Peinture
Texte : Gérard Henry

Les Riches Heures de Wong Yan-kwai

A ses heures perdues dans la tranquillité de son atelier, le peintre Wong Yan-kwai délaisse ses grands tableaux et s’assoit à sa table devant ses petits pinceaux. Il écoute un instant le cri perçant d’un faucon qui descend en vrille vers la mer, le désir aiguisé par le reflet d’argent d’un poisson imprudent, puis le silence retrouvé, il prend sur une étagère une lourde bible qu’il ouvre au hasard.
Et lentement il recouvre la surface de la page de couleurs fortes : bleus de nuit, verts gonflés d’ombre, rouges veloutés et gris tempête. Des éclairs lumineux strient parfois les pages, l’or y brille. C’est un long voyage aveugle au travers de ces milliers de mots à ses oreilles inintelligibles.

A chacune de ces pages, il raconte une histoire qui a oublié ses mots, une histoire toute de couleurs. Ou peut-être est-ce la magie de chaque instant qu’il saisit sur le papier chiffonné du vieux livre : le pan sombre d’un nuage, les cris des garagistes, un oiseau apeuré, un avion qui strie le ciel.

Comment savoir, il ne dit rien, il se tient dans le silence.
Seule la main trempe le pinceau dans la couleur, va vers la feuille, s’étonne de la douceur du papier, se pose, un instant pensive et, vivement, s’amuse sur un grand trait bleu.
Un jour il parle :
« Un ami allait mourir, isolé à l’hôpital, il refusait toute visite.
« Il lisait la bible.
« Je ne sais pas prier, ni lire ces mots. »
« Alors je lui ai dit : je ferai un un bout de ton dernier chemin avec toi, je t’accompagnerai à ma façon »

Et c’est ainsi qu’il prit la lourde bible qu’une main généreuse en passant lui avait offerte et dont il ne savait que faire.
Et chaque jour sur l’établi devant sa fenêtre, il ouvrait le gros livre sur une nouvelle page et de ses pinceaux faisait quelque pas en compagnie de son ami.
Un voyage dont eux seuls connaissaient les chemins.
Puis vint le dernier jour, son ami comme une chandelle fragile, s’éteignit.
Alors il referma le livre et le remit à sa place, lourde forme noire anonyme dans l’ombre des étagères.

Wong Yan Kwai est l'un des artistes les plus marquants de sa génération. Après des études aux Beaux Arts de Paris et un début de carrière à Montparnasse, il rentre à Hong Kong en 1979. Il construit au fil des années une œuvre peinte, exigeante et personnelle, qui se traduit par de grands tableaux, paysages intérieurs où il recherche constamment un équilibre, une vibration qui sont le nerf de sa création : « Peindre, c'est comme marcher sur un fil, le fil est un trait immobile mais dès que tu poses le pied dessus, il entre en mouvement, il faut alors sentir les vibrations de la corde et apprendre à garder l'équilibre, le parcours est toujours différent… La ligne la plus touchante est l'horizon, mais l'horizon n'existe pas, tu peux le voir, mais jamais le toucher. Dans un tableau, il peut exister en plusieurs endroits… »

Le Musée de l'université de Hong Kong, après une première exposition en 1991, montre ses nouveaux travaux. Parmi ceux-ci, un objet insolite que nous présentons ici, une série de 71 petites peintures à la gouache sur une vieille bible, œuvre magnifique aux couleurs profondes qui fait penser aux livres d'heures du Moyen âge.



繪畫

黃仁逵的華麗時光

在他畫室的寂靜裏迷失的時光中,畫家黃仁逵擱下他一張張大型的畫作,坐到桌子上一支支小畫筆前,傾聽一會兒鷹的尖叫:大鳥盤旋下飛,向海翺翔,牠的欲望被冒失的魚銀色水影燃燒起來。當安靜重臨,畫家在書架上拿出一本厚重的聖經,隨意地翻閱。
慢慢地,他在聖經頁上塗蓋強烈的色彩:夜的藍,影子漫溢的綠,絲絨的紅和暴風雨的灰。亮麗的閃光有時候畫過書頁,金光閃耀。這是一個長長的失明的旅程,畫家以不明不聞不懂的耳朵通過成千上萬的文字。

在每一頁上,他訴說一個忘記文字的故事,一個色彩彌漫的故事。也許是他抓住每一刻幻美的時光,繪畫到老書的皺頁上:一片雲的陰暗面,一聲聲車房工人的叫囂,一隻顫抖害怕的小鳥,一輛畫破長空的飛機。

誰知道他在想什麽畫什麽,他不說,他在寂靜中沉默。只有拿起畫筆的手,蘸到色彩裏,投向書頁上,對紙上的色彩感到驚訝,停留,一刻思考,迅速地,在一大筆畫過的藍色裏遊樂。
他說:
 〝一個快要死亡的朋友,在醫院裏自我隔離,他拒絕所有探訪。
〝他閱讀聖經。
〝我不懂得祈禱,也不會閱讀那些文字。
〝我就跟他說:我和你走一段你最後的路程,我用我的方法陪伴你。〞

因此畫家便拿出了那一本厚重的聖經。那時候他還不知道怎樣使用的這本聖經,是一雙慷慨的手到他畫室送給他的。
每一天在窗前的工作臺上,他翻開那本厚書新的一頁,用畫筆陪伴他的朋友走一段路程。
這個旅程,只有他們倆才懂得路途。
然後,最後一天來臨了,他的朋友像一支顫柔柔的蠟燭,熄滅了。
而他把書合上,放回原位。這厚重的,黑的,不知明的物件,便躲藏在書架的影子裏。

黃仁逵是他那一個年代中最突出的藝術家之一。在巴黎美術學院畢業後他在蒙帕拿斯開始其藝術創作生涯,後於1979年回到香港。隨着年月,他建立了一種手法嚴謹及非常個人的繪畫風格,他在巨型的畫布上繪畫一些內在的景色,並在當中不停地探索某種平衡的狀態,某一種的震動,而這震動正好就是他的作品之脈膊︰〝畫畫,就好比走鋼絲,鋼絲是一條固定的線條,一經將腳踩上去,它便搖動起來,你必須感知掌握鋼絲的顫動,努力保持平衡,每次的過程都是不一樣。世上最感人的線條是水平線,但水平線並不存在,它是一條可見但永遠不可及的線條。在一幅畫裡水平線可在不同處出現……〞

香港大學美術博物館自1991年首次為他舉辦展覽會後現今再次展出他的新作。是次展出的作品中包括一件我們在這裡介紹,異於尋常的物件︰在一本舊聖經內繪畫71幅色彩深濃艷麗的小幅畫作,它們使人聯想起中古時代的祈禱書。