Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron

A propos de A Taste for China

Puisqu'il y a en ce moment au Hong Kong Museum of Arts une exposition montée par le musée Guimet sur l'influence de la Chine dans les arts de l'Europe (Paris 1730-1939 : A Taste for China, 11avril-15 juin 08), je ne peux pas m'empêcher de parler de problèmes de méthodologies sur la façon de voir ces objets. Bien que les Chinoiseries ne puissent effectivement pas être comprises sans la Chine et ses arts, il faut cependant être très attentifs à certaines généralisations provenant du discours orientaliste à qui j'essaierai aussi de tordre le coup dans un article futur. En effet, l'étude de l'influence chinoise sur l'art européen a donné lieu à de nombreuses exagérations, en particulier à propos de la période qui s'étend entre le voyage de Marco Polo en Chine (quoiqu'un grand nombre de spécialistes ne croient pas qu'il s'y soit vraiment rendu) et le début du 17e siècle. Le 16e siècle est le domaine où les historiens de l'art ont souvent cru reconnaître des influences de l'art chinois là où il n'y avait aucune raison de les voir.

Le traitement d'un dessin de Rembrandt par exemple est assez révélateur des rapprochements purement gratuits qui ont été faits sur la base d'une simple analyse visuelle. Michael Sullivan raconte ces rapprochements dans son livre intitulé La rencontre de l'art occidental et oriental (The Meeting of Eastern and Western Art ) : « Il est tentant de croire que Rembrandt a pu posséder, ou voir, des peintures chinoises ou japonaises. Mais il n'y a absolument aucune preuve de cela. Et pourtant quand nous regardons un de ses dessins, en particulier ceux exécutés librement à l'encre ou au lavis d'encre, nous trouvons une combinaison de clarté formelle et de vitalité calligraphique dans le mouvement de la plume ou du pinceau qui est plus près de la technique et des sentiments de la peinture chinoise que de quoi que ce soit produit dans l'art européen avant le 20e siècle. Ceci, en l'absence de toute preuve du contraire, nous devons l'attribuer à une coïncidence et au don de Rembrandt comme dessinateur. De plus, s'il a jamais vu de peinture chinoise, il est improbable que celles-ci aient pu être les croquis spontanés à l'encre des lettrés et des excentriques, qui ressemblent le plus au sien, puisque ce que l'Europe admirait dans l'art d'Extrême Orient était ses exquis et fantaisistes dessins, et il était tout à fait improbable qu'un quelconque commerçant hollandais à Deshima ait pu acquérir l'espèce de croquis qui aurait pu provoquer l'attention de Rembrandt. »

C'est dans cette comparaison entre le dessin à l'encre de Rembrandt et la peinture chinoise qu'on voit le danger de ce genre de rapprochements qui s'appuient sur des suppositions si clairement erronées qu'on peut s'étonner de les trouver dans l'œuvre d'un auteur au demeurant si original. Sullivan, en toute sincérité d'ailleurs, ne semble pas vraiment se rendre compte de la manipulation qu'il exerce sur le lecteur : il insiste d'abord sur la présence de céramiques chinoises en Hollande, puis sur la copie faite par Rembrandt de dessins Moghols avant de nous présenter un dessin qui ne ressemble d'ailleurs que très vaguement à une peinture chinoise. De même, insister sur l'idée qu'une telle clarté n'apparaît en Europe qu'au 20e siècle est bel et bien ignorer que les croquis de toutes les époques en Europe étaient généralement aussi clairs et simplifiés. C'est aussi oublier que ceux-ci ne deviennent plus fréquents que vers le 19e et le 20e siècle que parce que le statut du croquis avait changé si profondément. Ce qui est miraculeux n'est donc pas de voir Rembrandt faire une « peinture chinoise » mais bien de pouvoir trouver un croquis de Rembrandt. Si plus de croquis de cette époque avaient été disponibles, ils auraient certainement toujours montré cette limpidité inhérente à la pratique du croquis qui est bien de noter rapidement une idée ou une scène réelle.

Mais il y a plus grave. En effet, supposer que la limpidité est forcément une caractéristique chinoise est aussi une conclusion extrêmement dangereuse et ne s'appuie que sur le goût de Michael Sullivan pour la peinture chinoise. A aucun moment il ne songe à établir son approche en la pensant en termes épistémologiques et, afin de justifier ce qu'il ne voit lui-même que comme un rapprochement difficile à croire, il s'arrange pour nous rappeler qu'il n'existe aucune preuve à ce qu'il avance, et qu'il n'y a que ‘peut-être' un rapprochement à faire. Michael Sullivan a sans doute un peu trop envie de voir une influence chinoise là où il ne pouvait guère y en avoir. Il continue ensuite très brièvement en évoquant le fait que certains détails de peintures de Léonard de Vinci et de Joachim Patinir (ou Patenier, c. 1480-1524) ressemblent à certains paysages chinois. Mais, encore une fois, il rappelle qu'il ne pouvait guère y avoir de peintures chinoises en Italie à cette époque pour expliquer cette ressemblance. Là encore, Michael Sullivan nous laisse avec la vague sensation que de telles ressemblances existent réellement et qu'elles trouvent leur source dans une sorte d'essence partagée par tous les êtres humains. Il explique ainsi que « l'explication pour les montagnes très ‘chinoises' de Léonard et de Patinir peut se trouver dans le fait que ce ne sont pas de véritables montagnes dans la nature mais des «montagnes de l'esprit», les formes idéales et crevasses impressionnantes que nous nous formons à l'esprit quand nous pensons à des montagnes. »

Là encore, Michael Sullivan s'appuie sur des suppositions qui sont ou erronées ou procédant de présomptions qui ne peuvent pas être soutenues sur des fondements épistémologiques assurés. A propos de Léonard, on sait désormais que les montagnes visibles dans le fond de la Joconde ou de la Vierge au rocher sont en fait des formations géologiques qui existent en réalité dans la région de Florence. Comme l'atteste un désormais célèbre croquis montrant une caverne, ces formations géologiques ne sont en fait pas très hautes et Léonard les a utilisées pour donner à ses peintures un aspect spectaculaire, comme le fond de sa Vierge et Sainte Anne . Plus que des « montagnes de l'esprit », c'est plus probablement le goût de Léonard pour une certaine nature qu'il faut voir dans ce choix stylistique. De même, il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas de paysage dans le sens que ce mot recevra à l'époque romantique. Les montagnes ne sont encore qu'un fond pour les peintres de la Renaissance et « lire » dans ces formes ce que le paysage ne deviendra qu'à l'époque romantique est déjà faire une erreur d'interprétation. C'est au même problème qu'on est confronté avec l'œuvre de Patinir. S'il est vrai qu'il fut le premier peintre flamand à représenter ses montagnes plus grandes que ses personnages, il ne faut pas croire non plus que c'est le paysage qui devient l'aspect principal de sa peinture. De même, croire qu'un peintre flamand va forcément peindre le « plat pays » est oublier un peu vite que les artistes voyageaient et qu'il n'était pas nécessaire à un Flamand de faire le voyage d'Italie pour voir des montagnes : originaire de Bouvignes et résidant aussi à Anvers, il a certainement dû voyager dans les Ardennes où on peut trouver, quoique sans doute rarement, des paysages tels que ceux qu'il dépeignit. Il est donc surprenant de voir Michael Sullivan faire ces rapprochements tout en notant dans les paragraphes suivants à quel point la peinture venant de Chine était étrangère aux goûts des Européens, du 16e au 18e siècle. Le peintre Giovanni Gherardini (1654-1725), par exemple, qui devint d'ailleurs membre de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture dès 1680 et fut invité par les Jésuites à peindre la cathédrale de la capitale chinoise dans les premières années du 18e siècle, ne pouvait pas apprécier la peinture chinoise car il n'en connaissait pas les exigences ni les techniques. Celui-ci nota que « les Chinois ont aussi peu de connaissance de l'architecture et de la peinture que moi du grec ou de l'hébreu. Et pourtant, ils sont charmés par le dessin délicat, par un paysage vif et bien composé, une perspective naturelle, mais quant à savoir comment arranger de telles choses, cela n'est pas leur affaire. » On verra comment ce genre de jugement sera porté par la plupart des peintres européens qui entrèrent en contact avec la peinture chinoise au cours du 18e siècle et la réaction de Gherardini est tout à fait caractéristique.



藝術與歷史

關於〝中國情趣〞

目前,香港藝術館正舉行一場由巴黎吉美美術館策劃、以中國對歐洲藝術的影響為題的 名為〝中國精神.法國品味〞 (A Taste for China) 的展覽,值此我不禁欲就如何看待 這些藝術品的方法論問題作些探討。雖然〝中國古玩〞 (chinoiseries) 離開中國及其藝 術便無從理解,但對一些出自東方學者的概論卻不能不持特別小心的態度,關於這點, 日後我亦將作文剖析之。關於中國對歐洲藝術的影響這一課題的研究,確實帶來許多誇 張失實的論述。尤其是自馬可.波羅的中國之旅(盡管許多學者並不相信他曾去過中國) 至十七世紀初這段時期。十六世紀尤甚,藝術史家常以為在一些地方看到了中國的影響, 其實毫無根據。


• Rembrandt van Rijn (1606-1669), Nobles Moghols : Homme avec un faucon et Abd al Rahim avec un arc et un flèche, crayon et encre avec des touches de craie et de gouache sur papier japonais, c/1654-56.
Biliothèque Pierpont Morgan, New York

如何對待倫勃朗的一幅畫,對檢視那些毫無根據、只基於簡單的視覺分析的中西藝術比較論述頗具啟發性。邁克爾.沙利文 (Michael Sullivan) 在他一本題為《中西藝術相遇》 (The Meeting of Eastern and Western Art) 的論著裡是這樣寫的:〝想像倫勃朗曾擁 有或曾寓目中國或日本的繪畫,的確甚為其妙。但畢竟無據可查。然而我們在觀賞他的 畫,尤其是他以墨汁或水彩隨意作成的畫時,便會發覺這是明亮清晰與運筆揮毫形成的 遒勁筆法的結合,其接近中國畫技法和意境的程度,遠超過與二十世紀前歐洲任何繪畫 的接近程度。由於缺乏證據,我們只好認為這是一種巧合,又或者是倫勃朗天才的一種 表現。此外,若他真曾寓目中國畫,那也不可能是一些文人墨客或落拓之士即興揮毫、 極像他本人繪畫的隨意之作。皆因歐洲人在東方藝術裡欣賞的是那些精緻神奇的繪畫。 再說, Deshima 的荷蘭商人亦決不可能得到足以引起倫勃朗注意的中國畫。〞

我們看到,將倫勃朗的水墨畫和中國繪畫作比較,而這種比較是基於如此錯誤的推斷, 是非常危險的。而這種論述竟出自一位傑出的作者的著述裡,實在令人驚訝。我還想誠 懇地提出,沙利文彷彿沒有真正意識到他對問題的處理對讀者的影響:他首先強調了在 荷蘭出現的中國瓷器,接著談論倫勃朗仿製印度莫高爾王朝的繪畫,最後向我們介紹了 一幅勉強像中國畫的倫勃朗的繪畫。此外,強調明亮清晰的風格只出現在二十世紀的歐 洲繪畫裡,暴露出作者對歐洲任何時代的速寫、草圖都具明亮清晰這點無知。並忘了草 圖、速寫只是在十九和二十世紀才頻頻出現,因為彼時它的地位已徹底改變。令人感到 驚訝的不是倫勃朗創作了〝中國畫〞,而是竟找到了他的草圖。如果說十九、二十世紀 速寫、草圖大行其道,但總是具清晰明亮的特點,為此才能紀錄下突來的畫意和真實的 場景。

更嚴重的是,假設明亮清晰是中國畫的特點,這個結論亦非常危險,而這只基於邁克爾 .沙利文本人對中國畫的偏好。無論甚麼時候,當他欲確立一個觀點時,總以認識論的 語言去思考,為連自己都認為難於置信的比較進行辯護。他提醒我們,他所提出的觀點 並無證據作支持,他能做的只是一種〝可能〞的比較。也許他太熱中於在某處看到中國 的影響,其實這影響幾乎並不存在。他繼續言簡意賅地論述,提到這樣一個事實,即萊 奧納多.達芬奇和若阿基姆.帕廷尼爾 (Joachim Patinir, 1480-1524) 繪畫裡某些細節 與某些中國山水畫相像。但他又再次提醒我們,那個時代的意大利不可能有中國畫,因 此不能以此來作說明。他給我們留下了這樣一種模糊感覺,即這種相像的確存在, 而 它們的源頭是全人類共享的某種本質的東西。他這樣解釋:〝萊奧納多和帕廷尼爾的非 常 ‘ 中國化 ' 的山並非自然界裡真正的山,而只是 ‘ 精神的山' ,是我們想象山時腦海 裡形成的蜿蜒起伏、群峰崢嶸的山〞。

這裡,邁克爾.沙利文依據的是錯誤的、或者是來自無可靠的認識論作基礎的武斷的假設。例如達芬奇的《蒙娜麗莎》及《岩石上的聖母》背景裡清晰的山巒確實是佛羅倫斯地區地殼演變形成的山,正如他的一幅描繪岩穴的著名草圖所顯示的,這些山並不太高,萊奧納多利用它令自己的畫更為壯觀,如《聖母及聖安娜》這幅畫的背景即是一例。比〝精神的山〞更勝一籌,這也許是萊奧納多對一些自然景象喜以繪畫風格觀察所致。此外,切勿忘了這裡風景一詞決非浪漫主義時期該詞所含的意義。文藝復興時期,山巒僅為一幅畫的背景,而以浪漫主義時期風景的涵義來〝讀〞這些山,首先便犯了解讀的錯誤。審視帕廷尼爾的作品,亦存在同樣的問題。若說他是一個將山畫得比人物還大的佛蘭德畫家,也不能認為風景已成為繪畫的重要題材。同樣,以為佛蘭德畫家必然只畫些〝平川大地〞也太健忘了,殊不知藝術家也旅遊,佛蘭德畫家並不需要到意大利旅行才能看到山。出生布維涅 (Bouvigne) ,身為安特衛普公民的帕廷尼爾,定會到法國阿登省走走,那兒亦可看到他畫中描繪的群山,雖然不一定很多。



• Léonard de Vinci (1452-1519), La vierge à l'enfant avec Sainte Anne, détail, c. 1510, huile sur bois, 168 x 130 cm. Musée du Louvre, Paris

邁克爾.沙利文一邊作藝術比較,一邊卻在接下來的段落裡寫道,來自中國的繪畫是怎樣不為十六至十八世紀的歐洲人所認識。畫家喬萬尼.吉拉第尼 (Giovanni Gherardini, 1654-1725) 於 1680 年成為皇家美術雕塑院成員。十八世紀初,他受耶穌會之托,為北京的大教堂作畫。由於他對中國畫的技法要求一竅不通,便無法欣賞中國畫。這位仁兄這樣說道:〝中國人對建築和繪畫的 知識就好像我對希臘文或希伯來文的知識一樣淺薄。但是他們又為精緻的繪畫、生動優美的自然景緻所迷,但如何將這些東西巧作安排,那就不是他們份內的事了。〞我們看到,大部份十八世紀的歐洲畫家在接觸中國畫時都持這種觀點,吉拉第尼對中國人的評價可謂極具特色。