Vidéo
Texte : Gérard Henry

Ariane Michel : le songe des pierres, des bêtes et des hommes

Ariane Michel est une jeune artiste française dont le travail s'articule autour de vidéos et de films. Avec une apparente simplicité, mais une grande sensibilité à la lumière et au paysage, elle crée une œuvre qui semble en marge de toutes les modes de l'art contemporain, mais qui pourtant, après un parcours léger et furtif, vient s'imposer comme un travail tout à fait hors du commun et novateur.

« Une forêt la nuit. Les rituels des bêtes nocturnes. Un hérisson trace son chemin dans un tas de feuilles. Le grand duc veille sur sa branche, un renard glisse entre les troncs. Quand un groupe d'humains surgit, troublant la vie de la forêt… »
Les invités de la foire d'art contemporain de Bâle (Art Basel 2007) n'ont pas été peu surpris quand, à l'ouverture de la foire, Ariane Michel les a emmenés au cœur de l'obscurité d'une forêt, les a fait asseoir dans une clairière devant un écran blanc où - certains se croyant victime d'un ensorcellement sylvestre - ils ont vu le renard et le hérisson, et les hommes - eux-mêmes ? – venir troubler la vie nocturne des animaux.

Les Hongkongais pourront voir Screening , cette vidéo troublante et cette mise en abyme, malheureusement non dans une forêt, mais dans une installation parcours réalisée par l'artiste à la galerie Agnès b. et co-présentée par L'Alliance française de Hong Kong.

Le travail d'Ariane Michel est subtil mais dévastateur et fascinant à la fois car il bouleverse notre perception du monde. Ainsi, quand elle filme des chevaux (Rêve de cheval) pris soudainement d'agitation car un élément étranger vient les perturber, elle distille dans notre sang la peur de l'animal, et nous sommes nous aussi aux aguets, à la porte d'un monde autre, inquiétant car inconnu et innommable.

De même dans sa première œuvre Après les pluies …, elle nous place devant un paysage sauvage et hostile que seul un chien errant traverse, un paysage comme abandonné et figé dans une immobilité apparente du temps, sans aucune trace, sans aucun souvenir de vie humaine : nous sommes alors pris d'un léger malaise, d'un sentiment de désolation, de solitude extrême, et soudainement de l'impression étrange de côtoyer un autre monde qui est là, tout proche, mais insaisissable à nos sens, un monde surtout qui existe en dehors de nous et sans nous.

Les yeux ronds , une vidéo représentant un hibou tournant la tête et clignant de l'œil, projetée sur un écran géant placé sur la façade du Musée du Jeu de Paume à Paris et faisant face aux automobilistes qui arrivaient à l'heure de pointe sur la Place de la Concorde. Le film montre également l'envers de cette vision, la scène que le hibou regardait.

Elle va encore plus loin dans sa vidéo Sur la terre au Groenland qui débute par un plan magnifique de l'eau, bougeant comme une nappe de mercure argentée, dans laquelle elle filme au ras du sol deux morses plongés dans un sommeil interminable, et dans son long-métrage documentaire Les hommes, où disparaissant totalement en tant que réalisatrice, elle donne l'impression que ce sont les plantes, les cailloux, la terre qui regardent les hommes arriver au loin :
« Sur les côtes sauvages d'un pays glacé, l'été étire sa journée sans fin, aube absolue où règnent les bêtes. Un navire, animal bizarre venu de la mer, sans violence, s'introduit dans le paysage. À son bord, des silhouettes d'hommes s'agitent. Sur l'eau, sur la glace, sur la terre, ils s'avancent vers nous. Nous sommes la glace, la pierre, l'eau et les animaux du Groenland, et eux des naturalistes du début du XXIème siècle qui s'approchent de la nature et l'observent. Nous sommes les parties d'un même tout, un monde reculé où il fait froid et jour. »

Ariane Michel a saisi l'opportunité formidable d'une expédition scientifique qui partait explorer l'Est du Groenland à bord d'un bateau, le Tara V, pour se joindre à cette équipe de naturalistes qui allaient recenser les espèces de ces côtes sauvages.
Arrivée sur ces terres, elle est restée à l'écart de cette équipe : « Seule avec ma caméra et un système de son greffé sur elle, je me suis retrouvée dans la position d'électron libre, évoluant autour de l'expédition à pied ou grâce aux marins qui me conduisaient sur un zodiac quand ils étaient disponibles. »  Ce travail a donné lieu à ce film « Les hommes (Man on Land) qui a obtenu le grand prix de la compétition du Festival International du documentaire de Marseille.

Parvenant à effacer en nous la perception même du temps humain, elle nous immerge dans une sorte d'infini sans frontières où nous nous voyons passer sur l'horizon, à peine détectables, dans le flot infini du temps.
La magie opère donc dans ce travail, d'abord par la beauté des images et des sons auxquels, en vraie cinéaste, elle donne toute leur puissance — Ariane Michel n'a pas besoin de mots pour s'exprimer —, ensuite parce qu'elle repousse l'Homme sur les marges du monde, l'obligeant à perdre cette perception centrale qu'il en a et qu'il s'est octroyée comme allant de soi... Cet homme n'étant autre que nous-mêmes, qui nous retrouvons ainsi placés à la porte d'un ailleurs insoupçonné.



錄像藝術

艾蒂安.米雪:石頭、動物和人類的夢


Screening (dessin préparatoire)

年青錄像藝術家艾蒂安.米雪以錄像及電影為創作媒介。她那些看似簡單的作品其實在景色及光線的處理均有極細膩的描寫。她的作品似乎脫離了所有當代藝術的潮流,但卻非常獨特及富創意。

〝在森林的一個晚上。貓頭鷹、雪貂、狐貍 …… 野獸如常的活動受一些光線的影響而變得混亂起來:原來森林來了一班人類。他們坐在一幅巨大的白布幕前靜待光線回復昏暗,野獸的影子在幕後再度活動 …… 〞

2007 年瑞士巴塞當代藝術節的開幕當天,一班應邀出席的觀眾在埃蒂安.米雪的帶領下,以手提電筒引路往森林去。他們坐在森林間的空地,欣賞投射在布幕上的電影。由於觀眾置身在拍攝的森林地點,當電影播放的同時,在布幕上及布幕下的環境,均有著一種真實性的延續。觀眾享受電影的同時,卻身處電影的一部份,達至戲中戲,置身於一個使人感到不安,有如〝鏡像迷宮〞的境界中。 Agnès b. Librairie Galerie 與香港法國文化協會合辦,為香港的觀眾介紹《螢光幕》這電影作品。

埃蒂安.米雪的作品細膩感人,但同時又帶有毀滅性和令人著迷,原因是它推翻了我們對世界的認知。正如她拍攝一些馬匹(《馬兒的夢》)因為外來因素的介入而突然顯得焦躁不安,她將馬兒的恐懼滲入我們的血液之中,我們因為面對不熟悉和不能形容的境況也處於戒備的狀態之中。

同樣,她的《雨後》帶我們進入一處荒涼和惡劣的環境中,在那兒,除了一隻流浪的狼狗外再沒留下任何生命的跡象。艾蒂安.米雪利用一些外表看來樸實無華,但對光線、景色和明顯停滯不前的時間有細膩的描寫的影像來表達一種劇烈的孤獨和悲傷感覺。她透過一次在滿目瘡痍的景色中的漫遊來建立一些世界末日的徵兆。這些影象有點兒像拉封丹的寓言般帶著夢幻的感覺。

她以動物作拍攝主題並不是要講述動物的故事,而是要讓我們意識到另一個世界的存在。《 Les yeux ronds 》是她最精彩的錄像裝置作品之一,她將這錄像影片投映到巴黎 Jeu de Paume 藝術館外牆的一幅大型屏幕上,在繁忙時間駕車前往 Place de la Concorde 的人正面對著一隻正在眨眼的貓頭鷹。影片同時也會以反方向的角度放映,即貓頭鷹眼中看到的景物。

埃蒂安.米雪以更極端的手法創作《人在陸地》。在這部紀錄片中,她導演的身份完全消失,影片予人的印象是植物、石頭和大地正在觀察從遠方來的人類:
〝在地球最遠處的冰海上,一艘船緩緩泊岸。陌生的身影漸漸出現,人類正式踏足這片荒涼的土地。影片從不變的大自然出發,在格林蘭島的土地上,每片冰塊,石頭及動物見證著一群科學家在夏天登陸島上,並對他們作探索研究。影片讓觀眾經歷一個重要的旅程:化身成荒島上的目擊者 ,以第三者的角度,去觀察人類在土地上的各項活動;讓人目睹一場大自然所經歷的夢。〞

她成功地抹去了我們對人類時間的認知,把我們投入某種沒有界限的無盡空間內,我們置身其中,僅僅看見自己在無盡的時空中飄過天際。埃蒂安.米雪的作品迷人之處除了影像十分優美之外,而在聲音方面,她並不需要文字來表達,也能將聲音的力量發揮得淋漓盡致。

Exhibition : Ariane Michel « Screening »
An Exhibition, a video, a performance

10 May – 9 August 2008
Agnès b. Librairie Galerie
1/F, 18 Wing Fung Street, Wanchai, Hong Kong
Copresented By Alliance Française & Agnès b. / French May

Cinema : Man on Land (Les Hommes)
Documentary 2006, 95 mn, vidéo
Director : Ariane Michel
Award : Grand Prize of French Competition, International Documentary
Festival of Marseilles 2006
Friday 30 May 2008 at 7h30 pm
Tickets HK$50, HK$30 (HK Ticketing)
Copresented By Alliance Française &  Agnès b. / French May