Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Histoire d'un siècle de peinture et de sa pensée (3)

十七、十八世紀之間的中國︰興盛不衰 : 一個繪畫及其思想的百年史(三)
 
 

Cette idée de confrontation avec le passé exprimée par Dong Qichang, l’extraordinairement influent théoriste des Ming, aboutit à la pratique du fang 仿 (qu’il faut donc traduire par « copie interprétative », comme je l’ai déjà expliqué dans un précédent article de PAROLES) en peinture, qui ne ressemble à la copie que dans la mesure où le peintre pouvait garder une peinture ancienne à ses côtés pour le stimuler dans son interprétation. Cette pratique restait cependant différente de la simple copie puisqu’elle ne recherchait pas la ressemblance formelle. En fait, si l’œuvre ainsi obtenue pouvait ressembler, dans le regard du peintre, à l’original, ce n’était que dans la mesure où l’artiste avait su s’en dégager suffisamment. Dong Qichang explique cette pratique en ces termes : « Il faut ainsi faire une copie interprétative du (style de) pinceau du grand lettré Ni Zan (un des Quatre Grands Maîtres des Yuan). La méthode du pinceau de Ni Zan réside principalement dans sa façon de rendre les arbres et les bois comme s’ils se trouvaient au plus fort de l’hiver. La façon dont il peint les montagnes et les pierres provient du style de Guan Tong 關仝 (actif 907-923) et ses «rides de surfaces» ressemblent à celle de Dong Yuan 董原 (actif c. 932-976), mais tout ceci a été transformé (en son propre style). Pour étudier les Anciens, nous ne pouvons rien changer (à leurs œuvres), et pourtant celles-ci contiennent déjà tout (et nous sommes donc obligés d’y puiser ce que nous voulons dépeindre). Se séparer de ces œuvres pour ensuite y revenir, ce n’est que par la séparation que l’on peut obtenir la ressemblance. »

Cela signifiait donc que, malgré l’utilisation persistante et rituelle du passé, l’éclair de la vision interne ainsi provoquée était finalement celui du peintre même. La « copie interprétative », pour être efficace, exigeait des peintures sur lesquels le peintre pût méditer. Pour Dong Qichang, seule l’Ecole du Sud pouvait fournir ce genre de modèles, tout à fait opposés à ceux proposés par l’Ecole du Nord, qui étaient non seulement très hétérogènes mais aussi considérés comme inférieurs. Avec cette sélection très restreinte de maîtres anciens « corrects » (zheng 正), le terme « correct » étant généralement celui utilisé pour désigner les peintres « orthodoxes », il transforma complètement la base même de la tradition picturale tout en se désintéressant des problèmes de styles et de chronologie que son propre classement pouvait faire naître, tant il est vrai que cette vision de l’histoire de la peinture reposait sur des critères fort peu objectifs.

La relation du chan (zen en japonais, forme de Bouddhisme dont la création est généralement attribuée au moine Bodhidharma, (c.440 - 528) à la peinture repose sur l’identification intuitive de l’objet et de l’esprit, de l’expérimentateur et de l’expérimenté. Le désir d’expérimenter cette unité avec le monde est la racine même de la communion du chan avec la nature. Si ces mouvantes visions d’identité et d’unité doivent être transmises par la peinture, elles doivent l’être dans le temps le plus bref, car l’extase ne peut être soutenue longtemps. La clarté de la vision mentale et l’intensité de la réalisation sont toutes deux fondamentales au peintre chan. La technique de l’encre monochrome dans laquelle le pinceau peut se mouvoir avec la rapidité requise par la pensée est la seule idéale à l’expressionnisme de cette école.

On doit donc évoquer ici les aspects du bouddhisme chan qui eurent une influence directe sur l’art pictural. La plus haute vérité exprimée par cette doctrine était appelée le « Premier Principe » (di yi yi 第一義), il s’agit du niveau suprême, au sujet duquel, par sa nature même, il est impossible de dire quoi que ce soit. Quand on demandait à un maître chan : « quel est le premier principe? », il répondait : « si je pouvais vous le dire, il deviendrait le second principe ». Si la vérité ne pouvait pas être enseignée par les textes, ceux qui la cherchaient pouvaient néanmoins être aidés par les maîtres qui, grâce à d’énigmatiques remarques et des réflexions apparemment sans but, pouvaient diriger leurs disciples dans le bon sens. D’autres maîtres exprimaient le Premier Principe par un complet silence. Il existait de nombreuses méthodes pour cultiver ce qui pouvait aider à soulager l’esprit de tout ce qui n’était pas la nature, et ces méthodes devaient être pratiquées sans effort et aussi sans but défini. La « récompense » de cet effort était la bouddhéité, et, dans ce but, la méditation pouvait mener à une complète illumination. L’union avec le Premier Principe venait en l’éclair de la vision intuitive, appelée parfois par les maître chan « vision du Tao ». C’est dans cet éclair même que le pratiquant du chan était unifié avec la Suprême Unité et devenait lui-même le Tout. Cette expérience ne pouvait être décrite ni transmise par les mots, mais elle pouvait être suggérée par la peinture. Celle-ci pouvait mener l’observateur plus près de sa propre illumination.

Ainsi, les peintres qui étaient considérés comme n’avoir peint que l’apparence formelle des choses, le décoratif, ce qui est attaché au monde, étaient affiliés à l’Ecole du Nord, calquée sur l’école chan du nord liée à la Cour, tandis que ceux qui étaient censés n’avoir recherché que la réalité des choses et exprimé leur propre nature furent affiliés à l’Ecole du Sud, inspirée de l’école méridionale du chan. On verra cependant que les listes de noms appartenant à l’une ou l’autre école, si elle gardera une certaine stabilité tout au long du 17e et du 18e siècle, finit par connaître quelques changements vers la fin de cette période. On verra comment ces changements subtils provenaient cependant de profondes modifications de la pensée en générale.

Dans les Indications sur la Peinture (Huazhi 畫旨), Dong Qichang exprime ainsi les raisons de cette classification (on verra plus en détail plus tard comment cette liste fut modifiée pour des raisons différentes au 17e et au 18e siècle) : « Le bouddhisme Chan avait deux écoles, l’une du Nord et l’autre du Sud, qui se séparèrent pendant la dynastie des Tang. La peinture aussi a deux écoles, l’une du Nord et l’autre du Sud, qui se séparèrent aussi pendant la dynastie Tang quoique les gens qui les formaient n’avaient pas de relation avec le sud ou le nord géographique. Les peintres de l’école du Nord, c’est-à-dire celle commencée par Li Sixun李思訓 et son fils Li Zhaodao 李昭道 (deuxième moitié du 7e siècle) utilisaient la couleur pour faire des paysages. Elle fut continuée pendant la dynastie des Song par Zhao Gan 趙幹 (11e siècle), Zhao Boju 趙伯駒 (12e siècle), Zhao Bosu 趙白驌 (1124-1182), et ensuite par la génération de Ma Yuan 馬遠 (actif c. 1190-1225) et Xia Gui 夏圭 (actif 1194-1224). L’école du Sud commença avec Wang Wei 王維 (701-761) qui employaient des lavis d’encre, ce qui changea complètement la façon [de peindre]. Cette tradition fut ensuite transmise à Zhang Zao 張璪 (8e siècle), Jing Hao 荊浩 (fin du neuvième - début du dixième siècle), Guan Tong, Dong Yuan, Juran 巨然 (actif c. 960-980), Guo Zhongnu 郭忠恕 (c.920-977), le père et le fils Mi Fei 米芾 (1051-1107) et Mi Youren 米友仁 (1085-1165), jusqu’aux Quatre Grands Maîtres des Yuan (Huang Gongwang 黄公望, 1269-1354, Wang Meng 王蒙, 1308-1385, Ni Zan 倪瓚, 1301-1374, et Wu Zhen 吳鎮, 1280-1354). Comme après les Six Patriarches (dans la tradition du Bouddhisme Chan), il y eut une suite de grands peintres, puis leurs enfants et leurs petits-enfants qui surent perpétuer la tradition de l’école du Nord. Mais, par la suite, elle finit par se dégrader. Quant à (l’école du Sud), ce qu’on appelle «l’œuvre gravée sur pierre de pics et de nuages» de Wang Wei (c’est-à-dire la peinture de son jardin et villa gravée sur pierre), elle montre combien elle fut le produit d’une inspiration céleste avec son travail du pinceau si libre qu’il participe visiblement du mouvement créateur. Su Dongpo louait le travail gravé sur pierre de Wu Daozi 吳道子 (début du 8e siècle) et de Wang Wei en disant : «Entre leurs principes et le mien, il n’y a aucune différence.» ce qui montre bien ce qu’il pensait. »

 

這個由明代極具影響力的畫論家董其昌提出的與古畫相比較的思想,導致繪畫中〝仿〞的實踐,法文當譯作〝Copie interprétative〞,意即解釋性模仿。我曾在《東西譚》發表的一篇文章裡有詳細說明。這種模仿,只有當畫家擁有一幅古畫在身邊並從中獲得啟示時方能實現。由於這種模仿不求形似,因此與單純的模仿有別。如果在畫家眼中,這種模仿竟能逼肖原作,那畫家定已從原作中徹底超脫出來。董其昌是這樣描述這種模仿的︰〝此仿倪高士筆也。雲林畫法大都樹木似營丘寒林,山石宗關仝,而皴似北苑,而各有變局。學古人不能變,便是籬堵間物。去之轉運,乃由絕似耳。〞

這說明了雖然對前輩大師的作品頂禮膜拜,執意模仿,但由此激發的內審光芒,最終還是屬於畫家本人。被模仿的前人畫作必須是足以令畫家陷入沉思的作品,唯此解釋性模仿方為有效。在董其昌眼中,只有那些與內容蕪雜、低俗淺薄的北宗繪畫大相徑庭的南宗繪畫方能提供畫家值得臨摹的作品。入選的堪被摹寫的古代大師的作品極其有限,這些大師一般都被稱作正統畫家。〝正統〞一詞徹底改變了中國傳統繪畫的基礎。而對於將繪畫如此分類可能產生的風格和年代問題,卻不以關注。這種繪畫史觀所基的標准顯然極不客觀。

禪宗和繪畫的聯繫基於對物質和精神、實驗體和被實驗體的直覺的認同。 這種試圖與大千世界融為一體的願望正是禪宗和自然和諧統一的根基。如果這種認同和統一應由繪畫來表達,那也只能在剎那間完成,因為出神入化只是瞬間的事情。內心的感悟和創作的神速是禪宗畫家的兩大基礎。運用單色的技巧,令運筆和思想一樣神速,揮灑自如,這是此畫派理想的表現形式。

這裡應該談一談佛教禪宗對圖像藝術的直接影響。佛教表達的最高真理稱為〝第一義〞,這是最高境界,關於這,由以它的屬性,不可言喻。有人曾請教禪宗大師何謂〝第一義〞,答曰︰〝余若能回答,則為第二義矣。〞若此真理不能以文字傳授,則追求此真義者卻可從大師身上得到啟迪,他以謎般的偈語和飄渺無際的思想引導弟子走入正途。另有一些大師則以徹底的緘默來表達〝第一義〞。欲讓心靈從一切不自然狀態中解脫出來,可透過眾多方法達至。唯運用時則須任其自然,漫無邊際。這種努力的回報稱作〝佛性〞(la bouddhéité)。為達至此一境界,沉思冥想可通向大徹大悟。和〝第一義〞的結合來自剎那間的直覺感悟,禪宗大師們有時稱它為〝道悟〞(Vision du Tao)。就在這剎那間禪與最高境界合二為一,變成了宇宙萬物。這個經驗不可名狀,亦不可借言詞傳遞,但卻可透過繪畫予以暗示,引領觀賞者達至感悟。

於是,那些作品只求形似、供作裝飾的畫家被歸為北宗;而那些只追求事物真象並表達其本質的畫家則被歸為南宗。我們看到,無論南宗、北宗,畫家的隊伍十七、十八世紀均無甚變動,而在十七世紀末,卻有些許變化。這個微妙的變化源自總體思想所經歷的深刻變化。


• Dong Qicchang 董其昌(1555-1636), quatre feuilles de l'album Calliagraphie et Peinture Combinées Harmonieusement sur du Papier à Incrustation d'Or, 《書畫合壁金盞》, couleurs sur papier, 32.5 x 23.5 cm. Collection de Weng Wange.

在《畫旨》一書裡,董其昌是這樣闡明將繪畫如此分類的理由的(我稍後會詳細說明這些畫家名單如何在十七、十八世紀,由於種種不同原因而有所變動),他說︰〝禪家有南北二宗,唐時始分。畫之南北二宗,亦唐時分也,但其人非南北耳。北宗則李思訓父子着色山水,流傳而為宋之趙幹、趙伯駒、伯驌,以至馬、夏輩。南宗則王摩詰始用渲淡,一變鉤斫之法。其傳為張璪、荊、關、董、巨、郭忠恕、米家父子,以至元之四大家。亦如六祖之後,有馬駒、元門、臨濟兒孫之盛,而北宗微矣。要之,摩詰所謂雲峰石迹,迥出天機,筆意縱橫,參乎造化者。東坡贊吳道子、王維壁畫,亦云:‘吾于維也無間然。’知言哉。〞