Art et Histoire 藝術與歷史

Texte : Frank Vigneron

 
  Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence :
Histoire d'un siècle de peinture et de sa pensée (4)

十七、十八世紀之間的中國︰興盛不衰 : 一個繪畫及其思想的百年史(四)
 
 

Dong Qichang reprend ici la relation du véritable fondateur de la tradition lettrée sous les Song du Sud, Su Dongpo, avec les peintres des dynasties précédentes en qui il reconnaissait des précurseurs sans que ceux-ci aient une quelconque relation avec sa propre pensée picturale. Wu Daozi était un peintre bouddhiste de grandes peintures murales dont l’œuvre avait déjà complètement disparu à l’époque de Su Dongpo, ce qui est aussi vrai pour Wang Wei, pourtant reconnu par Dong Qichang comme le père de l’école du Sud. Seule des images gravées de leurs œuvres subsistaient à l’époque de Su Dongpo. On voit ainsi à quel point la classification de Dong Qichang reposait bien plus sur une vision militante de la peinture lettrée, qu’il représentait lui-même, que sur une véritable continuité stylistique ou théorique. En réalité, la tradition lettrée a été dès le départ une construction théorique faite de justifications du goût personnel de ses plus célèbres représentants : pour donner du poids à ses choix, Dong Qichang se devait donc d’utiliser une citation de Su Dongpo. Depuis les goûts de Su Dongpo jusqu’aux goûts de Dong Qichang, c’est dans leurs choix personnels que les autres lettrés ont trouvé un groupe d’œuvres et d’idées qu’ils ont jugé bons de perpétuer. On verra que les théoriciens du 18e siècle furent visiblement très conscients des bases subjectives de ce choix et tentèrent d’y substituer des fondations plus solides. Dans un autre texte, les Notes du Pavillon Chan de la Peinture (Huachanshi Suibi 畫禪室隨筆), Dong Qichang précise sa liste de peintre dans la tradition lettrée : « La peinture des lettrés commença avec Wang Wei. Puis, Dong Yuan, Juran, Li Cheng 李成 (c. 919-967), Fan Kuan 范寬 (990-1030) furent ses héritiers directs. Li Longmian李龍眠 (1049-1105), Wang Shen 王詵 (c. 1048- c. 1103), ainsi que Mi fei et Mi Youren [le père et le fils] vinrent tous [des styles] de Dong Yuan et Juran. Cette tradition fut perpétuée en droite ligne jusqu’aux Quatre Maîtres des Yuan, Huang Gongwang, Wang Meng, Ni Zan et Wu Zhen. Pendant notre dynastie [des Ming], Wen Zhengming 文徵明 (1470-1559) et Shen Zhou 沈周 (1427-1509) reprirent l’héritage de cette longue tradition. Si l’on parle maintenant de Ma Yuan, Xia Gui, puis de Li Tang 李唐 (actif c. 1100-1130), Liu Songnian 劉松年 (1190-1230) et du général Li Zhaodao 李昭道 (actif 7e siècle), ils ne sont pas des nôtres et ne méritent pas d’être étudiés. »


• Dong Qichang 董其昌 (1555-1636), Huit peintures de "petites scènes dans un paysage 《山水小景八幅》, feuilles d'album, encore sur papier, 29.4 x 22.8 cm. Musée de Shanghai.

On voit donc clairement que Dong Qichang, après avoir établi la dichotomie entre Ecole du Nord et Ecole du Sud, montra bien peu d’intérêt envers l’Ecole du Nord, immédiatement associée à une sorte de professionnalisme, commercial ou courtisan, incompatible avec les ambitions lettrées. C’est donc à la tradition de la Peinture des Lettrés (Wenrenhua 文人畫) que Dong Qichang adhérait et c’est dans ce cadre que leur théorie de la peinture fut élaborée. D’origine confucéenne et fort élitiste, cette théorie picturale lettrée était très tournée vers l’homme, le centre matérialiste de toute la philosophie confucéenne, et donc en pratique vers le peintre lui-même. Une sorte de culte de la personnalité s’imposa qui sous entendait que seul un homme profond et intuitif, dont toutes les qualités avaient été raffinées par la morale, une vaste culture personnelle et une longue expérience du monde, pouvait créer des images dignes d’être montrées. Par contraste, ces mêmes lettrés considéraient que les peintres professionnels, avec leur désir de maîtriser les techniques, leur amour pour l’habileté et la ressemblance, ne s’occupaient que des aspects superficiels de la peinture. Cette théorie de l’art exigeait ainsi que la personnalité de l’artiste fût cultivée et nourrie avant que celui-ci ne pût se consacrer à l’acte créateur.

Il n’est donc pas surprenant que, dans les traités de l’ère Qianlong comme dans ceux des époques plus anciennes, on trouve cette exigence constante de prendre ses distances avec le « vulgaire » (su ) et le banal, et peut-être bien plus encore de se prémunir contre son équivalent moral en peinture, le « souffle routinier » (xiqi 習氣), c’est-à-dire tout ce que le peintre réalise par habitude, sans penser et donc d’une façon mécanique et commune. On verra cependant que le rejet constant du concept de « vulgarité » provient aussi de changements profonds dans la façon de pratiquer la peinture, changements qui furent d’ailleurs en grande partie provoqués par la création d’une théorie partagée de la peinture lettrée. Le peintre idéal du 17ème et du 18ème siècle restait donc un humaniste, sage et érudit, adepte de la poésie et pratiquant la calligraphie, la gravure de sceaux et d’autres activités similaires, avec une intelligence et une sensibilité en harmonie avec son environnement.

Son caractère ayant été tempéré par une vaste expérience du monde, le peintre devait aussi être doté d’une intelligence aiguë et curieuse, capable de sonder les profondeurs de la réalité et de l’existence ; de cette façon, il ne pouvait considérer l’art que comme une extension, et non le centre, de son être même. Si la peinture devenait la préoccupation principale du peintre, un sentiment de culpabilité devait s’installer tôt ou tard. Il est possible de voir cette façon de penser dans l’exemple de la mère d’un des Excentriques de Yangzhou, Huang Shen. Celle-ci conseilla à son fils de se cultiver sérieusement dans le but de supprimer cette tendance au professionnalisme vers laquelle sa peinture semblait se diriger. Huang Shen lui même partageait cette opinion, et l’on peut voir dans ses œuvres poétiques un témoignage éloquent de son amour pour l’idéal du lettré.

La tendance orthodoxe de la peinture des Qing, avec à leur tête les « Quatre Wang », provient directement des théories de Dong Qichang puisque Wang Shimin fut un de ses disciples. A leur suite, ce furent les disciples et héritiers plus tardifs des Quatre Wang qui transmirent les idées de Dong Qichang à travers tout le 18e siècle. Dans l’ensemble, les thèmes traditionnels de la théorie picturale de Dong Qichang furent répétés par la théorie picturale du 18e siècle, l’idéal du lettré réaffirmé et la copie interprétative des œuvres de l’Ecole du Sud fut amplement pratiquée et conseillée tout autant par les peintres se considérant comme orthodoxes que par ceux préférant se voir dans la partie des individualistes.

 

董其昌於此再次提及文人畫傳統的真正奠基人南宋詩人蘇東坡和宋之前歷代畫家的關係,他視這些畫家為先行者,雖然他們與其繪畫思想無任何關係。吳道子是製作寺觀壁畫的佛門畫家,他的作品在蘇東坡所處的南宋已蕩然無存,王維的畫作亦不例外。然而董其昌卻推崇王氏為南宗鼻祖。吳道子和王維的畫作南宋時僅見一些木刻複製品。因此我們可以看到董其昌對繪畫的歸類更多的是依據他所代表的文人畫的積極繪畫觀,而非基於風格與理論的真正的延續性。

事實上文人畫傳統理論的建樹一開始便是此畫派著名代表人物審美觀的論述。為使自己的選擇更具理據和份量,董其昌引用了蘇東坡的言論。蘇東坡和董其昌均依照自己的審美觀審視畫作。其他文人則在他們所選的作品裡發現他們認為足於留傳後世和發揚光大的作品和思想。我們看到,十八世紀的畫論家非常清楚地意識到這種選擇的主觀性,並試圖予它更堅實的基礎。董其昌在他另一篇畫論《畫禪室隨筆》裡確定了傳統文人畫家的名單。

他說:〝文人之畫,自王右丞始。其後董源、巨然、李成、范寬為嫡子。李龍眠、王晋卿、米南宮及虎兒,皆從董、巨得來。直至元四大家黃子久、工叔明、倪元鎮、吳仲圭,皆其正傳。我朝文、沈,則又遠接衣鉢。 若馬、夏及李唐、劉松年,又是大李將軍之派,非吾曹所宜學也。〞

我們清晰地看到,董其昌將畫壇劃分為南北宗,並對北宗繪畫少有興趣。這畫派工匠氣重、商業味濃且媚俗,與文人的抱負格格不入。董其昌崇尚文人畫並在此基礎上建立了他的畫論。文人畫論基於儒學並極精緻,極具人性這個儒家的中心思想,因此在實際上亦關注畫家本人。畫論對人的品格極端重視,亦即唯思想深刻敏銳、道德高尚、學識淵博、閱歷豐富的人方能創作出足於示人的藝術作品。文人們認為那些專工技巧、追求形似的專業畫家只着眼於繪畫的表象。這個藝術理論要求畫家首先必須修鍊品性、精研學問,然後方能從事藝術創作。

因此,如果在乾隆年代或更久遠的畫論裡讀到不斷勸人擺脫〝俗氣〞,在繪畫裡則是遠離〝習氣〞,亦即畫家 憑習慣,不假思索,機械平庸地作畫的說教,也就不足為奇了。我們看到,這種始終如一、摒棄〝庸俗〞觀念的舉動,亦來自作畫方法的深刻變化,這種變化很大程度源自文人畫理論支派的出現。十七、十八世紀的理想畫家應是人文主義者,睿智、博學,詩、書、畫、篆刻樣樣皆能,並通情達理,與環境相融洽。他歷盡滄桑,人生經驗豐富,他還應具探索精神,目光敏銳,有本事洞燭人心世事深處。

如此,他視繪畫有更廣闊的意義,而非只為安身立命的中心。如果畫家一心只牽掛繪畫,那內疚之心遲早都會產生。關於這點,我們從揚州八怪之一黃慎母親的故事中可見一斑。黃母勸子修身養性,增長學識以便從作品日愈顯露的匠氣中解脫出來。黃慎非常認同母親的看法。我們從他非常詩意的畫作中見到他摯愛文人理想的強烈渲泄。

以〝四王〞為首,清代繪畫的正統傾向直接源自董其昌的繪畫理論,王時敏為董氏的入室弟子。接着是〝四王〞的弟子和繼承者,他們在整個十八世紀對董其昌的繪畫思想廣為宣傳。總的來說,董其昌畫論中的傳統主題均為十八世紀的繪畫理論所繼承,這是高雅文人的理想。而對南宗大師作品的臨摹則非常普遍,無論是自視為正統派的畫家抑或標榜個人風格的畫家均大力推崇。