche poétique ou magique : il nous affranchit du temps de nos horloges.

Passages…
La recherche de Robert Cahen est dès les années 70 habitée par la notion de « passage » : passage de l'image fixe à l'image en mouvement, passage d'un lieu – et d'un temps – à un autre. Transit. Transformation, métamorphose de la réalité filmée et du regard : paysages/passages vus au ralenti par un œil contemplatif et visionnaire, exploration du son en relation avec l'image.
Il inscrit sa démarche dans un dialogue sans cesse renouvelé entre visible et invisible, narration et poésie, distance et présence face à un monde autre, un monde rendu différent – beau, perturbant – par les métamorphoses du temps et de l'espace.
En exemple, l'une des œuvres les plus marquantes est Tombe , créée en 1997, dans laquelle Robert Cahen s'intéresse à la chute des corps, à l'apparition et la disparition d'objets en apesanteur. Dans un bleu aquatique et uniforme des objets ordinaires, des jouets, des vêtements, un drap de lit, une chaise glissent lentement devant les yeux, tombant dans un silence abyssal vers des profondeurs inconnues ; on les regarde pour la dernière fois et on a l'impression de les voir pour la première fois, sachant qu'elles partent vers un non-retour. Cahen nous projette dans le flux du temps, l'espace entre vie et mort, souvenir et oubli.

Si depuis toujours dans ses œuvres vidéo Robert Cahen évite les mots – ou les réduit, ou les met en musique – , il choisit cependant dans Tombe avec les mots (2005) de mettre en scène ses mots dans un lent déplacement de haut en bas : liberté, être, vivre se mêlent aux références biographiques ou autobiographiques (père, mon enfant, juif), aux évocations de voyage (partir, locomotive), thème cher à Cahen, ou encore aux traits stylistiques caractéristiques de son travail (lentement, le temps, passage). Dans le laps de temps qui nous permet d'en partager la respiration, et dans le silence encore, nous sommes invités à dialoguer avec chacun d'entre eux, en composant des histoires possibles, en nous demandant si les mots ont encore un sens, ou en laissant émerger les souvenirs qu'ils éveillent en nous.

Le temps…
Le monde de Cahen s'étend à d'autres domaines. C'est à l'occasion d'un voyage en Antarctique (Voyages d'hiver, 1993, Paysage d'hiver , 2005), et en Arctique (Le cercle , 2005) que le réalisateur a filmé les étendues glaciaires, les blocs de glace bleutés dérivants sur la mer, les bateaux fantomatiques et les apparitions énigmatiques de quelques personnages. Retravaillées, ces images forment un univers nouveau, abstrait et parfois inquiétant.

Le bleu du film de Robert Cahen qui est l'image du froid et de la solitude, la lenteur des paysages à laquelle s'accorde le vol des oiseaux et le mouvement des hommes, dûment équipés pour affronter les mystères de cette terre unique, sont en harmonie avec son envoûtante désolation. Juste le temps (1983, 1e prix des Festivals de vidéo de San Sebastian et Grenoble) est une œuvre charnière pour la vidéo des années 80. Parenthèse d'un moment de voyage où des paysages transformés deviennent acteurs à part entière d'une histoire qui, en filigrane, raconte la possible rencontre entre deux êtres. « Les limites entre le paysage extérieur et l'intérieur du compartiment, entre le sommeil et l'état de veille, entre les bruits et les silences, et même entre les personnages s'atténuent au point de s'effacer. La notion de passage, si bien illustrée par le voyage en train, imprègne l'histoire toute entière. » (Sandra Lischi)

Hong Kong et la Chine
Robert Cahen a parcouru la Chine et Hong Kong plusieurs fois, il connaît d'ailleurs bien de nombreux artistes vidéos chinois ou de Hong Kong telle que Ellen Pau. L'une de ses vidéos Hong Kong Song (1989) fut un jalon de l'histoire de la vidéo et du son, souvent citée pour illustrer les propos du philosophe Paul Virilio sur le temps et la vitesse. Dans le cadre de « Urbasonic 88 » à Hong Kong, projet artistique et scientifique français fondé sur la recherche d'un nouvel urbanisme sonore, le film de Robert Cahen propose une découverte de la ville de Hong Kong à la recherche de son identité sonore entre Chine ancienne et Chine nouvelle.

Portrait d'une ville modelée par les sons, traités comme les images : diffus ou clairs, mêlés en un chaos ou nettement indéchiffrables. Les couches d'images glissent de l'une à l'autre, tramways multicolores, signalisation lumineuse, le marché, un avion géant qui frôle les toits de la ville : le chant d'une femme nous guide. La Chine est présente aussi avec 7 visions fugitives (1995) -  « pures impressions et questions fondamentales du travail, de la liberté, de la vie en Chine et finalement de la vie et de la mort… » -  et aussi un film réalisé avec Rob Rombout, Canton, la chinoise (2001).

Canton, c'est la ville la plus chinoise, dit-on. C'est aussi une mégapole de 8 millions d'habitants. Une ville déchaînée où les traces du passé disparaissent sous le béton et le macadam, où le chaos gouverne l'organisation du temps et de l'espace…

Une ville qui incarne un système qui n'en est plus un. Les protagonistes, les passeurs du film, se situent entre deux cultures, (Christian Mérer, Chen Tong), entre deux systèmes (Carine… ses parents), ou bien entre deux conceptions de l'art (Lin Yilin, Zhang Haier). Chacun est préoccupé par sa survie culturelle, condamné avant tout à devenir l'observateur d'une gigantesque mutation urbaine. Dans ce documentaire expérimental, les cinq personnages forment un groupe involontaire face à la masse humaine. En permanence il y a un écran entre ces acteurs et leur décor. Une fenêtre, une photo, une peinture, une épreuve de langue…

Etre en Chine sans y être. Sensations intimes, signes révélateurs, déambulations… Les témoignages se mêlent aux images pour susciter la vision d'une ville incroyablement mouvante. Et peut être imaginaire.

Exhibition :Robert Cahen, The Sight of Time
10 video installations : Traverses (Crossings) / Tombe (Fall) / Tombe avec les mots (Fall with Words) / Cartes postales vidéo (Video Postcards) / Sanaa, passages en noir (Sanaa, transitions in black) / Le cercle (The Circle) / Paysages d'hiver (Winter Landscapes) / 7 visions / Suaire / Françoise en mémoire (Françoise, in Memory).

22 May – 3 June 2008 11am-8pm Monday to Sunday
Exhibition Hall, Hong Kong City hall
Meet the artist at the opening 22 May at 6.30pm
Free Admission
Alliance Française de Hong Kong / French May

實驗錄像藝術

羅伯特.凱恩的時間觀


7 visions fugitives (7 Fleeting Visions)

羅伯特.凱恩 (Robert Cahen) 是一位偉大的藝術家,是錄像藝術的先行者。他 1973 年畢業於巴黎國家高等音樂學院(隨音樂大師 Pierre Schaeffer 學藝),凱恩為錄像藝術開創了新的領域,他以處理聲音一般的手法來處理影像,使它們變形,再以超慢速鏡頭來營造出一個抒情詩意的境界,藉此來探索我們與時空的關係。他同時亦是一位旅行家,曾在香港及中國創作了多個作品。他表示:〝我朝著別人的文化來建構我的生活,並從中找到共通點,它們為我的影像提供靈感和養份。〞香港法國文化協會將在大會堂展覽廳展出他的錄像裝置作品,並假香港藝術中心 Agnès b. 影院放映兩場他的錄像短片

這次得以在香港舉辦這展覽其實事出偶然,一切緣於 2004 年上海雙年展的一次偶遇。當年雙年展揭幕那天的情況非常混亂,很多裝置作品都不能運作,人群不停地在上海美術館門前巨型的梯級上走上走落,而當我走到梯級的半途時,看到一位藍眼白髮的的男子正嘗試將一台投映機安裝在樓梯的扶手上。他便是羅伯特.凱恩。雖然困難重重,但他仍然冷靜面對,終於成功將投映機安裝到他想要的位置,將他的錄像作品《穿越》 (2002 年)投射到對面的一大塊牆上。而這裝置作品予人的感覺實在非常強烈:我們的目光被眼前潔白無瑕,白光閃耀的巨型屏幕所佔據,被帶進一個超越時間的空間內:一個像被白霧包裹著的形狀逐漸從遠處出現,慢慢走近。原來是一名男子手牽著一個幼童慢慢的步行前來,他在我們眼前逐漸擴大,到了屏幕邊緣又突然間消失於白色的光芒中。寂靜,跟著又是白色的一片,然後出現一名女子…… 又消失了。我們是否在時空中穿梭?莫非那是一個過去了的世界?那些是不是在白色的虛無中飄蕩的亡魂?

羅伯特.凱恩是一個別有心思的人,在充斥著震撼直接的創作手法的當代藝壇中,他卻無懼於以抒情夢幻的手法創作:正好為這個時代帶來一口清新的氣息。

過渡……
1970 年代,羅伯特.凱恩集中研究〝轉移〞這概念:就是將一個靜止的影像變成一連串移動的影像,將一個地方及相關的時間幻變成另一個地方和時空。這些轉移及轉變是要將看見的和紀錄的事實改變其形態,用沉思和夢幻的眼光觀賞那些以慢鏡放映的景物 / 片段,藉此研究聲音與影像之間的關係。
他透過將有形和無形、敘事和詩趣、距離和存在等概念保持在不停對話的狀態中來呈現他的思維方法。

舉例說,他最獨特的其中一個作品《落下》 (1997 年),從那些輕飄飄地出現和消失的物件中表達了他對下墜之物的好奇。在一片深藍色的寂靜中一些尋常的物件:玩具、衣物、床單、椅子等緩慢地在我們眼前下落滑向不知明的深處,我們希望在它們一去不回,在它們消失前看最後的一眼。凱恩是藉此探索時間的流逝、生與死之間的領域、記憶與遺忘。

雖然凱恩向來都避免讓文子出現在他的錄像作品中,要不然也只將它們用於音樂中或盡量減低它們的存在感,但在《文字的落下》 (2005 年 ) 這作品中他卻選擇以文字作主角。文字由上至下慢慢地向下移動: liberté (自由)、 être (存在)、 vivre (存活)等字詞之間又混著另一些具傳記或自傳意義( père (父親)、 mon enfant (我的孩子)、 juif (猶太人)),或喚起旅遊〈 partir (出發)、 locomotive (火車頭)〉,以及適合描寫他的創作風格之特徵〈 lentement (緩慢)、 le temps (時空)、 passage (過渡)〉等字詞。在這段被寂靜包圍,需要分享呼吸的時空中,我們被邀請與每一個字詞作交流,利用他們作故事,自我反問這些字詞是否仍有意義,並讓這些字詞所勾起的回憶浮現出來。

時空……
凱恩的世界也延伸至其他的領域。在一次到南極(《冬天之旅》 1993 年、《冬天的景色》 2005 年)和北極(《圓圈》 2005 年) 旅遊探險時,這位導演拍攝了冰川的景色,一塊塊浮在海面上淺藍色的冰塊,一些如幽靈船及幽靈般的影像。這些經過數碼處理的影像形成一個嶄新、抽象但又往往令人不安的世界。
《剛夠時間》 (曾贏得 1983 年聖塞瓦斯蒂安藝術節和格勒諾布爾藝術節的大獎)是八十年代錄像藝術作品中的一個里程碑。它是一個旅程的片段,當中變形的景物成為故事的演員,故事背後講述的是兩種生物相遇的可能性。〝是有關存在於車外景物和車廂內部的界限,是有關睡與醒,聲響與寂靜之間的界限。整個故事瀰漫著過渡的觀念,而火車的旅程正好能將這觀念完美地表達出來。〞 (Sandra Lischi)

香港和中國
羅伯特.凱恩曾多次到中國及香港遊歷,也認識多位中國及香港的錄像藝術家。他的其中一個錄像作品《香江頌》 (1989 年)在錄像和聲音創作的領域上有著重要參考作品的地位,並經常被引用來闡明哲學家 Paul Virilio 有關時間和速度的論述。這作品是法國新領域研究工作室為一項名為 Urbasonic 88 的藝術和科學計劃所作之研究的一部份,是探索新的都市聲音,凱恩藉這錄像影片在古代中國和現代中國之間探索香港的〝聲音的身份〞。


這計劃透過時間和空間、聽覺和視覺觸感的協同作用,將香港狂熱的都市節奏,它的居民和大自然環境呈現出來。
他以《七個短暫的視象》 (1995 年)來介紹中國:〝是對中國的工作、自由、生活,以及最終有關生與死的一些純粹的印象和基本的問題……〞,此外還有與 Rob Rombout 合作拍攝的《最中國化的城市 – 廣東》 (2001 年)。


人們說,廣東是最具中國色彩的城市。它亦是一座住有八百萬人口的大都會。是一座極度放縱的城市,當中殘餘的歷史痕跡也急劇地在消失,讓位予石屎和瀝青碎石;時間和空間沒有任何結構與編排,一切都處於混亂的狀態中… … 這城市具體地表現出一個不再有系統的體系。片中的幾位主角正處於兩種文化 (Christian Mérer, Chen Tong) 、兩種體系 (Carine 和她的父母)或兩種藝術概念 (Lin Yilin, Zhang Haier) 之間。他們各自為本身的文化承傳而憂心,而更重要的是他們每個人都被迫注定要成為這龐大都市改革的旁觀者。在這實驗紀錄片中的五個人物,他們因為面對大多數的人,很自然地組織在一起。在這些人物與佈景之間永遠隔著一塊屏幕。一扇窗、一張相、一幅畫、或語言的困難…… 這代表著接觸到中國的精髓卻未能掌握它的本質。文字和影像混在一起,讓人聯想到一座極富動感的城市,或是想象中的城市。

Sreenings & Talk with Robert Cahen
23 & 29 May  8pm
Agnès b. Cinéma, Hong Kong Arts Centre
Free admission
Alliance Française de Hong Kong / French May

Programme 23 May : Juste le temps (Just enough time), 13mins / Karine, 16 mins / L'étreinte (Embraces), 8 mins / Voyage d'hiver (Winter voyage), 18 mins / Le deuxième jour (The second day), 8 mins / Hong Kong Song, 21 mins .

Programme 29 May : 7 visions fugitives (7 fleeting visions), 33 mins / Canton la chinoise (Canton, the Chinese), 52 mins