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• Michel Houellebecq, Ph. collection particulière de l'auteur |
Michel Houellebecq est un homme aux visages multiples. Poète, écrivain, scénariste, réalisateur, il lui arrive aussi d’être chanteur, plus exactement de poser sa voix sur de la musique. Décalé, grinçant, agressif parfois, il est en tout cas une passion bien française. La sortie d’un de ses livres est un événement qui éclipse systématiquement le reste de l’actualité littéraire. La critique s’emballe. Pour certains, c’est un génie, un Camus, un Céline. Pour d’autres, c’est un poseur, un dandy imposteur. La critique passe son temps à chercher s’il est de droite ou de gauche, raciste ou misogyne, partouzeur ou pédophile. Et si, de tout cela, Michel Houellebecq n’avait que faire, si ce n’est que de savamment brouiller les pistes pour entretenir sa propre légende ? Car enfin, que propose-t-il qui à ce point divise la critique d’une façon tellement inconciliable ? Que nous dit-il de tellement irritant ? La réponse à ces questions est forcément complexe et plurielle, tant l’homme est fluide et se complait à échapper aux habituelles simplifications.
Avant tout, on peut lire les romans de Michel Houellebecq comme une entreprise esthétique cohérente qui s’emploie à déplacer notre perspective sur le monde contemporain. Dans un style de narration assez classique, il nous invite dans une ambiance de romans d’anticipation et sur le ton de l’humour tragique à nous arrêter un instant. Michel Houellebecq demande simplement à ses lecteurs de couper le téléphone, d’éteindre la télévision et de ne rien acheter pendant quelques instants en faisant « un pas de coté », et, dans ce décalage, de sentir la puissance de l’individu qui appréhende le monde du dehors de l’aliénation marchande. Pour lui, c’est ce pas de coté qui redonne du sens, qui nous fait reprendre conscience que la liberté de choix n’est pas la liberté, que libéralisé ne veut pas dire libre. Deux thèmes parallèles sont au cœur de l’enfer houellebecqien du présent : la marchandisation et le sexe. Pour lui le libéralisme économique comme le libéralisme sexuel crée des effets de paupérisation absolue. À la misère et au chômage répondent l’onanisme et la solitude. À la source de l’œuvre, donc, il y a la souffrance. Et la transformation du champ de la séduction en marché libéralisé en fait une souffrance d’ordre sexuel (Extension du domaine de la lutte, 1994), dont Michel Houellebecq entrevoit deux solutions possibles. Tout d’abord, dans un élan proche du bouddhisme, il s’agit d’anéantir la source du mal, le désir. Michel Houellebecq voit la science – la reproduction non sexuée, par clonage – comme une possible éradication du désir et des excès qu’il entraine (Les particules élémentaires, 1998). L’autre solution est l’institutionnalisation d’une économie planétaire du désir (Plateforme, 2001). Ainsi, en faisant un travail d’anticipation autour de sujets sensibles – clonage humain, tourisme sexuel, terrorisme – les romans de Michel Houellebecq font scandales. La critique l’accuse des pires excès et les noms d’oiseaux fusent sans retenue. Il y a autour de lui une tendance lourde à associer l’auteur d’un roman aux propos de son narrateur. Tendance qu’accentuent les louvoiements volontaires et certainement amusés de l’écrivain. Pourtant, si scandale il y a, c’est moins dans le futur proche que dans les prémisses qui y conduisent, à savoir le monde actuel. En pénétrant l’absurdité mercantile de la société moderne d’un regard analytique extrêmement précis, Michel Houellebecq ne fait que pousser au bout de sa logique le monde tel qu’il le lit et donne à ses lecteurs la distance critique nécessaire face au culte de la jouissance, logique culturelle du capitalisme tardif (Chassay, nc). Il cerne une société libérale dont le domaine de lutte s’étend désormais aux relations humaines dans leur quête d’amour et de sexualité débridée, sur fond de domination, de pouvoir financier, de peur et de mort (Robitaille, 2004).
Or, on trouve dans la charge de Michel Houellebecq contre l’idéologie du désir une rupture générationnelle qui explique une partie de la rage critique qu’il déclenche, en France en tout cas. Après 1945, la société occidentale s’est orientée vers une croissance exponentielle du monde du désir dont le point d’orgue idéologique se situe au tournant des années 1970. On croit alors que la consommation résoudra le problème du désir. Or, devant l’infini des possibilités de consommation, cette société n’arrive plus aujourd’hui à cacher son ennui, et est incapable de produire des valeurs allant au-delà de l’égotisme et d’un narcissisme socialement destructeur (Chassay, nc). Michel Houellebecq profane ainsi le régime du désir que des slogans comme « il est interdit d’interdire » ou « jouir sans entrave » ont durablement installé dans l’imaginaire social libéral. Il est systématiquement en porte à faux avec celles et ceux qui ont inventé ces slogans car il postule l’impossibilité du désir comme projet culturel universel et condamne le culte de la jeunesse (Abecassis, 2000). On l’accuse de toutes les perversités alors qu’il est le fossoyeur d’une idéologie de la consommation qui fait du sexe la réponse hédoniste au nihilisme existentiel (Versterberg, 2003). C’est le monde que Michel Houellebecq veut regarder dans sa propre nudité pour remettre de la hauteur dans le projet somme toute un peu mièvre de recherche du bonheur à tout prix.
En s’attaquant avec une lucidité infernale à la téléologie du quotidien imposé par le relativisme postmoderne, Michel Houellebecq constate un échec existentiel qui fait écho à l’échec de la société de consommation à créer du sens. Il n’y a plus chez lui d’alibi pour consommer, et le héros moderne doit s’orienter sur le chemin de la connaissance (Abecassis, 2000). La position de Michel Houellebecq est en fait une oscillation entre deux états de réception, la dépression et la sérénité. Le premier, négatif, correspond à la mélancolie de la perte du monde et de la fatigue d’être soi qui donnent un aspect noir et obscur à ses romans. Le second est au contraire nourri de l’espérance d’un monde meilleur et d’une confiance inébranlable en l’être humain au contraire du cynisme que trop de critiques rapides veulent voir en lui (Monnin, 2002). Michel Houellebecq n’est pas un nihiliste. C’est un idéaliste déçu dont le messianisme scientifique et la confiance dans le progrès renvoie au moralisme des Lumières du 18ème siècle. Enfin, Michel Houellebecq est l’auteur français contemporain le plus lu dans le monde. Ces romans sont traduits dans une trentaine de langues et ce succès sans doute confirme la justesse de sa position. Car, si Michel Houellebecq s’attache au départ à la dépression de l’homme occidental, et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le phénomène de mondialisation économique contemporain entraine la mondialisation du sentiment de dépossession, de perte de soi et d’inadéquation au monde comme il va dont il s’est fait le hérault. La globalisation du capitalisme rend universelle la froide lucidité houellebecqienne. Et la crise financière actuelle donne une nouvelle acuité à son analyse. Il est celui qui le mieux, raconte la réalité de ce libéralisme global amoral qu’on a pu croire émancipateur, et qui est devenu la condition de l’homme moderne. Il nous rappelle que le bonheur ne sortira pas d’un téléphone gadget ou d’un écran plat. Michel Houellebecq propose donc, sous couvert de romans d’anticipation, une phénoménologie du quotidien et une eschatologie métaphysique dont on sort un peu triste, mais plus lucide. C’est pour cela que, pour le meilleur et pour le pire (Monnin, 2001), il faut lire Houellebecq. |
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米歇爾.烏艾爾貝克可謂一個多面人。他集詩人、作家、電影編劇、導演於一身,同時還是一名歌手,或者更確切地說跟着音樂引吭而歌。他脫離現實、喜歡挖苦、有時極具挑逗性。總之在其身上體現出一種法國式的激情。他的書一經出版,便是一件大事,令法國文壇其他消息黯然失色。批評界聞聲而起,群情激憤。有人說他是天才,是當今的卡繆、塞利納。而另一些人則認為他是一個裝腔作勢的人、一個招搖撞騙的紈袴子弟。批評界花盡時間去確定他是右派抑或左派,種族主義者抑或厭惡女性的人、色情聚會的參加者抑或戀童癖者。以上這些或許均與他無涉,他只是攪亂線索、混淆視聽,以便創作自己的傳奇故事。那他究竟提出了甚麼,竟讓批評界如此對立,互不相讓?他究竟說了甚麼,竟如此激怒人?答案的確非常複雜多樣,因為他是一個飄忽不定的人,熱衷於逃避慣常的簡單化。
首先,閱讀米歇爾.烏艾爾貝克的小說,彷彿面對一個嚴謹完美的事物,它竭力把我們的眼光轉向當今世界。他以傳統的敘事風格將我們帶到幻想小說的氣氛中,悲劇性的諷刺口吻常令讀者稍停片刻。其實他只是要求讀者暫時不打電話、關掉電視機並暫時停止購物,稍稍“退後一步”,在這後退一步的空隙中,來感受個人對外面這個商品異化的世界的理解的力量。對他而言,這挪動的一步深含意義,令我們明白選擇的自由並非自由,自由化並非自由。在烏艾爾貝克現實地獄的中心有兩個平行的主題:商品化和性。他認為經濟自由化和性自由化一樣,製造絕對的貧困。對貧窮與失業的回應是自慰和孤獨。作品的源頭是痛苦。由誘惑轉向自由化市場,這種轉變產生性的痛苦(Extension du domaine de la lutte, 1994),對此,他看到兩種解決方法。首先,是極具佛教色彩的,即剷除罪惡的源頭:慾望。他還看到了科學的方法,無性生殖,以無性繁殖來根除慾望及其帶來的暴力(Les particules élémentaires, 1998)。另一種方法是全球色情產業制度化(Plateforme, 2001)。就這樣,他圍繞着這些敏感的題材:複製人類、色情旅遊、恐怖主義等進行創作,他的小說引起公憤,遭到非議。批評家指他宣揚暴力,謾罵之聲四起。對他有這樣一種強烈的傾向,即把他小說中人物的話和小說作者聯繫起來。作者刻意,並津津有味地運用的迂迴曲折手法更加深了這種傾向。然而,即使有不堪入耳的話,亦只針對眼前世界,而少有針對未來。他以極其敏銳的分析眼光透視現代社會功利主義的荒謬,只是將他所觀察的世界推向邏輯的盡頭,並予其讀者在面對這個資本主義社會發展的必然產物:享樂主義時,有一個必要的批判空間(Chassay, nc)。他勾勒出一幅自由主義社會的圖畫,在這個社會中,鬥爭的範圍從此擴展至尋求愛、放縱愛慾的複雜的人際關係中,而這是以權力、財富、恐懼、死亡為背景的(Robitaille, 2004)。
在米歇爾.烏艾爾貝克對性享樂思想的批判中,可見到兩代人的決裂,這部份解釋了他在法國引起的攻擊。1945年後,西方世界人慾橫流,艷幟高張,1970年達至頂峰。人們以為消費可以解決慾望問題,然而在漫無邊際的消費世界面前,今天,這個社會已無法隱藏它自身的苦悶,亦無法產生比孤芳自賞、自戀自大這種對社會具破壞力的情懷更有價值的東西(Chassay, nc)。米歇爾.烏艾爾貝克就這樣,貶斥那慾望的制度,它由“不准禁止”或“盡情享受”這些口號長期地建立在想像的自由社會中。他總是和這些口號的創作者對峙,處境危殆,他宣稱,沉溺於慾望是行不通的,正如文化全球化行不通一樣,並譴責青年的偶像崇拜(Abecassis, 2000)。儘管人們指責他邪惡,道德敗壞,但他卻是消費意識形態的掘墓人,消費思想將性變成一種享樂,以回應存在的虛無 (Versterbert, 2003)。米歇爾.烏艾爾貝克欲赤裸裸地透視這個世界,以便給他仍很稚弱的不惜一切尋求幸福的計劃更高的地位。
他非常清醒地攻擊由後現代相對主義提出的日常目的論,証實了現存的失敗反映了欲創造新意的消費主義社會的失敗。他迴避不了消費這個問題,當代英雄必須在認識的道路上明辨方向(Abecassis, 2000)。米歇爾.烏艾爾貝克其實是在兩種狀態:抑郁消沉及和平安詳之間搖擺。前者是負面的,與世界的沒落和生存的疲憊所引起的憂郁有關,賦予其小說陰郁黑暗的一面。另一面則截然相反,充滿對一個更美好的世界的希望、對人類不可動搖的信念,而遠非某些性急的批評家以為在他身上看到的犬儒主義(Monnin, 2002)。米歇爾.烏艾爾貝克不是一個虛無主義者。他是一個失望的理想主義者,其科學救世以及對進步的信念是十八世紀啟蒙思想家道德主義的迴響。最後,他是當今擁有最多讀者的法國作家,其作品被譯成三十多種語言,這成就確定了他的地位。如果說他以關注西方人的消沉開始,有因必有果,他亦是當代經濟全球化帶來的全球性的被剝奪感、失落感以及與這個世界的不適應感這些現象的預報者。資本主義的全球化令烏艾爾貝克的冷靜、清晰的分析具普世價值。而當下的金融危機更突顯了他的分析。他是將不道德的全球自由主義敘述得最好的一個人,曾幾何時,人們還將它視為人類的解放者,它卻成了現代人的生存條件。他提醒我們幸福不是來自手機、電腦這些小玩意。他借助幻想小說向我們提出了一種日常現象學及一種形而上的末世學,當然在探究一番後,未免令人感到憂愁,但會變得更清醒。因此,是好是歹,都應該讀一讀烏艾爾貝克。 |
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