Poésie
Texte : Gérard Henry

Aimé Césaire, nègre resteras

J'entends de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit d'un qu'on jette à la mer… les abois d'une femme en gésine… des raclements d'ongles cherchant des gorges… des ricanements de fouet… des farfouillis de vermine parmi des lassitudes.
— ( Cahier d'un retour au pays natal )

« Le poète est cet être très vieux et très neuf, très complexe et très simple, qui, aux confins vécus du rêve et du réel, du jour et de la nuit, entre absence et présence, cherche et reçoit dans le déclenchement soudain des cataclysmes intérieurs le mot de passe de la connivence et de la puissance. » (Aimé Césaire)

Chaque jour, depuis des années, Césaire recevait le matin dans son bureau de la mairie de Fort-de-France tous ceux qui s'étaient déplacés pour le rencontrer, puis après un déjeuner frugal, il montait lentement dans la voiture conduite par son chauffeur afin de se promener encore dans son île tant aimée. Il s'arrêtait souvent au sommet d'une colline d'où l'on voit à droite la mer des Caraïbes et à gauche l'océan Atlantique, ou sous le feuillage d'un énorme fromager « Le motif végétal est un motif qui est central chez moi, l'arbre est là. Il est partout, il m'inquiète, il m'intrigue, il me nourrit. » Aimé Césaire a dû quitter cette nature ce jeudi 17 avril, laissant désormais son île orpheline et un vide immense dans sa Martinique. Sa disparition donna lieu à d'innombrables hommages de nos hommes politiques, grands lecteurs de poésie comme chacun le sait et à une ferveur populaire jamais vue pour saluer la mort d'un poète.

Aimé Césaire naquit à Basse-Pointe en Martinique, en 1913. Son grand-père fut le premier professeur noir de l'île et sa grand-mère, chose rare à cette époque, savait lire et écrire, transmettant à ses petits-enfants le goût de la lecture et de l'écriture. Le père lui aussi était enseignant et la mère couturière. Aimé Césaire entrera au lycée Victor-Schœlcher de Fort-de-France puis partira pour la classe d'hypokhâgne du lycée Louis le Grand à Paris en 1931, « j'avais ressenti le besoin urgent de m'échapper. J'étouffais dans la petite société coloniale qu'était la Martinique avec ses mesquineries, ses ragots, ses préjugés et sa hiérarchisation en classes et en races. Bref, je m'y emmerdais profondément. J'ai donc foutu le camp avec joie. » A Paris, Césaire, le jour même de son arrivée croise dans un couloir un garçon, qui l'interroge en ces termes : « Bizuth, comment t'appelles-tu ? - Je m'appelle Aimé Césaire. Je suis de la Martinique et je viens de m'inscrire en hypokhâgne. Et toi ? - Je m'appelle Léopold Sédar-Senghor. Je suis Sénégalais, je suis en Khâgne. Bizuth - Il me donne l'accolade - tu seras mon bizuth. » Rencontre extraordinaire et profonde amitié qui durera jusqu'à la mort du grand poète sénégalais. Ensemble, ils étudieront le latin et le grec, liront Shakespeare et Claudel ainsi que les surréalistes, mais Rimbaud avec son « Je suis un nègre » ira droit à leur cœur. Césaire découvrira surtout les écrivains Noirs américains tels que Langston Hugues ou Claude Mckay et prendra conscience de la composante africaine de sa propre identité martiniquaise. Un jour de 1934, insulté dans la rue par un passant de « petit Nègre », il décide de fonder avec le Guyanais Léon Gontran Damas, le Guadeloupéen Guy Tirolien et les Sénégalais Senghor et Diop un journal, L'Etudiant noir, qui sera en quelque sorte le laboratoire de ses futurs engagements et où se forgera le concept de « négritude ». Pour lui ce concept sous-tendait l'ensemble des valeurs culturelles et spirituelles propres aux Noirs et revendiquées comme telles par eux et retournait en le positivant tout ce que le terme « nègre » contenait de péjoratif. Césaire avait aussi en mémoire cette scène qu'il vécut à son école primaire où, « assis à côté d'un petit bonhomme », il lui demanda ce qu'il lisait : « Nos ancêtres les Gaulois avaient les cheveux blonds et les yeux bleus… » et sa réponse : « Petit crétin va te voir dans une glace ! » Il avouait que « ce n'était pas forcément formulé en termes philosophiques, mais il y certaines choses que je n'ai jamais acceptées et je ne les ai subies qu'à contrecœur ».

Césaire précisera cependant : « Senghor et moi, nous nous sommes toujours gardés de tomber dans le racisme noir. J'ai ma personnalité, et avec le Blanc, je suis dans le respect mutuel ». Ceci se passait, ne l'oublions pas, dans les années 30 et le concept d'une « spécificité africaine, d'une spécificité noire » était des plus révolutionnaires. Les questions telles que « Que sommes-nous dans ce monde blanc ? » « Mais où est ce nègre dans tout ça ? » avaient pour réponse : « Le nègre n'y est pas. Tu l'as en toi pourtant. Il nous faut faire autre chose, une autre littérature, une autre poésie, car nous sommes des Nègres (…) Nègre je suis et Nègre je resterai. » La vie, quand même, est étrange et Césaire nous raconte qu'un soir de 1935, rentrant du théâtre où Jouvet donnait du Giraudoux, il échoue à la cantine de la Cité universitaire, sans plus un sou… « Vous ne mangez jamais de viande ? Vous n'avez pas d'argent ? - Non, mademoiselle, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de philosophie : je suis végétarien ! » Grand éclat de rire derrière lui : « Moi aussi je suis végétarien, pour la même philosophie. », c'était un Croate du nom de Petar Gubarina avec qui il se liera d'amitié et qui, rentré au pays, lui télégraphiera ces quelques mots « Aimé, qu'est-ce que tu fous à Paris ? Tu t'emmerdes, c'est l'été, viens me voir à Zagreb. » Il prendra le train et racontera que les paysages, la côte, la mer lui rappelaient la Martinique et que du troisième étage de la maison où il logeait, il apercevait une nuée d'îles… « Petar, regarde celle-là, c'est ma préférée, comment s'appelle-t-elle ? - Martiniska ! - Mais alors ! C'est la Martinique ! » Il était dans un pays qui n'était pas le sien et dont on lui dit qu'il se nomme Martinique… « Passe-moi une feuille de papier ! » ainsi commença-t-il Cahier d'un retour au pays natal , publié en 1939 dans la revue Volontés . Ce recueil, précédant les Chants d'ombre de Senghor, fondera réellement la « négritude » par son « grand cri nègre » à la phrase énergique fortement scandée où les images provocatrices alterneront avec des évocations apaisées célébrant son pays, l'amour, la nature et la quête de la liberté. « La poésie est le seul moyen que j'aie trouvé pour apprendre à me connaître. Je n'ai jamais très bien su qui j'étais et la poésie a été une perpétuelle conquête de moi-même par moi-même ». Césaire avouera aussi que par son tempérament excessif, explosif, il fallait que les mots jaillissent imprimés par le rythme qui l'habitait. En Afrique, dira-t-il, des lectures de son Cahier d'un retour au pays natal « seront accompagnées de tam-tams alors que les Martiniquais n'avaient pas particulièrement adhéré à sa poésie, la jugeant assez hermétique : « le plus étonnant, c'est que mes poèmes sont plus obscurs pour les lettrés antillais que pour les illettrés africains ».

Benjamin Péret préfaçant Césaire en 1942 verra en lui « le seul grand poète de langue française qui soit apparu depuis vingt ans » et une « poésie authentique qui jaillit de troncs pourris d'orchidées et de papillons électriques dévorant la charogne ; une poésie qui est le cri sauvage d'une nature dominatrice, sadique qui avale les hommes et leurs machines comme les fleurs les insectes téméraires… » André Breton dira de ce recueil en 1943 qu'il était « Le plus grand monument lyrique de ce temps. » Le surréalisme pour Césaire fut donc, à n'en pas douter, un moyen d'aller plus loin afin d'explorer son « être nègre » et le mener à la découverte d'un « nègre fondamental ». Ce concept de « négritude » malgré tout, n'aura jamais été une idéologie mais une méthodologie qui le servira à trouver la présence africaine en Martinique, et remarquons là aussi que Césaire attendra 1961 pour fouler enfin le sol de l'Afrique. La négritude était plongée en lui-même, exploration de sa peau noire et de son moi profond ainsi qu'un certain retour à la culture de ses ancêtres.

En 1939, Césaire rentrera en Martinique et avec quelques autres jeunes poètes lancera la revue Tropiques . En 1945, il sera sollicité par ses amis communistes à entrer en politique, et sera élu, sans trop y croire, sur une liste assez large pour un premier mandat municipal qu'il conservera d'ailleurs jusqu'en 2001, cumulant bientôt celui de député qu'il gardera jusqu'en 1993. Dans une Martinique affaiblie par le blocus de la guerre et où l'industrie sucrière peinait à survivre, il s'attachera à mettre en pratique ses idéaux allant de l'assainissement des égouts, à la modernisation de l'habitat sans oublier l'action culturelle. Il obtiendra aussi de la métropole la départementalisation de son île en 1946. En 1956, Césaire quittera le Parti communiste après l'invasion de la Hongrie pour fonder le Parti progressiste martiniquais dont il sera le président jusqu'en 2005. Césaire avait commencé à s'éloigner du Parti communiste en 1950, après son « Discours sur le colonialisme » et sa critique de « l'assimilationnisme » de celui-ci.

Sa vie politique ne mettra heureusement pas en sommeil sa création littéraire et il publiera Soleil cou coupé, Corps perdu et Ferrements, se tournant toutefois de plus en plus vers le théâtre. En 1944, d'un séjour de six mois en Haïti, il rapportera un essai sur Toussaint Louverture, héros de l'indépendance, et son chef d'œuvre La Tragédie du Roi Christophe qu'il travaillera jusqu'en 1963. La pièce met en scène l'ancien esclave devenu roi et l'échec d'une tentative de modernisation forcée qui, l'éloignant de ses racines, le mènera de la violence à la solitude. Le drame de Lumumba, plus dur encore, sera joué dans une Saison au Congo en 1966. Par la suite, il nous donnera une relecture de Shakespeare dans Une tempête, sorte d'allégorie anticipée du colonialisme, où brilleront tous les feux de son verbe théâtral ainsi que la plasticité de son talent de poète allant de la tragédie à la farce. En 1982, au seuil de la vieillesse, Césaire publiera Moi, laminaire, recueil élégiaque et quelque peu désenchanté, mais qui n'a rien perdu de son chant initial. Après, il ne s'exprimera plus que dans quelques entretiens exposant sa profonde lucidité politique et nous livrant sa conscience du chemin parcouru. Il deviendra une statue vivante, un « vieux sage », ou encore un « Saint-Louis des Tropiques » véritable « mythe de la littérature du XXe siècle » même si quelques-uns de ses « enfants » de plume, je veux dire Patrick Chamoiseau ou Raphaël Confiant auront essayé dans les années 90 d'opposer la négritude au concept de la créolité ou du métissage… Il n'y a pas très longtemps, il avait refusé que le lycée Victor Schœlcher de Fort-de-France soit rebaptisé de son nom, et depuis, il s'en est allé…

(…) J'ai des mains pour me tenir compagnie j'ai mes mains de queue de singe, j'ai mes mains d'assassin. J'ai mes mains de somnambule et parfois quand bat à mon pouls le laps du remords monté de l'Atlantide j'ai mes mains de coquillage j'ai aussi mes mains de guano qui sont si belles qu'on les appelle des sierras Nevadas j'ai mes mains de pigeon-vole j'ai mes mains de scaphandre j'ai aussi mes mains à bercer les petits-enfants qui viennent à moi car mon exercice le plus spirituel consiste à essayer de m'arrêter moi-même j'ai des mains de juste qui sous l'effet du mildiou n'arrivent jamais à maturation mes mains incendiaires mes mains bicolores mes mains à fièvre miliaire mes mains généralement quelconques mes mains de plongeur de perles qui ont l'habitude des profondeurs.

Pour les jours de pluie j'ai mes curieuses mains d'otaries que je ne décrirai pas car ce serait un sacrilège.

Les jours de fête j'ai mes mains somptueuses que l'empereur ancien revêtait à Cuzco pour accueillir le soleil j'ai mes mains qui sont des miroirs à mettre le feu à mes mains à servir d'épouvantail aux oiseaux du solstice

(extrait de Transmutation , poème non repris dans la version définitive de Soleil cou coupé , p. 252 -253 de La Poésie )

 

詩詞

艾默.塞澤爾 — 黑人永在

我聽到從船艙傳出的連串詛咒聲,臨死者的抽噎,被拋入大海的人的慘叫…… 臨盆婦女的哀號…… 那搔耙著喉嚨的指甲發出的聲音…… 鞭子的呼嘯…… 在疲憊不堪的人們身上躥動的虱子。〞(《還鄉手記》)

〝詩人是一位既守舊又前衛、既複雜又簡單的人。在夢幻與現實,白天與黑夜,空虛與存在的邊緣,在突如其來的內心的騷動中尋覓並獲得默契和有力的口令。〞— 艾默.塞澤爾

多年來,每天早上,塞澤爾在法蘭西堡市政府的辦公室裡接見專程來訪的人,接著在一頓便飯後,他慢慢地登上座車,由司機載著他在心愛的島上散步。他經常在一座小山崗頂上駐足,右邊是加勒比海,左邊是浩瀚的大西洋;又或者佇立在一棵巨大的美洲木棉樹濃密的蔭影下。他說〝植物永遠是我心中的最愛,樹就在這兒,她無處不在,她令我不安,她令我煩惱,她哺育我成長。〞今年的 4 月 17 日,詩人悵然作別這個大自然,從此馬提尼克島形影孤單,人去島空。政界人士、詩歌愛好者對他的離世深表哀痛, 民眾哀慟悼念之情前所未見。

艾默.塞澤爾 1913 年誕生於馬提尼克的 Basse-Pointe ,祖父是島上第一個黑人教師,祖母能讀會寫,這在當時實屬罕見。她把閱讀和書寫的興趣傳給了孫輩。父親也是一名教師,母親則是裁縫。艾默.塞澤爾進入了法蘭西堡的 Victor-Schoelcher 中學,後於 1931 年前往巴黎,入讀路易十四中學文科預科一年級。〝我急切想離開這裡。在馬提尼克這個小小的殖民社會裡,到處是平庸,流言蜚語、偏見、階級和種族等級,我感到窒息。總之,我深感厭煩。我很高興能一走了之。 〞在到達巴黎的同一天, 他在學校走廊和一個小伙子擦肩而過。這小伙子這樣問他道: 〝初哥,你叫甚麼名字?— 我叫艾默.塞澤爾,從馬提尼克來,剛剛報讀文科預科一年級。你呢?— 我叫利奧波德.塞達爾.桑戈爾,塞內加爾人,文科預科一年級學生。— 他擁抱我,並說:你是我的好朋友。〞奇妙的相遇,深厚的友誼,一直維持到這位偉大的塞內加爾詩人逝世為止。他們在一起學習拉丁文和希臘文,閱讀莎士比亞、克洛岱爾以及超現實主義作家的作品。而蘭波的《我是一名黑人》一詩直觸他們的心靈。 塞澤爾尤其發現了美國黑人作家如 Langston Hugues 或 Claude Mckay ,並意識到自己馬提尼克人的非洲屬性。 1934 年的某一天,他在街上遭人羞辱,被人稱作〝小黑人〞。於是他決定和圭亞那人 Lon Contran Damas ,瓜德羅普人 Guy Tirolien 以及塞內加爾人桑戈爾和 Diop 一起創辦一份名叫《黑人學生》的報紙。在某種意義上這是他未來戰鬥的實驗室, 也就在這裡形成了〝黑人性〞這一概念。對他而言,這概念是他們孜孜以求的整個黑人文化和精神價值的論據。這概念在自我完善的過程中將〝黑人〞一詞所包含的一切貶義的東西顛倒 了過來。塞澤爾永遠忘不了他在小學時代經歷的一幕。他〝旁邊坐著一個黑人小學生〞,他問他讀甚麼:〝我們的祖先高盧人金髮碧眼…… 〞他說:〝小傻瓜,拿面鏡子照照自己吧。〞他承認〝這句話沒甚麼哲理性, 但有一些東西我始終不能接受,於是只好逆來順受。〞


• Fort de France, Adieu à Aimé Césaire (ph. giroo.com

塞澤爾明確指出:〝桑戈爾和我,我們總是避免陷入黑人種族主義的泥淖。我有我的人格,和白人相處時,基於互相尊重。〞切勿忘記這一切發生在上世紀三十年代,〝非洲特性,黑人特性〞這一概念極富革命性。〝在這個白人世界裡 我們是甚麼?〞〝在這一切裡,黑人身處何方?〞對這些問題答案是:〝黑奴並不存在。只是你自己感到存在自己身上。我們應該做些別的事情,創造另一類文學,另一類詩歌,只因我們是黑人…… 我是黑人,並將永遠是黑人。〞生活畢竟是奇妙的。塞澤爾向我們這樣敘述道: 1935 年的某個夜裡,他觀賞完儒韋 (Jouvet) 演出的季洛杜 (Giraudoux) 的話劇後,離開劇院,走進大學城一家咖啡室,卻身無分文。〝你從來不吃肉的嗎?你沒錢吧?〞— 〝不,小姐,不是錢的問題,是哲學問題:我是一個素食者!〞他身後傳出一陣笑聲:〝我也是一名素食者,同樣出於哲學信仰。〞這是一個名叫 Petar Gubarina 的克羅地亞人,塞澤爾和他建立了友誼。這位克羅地亞人回國後給他發來一份電報:〝艾默,你在巴黎搞甚麼?你若感到悶的話,這個夏天來薩格勒布探望我吧。〞於是他乘上火車,一路向我們娓娓道來,沿途的山光水色,大海、海岸,令他想起馬提尼克。他從旅居的三層樓遠眺,望見一群小島。他叫道:〝 Petar ,你看那個小島,我真喜歡它,它叫甚麼名字?— Martiniska ! — 怎麼,也叫馬提尼克!〞他身在異鄉而那異鄉的小島卻叫馬提尼克…… 〝快給我一張紙!〞這便開始了《還鄉手記》的寫作。這書於 1939 年由 Volonts 雜誌社出版。這部先於桑戈爾的《影子之歌》 (Les Chants d'ombre) 的集子,以其節奏鮮明、強而有力的詞語發出〝黑人的吶喊〞,具煽動性的形象和謳歌祖國、愛情、自然和尋求自由的平和的召喚交融一起,真正形成了〝黑人性〞。塞澤爾說:〝詩歌是我至今找到的認識自己的唯一方法。 我從來都不太瞭解自己是誰,詩歌使我永遠自己戰勝自己。〞他還承認以他偏激、暴躁的性格,他的文字必須帶著他內心的節奏迸發出來。他說在非洲讀他的《還鄉手記》將配以達姆達姆鼓,而馬提尼克人並不特別投入他的詩歌,覺得它神秘費解。〝最令人感到驚奇的是,安的列斯的知識份子比非洲的文盲更覺得我的詩歌晦澀難懂。〞

邦雅曼.佩雷 (Benjamin Pret)1942 年為塞澤爾的書作序時指出〝他是二十年來用法語寫詩的唯一偉大詩人〞,〝是從腐爛的蘭花幹和吞噬死屍的電蝴蝶迸發出來的詩歌;是專橫暴虐的大自然的狂野叫喊,這自然吞噬著人類及其機器,正如一些花吞噬著魯莽大膽的昆蟲一樣…… 〞安德烈.布勒東 1943 年在評論這本集子時說,這是〝這個時代最偉大的抒情詩豐碑。〞毫無疑問,超現實主義令塞澤爾可更深入地探索自己的〝黑人性〞並引導他發現〝黑人的本質〞。〝黑人性〞這概念從來都不是一個思想體系,而是一種方法論,塞澤爾藉此在馬提尼克找到了非洲的存在。還應指出的是 1961 年,他終於踏足非洲土地。黑人性深深地嵌入他的靈魂,他探索著自己的黑色皮膚,內心深處以及回歸祖先的文化。

1939 年,塞澤爾回到馬提尼克,和幾個青年朋友一起,創辦了《熱帶》雜誌。 1945 年,在他共產黨朋友的鼓動下參政,並被委任第一屆市政府官員,這委任一直延續到 2001 年,並很快兼任議員直至 1993 年。由於戰爭,馬提尼克一蹶不振,製糖業苟延殘喘。塞澤爾專心致志於自己的理想,清理下水道,實現居住現代化,發展文化活動等。 1946 年並爭取到宗主國的認可,將馬提尼克劃為法國的海外省。 1956 年,在蘇聯入侵匈牙利之後,他脫離共產黨,並成立馬提尼克進步黨,任黨主席直至 2005 年。塞澤爾是於 1950 年發表了〝關於殖民主義的演說〞以及批判共產黨的〝介入〞之後,開始疏遠共產黨的。

所幸政治生活並沒有窒息他的文學創作 , 他發表了《 Soleil cou coup 》 , 《 Corps perdu 》及《 Ferrements 》等作品 , 但卻逐漸轉向戲劇創作 。 1944 年 , 在海地逗留的六個月期間 , 他寫了有關海地獨立英雄 Toussaint Louverture 的論文及代表著《克利斯托夫王的悲劇》 , 這個劇本一直到 1963 年才創作完竣。劇本描述古代一個奴隸如何變成國王,以及他的一場強行的現代化的嘗試的失敗,令他遠離他的根,使他由暴力走向孤獨。盧蒙巴的悲劇,更加沉重,在 1966 年創作的《 Saison au Congo 》一劇裡展現開來。後來,他重新解讀莎士比亞的《暴風雨》一劇,對殖民主義提前作了寓意,他的戲劇語言熠熠生輝,他詩才橫溢,悲情滑稽無所不能。 1982 年年屆七旬時,發表了《 Moi, Laminaire 》,這是悲哀失望的詩集, 但並不失早期詩歌的韻味。這之後,他只是在一些訪談中表達了深刻清晰的政治觀點以及敘述了自己的心路歷程。他成了活雕像,一名〝智慧老人〞,又或者〝熱帶的聖 - 路易〞,真正的〝二十世紀的文學奇蹟〞。即使他的晚輩作家如 Patrick Chamoiseau 或 Raphal Confiant 在九十年代曾試圖以黑人性來對抗克里奧爾性或雜交性的概念…… 就在不久前,他謝絕將法蘭西堡的 Victor Schoelcher 中學以他的名字命名,接著,他便絕塵而去……。

 

Les œuvres poétiques de Césaire ont été rassemblées en 1994 dans le volume La Poésie aux Editions du Seuil.
Jean-Michel Place a réédité d'autre part la revue Tropiques