Art et Histoire
Texte : Frank Vigneron

A propos de « A Taste for China » II

Les premières lettres envoyées par les Jésuites depuis la Chine à la fin du 17e siècle permettent de considérer les influences de l'art chinois en Europe d'une façon beaucoup plus assurée et il est vrai que quelques décennies après Rembrandt, la Chine était beaucoup plus présente en Europe, bien qu'on ne la trouve dans les arts « nobles » comme la peinture que rarement et dans des circonstances bien particulières. Ces influences sont cependant avérées dans de nombreux cas et on pourra en observer quelques uns, parmi les plus importants, dans les paragraphes suivants. Grâce à ces fameuses lettres, c'est donc à Rome que commença le premier effort de recherche que l'on puisse qualifier de sinologie. En 1635, le Jésuite allemand Athanasius Kircher (1602-1680), éminent égyptologue et premier homme à avoir étudié les microbes avec un microscope, commença son étude du matériel envoyé par ses confrères résidant en Chine. Dès 1667, il publia son China Illustrata qui était une encyclopédie de tout le savoir qu'il était possible d'établir sur la Chine en partant de ces textes. Elle comporte de nombreuses cartes ainsi que des illustrations sur la « mythologie » chinoise, comme les dragons et le panthéon des dieux tout autant bouddhistes que taoïstes. Cette œuvre insistait sur la présence ancienne des chrétiens en Chine, en commençant par les Nestoriens, mais prétendait aussi que les Chinois étaient des descendants de Sem, un des fils de Noé, que Confucius n'était autre qu'Hermès Trismégiste, qui était alors assimilé à Moïse, et que les caractères chinois étaient une forme dégénérée des hiéroglyphes égyptiens. Rappelons que ces derniers étaient alors représentés comme une sorte d'écriture symbolique/magique et, dans le système de Kircher, les caractères chinois sont donc inférieurs aux hiéroglyphes car ils représentent directement des idées au lieu d'être employés pour manifester de mystérieux signes universaux. Kircher est donc le premier représentant d'une assez longue série d'intellectuels représentant la Chine non pas comme un ennemi à conquérir mais bien comme un allié possible.

Plusieurs des gravures de Kircher sont inspirées de peintures et de gravures sur bois chinoises rapportées de la capitale par un autre père jésuite. L'une d'entre elle est, selon Michael Sullivan, une copie exacte d'une gravure sur bois chinoise représentant le panthéon taoïste. Il ne fait aucun doute, au vu du style de cette image, qu'elle ait été copiée directement et sans interprétation particulière ; une autre image cependant, représentant une jeune femme chinoise, a forcément été profondément remaniée. Michael Sullivan pense, à juste titre, qu'elle comporte la plus ancienne représentation de paysage chinois faite en Europe. En effet, sur la table sur laquelle la jeune femme s'appuie, se trouve un rouleau déroulé sur lequel on peut voir une étonnante composition qui est une version assez précise d'un simple paysage comportant arbres et rochers, mais déjà légèrement réinterprété d'une façon qui allait paraître très vite familière. Le caractère chinois, au tracé un peu fautif mais bien sûr écrit par une personne passablement familière avec la calligraphie, signifie tout simplement « très jolie » et sa présence n'est que logique puisque Kircher était en son temps un des rares spécialistes résidant en Europe de ces caractères.

Ce mélange d'imitation parfois précise mais cependant pénétrée d'une façon très européenne allait ainsi devenir la règle dans les emprunts faits par les arts décoratifs aux images venant de Chine. Quant à la comparaison qu'on ne peut s'empêcher de faire entre la représentation des dieux et cet intérieur, on peut se demander selon quels critères Kircher et les Jésuites impliqués dans la création des images de China Illustrata ont décidé quelles images devaient être remaniées. La réponse paraît assez simple, les dieux sont une représentation documentaire d'une image religieuse, et donc forcément idolâtre, qui n'avait pas besoin d'être réinterprétée puisqu'elle n'avait pour but que montrer l'égarement religieux des Chinois : le plus « barbare » la représentation, c'est-à-dire le plus près du style de l'original, et le plus évident sera la faute spirituelle commise par les Chinois. La jeune femme en son intérieur par contre ne pouvait être que montrée telle qu'un Européen pouvait la comprendre : en ce cas, il n'était ainsi pas possible d'utiliser le style des gravures chinoises qui n'auraient pas pu être comprises par un œil européen.

Des deux Chinois qui soient venus en Europe au 17e et au 18e siècle et dont la présence est amplement documentée (au 18e siècle d'autres Chinois, généralement des domestiques de familles ayant résidé en Chine, se trouvèrent en Europe mais leur présence ne fut visible que par certaines peintures et leurs activités n'ont pas été documentées), aucun n'a pu ou voulu présenter la peinture de leur pays aux amateurs européens. Le premier d'entre eux, un dénommé Shen Fu-tsung (les caractères chinois de son nom n'ont pas été conservés), fut amené par le père Couplet en 1684 à Paris où la plupart de ses activités furent retenues. Il démontra la façon d'utiliser les baguettes pour manger à Versailles devant le roi et montra à un groupe de savants, sans nul doute devant une des académies royales, comment écrire des caractères avec un pinceau. Il se rendit ensuite en Angleterre où il fut le premier à montrer comment s'occuper de livres chinois à la bibliothèque Bodléien de Oxford. C'est aussi en Angleterre que le célèbre portraitiste Godfrey Kneller fit son portrait. Comme Shen Fu-tsung était en Angleterre en 1687 quand ce portrait fut fait, qu'il semble y avoir entre 20 et 30 ans et que son éducation religieuse avait été faite à Macao, il est très probable qu'il ait pu connaître personnellement Wu Li 吳歷 (1632-1718), l'un des plus grands des peintres orthodoxes du début de la dynastie Mandchoue qui avait lui aussi été éduqué pour la prêtrise à Macao. On ne saura cependant rien de cette possible rencontre car Shen Fu-tsung ne laissa aucune remarque sur la peinture chinoise ou même sur l'art chinois en général.

Le second visiteur, et le seul qui eut une activité artistique, n'arriva en Angleterre qu'en 1769 pour ne repartir en Chine qu'en 1771. Il s'agit de Chitqua, ou Tan-Che-Qua, un de ces artisans/artistes actifs à Canton et dont l'œuvre fait partie de cet art maintenant appelé « China Trade Painting » même si lui-même était spécialisé dans la confection de figures en argile peint. Par des articles sur ses activités, certains éléments de sa vie en Angleterre sont assez bien documentés et on connaît au moins deux portraits de lui. L'un par John Hamilton Mortimer (1740-1779) mais surtout un petit portrait, visiblement rajouté après que les autres figures y aient été peintes, inclus dans le portrait de groupe des académiciens de peinture fait par Johann Zoffany. Un petit portrait en argile peint de l'acteur David Garrick, aujourd'hui dans les collections du Victoria and Albert Museum de Londres, est assez intriguant. Autrefois attribué à Chitqua, une datation plus précise situe son modelage vers l'année 1740 alors qu'il n'était pas encore à Londres. Il faut pourtant s'interroger sur l'origine de cette statuette car on peut se demander qui a bien pu connaître assez bien les traits de l'acteur pour pouvoir en faire un portrait suffisamment ressemblant. Le style de l'objet ainsi que le petit meuble sur lequel il se trouve en fait clairement un produit du « China Trade Painting » et il a nécessairement été fait à Canton dans l'un de ces nombreux ateliers spécialisés dans la réalisation de ces curiosités. On sait que ces artisans chinois étaient tout à fait capables de modeler ces figurines en s'inspirant de dessins apportés par leurs clients européens et c'est certainement de cette façon qu'elle a été faite à Canton. Bien qu'il n'est désormais plus certain qu'il s'agisse d'une œuvre de Chitqua, l'ensemble de ces statuettes faites à Canton ne révèlent pas de styles personnels et seuls les signatures, généralement appliquées par les propriétaires des statuettes et non par les artisans, permettent d'identifier le fabricant. Mais la présence de Chitqua en Angleterre et surtout à la Royal Academy n'a en fait rien apporté en ce qui concerne la connaissance de la peinture chinoise en Europe. Il ne fut d'ailleurs accordé d'intérêt à Chitqua que dans la mesure où il était Chinois, et donc exotique, et qu'il exerçait ses talents dans le domaine d'une certaine sculpture. C'est ainsi qu'il ne fait donc pas partie de l'art noble pour les Chinois et ne pouvait faire partie que d'un domaine à cheval entre art et artisanat pour les peintres et sculpteurs de l'Académie. De ce fait, Chitqua ne peut guère être vu que comme une parenthèse sans lendemain dans les échanges qui auraient pu être faits dans le domaine artistique entre la Chine et l'Europe.



藝術與歷史

關於〝中國情趣〞(二)


• Autrefois attribué à Critiqua (?-1769), portrait de David Garrick, c. 1740, argile peint, 18 x 26 x 10 cm. Victoria and Albert Museum, Londres.

十七世紀末,耶穌會教士自中國寄出的最後一些書信,可助我們以更確切的方式來考察中國藝術對歐洲的影響。倫勃朗之後的幾十年, 中國藝術雖然只是在所謂〝高貴〞的繪畫領域或一些特殊的情況下偶爾一見,但它在歐洲的影響已更形顯著。這些影響的事例枚不勝舉,現就其犖犖大者,略舉一二加以探討。以這些書信為基礎,在羅馬開始了被稱作漢學的最初研究。 1935 年,著名的德國耶穌會教士、出類拔萃的埃及學家、以顯微鏡觀察細菌的第一人 Athanasius Kircher (1602-1680) 開始對他僑居中國的同儕寄來的資料著手進行研究。自 1667 年始,他發表了《 China illustrata 》,這是以這些書信為基礎,匯集了當時對中國所能知的一切資訊的百科全書。書中包含了許多地圖、有關中國神話的繪畫如龍以及佛道兩教的眾神。該書強調了以景教徒開始早期基督教在中國的傳播,並聲稱中國人是挪亞的長子閃的後代, 孔夫子即為赫爾墨斯,化身為摩西。並認為漢字是古埃及象形文字的蛻變。請注意,埃及的象形文字被視為一種象徵、神秘的書寫方式,而在 Kircher 的系統裡,漢字則因其只直接表達思想,而未被用來表達宇宙的神秘而被視為與埃及的象形文字相比略遜一籌。在將中國視為可能的盟友而非應征服的敵人的長長的歐洲知識份子的隊伍裡, Kircher 可謂首屈一指第一人。


• Goffrey Kneller (1647-1723), Le Converti chinois, 1687, huile sur toile, 212,1 x 132 cm
Collection Royale, Windsor.

Kircher 的一些雕刻均受由另一位耶穌教會神父帶回來的中國繪畫和木版畫的影響。據邁克爾.沙利文 (Michael Sullivan) 之見,他的其中一幅木刻竟是一幅表現道教神衹的中國木版畫的不折不扣的複製。毫無疑問,從畫的風格來看,這的確是一幅毫無變化的原作的直接模仿。但另一幅表現一位年輕中國仕女的畫則有明顯的變化。沙利文不無理由的認為,這是在歐洲製作的具中國古老山水畫傳統的繪畫。的確,在年輕女子依偎著的桌面上,展開了一幅長卷,卷上展現了一幅精美的畫,這是一幅簡單山水畫的精巧複製,草木岩山點染其中,那輕盈的演繹手法很快便流傳開來。畫上的漢字雖說筆劃謬誤,卻出自一個相當熟悉中國書法的人的手,它在畫上的出現,無非是想表現〝優雅〞,而這也合乎邏輯,因為 Kircher 是他那個時代的歐洲認識漢字的寥寥幾個學者之一。

這種混合模仿有時極其精確,但卻充滿歐洲風味,這成了歐洲裝飾藝術借助中國圖像創作時的準則。當我們對表現佛教的畫和表現室內家居生活的畫作比較時,不禁要問 Kircher 以及那些為《 China illustrata 》一書作畫的耶穌會教士究竟根據甚麼準則來決定哪些形象應加以變化。答案卻很簡單,神佛只是宗教形象的資料性表現,因此也極具偶象崇拜性。它只是表現了中國人在宗教上的迷誤,因此無需作進一步的闡釋。這些畫是〝野蠻〞的,也就是說最接近原作風格,中國人在精神上的誤區也顯露無遺。而閨閣中年輕仕女的形象卻只能按歐洲人的理解來表現。由於歐洲人對中國的木刻版畫無法理解, 欲用中國版畫的技法進行創作實屬枉然。

兩個分別於十七世紀和十八世紀來歐洲的中國人,他們的到來被廣泛記載(十八世紀其他旅歐的中國人,一般都是些曾在僑居中國的歐洲人家庭幫工的傭人,他們的存在只是在一些畫裡見到,至於其行蹤卻未為人記載。)但他們中沒有一個能夠或願意向歐洲的藝術愛好者介紹他們國家的繪畫。第一個人名叫 Shen Fu-tsung (他的中文名字已失傳)由柏應理神父 (Pre Couplet) 於 1684 年帶到巴黎來。他的大部份活動都有所記載。他在凡爾賽宮為法王示範如何使用筷子,並向皇家學院一群學者演示如何以毛筆書寫漢字。他前赴英倫,第一個向牛津大學的 Bodlin 圖書館講解如何打理和收藏中國典籍。也就在英國,著名肖像畫家 Godfrey Kreller 為他造像。時值 1687 年,他大約二、三十歲,曾於澳門接受教會教育。因此,他可能認識吳歷 (1632-1718) ,這位清初著名的正統派畫家之一,他亦是在澳門接受神職教育的。但他們究竟有否相遇相識,人們一無所知。原因是 Shen Fu-tsung 在中國繪畫或整體的中國藝術領域,沒有留下任何痕跡。


• Johann Zoffny (1733-1810), Les académiciens royaux, 1772, huile sur toile, pas de dimensions données. The Royal Collection, Londres.

第二個來歐洲的中國人是唯一從事藝術活動的。他於 1769 年來到英國, 1771 年重返故國。這便是 Chitqua ,或稱 Tan-Che-Qua 。他是廣州一名手藝人, 其作品屬現稱之為〝中國商業繪畫〞之類,雖說他亦擅長泥塑彩繪。根據有關他的藝術活動的文獻,他在英國的一些經歷亦有相當翔實的記載。至少已知他有兩幅畫像,一幅由 John Hamilton Mortimer (1740-1779) 製作。另一幅小肖像則是在 Johann Zoffany 完成國畫院畫家群像後,再加上去的。另一幅由 David Garrick 製作的泥塑人像,如今藏於倫敦 Victoria 和 Albert 博物館,十分吊詭。過去一直以為是 Chitqua 之作。一個比較正確的日期, 認為泥塑製作於 1740 年,但這時他尚未在倫敦。 然而應探索一下這座小雕像的源頭,問一下有誰如此熟悉像主的面容輪廓,製作出如此逼真的塑像來。但觀這座雕像的風格及乘載著它的小傢具,很清楚是〝中國商業繪畫〞產品,無疑是在廣州眾多的手工藝坊中的一家製作的。我們知道,中國的手藝人完全有能力根據歐洲人帶來的樣辦製作出這些塑像。因此這座泥塑人像無疑就是以這種方式製作的。

廣州製作的這些小塑像並不揭示個人風格,全靠上面的簽名辨認作者身份,但通常這些簽名是塑像所有人的,而非製作藝人的簽名。 Chitqua 在英國尤其在皇家美術學院期間,並未對歐洲人認識中國繪畫作出任何貢獻。歐洲人對他感興趣,只因他是中國人,因此富異國情調,以及他在雕塑方面所展露的才能。在中國人眼裡,他的作品不屬高尚藝術,對中國經院派畫家和雕塑家而言,他的作品介乎藝術和手工藝之間,不登大雅。因此,在中西藝術的交流中, Chitqua 只是一個無足輕重的次要角色。