37ème French Cinepanorama
Texte : Gérard Henry

Entre les murs avec Laurent Cantet

Laurent Cantet, le réalisateur de Entre les murs, palme d’Or du festival de Cannes 2008, était à Hong Kong le 4 et 5 novembre lors de la Conférence de presse du French Cinepanorama pour présenter à la presse hongkongaise son film, qui conte la vie quotidienne des élèves et d’un professeur dans leur classe d’un collège du 20ème Arrondissement de Paris à la population métissée. Entre les murs suscite un énorme intérêt dans le monde entier. Paroles a rencontré Laurent Cantet.

Entre les murs qui a été acheté par une quarantaine de pays, semble rencontrer un grand succès à l’étranger comme en France, en avez-vous été surpris ?
C’était l’un des points d’interrogation qu’on avait avant de montrer le film : Pouvait-il être partagé ? En fait, on y aborde des questions suffisamment universelles pour qu’elles soient partageables avec quelqu’un qui, à priori, n’est ni concerné par l’école, ni par la société française. Ce sont des questions qui ont à voir avec le rapport à l’autorité, à sa propre place dans une communauté, à la culture, à l’apprentissage, à la transmission. Des questions qui sont mondialement débattues. Il y a ensuite un côté documentaire qui peut être intéressant. Deux jeunes étudiantes chinoises m’ont dit à la sortie de la projection à Cannes que le film leur a donné une image de la France qu’on ne leur avait jamais montrée, et qui expliquait pourquoi quand, arrivée à Paris avec les images d’un pays de culture et de romantisme, elles n’avaient rien reconnu dans les rues.

Le film est très véridique, et dans le brouhaha de la classe, donne un sentiment total de réalité et de naturel. Il semble aussi que l’ironie joue un grand rôle dans le dynamisme qui l’anime. Comment l’avez-vous construit ?
J’ai eu l’impression dès le premier atelier fait avec les gamins qu’ils étaient aussi bons que dans le film. Notre peur a été de presque trop préparer les choses et de casser cette énergie et liberté qu’ils avaient face à la caméra. On a essayé à chaque fois de tester des situations qui n’étaient d’ailleurs jamais les scènes exactes du film car ils avaient l’impression de répéter un truc qu’ils avaient déjà fait. Mais on a fait des choses parallèles, des extraits que l’on pouvait réinjecter dans les séquences.
L’ironie, les gamins la manipulent très bien et savent aussi la décoder et François, leur professeur, face à eux, utilise aussi l’ironie. On le lui a souvent reproché, d’autres enseignants disant qu’on ne devait pas être aussi ironique, sarcarstique avec les élèves, que c’était un manque de respect.
Mais je ne crois pas que ce soit un manque de respect. Au contraire, face à des interlocuteurs qui sont capables de comprendre l’ironie, plutôt que de parler de manière affectée, autant parler comme on le fait dans la vie. François est quelqu’un qui manipule l’ironie, qui aime discuter, et il fallait garder cette vérité de lui-même aussi. Ce qui est drôle, c’est que l’ironie se retourne parfois contre lui et qu’il se trouve dépassé sur ce terrain par ses élèves. C’est assez beau aussi de voir que lorsqu’on est prof, on n’est jamais totalement maître de la situation, que l’on est dans une certaine improvisation et que cette improvisation pour la mener au mieux, on a intérêt à être soi-même dans ce moment.

Dans le cinéma d’aujourd’hui, Fiction et documentaire se rejoignent parfois, le cinéaste chinois Jia Zhangke par exemple pratique les deux genres sur un même sujet, pourquoi avez-vous choisi la fiction ?
D’abord, parce que j’aime raconter des histoires, j’aime les écrire, créer des personnages, les fabriquer avec les acteurs. C’est une partie du travail dont je ne veux pas me priver, c’est l’envie de décrire assez précisément notre monde mais en rendant peut-être partageable ce témoignage car il est incarné par des personnages qu’on essaie de rendre le plus riche possible. De plus si le film parle très précisément de la chose il ne le fait jamais de manière dogmatique. On n’est pas confronté à une thèse mais à une histoire avec des personnages qui cherchent leur place dans cette histoire et la vivent plus ou moins facilement. C’est un moyen de partager les choses plus directement que dans un documentaire où l’on aborde le sujet avec un regard plus analytique.

Puis paradoxalement, j’ai l’impression qu’on atteint plus de sincérité des acteurs quand ils sont protégés par un personnage. Quand on est devant la caméra d’un documentariste ou d’un journaliste, c’est soi-même qu’on met en jeu. Tout ce qu’on dit peut se retourner contre soi parce qu’on va être regardé pour ce qu’on est. Du coup, soit on se met un petit peu en avant, soit on embellit l’image qu’on donne de soi-même, ou alors la pudeur fait qu’on se met en retrait. Là j’ai senti que les élèves se sentaient protégés par leur personnage, qu’ils pouvaient y aller et atteignaient une plus grande sincérité que si je les avais interviewés.

Vos films se passent souvent dans un microcosme, Une entreprise dans Ressources humaines, une école dans Entre les murs, et touchent l’actualité de notre société, vous sentez-vous cinéaste engagé ?
Un film ne peut pas trop embrasser, quand on veut trop dire, on le dit mal, je délimite un espace dans le temps, une histoire sans trop d’éléments à prendre en compte afin de me concentrer sur le plus important, une description assez précise du milieu que l’on filme et créer des personnages auxquels on puisse s’identifier. L'école par exemple me questionnait, j’avais l’impression qu’il s’y passait quelque chose et que moi-même en tant que parent d’élève, je n’en étais pas témoin, car les enfants n’ont pas envie d’en parler, c’est un petit monde et se taire est pour eux une manière aussi de préserver leur indépendance par rapport aux adultes.
J’ai l’impression avec ce film d’avoir trouvé un certain équilibre, de me sentir à l’aise, d’y avoir trouvé une méthode de travail que je recherchais depuis longtemps.
Je recherchais cette liberté, ce rapport entre l’intime et le social, l’engagement personnel et la politique. C’est toujours le plus difficile à doser, mais c’est ce qui m’intéresse le plus parce que dans la vie je réagis comme cela aussi, je me sens très impliqué, très concerné par tout ce qui m’entoure, les questions politiques comme les questions concrètes. Mais en même temps je ne me sens pas militant parce que je n’ai pas de réponse définitive à donner à tout cela, j’ai plus de doutes que de certitudes. Et je pense que mes films sont construits sur cette idée là. On va regarder quelque chose, se poser des questions ensemble, mais les réponses viennent après et que ce n’est pas à moi de les donner. Mon rapport au réel, il est là, c’est montrer la complexité d’une situation.


第三十七屆法國電影節

與羅倫.康堤「牆內」的一席話

羅倫.康堤為2008年康城電影節金棕櫚獎得獎影片《Entre les murs》的導演。他在11月4日至5日法國電影節舉辦的記者招待會上為香港新聞界介紹了他的這部影片。電影敘述在族群雜居的巴黎第二十區一間中學課堂裡師生們的日常生活。該片在世界各地引起極大反響。《東西譚》借此機會採訪了羅倫.康堤。

《Entre les murs》一片已為四十多個國家所採購,無論在法國或在外國,都獲得極大成功,對此,你有否感到驚訝?
在電影上演前的確有這個疑問︰它是否為觀眾受落?影片裡我們探討的是相當普遍的問題,目的是讓既非教育界又非置身法國社會的人都能分享。我們所探討的問題有︰與上司的關係、與自己在群體裡所處的位置的關係、與文化、教育、信息傳遞等的關係。這些都是在世界各地普遍探討的問題。這裡應當提一提一件相當有趣的事情。兩個中國女大學生在康城觀賞了影片後對我說,影片給她們一個從來沒有人向她們展示過的法國形象,這就難怪她們抱着一個富文化和浪漫氣息的法國形象來到巴黎後,在街頭竟發覺貨不對辦了。

電影非常真實,在亂哄哄的課室裡,給人一種真實和自然的感覺。但在這充滿活力的氛圍裡,似乎諷刺起了很大作用。你是怎樣製造這個氣氛的?
從一開始我便覺得這些孩子在訓練班的實習綵排和在電影裡的正式演出一樣精彩。我們生怕準備的太多以及削弱了他們在攝影機前的活力和無拘無束。我們每次都測試一些絕不會在電影中出現的場景,這時孩子們好像重複做着他們早已做過的事情。我們採取平行拍攝的手法,將一些片段插入正式電影的鏡頭裡。
孩子們對嘲諷運用自如,並善於解讀。而他們的老師弗朗索瓦面對他們也調侃起來。這常遭人責備,其他老師說不應和孩子們一起胡鬧,這樣有失尊嚴。
我不認為這是一種不敬。相反,和懂得諷刺的人對話,與其矯揉造作,不如像平常一樣自然。弗朗索瓦是擅作諷刺、喜歡交談、努力保持真我的一個人。有趣的是他嘲諷別人反而被人嘲諷,在這方面學生們可謂青出於藍。同樣有趣的是我們看到,做一名教師,而又永遠無法完全控制場面,需臨時即席發揮,做出安排,把事情搞好,這種時候大家都願意做回自己。

現今的電影,虛構片和文獻紀錄片常交織一起,如中國電影製作人賈章柯即為一例,他運用兩類電影表達同一主題。而你為甚麼會選擇虛構的故事片?
首先,我喜歡講故事,寫故事,創造人物,和演員們一起創造人物。這是我不能被剝奪的工作。 我想精確地描繪這個世界,儘量使故事中的人物有血有肉、豐富飽滿,為觀眾所接受。此外,如果影片針對某一主題進行探討,也不能太說教。我們不是在寫論文,而是和人物一起創作故事,人物在故事中尋找自己的定位並體驗這個故事。這比紀錄片更能直接和觀眾分享,在紀錄片中是以分析的角度探討問題的。

弔詭的是,我覺的演員在飾演一個人物時,他好像得到保護,因而能演得更真實。而在紀錄製作者或記者的攝影機前,他是以自身現人,被看到的是真實的自己,因此聽到的全是針對自己的話。這樣便有兩種可能,或自己更進一步,美化自己的形像,又或者出於靦害羞,往後退縮。我覺得這班孩子感到自己隱身在角色背後,得到保護,因此他們比我對他們進行採訪時表現得更好、更真誠。

你的影片常在微觀世界中進行,如《人力資源》是在一家企業,《Entre les murs》則在課堂裡,緊扣社會現實。你認為自己是不是一位積極介入社會的電影藝術家?
一部電影不能探討太多的問題,說得太多,反而說不好。我將故事限制再一定的時空裡,不會有太多應探討的因素。這樣,我便可集中精神,精確地拍攝故事環境,創造出觀眾可認同投入的人物角色。比如說學校便令我感興趣,我覺得其中發生一些事情,雖然我身為學生家長,亦不得要領,因為孩子們不願多說,這是他們的小天地,緘默不語是他們遠離成人,保持獨立的一種方式。

透過拍攝這部影片,我好像找到某種平衡,使自己感到更自在,從中找到了一種我尋覓多時的工作方法。我尋找這種自由,這種私人與社會,個人干預與政治的關係。雖然份量難於掌握,但我卻樂在其中。因為在生活中我亦如此,我覺得自己很投入,對週圍發生的一切十分關心,不管是政治問題或者是具體問題。但我不認為自己是一名戰士,因為對這一切我不能給以最終答案,我是疑惑多過確信。我認為我的電影就是建立在這個思考基礎上的。人,們在影片中看到一些東西,一起提出一些問題,最後找出答案,但不是由我來給答案。我和現實的關係就是這樣,指出情況的複雜性。