Danse contemporaine 現代舞蹈
Texte : Gérard Henry

Le Corps blanc de Ea Sola
愛雅.素拉:〝白色身體〞

La chorégraphe franco-vietnamienne Ea Sola aime aller directement à l'essentiel. La danse est pour elle incitation à penser et à changer notre monde. Dans sa nouvelle pièce coproduite par le Hong Kong Art Festival, le Théâtre de la Ville de Paris, les festivals de Hollande et de Auckland et le Théâtre Groningen, elle remet sur scène l'un des penseurs les plus originaux et toujours malheureusement d'actualité : Etienne de la Boétie et son Discours de la servitude volontaire écrit au XVIe siècle.

Ea Sola avait présenté en l'an 2000 à Hong Kong Voilà, voilà, le dernier volet d'une trilogie qui comprenait sécheresse et pluie, et Il a été une fois après avoir vécu trois ans dans un village du nord du Vietnam recherchant des femmes connaissant les danses d'avant la guerre. C'était une oeuvre sur la mémoire et la guerre, sur la tradition et la modernité. Œ uvre chorégraphique et musicale d'une beauté fière et austère, faite de pas glissés, de corps qui se courbaient comme le roseau, et qui réunissait diverses traditions musicales anciennes de chant et d'opéra. Pièce historique où l'intrusion de l'Occident sur le territoire vietnamien se manifestait par le chant d'un violoncelle, instrument étranger porteur d'une tout autre culture.

Ea Sola a eu un parcours peu commun et une enfance mouvementée et parfois traumatisante : « Tout ce que j'ai connu, c'est la guerre », dit-elle. De père vietnamien et de mère française, elle a grandi au Vietnam. En 1974, peu avant la chute de SaIgon, elle s'enfuit à l'adolescence, et gagne la France où elle devient chorégraphe. Ses œuvres questionnent la vie contemporaine, la modernité, le développement des sociétés occidentales et asiatiques et la place de l'homme face à ces changements.

Après une interruption de plusieurs années, ce nouveau spectacle Le corps blanc est ambitieux, il rend hommage à la fois à toute une tradition de pensée humaniste occidentale et questionne la modernité. Elle a choisi cette fois comme point de départ une œuvre fondamentale, le Discours de la servitude volontaire d'Etienne de la Boétie, écrit datant du 16 ème siècle.

« A mon arrivée à Paris, j'ai découvert des penseurs et j'ai été nourrie, écrit-elle. Le Discours de la servitude volontaire m'a fait grandir. Plus tard, je retournais au Vietnam, le livre entre les mains, menant mes recherches et concevant des pièces à partir d'un processus de réflexion sur la mémoire collective et la mémoire individuelle. »

Cet Etienne de la Boétie, qu'on appelle parfois le Rimbaud du moyen âge en raison de son génie précoce, est né en 1530 à Sarlat dans le sud de la France dans un milieu éclairé. Il écrit à l'âge de 18 ans ce fameux discours qui deviendra plus tard son œ uvre la plus célèbre. Il sera le grand ami de Michel de Montaigne et disparaîtra très jeune à 32 ans.

« Pour être esclave, il faut que quelqu'un désire dominer et quelqu'un d'autre accepte de servir… » C'est la base du discours dans lequel La Boétie se demande pourquoi les hommes aiment servir. Il y analyse les causes de la tyrannie, les différentes sortes de tyrans et les différentes raisons pour lesquelles les hommes servent volontairement. Ce discours aura une influence énorme dans l'histoire de la pensée et des différents mouvements politiques de libération, certains le considérant comme le précurseur intellectuel de la désobéissance civile et de l'anarchisme. Il montre aussi comment le système se maintient, chacun de nous répétant à son échelle les comportements de la tyrannie.

Dans le Corps blanc, Ea Sola met en valeur ce texte dit sur scène, en français, par deux récitants vietnamiens. Mais elle le rapporte à notre modernité, à nos servitudes contemporaines. C'est une pièce qui célèbre en même temps l'apport de la pensée occidentale, « le corps français, le corps européen, dans le parcours du corps mondial » et le sens de ce discours dans cette époque de mondialisation et de consumérisme. Elle s'interroge aussi sur la place de l'homme dans les sociétés asiatiques qui dit-elle dans une interview au South China Morning Post « sont peut-être plus capitalistes que les pays occidentaux qui à travers un long processus ont appris les valeurs de l'humanité, alors que les pays asiatiques ont tendance à oublier leur propre spiritualité et créer un fossé cruel entre les gens, sans ouverture d'esprit envers les autres cultures. »

Ea Sola ne différencie jamais danse et musique, qui est pour elle un rituel des cités modernes déjà inscrit dans le corps des danseurs. Elle s'associe dans ce spectacle au compositeur et percussionniste Nguyen Xuan Son.

Pour Ea Sola, à l'opposé de la tyrannie et du consumérisme, se trouve « l'art, le plus bel exemple de liberté. »

編舞家愛雅.素拉是一位法越混血兒。對她來說,舞蹈的作用是激發思考及改變我們的世界。在她與香港藝術節、巴黎市劇院、荷蘭藝術節、奧克蘭藝術節及格羅寧根劇場合力製作的最新舞蹈作品中,她將法國政治思想家博埃蒂( Etienne de la Boétie )寫於十六世紀的《論自願之奴隸》重新搬上舞台。

愛雅.素拉於2000年曾來港表演她的三部曲舞蹈作品的最後一輯《原來如此》,這三部曲的另外兩輯是《乾旱和雨》及《從前》,它們是她為了訪尋那些仍然記得戰前流行的傳統越南舞的婦女而花了三年時間在越南北部的一座村中生活後的成果。它們描寫的是回憶和戰爭,傳統和現代。這舞蹈及音樂作品散發着一種崇高與樸素的美感,舞姿緩慢,以柔軟飛快的手部動作及遊走滑行的步法表達意念,身形彎曲彷似風中的蘆葦。這舞蹈結合了幾種源於古老歌曲及歌劇的傳統音樂,是富歷史色彩的舞蹈作品,而像徵另一種文化的古怪樂器大提琴的音樂響起則代表西方世界入侵越南的領土。

愛雅.素拉有着不尋常的人生,童年生活在一個動盪和飽受蹂躪的國家中,她說︰〝我唯一認識的就是戰爭。〞父親是越南人,母親是法國人,她自小在越南長大。1974年,在西貢淪陷前不久,十來歲的她\逃亡到了法國,之後成為了編舞家。她用作品質疑現代的摩登生活,西方人及亞洲人的社會發展以及面對社會的改變人類如何自處。

經過潛修四年後,她的新作《白色身體》是極具野心之作,它一方面是向西方文明的基石︰自由意志,民主理念致敬,另一方面對現代化提出質疑。這次她的創作靈感是取材自法國政治思想家博埃蒂寫於十六世紀的《論自願之奴隸》。

她這樣寫道:〝當我來到巴黎時,發現了那些思想家,他們使我的心靈得到充實。《論自願之奴隸》使我成長。後來,我拿着這本書重回越南從事研究,以思考集體記憶及個人記憶為出發點構思了多個舞蹈作品。〞

這位博埃蒂因為他早熟的才華而有時被喚作中世紀的蘭波,他1530年在法國南部的薩拉出生,在一個有教養的環境中長大。他18歲那年寫了這篇後來成為他最著名的作品之論說。他是法國作家米徹爾.蒙田的摯友,年僅32歲便離開人世。
〝要成為奴隸,必須要有一個想支配人的人,也要有另一個想被支配的人……〞就是基於這論點博埃蒂思考人們為甚麼喜歡服侍人。他從中分析專橫霸道的成因,各式各樣的強權暴政,以及人們甘願服侍人的不同理由。他的論說在歷史上對不同的自由意志運動產生了深遠的影響。

在《白色身體》中,愛雅.素拉嘗試用舞台的聲光辨證博埃蒂的論說,並由兩位越南人以法語誦讀出當中的部份章節。但她將這論說帶回來給我們這摩登時代,我們現代人的束縛。這作品同時亦是歌頌西方的思想︰ 〝法國的身體,歐洲的身體,一同在世界的身體中行走〞 所帶來的貢獻,以及這論說對這摩登和消費時代的的意義。她同時亦思考人在亞洲社會中的位置,在一次接受《南華早報》的訪問中她這樣說道︰〝亞洲人可能較西方的資本主義更資本主義,原因是西方國家從長久的歷史進程中認識到人道主義的重要性,然而,亞洲國家的人很容易忘記他們本身的靈性,使人與人之間產生冷漠無情的分歧,對並別人的文化持封閉的態度。〞

愛雅.素拉從來不會將舞蹈和音樂區分開來,她認為音樂是現代都市生活的一種習慣,早以深印在舞蹈員的身體中。這次表演她請來作曲家兼敲擊樂演奏者Nguyen Xuan Son一同演出。

愛雅.素拉認為,與專制和消費主義相反的就是〝藝術,它是自由最佳美的例證。〞